Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

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AP.CI$AI (Amui), magistratures athéniennes. C'était une tradition fort répandue à Athènes que Thésée confia au peuple la direction des affaires, qu'il fut par conséquent le fondateur de la démocratie, et que cette forme de gouvernement se maintint sans interruption depuis les temps héroïques jusqu'à Pisistrate. Lorsque Pausanias parcourut, la Grèce, il vit encore sur un des murs du Céramique une fresque qui semblait confirmer la tradition, en montrant réunis dans un même groupe Thésée, la Démocratie et le Peuple 1. Cette antique origine attribuée aux institutions si vivement affectionnées des Athéniens était évidemment une pure fiction. 11 suffit, en effet, de jeter un coup d'œil rapide sur l'histoire de la république athénienne pour -ARC 368 ARC reconnaître que toutes les formes de gouvernement ont été successivement pratiquées du xne au vie siècle, et qu'Athènes, avant d'arriver à la démocratie, a passé par la monarchie, par l'oligarchie et par une sorte de timocratie. Du xu° siècle au ville siècle, nous trouvons la monarchie. Il n'y a qu'un seul magistrat portant le nom de roi (faat),atiç) ou celui d'archonte («pytov). Tous les pouvoirs sont réunis dans ses mains; c'est lui qui commande l'armée en temps de guerre ; c'est lui qui règle tout ce qui tient au culte ; c'est lui qui juge les procès 2; il est irresponsable et transmet ses pouvoirs à ses enfants. Puisque son autorité s'étend sur toutes les branches de l'administration et qu'il exerce son empire sur un territoire restreint, il n'y a pas d'autres magistratures (cl Fixai) que la sienne; des agents subalternes l'ont seulement exécuter ses ordres et respecter ses décisions. Voilà donc bien la monarchie par excellence, puisqu'il n'y a qu'une g v «py~. Vers le milieu du vine siècle, en '752, grâce à la défaillance toujours croissante des rois et aux développements de la puissance des Eupatrides qui en furent la conséquence, une révolution s'accomplit. Les pouvoirs du monarque cessèrent d'être perpétuels et héréditaires, pour devenir temporaires et électifs. Tous les dix ans, un personnage nouveau fut mis à la tête du gouvernement, et la noblesse, qui l'élisait, se réserva un droit de contrôle sur son administration. L'archonte fut encore pris pendant quelque temps parmi les membres de l'ancienne famille royale ; mais bientôt toutes les familles eupatrides eurent le droit de présenter et de faire agréer leurs candidats. C'est toujours la monarchie ; mais, si le monarque continue d'être irresponsable envers le peuple, s'il n'est pas permis de se plaindre devant l'universalité des citoyens de ses décisions, qui, à ce point de vue, sont esToTEcEtç 2, il est responsable devant ses électeurs. Encouragés par leur succès, les Eupatrides, en 683, réduisirent la durée de l'archontat de dix ans à un an et décidèrent que les fonctions du monarque seraient réparties entre neuf personnes. De nouvelles magistratures, accessibles seulement aux citoyens d'origine noble, furent successivement créées, celles des Éphètes par exemple. L'aréopage, contrôleur vigilant de tout le gouvernement, se recruta parmi les anciens archontes, c'est-à-dire parmi les Eupatrides. La monarchie a disparu ; mais le peuple ne joue encore aucun rôle. Tout le pouvoir est aux mains de la noblesse. C'est l'oligarchie. Avec Solon apparaît la démocratie ; mais il a soin de la tempérer en la combinant avec la timocratie : uiavra /.ab); TŸ1V ^.COÂCTEtaV b. Tous les citoyens sont admis à siéger dans l'assemblée du peuple (s'xxaAc%a) et dans les tribunaux; tous prennent part à l'élection des magistrats et ont le droit de statuer sur la responsabilité des élus; mais tous ne sont pas éligibles. Pour arriver aux magistratures, il ne suffit, ni de la noblesse comme autrefois, ni du mérite personnel ; il faut encore jouir d'une certaine aisance 6• Mais le nombre des charges va toujours en croissant, soit qu'on divise les anciennes, soit qu'on en établisse de nouvelles, presque sans nécessité et uniquement pour permettre à plus de citoyens d'être fonctionnaires. Les tribunaux populaires peuvent être saisis comme juges d'appel des procès sur lesquels les magistrats ont déjà statué ; bientôt même les magistrats, sentant que leur puissance judiciaire est affaiblie par ces recours, évitent de juger en première instance ; ils se bornent à instruire les procès et à les porter devant le peuple. Le mélange des deux formes de gouvernement explique comment les écrivains postérieurs ont pu, suivant la diversité des points de vue auxquels ils se plaçaient, reconnaître, dans la constitution de Solon et dans celle de Clisthène 6, les uns une aristocratie, les autres une démocratie. Après la bataille de Platée, Aristide, qui cependant n'était pas démocrate, fit supprimer les conditions de cens requises pour l'éligibilité. La justice lui parut commander ce nouveau sacrifice. Les pauvres et les riches avaient lutté ensemble contre les Perses ; tous s'étaient résignés à quitter leurs foyers pour mieux résister à l'invasion, et la patrie n'avait été sauvée que par leurs efforts communs. Eût-il été équitable de maintenir plus longtemps sous le coup d'une incapacité légale les Thètes, ces prolétaires dont le patriotisme avait été si ardent et qui rentraient dans Athènes avec la conviction que, sans eux, la victoire eût été impossible 7 Sur la proposition d'Aristide, il fut décidé que tous auraient les mêmes droits au gouvernement (xotvŸV ELvat't-e -o1t7Eiav)7, et que les magistrats pourraient être élus indistinctement dans toutes les classes. S'il y eut des exceptions, ce ne fut que pour les magistratures qui impliquaient le maniement des deniers de l'États. Quelques années plus tard, vers le milieu du v° siècle, un homme d'État inconnu, peut-être Éphialte, peut-être Périclès, fit substituer, pour la plupart des magistratures, le tirage au sort à l'élection. A partir de cette époque, le gouvernement fut aussi démocratique que possible. Au Ive siècle, le titre de magistrat («pyoiv) était assez fréquemment donné, à Athènes, à des personnes qui rigoureusement ne pouvaient nullement y prétendre. Tel était bien le cas des hérauts (x,(puxEç) et scribes publics d'un ordre inférieur (feroyzN.pzTElç) ; mais il en faut encore dire autant des ambassadeurs (apeiêotç), des employés des finances (T«p.(at...), des aévétxot, des juges et des citoyens qui faisaient partie de l'assemblée du peuple (ètx17Tipç xal ixxIr,sauaTŸiç) 9. Dans ces derniers cas, le titre d'«pyt,,v avait une signification purement honorifique. o Peut-être, dirat-on, écrit Aristote, que ceux qui remplissent de pareilles fonctions ne sont point des magistrats (otè' elpy)vTaç Eivat) et n'ont point de part au commandement (oeil ~.ETEy2ty âcy7,ç). Mais il serait ridicule de refuser la qualification d'«pycov à ceux qui occupent les postes les plus élevés de la république 10. n Aristote sera d'ailleurs le premier à reconnaître, dans d'autres passages, que cette forme de parler est au fond complétement erronée''. Si de pareilles incertitudes existaient, même chez les anciens, pour savoir quels étaient ceux qui étaient vraiment magistrats ; si, dès le temps d'Aristote, il était impossible de mettre d'accord ceux qui discutaient sur le sens du mot «pyo,v 12, il est aisé de comprendre que ce travail de détermination doit présenter pour nous des difficultés presque insurmontables. Nous allons brièvement indiquer les résultats auxquels nos recherches et nos réflexions nous ont conduit. Dans le sens rigoureux des mots, les magistratures proprement dites («pyaO ne doivent être confondues ni avec 47 ARC 369 ARC les É7rtpRàEtat Ou Staxoviat, ni avec les ûaIpeeicu. A. quels caractères pourra-ton les reconnaître ? 1. II y avait pxr toutes les fois que le fonctionnaire chargé de l'administration d'une certaine partie des affaires publiques avait le droit, en vertu des pouvoirs qu'il puisait dans sa seule nomination : 1° d'agir directement et spontanément dans l'ordre de ses attributions, sans être obligé de subordonner ses décisions à une volonté autre que celle des lois établies : pauaE5axaOat tEpl rtvi,v ; -2° de commander, de prendre des arrêtés obligatoires, toujours dans la sphère de ses attributions : Eacr«,at ; 3° de juger et de punir ceux qui ne se conformaient pas à ses instructions : xpévac : EatG,«aaety É9rt6oÂIXÇ13 ; 4' de déférer certaines actions aux tribunaux et de présider les juges qui statuaient: Stxacri;pto,v rryouovtatlu Les magistrats étaient nécessairement citoyens et d'origine libre ; les services qu'ils rendaient à la république n'étaient pas rémunérés; enfin les comptes qu'ils avaient à présenter à l'expiration de leurs fonctions différaient de ceux qui paraissent avoir été demandés à certains iatuearrtat. II. Les Eacuoanraf étaient, comme les âpxovreç, préposés à la direction d'une certaine partie des affaires publiques ; mais ils devaient se conformer rigoureusement aux instructions de leurs mandants, et l'on ne pouvait dire d'eux ce que nous avons dit des magistrats : ils ne pouvaient pas ouatai aepi rcvwv ; en général, ils n'avaient pas le droit de ii néoaaç itue«aàEw, ni la Ÿ;yE(Aoola StxIO"977ploU, ni enfin ce droit qu'Aristote présente comme le signe le plus caractéristique de toute véritable magistrature : le droit de rédiger des décrets obligatoires : êtuT rçac. Les 6aq(AE) i at étaient citoyens et libres. La plupart remplissaient gratuitement leurs fonctions. Ils étaient d'ailleurs nommés comme les magistrats. III. Quant aux Garipérac, leurs fonctions étaient beaucoup moins honorables que celles des précédents: ;v Éaovtiôtoroo roûro rI Ép-ov 15. En effet, les ûar;pérat n'agissaient point en vertu d'un pouvoir qui leur fût personnel; ils obéissaient aux magistrats, étaient à leurs ordres et devaient exécuter leurs volontés; ils n'étaient pas nécessairement citoyens ; on les prenait même le plus fréquemment dans la classe des esclaves ou des affranchis ; et, lorsque, exceptionnellement, ils appartenaient à la classe des personnes d'origine libre, encore étaient-ils d'un rang très-infime. ils étaient vraisemblablement choisis par ceux dont ils étaient les auxiliaires et sous les ordres desquels ils fonctionnaient. Enfin, ils recevaient une rémunération pour les services qu'ils rendaient. Cette rémunération explique le zèle avec lequel ces humbles fonctions étaient recherchées par les gens du petit peuple 16. Ces prémisses une fois posées, on devra donc exclure des «pxovTEç et considérer comme de simples uarpérat : 1° les paaavtarai, ou bourreaux '7 ; 2° les ypapu.arsîç, autres que le ypa;xp.arû; xarâ rI v apuravetav, le ypap.uaTEÛç Trç pou? ç, le ypaµp.arot 'r 7.ôae6,ç ; ces trois ypap.p.arf7ç occupaient en effet un rang très-élevé dans la république ; peut-être fautil encore excepter d'autres ypaup.areiç, celui des Onze, par exemple, qui faisait nombre dans le collége des ivSoxa ; 3° l'E?.1Smp, gardien de la clepsydre ; 4° les Aupwpot, ou portiers; 5° les xfpuxoç, ou hérauts ; 6° les aapacr«rac, qui se rapprochent des pacavtarat ; 7° les apop.Erprirat et acropétexl, employés subalternes des poids et mesures f°; 8° les ro ôrat, 'tt'xûOat ou eatuatvto:, chargés de la police des tribunaux et assemblées 19 ; 9° les û7to-pauµxrs' ç, ou sous-scribes, etc. La distinction entre les âpxo'raç et les S7cy.EaAtaC est plus délicate à établir. On verra cependant de véritables magistrats dans: i° les neuf archontes (Archonte Éponyme,Archonte-Roi, Polémarque, Thesmothètes) ; 2° les Onze (oi "EvSexa); 3° les Agoranomes, Sitophylaques et Métronomes ; 4° les Astynomes ; 5° les Stratéges, Taxiarques, Hipparques et Phylarques, etc. On doit voir, au contraire, de vrais s'ru,,.E),rrat dans : 1° les âvrtypapo-tç ; 2° les «aoiIxrac ; 3° les oi,vat ; 4° les dyy7ctypx1pEiç ; 5° les ixào 'otç ; 6° les éaIo'r rat rwv ûô«rwv ; '7° les Yjr'fjrxt OU (Aaar'fjpEC, ; 8° les Otwpoi ; 9° les iEpop.v .0voç ; 10° les 110770101; 11° 1es rpâxrcpeç ; 12° les apmC6sl'ç ; 13° les 7ru),ayo'pat ; 14° les 7 w))rra( ; 15° les eioi1vat ; 16° les au)3oyeiç ; 17° les al1vacxot ou auvr';yopot ; 18° les rautae ; 19° les racvpoltotot ; 20° les rE1xo71otol; 21° les rptrlpoaotot. etc. A l'origine, des conditions de capacité professionnelle étaient exigées de la part des magistrats aussi bien que de la part des ércN.earyrat ; mais, avec le temps, la démocratie fit des progrès considérables; et, vers le ve siècle, on arriva à déclarer que quiconque avait l'aptitude juridique pour remplir une fonction avait par cela même toutes les connaissances suffisantes pour l'exercer convenablement. L'aptitude juridique étant de droit commun, tous les citoyens eurent par conséquent le droit de participer aux honneurs ; et le sort seul, en l'absence de toute autre considération, pouvait indiquer quels seraient ceux qui sortiraient de la foule pour être préférés aux autres. En d'autres termes, on fit prévaloir à Athènes le principe de l'égalité qu'Aristote appelle mathématique ou arithmétique, ri i'aoy ciptOp-i,, par opposition à l'égalité proportionnelle, rô faov tuer' âyiav20. On poussa même cette idée assez loin. Car lorsque, dans un citoyen, le mérite apparut si grand que le principe de l'égalité arithmétique, convaincu d'injustice, était exposé à périr, pour couper court à toute hésitation, on avait recours à l'ostracisme, et le citoyen dangereux pour la démocratie était banni. En principe donc, presque tous les magistrats et beaucoup d'éalpear,rat étaient choisis par le sort (xa77pm9oi 1pxovrEç). La désignation par cette voie des citoyens qui devaient être magistrats avait lieu dans le temple de Thésée, sous la surveillance des Thesmothètes 2L. Ceux-ci avaient déposé préalablement dans une urne des tablettes portant, non pas, comme on l'a dit sur la foi de Suidas°°, les noms de tous les Athéniens inscrits sur les registres des dèmes, mais seulement les noms de ceux qui s'étaient présentés comme candidats 23, et qui réunissaient les conditions d'aptitude exigées par les lois. Une autre urne contenait des fèves, les unes noires, les autres blanches, ces dernières en nombre égal aux postes qu'il s'agissait de remplir. La loi prononçait la peine capitale contre toute personne qui, pour augmenter les chances de désignation, aurait mis dans la première urne plusieurs tablettes portant le même nom 24. Ces préparatifs terminés, les Thesmothètes extrayaient simultanément des deux urnes une tablette et une fève ; les citoyens dont les noms sortaient en même temps que les fèves blanches étaient proclamés magistrats. Pour quelques magistratures au moins, en prévision d'une vacance possible de la charge par démission, déposition ou mort, on désignait à l'avance, de la même manière, un ARC 370_ ARC suppléant : €rtaadly ". Ce mode de nomination avait fait donner aux magistrats athéniens l'épithète de xuala.auro("° et le titre de magistrats de la fève (dp7ovraç âoiô xuAou)27. Il y avait toutefois des exceptions : certains fonctionnaires étaient désignés par l'élection du peuple : xetporovr,roi âp ovrs4. Tels étaient les stratéges et le rsoisç r~r xotvir,4 7poabou; mais e es postes élevés ne pouvaient être occupés par un homme manquant des connaissances spéciales, sans que la république fût exposée aux plus grands dangers. Pour d'autres, comme les fiovavat, les iepozcow(, les FO).,o0érat, les acvspovtara(, les yuvatxovdoot, les é),arworaµ(at.., leurs fonctions se rattachaient de si loin à l'administration proprement dite de l'État, que la démocratie, telle que Clisthène l'avait comprise, n'avait rien à craindre du mode suivi pour leur nomination. Pour d'autres enfin, les 7peaàséç, les murai, les eut1t,oye[4, les auv y'opot, les elvtxot, les eieèivat, les ûr.oéxrat, les r:arar«i rwv ônpcoeimv ipyanv,.,, leurs fonctions n'étaient point régulières; elles ne se produisaient qu'accidentellement; quelques-unes n'avaient rien de compromettant, et d'ailleurs on avait établi certaines garanties au profit de l'État. Quant auxeuuhxot notamment, une loi avait défendu aux électeurs d'investir deux foisde leur confiance le même citoyend°. Les mêmes remarques s'appliqueraient aux aipavoi crpyove ç. Eux aussi tenaient leur pouvoir du choix de leurs concitoyens ; mais ce n'était pas le peuple entier qui les désignait. Les membres de leur tribu ou de leur dème participaient seuls à l'élection, et le danger pour la démocratie était encore moins considérable. L'élection avait lieu iv âp/atpaaiats, par le peuple assemblé sur le Pnyx ; lors même que les réunions populaires cessèrent d'avoir lieu sur cette illustre colline et furent transportées dans le théâtre de Bacchus, le Pnyx resta toujours affecté aux élections 24. Les noms des candidats étaient indiqués par les présidents de l'assemblée, et le peuple manifestait ses préférences en votant, non par bulletins, mais par mains levées; de là le nom de zatpo:ov1roi «pyovre, so L'élu n'était pas obligé d'accepter, mais il devait indiquer les motifs de son refus et les attester par serment (e,mgoa(a) 3, e Du texte de la formule du serment des Iléliastes °2, il résulterait qu'aucun magistrat ne pouvait remplir deux postes à la fois, ni obtenir plusieurs fois dans sa vie la même magistrature. Cette dernière prohibition, dans sa généralité absolue, n'est pas d'accord avec les faits. Les stratéges furent toujours rééligibles", et, s'il faut en croire Plutarque, Phocion fut quarante-cinq fois élevé à cette dignité. Pendant longtemps, le mandat du trésorier de l'administration put aussi être renouvelé 34. On doit donc n'accepter qu'avec réserve le renseignement qui résulte du discours contre Tirnocrate. Notons toutefois qu'il est confirmé pour les astynomes33 et pour les syndics " Les inconvénients du mode adopté pour la délation des principales magistratures furent d'ailleurs moins grands qu'on ne serait tenté de le croire à un premier examen. Les citoyens qui se présentaient sans remplir les conditions prescrites par la loi Laient exposés à l'atimie. L'incapacité et l'indignité se manifestant pendant la durée de la charge exposaient le magistrat à la honte d'une déposition, Ajoutons que les citoyens peu aisés se gardaient bien de faire placer leurs noms dans l'urne. Lorsque les ma gistratures ne sont pas une source de profits considérables, et nous savons qu'il en était ainsi à Athènes, les citoyens vaquent à leurs travaux plutôt que de s'occuper du gouvernement ou de chercher à exercer l'autorité. La plupart des hommes sont, comme le dit Aristote, plus avides d'argent que d'honneurs37. II y avait toutefois ceci de notable : les hommes les plus éminents de la république, ceux qui exerçaient sur la direction des affaires l'influence la plus sensible et la plus utile, orateurs ou démagogues, ne pouvaient point légitimement espérer de parvenir un jour à entrer dans les conseils de l'État. Périclès notamment n'avait pas le droit de siéger dans l'aréopage. Les anciens archontes seuls faisaient partie de cette assemblée, et, comme le sort ne désigna jamais cet homme distingué pour les fonctions d'archonte, il en résultait qu'il ne pouvait être aréopagite. Ce fut là, s'il faut en croire Plutarque, une des raisons principales qui décidèrent Périclès à diminuer l'autorité de l'aréopage 38. Le même fait se reproduisit fréquemment. Aucun magistrat, qu'il fût, élu ou désigné par le sort, ne pouvait entrer en fonctions sans avoir été préalablement soumis à une épreuve connue sous le nom de oxigxaia, L'examen ne portait pas, comme on serait tenté de le croire, sur la capacité du magistrat; on ne s'inquiétait pas de savoir s'il avait les connaissances et l'expérience requises pour la fonction à laquelle il était appelé. Les élus du peuple étaient présumés les plus capables; le choix de l'Assemblée avait dû être intelligent et les suffrages de la majorité avaient désigné le plus digne. Quant aux xuageuroi xpyovreç, on supposait qu'ils n'avaient laissé mettre leurs noms dans l'urne que parce qu'ils étaient en mesure de remplir honorablement les obligations de la charge à laquelle ils prétendaient; sans cette assurance, ils ne se seraient pas exposés aux lourdes responsabilités qui menacaient les magistrats incapables ou indignes. On n'était même pas éloigné de croire que les dieux intervenaient dans le tirage au sort; ert faisant sortir un nom de l'urne, ils manifestaient leurs préférences et désignaient le candidat qui leur était le plus agréable °9. La oxyl.xala ne portait donc que sur des points étrangers à la fonction. S'agissait-il d'un archonte, le sénat des Cinq cents l'interrogeait sur sa nationalité, sur sa famille, sur ses opinions et ses pratiques religieuses, sur sa conduite à l'égard de ses parents et envers sa patrie ; on lui demandait s'il s'était acquitté honorablement du service militaire, s'iI avait contribué largement aux charges financières de la république, s'il était débiteur du trésor, s'il avait rendu compte de ses magistratures antérieures, s'il avait fait preuve de régularité dans ses moeurs et dans la gestion de sa fortune. Pour les stratéges, on vérifiait s'ils étaient engagés dans les liens d'un mariage légitime, et s'ils possédaient des propriétés foncières dans l'Attique. On examinait aussi si les nouveaux magistrats n'étaient pas mutilés ou infirmes; dans le tirage au sort, les Thesmothètes évitaient autant que possible de mettre dans l'urne les noms de ceux à qui les dieux avaient témoigné leur colère en les frappant dans leur personne ; nais des erreurs avaient pu être commises; rien ne garantissait d'ailleurs que l'élection par le peuple ne désignerait pas un infirme. ARC -ARC -N 37 1 Peut-être y avait-il même des conditions d'âge exigées pour certaines magistratures. Il eût été naturel d'astreindre les fonctionnaires aux garanties d'âge que devaient offrir les sénateurs et les héliastes, et de ne leur ouvrir l'accès des charges que lorsqu'ils avaient trente ans révolus; nous savons pourtant qu'lphicrate fut élu stratége dans sa vingtième année. Chacun des sénateurs pouvait et devait même, en vertu du serment que le sénat prêtait à son entrée en fonctions, contredire les réponses du magistrat, lorsqu'elles lui paraissaient inexactes; il devait aussi révéler à ses collègues les faits parvenus à sa connaissance qui portaient atteinte à l'honorabilité du candidat. Tous les citoyens avaient le même droit; mais ils n'étaient pas, comme les sénateurs, obligés d'en user. Lorsque le résultat de la Soatli.«afa était favorable, le magistrat était autorisé à remplir ses fonctions. Si, au contraire, ses réponses étaient jugées insuffisantes, si les griefs articulés contre lui par les sénateurs ou par les simples citoyens étaient reconnus bien fondés, il était déclaré indigne de remplir la magistrature à laquelle il avait été appelé. Dans les deux cas, la décision du sénat n'était pas définitive ; elle devait être confirmée par les tribunaux populaires, réunis sous la présidence des Thesmothètes. Pour beaucoup de magistratures, il n'y avait pas de Soxtg.aaia devant le sénat. La plupart des nouveaux magistrats étaient institués ou repoussés directement par les tribunaux, après une enquête sommaire dirigée par les Thesmothètes 40 Le candidat que la Soxtuaaia avait fait écarter avait-il été désigné par le sort, son suppléant, l'Ë7ct)saxûly, prenait sa place 41 S'agissait-il au contraire d'un magistrat élu, il y avait lieu de procéder à une nouvelle élection. Des édifices spéciaux étaient affectés à l'exercice des diverses magistratures; on les appelait «pxeia 42 ; ainsi, T'ov ata€va avait, comme les magistrats les plus importants de la république, son pxe7ov particulier43 Quelquefois l'«pxstov portait un nom propre, emprunté aux magistrats qui y siégeaient ; l'épxEiov des Thesmothètes était le eE0-ix.o0satov ; celui des Prytanes, le Hpusavriov 44 ; celui des Stratéges, le 1'vpcer ytov; celui des Polètes, le IIt,Iax,Tfpuiv; celui des Parasites, le IlupaaLligni , etc. Les pxei«, à cause de leur destination, avaient paru encore plus dignes de respect que les autres édifices, et Hypéride met sur la même ligne l'incendie d'un pyatcv et le fait de livrer à l'ennemi les arsenaux (vE01pbav TpoSoa(a) ou de s'emparer de la Les magistrats athéniens, à l'exception peut-être de l'archonte-roi, qui avait au moins des chaussures particulières ((iaat).iéaç 47), ne paraissent pas avoir eu de costume officiel. Les magistrats les plus considérables (rcEpavitpdpot êpxai) 48, lorsqu'ils étaient dans l'exercice de leurs fonctions, portaient seulement sur la tête une couronne de myrte, emblème de leur inviolabilité "s. Les archontes 50 et les stratéges u, quand ils entraient en charge, prêtaient un serment professionnel. Il est pro fiable qu'il en était de même pour tous les magistrats, et que les nouveaux dignitaires offraient des sacrifices aux Dieux (ainrpta) pour se concilier leur bienveillance °$. Pendant la durée de leur magistrature, les fonctionnaires qui ne se trouvaient pas suffisamment expérimentés pouvaient s'adjoindre, sous leur responsabilité personnelle, un ou plusieurs auxiliaires. La loi imposait même à chacun des trois premiers archontes, l'Éponyme, le Roi et le Polémarque, l'obligation de choisir deux assesseurs, ou acépe pot, soumis, comme les archontes, à une double êoxtlxaa(a u, personnellement responsables 54, et dans lesquels, par conséquent, il est impossible de ne pas voir, malgré leur mode de nomination, de véritables magistrats. Quand une magistrature était occupée par un collége de fonctionnaires, ce qui arrivait fréquemment à Athènes, l'un des membres du collége remplissait les fonctions de président (RpuTavtç), soit pour diriger les discussions lorsque les délibérations devaient être communes, soit pour représenter dans certains actes le collége tout entier °5 Mais beaucoup d'affaires pouvaient être traitées individuellement par l'un ou l'autre des membres du collége, et ceux-ci en faisaient entre eux la répartition. La plupart des magistrats, sinon même tous, étaient nourris aux frais de la république, les uns dans le Prytanée 50; d'autres, les Prytanes du sénat par exemple, dans Dans la première assemblée de chaque prytanie, les archontes interrogeaient le peuple et lui demandaient si tous les magistrats s'acquittaient bien de leurs devoirs: ce que l'on appelait l', 7tt'Etpotioviet Tiïv pxôn, 60. Lorsque les plaintes articulées paraissaient sérieuses, le magistrat pouvait être provisoirement suspendu jusqu'à ce que les tribunaux eussent statué sur la 7cpoéoâs de l'accusateur; il pouvait même être déposé ( o-Etpvtooia) 61 Enfin, quand ils sortaient de charge, tous les magistrats étaient obligés de rendre compte de la manière dont ils avaient géré leur magistrature (ELOdvat); cette responsabilité des dépositaires de la puissance publique avait paru si naturelle qu'on l'appliquait même aux membres du sénat; 62. Les juges seuls étaient irresponsables. Les magistrats qui avaient eu le maniement des deniers de l'État présentaient un tableau de leurs recettes et de leurs dépenses appuyées par des pièces justificatives. Ce tableau était vérifié par les Logistes, qui formaient à Athènes une sorte de cour des comptes; nous indiquerons les détails de la procédure de vérification lorsque nous parlerons des 7,oytaTai (maîtres des comptes) et des EéOév«t (référendaires). Les autres magistrats se bornaient à affirmer devant les Logistes qu'ils n'avaient rien reçu, ni rien dépensé sur les és4(tc'Iaa 63. Puis ils se tenaient pendant trente jours à la disposition des citoyens qui voulaient les accuser °4 ; ce qui ne veut pas dire nécessairement que toute action en responsabilité pour délits commis dans l'exercice des fonctions fût impossible après l'expiration de ce délai °5, Jus ARC _= 372 --ARC qu'à ce que la reddition de ses comptes fût terminée, l'ancien magistrat n'avait pas le droit de s'éloigner de l'Attique («tolr, ot7v) ; il ne pouvait pas disposer de ses biens, même pour les consacrer aux Dieux; il lui était défendu de tester ou de se donner en adoption ; il était incapable de remplir une nouvelle magistrature et d'obtenir une récompense publique 66. Malgré toutes les mesures prises par le législateur pour assurer aux magistrats la considération de leurs concitoyens, ceux-ci ne respectaient pas toujours les élus du peuple ou de la fève. La discipline n'était pas la qualité dominante des Athéniens; même à l'armée, ils n'étaient guère soumis. Xénophon parle de soldats, qui non-seulement ne daignent pas obéir, mais qui vont jusqu'à se faire honneur de leur résistance à leur chef 67. « Le pire de tout, écrivait Nicias dans une dépêche qu'il adressait de Sicile au peuple athénien, c'est qu'il ne m'est pas possible, à moi général, d'empêcher tous les désordres; car vous êtes d'un caractère malaisé à gouverner (ycaE-xl yxp ai Ùp.E-répac tQézsu «plat 68). n L'insubordination dans la vie civile devait être plus grande encore. E. CAILLEMEB.