Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article VOLTURNUS

VOLTURNUS. 1° Nom que les Latins donnaient au vent du Sud-Est, appelé Euros par les Grecs [GEOCRAPRIA, p. 1522, VENTI] ; c'est un vent impétueux, qui en Italie fait parfois de grands ravages, surtout pendant l'automne, dès la mi-septembre ; Lucrèce le qualifie d'altitonans'. On ne peut douter que son nom lui soit venu des tourbillons de poussière qu'il soulève (volvere) 2. Sous l'Empire, celui d'Eurus finit par prévaloir 2° Dieu du Volturne, cours d'eau qui arrose la Campanie, et qui passait près de l'ancienne Capoue. Nous savons que, comme beaucoup d'autres divinités fluviales, il a été, jusqu'à la fin des temps antiques, adoré par les riverains. Les autorités religieuses de Capoue se rendaient sur ses bords deux fois par an pour y célébrer des cérémonies publiques : le fer mai, la fête avait lieu à Casilinurn, qu'a remplacé la Capoue moderne ; le 25 juillet, un peu plus en amont, à l'endroit où de la route de Calatia, qui traversait la rivière sur un pont, on montait vers le temple de Diane Tifatine [BIANA] par filer Dianae; une LUSTRATIO formait chaque fois la partie principale de la solennité 4. 3° Un des plus anciens dieux indigènes des Romains ; il aurait été, d'après une tradition, le père de JUTURNA et le beau-père de JANUS'. Les calendriers mentionnent uniformément, à la date du 27 août, une fête annuelle célébrée à Rome en son honneur, les Volturnalia ; l'un deux précise même en disant : Volturno /lumini sacri ficium e ; le père de la nymphe JUTURNA était donc, comme on pouvait s'y attendre, un fleuve. Son culte était desservi par un flamine spécial, le /l'amen Volturnalis [FLAMEN, p. 1165] ce qui indique assez son importance. Est-il possible de voir dans ce dieu romain le fleuve de la Campanie? Reculant devant l'invraisemblance de cette hypothèse, Jordan a pensé que le Volturnus du Latium pouvait être le vent d'Est (voyez § 1) ; la mention formelle Volturno /lumini sacri/icium s ne permet pas de s'arrêter longtemps à cette opinion. Preller admettait bien que le Volturnus adoré à Rome était le cours d'eau de la Campanie; seulement son culte n'y aurait été introduit qu'en l'an 211 av. J.-C., lorsque Capoue, enlevée à Ilannibal et rudement châtiée de sa défection, perdit son autonomie; ses dieux auraient été alors, comme bien d'autres, transportés dans la cité victorieuses. Mais la tradition relative au Volturnus du Latium remonte évidemment à une époque beaucoup plus reculée 1° ; la meilleure preuve en est dans l'institution du /l'amen Volturnalis ; il n'a pu desservir que les autels d'une très vieille divinité autochthone, comme les autres fiamines mineurs chargés des cultes de CARMENTA, Falacer, Furrina, etc. [FLAMEN 1. C.] Une seule hypothèse reste possible, c'est que Volturnus soit un ancien nom du Tibre [TIBERIS, p. 299]11 ; en effet. on ne voit pas quel autre /lumen dans le Latium aurait pu être mis par les Romains au rang des douze divinités nationales assez importantes pour qu'on attribuât à chacune d'elles un flamine particulier. Le mot rappellerait donc par une image frac. volvere) « les tourbillons rapides du fleuve qui précipite vers la mer ses eaux jaunâtres, chargées de sable 12 ». Volturnus aurait été composé par le même procédé que Saturnus et Juturna 13. Peut-être même était-ce à l'origine un nom commun, dont on précisait le sens en y ajoutant Tiberis ou Tiberinus ; et ainsi s'expliquerait qu'il y ait eu en Campanie un autre cours d'eau du même nom". GEORGES LAFAYE.