Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article ARCHIATRUS

ARCIIIATRUS (Apxiarpos). Ce titre, qui signifie chef ou premier des médecins, était donné dans l'antiquité à des médecins fonctionnaires d'ordres différents, et dont les attributions diverses n'ont jusqu'à présent jamais été bien délimitées par les auteurs. L'homme qui, le premier, a été désigné par le titre d'archiâtre est Andromaque, médecin de l'empereur Néron ; et l'ouvrage dans lequel on le trouve ainsi dénommé est l'Onornasticon' ou Glossaire d'Hippocrate, qui a pour auteur Érotien,son contemporain et son ami. Galien donne également ce titre à Andromaque ainsi qu'à plusieurs autres médecins 2. Cette désignation grecque n'est passée dans la langue Iatine que beaucoup plus tard ; du moins on ne trouve dans les auteurs latins de l'époque immédiatement postérieure à celle des deux écrivains que nous venons de nommer aucun médecin portant ce titre; et Pline, qui cite un grand nombre de médecins célèbres, dans son Histoire naturelle, ne donne le nom d'archiâtre à aucun d'eux. Nous avons en outre plusieurs inscriptions funéraires dédiées à des médecins d'empereurs, et aucune d'elles, même parmi celles qui sont en langue grecque, ne porte le titre d'archiâtre. 11 faut donc conclure de ces faits que cette dénomination a été pour la première fois attribuée par Érotien et Galien à des médecins attachés aux empereurs et que c'est là l'origine de ce titre, mais qu'il resta très-peu employé d'ailleurs jusqu'à l'époque de Constantin. A partir de cet empereur, le titre d'archiâtre fut modifié et changé en celui d'archiâtre du sacré palais (archiâtres sacri palatii)3. De plus, les attributions de ces médecins furent agrandies et leurs priviléges furent augmentés. C'est ainsi qu'il leur fut accordé d'acquérir le titre de comte du premier et du second ordre, et d'aspirer aux plus hautes fonctions, telles que celles de proconsul et même de préfet du prétoire, ce qui les assimilait aux plus grands digni 3ARC taires de l'empire Un peu plus tard, le premier archiâtre du sacré palais fut investi de la fonction de juger les différends entre médecins 5. Vers la même époque à peu près, furent institués des archiâtres d'un autre ordre, ayant pour fonctions principales d'assurer des secours médicaux à tous les habitants des deux villes impériales a. 11 en fut établi un par chaque région de la ville, savoir : quatorze à Rome et sept à Constantinople, et ils furent appelés archiâtres populaires. Comme traitement, il leur fut alloué une annone [ANNONA MILITAffis] et ils furent en outre exonérés de toutes les charges publiques, eux, leurs femmes et leurs enfants'. Par contre, ils étaient obligés de donner gratuitement leurs soins aux citoyens pauvres et d'instruire dans leur art les enfants de condition libre'. Ils étaient sous les ordres immédiats du préfet de la ville, qui veillait à ce qu'ils fussent toujours au complet. Si une place devenait vacante parmi eux, ce magistrat les convoquait afin de pourvoir à la vacance par voie d'élection et à la majorité absolue des suffrages. Ils se recrutaient donc par euxmêmes, mais leur choix devait être soumis à l'approbation de l'empereur, sans laquelle l'installation de l'élu ne pouvait avoir lieu. Chacun des archiâtres nommés devait prendre rang parmi ses collègues à l'anciennetés. Il leur était défendu d'accepter des promesses et de solliciter des engagements ou legs de leurs clients en dangerf0. Il nous reste plusieurs inscriptions funéraires dédiées à quelquesuns de ces archiâtres et trouvées à Rome f1, ainsi que les noms de beaucoup d'autres conservés par les auteurs. Outre les quatorze archiâtres régionnaires de Rome, on constate avec quelque surprise que deux médecins encore portaient ce titre : c'étaient le médecin des vestales et celui du portique appelé Xyste "[xrsTUS]. Ce fait nous est révélé par une loi du code Théodosien, et l'on n'en trouve aucune trace ailleurs A l'exemple des deux capitales de l'empire, les villes de provinces, les colonies et les municipes voulurent avoir aussi leurs médecins publics salariés, qui furent également appelés archiâtres. Nous en avons la preuve dans quelques inscriptions qui nous donnent les noms avec le titre de plusieurs de ces médecins, archiâtres populaires, salariés par les villes de Pisaure ", de Pola en Illyrie 15, de Bénévent16, d'Oeculanum" et autres 13. Il est tout à fait probable que ces archiâtres avaient dans leurs localités les mêmes fonctions et attributions que possédaient ceux des deux villes impériales. En tout cas, nous savons par le Digeste qu'ils étaient élus et institués par les décurions des villes, auxquels étaient adjoints pour cet objet les principaux propriétaires 19. Ils pouvaient être révoqués par ceux qui les avaient nommés. Enfin nous trouvons dans des textes anciens, et principalement dans des inscriptions, des colléges, sociétés ou cercles de médecins dont les chefs ou présidents prenaient le titre d'archiàtres. Il existait notamment à Rome une schola 7nedicorurn qui était certainement pour les médecins un lieu de réunion et d'exercices scientifiques, mais qui ARC 374 -m ARC pourrait bien aussi avoir été une école d'enseignement médical. En effet, nous savons par l'historien Lampride que l'empereur Alexandre-Sévère établit des professeurs de médecine auxquels il alloua un salaire, afin qu'ils fussent obligés d'enseigner leur art et de faire des cours publics où les pauvres de condition libre pourraient envoyer leurs enfants moyennant une annone20. Cette scliola était située sur le mont Esquilin ; ses salles étaient ornées de tableaux et de marbres nombreux dont on a pu voir et apprécier les restes dans les ruines de ses bâliments qui étaient encore considérables et très-belles au xvi° siècle 2t. Actuellement môme, ii se trouve encore dans la villa Albani, près de Rome, une mosaïque qui a été préservée et qui est désignée sous le nom de Seuola dei 4rtedici. 11 nous reste une très-belle inscription funéraire dédiée à un secrétaire ou archiviste de cette scliola medècorum par l'archiàcre qui était sans doute le chef ou président de cet établissement ".Nous (levons dire cependant qu'il n'y a point de preuve directe que cet archiâtre fût le président de la scliola et n'appartînt pas simplement au corps des arcbiàtres populaires ou régionnaires. Mais ce qui donne une grande vraisemblance à notre conjecture, c'est que des inscriptions mentionnent d'autres sociétés ou colléges de médecins analogues à la se/tolet de Rome et présidés par un chef à qui l'on donnait également le titre d'archiâtre. Ces inscriptions appartiennent aux villes de Bénévent 27 et d'Aventicum 2'° Le titre d'archiâtre, bien qu'il soit grec de forme et qu'il ait par conséquent été appliqué d'abord par des écrivains grecs, n'a jamais été attribué aux médecins des souverains de race hellénique ; du moins il n'en reste pas trace dans les auteurs. Dr RENÉ BHIAU. ARCHIERANISTES [ERANOS].