Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article ARCHONTES

ARCHONTES. Voir 1'Hérodote de la coiieet. Didot. I. 2, §'2 et ARC 383 ARC__ _. sommes donc autorisé à dire que le titre de roi ne fut pas supprimé au xi° siècle ; car il ne cessa pas de figurer dans la constitution athénienne, et, à toutes les époques, on Faut-il au moins reconnaître que les Athéniens, tout en maintenant le titre, restreignirent, après la mort de Codrus, les pouvoirs attachés à la royauté? Pausanias 8 nous dit que les Athéniens changèrent alors la royauté en une ma gistrature responsable : âv-1 (iaatàsia; µEréarolaav Eç p/:y bneuUuvov. « Ce dernier mot, écrit M. Filon caractérise la révolution qui s'accomplit alors dans le gouvernement athénien : la royauté, tout en restant héréditaire, devint responsable sous le nom d'archontat. s Mais en quoi consistait donc cette responsabilité? Il ne peut pas être question d'une responsabilité purement morale ; il s'agit d'une responsabilité politique et juridique. Quel fut le tribunal supérieur devant lequel les archontes purent être cités pour rendre compte de leurs actes? Nous savons que les rois de Sparte, ceux de Cumes étaient responsables ; mais nous savons en même temps quelles étaient les autorités qui appréciaient cette responsabilité; à Sparte, c'étaient le sénat (ycpoua(a) et les éphores ; à Cumes, c'était le sénat (pou),r). Où était à Athènes cette autorité? On ne peut pas la trouver dans l'Aréopage ; car tous les textes présentent ce tribunal comme investi seulement à cette époque d'une juridiction criminelle, et comme n'ayant pas encore les attributions politiques dont il fut saisi plus tard. Même au temps de la révolte de Cylon (612 av. J. C.), les archontes devenus annuels étaient toujours les premiers magistrats de la république '0; il en devait être de même, à plus forte raison, lorsque leurs fonctions étaient perpétuelles ; car les anciens associaient l'idée d'irresponsabilité à l'idée de pouvoirs conférés pour toute la vie du magistrat En fait d'ailleurs, on ne voit pas qu'un seul archonte, perpétuel ou décennal, ait été déposé ; ceux même qui fournirent à leurs concitoyens les griefs les plus sérieux restèrent en charge jusqu'au terme régulier de leurs fonctions. Non-seulement donc le titre de roi subsista après Codrus, le paat),o'Sç fut toujours le premier magistrat, l'épyn,v par excellence ; nais encore les pouvoirs de la royauté ne furent pas limités. C'est pourquoi Platon a pu dire que Codrus se sacrifia pour conserver son royaume à ses fils, é'iip Ti'i;ç. (3aatàciraç 'c uv 7ra€èoty 19. Ses prévisions auraient été bien trompées, son dévouement aurait été singulièrement récompensé, si les Athéniens, sous prétexte d'honorer sa mémoire, avaient supprimé le pouvoir royal! Aristote, dans un passage obscur 13, mais qu'il faut interpréter raisonnablement, exprime cette idée que Codrus, en se sacrifiant pour son pays, assura la royauté à sa famille. Pausanias lui-même, en deux endroits de son livre ", ne fait aucune différence entre les pouvoirs de Codrus et ceux des archontes qui lui succédèrent immédiatement. Enfin beaucoup de grammairiens, qui se bornent à transcrire des textes plus ou moins anciens, disent que le fils de Codrus, Médon (ou par erreur Mentor), succéda à son père avec Notre conclusion est que la monarchie se maintint à Athènes, sans modifications notables, jusqu'en 752; les successeurs héréditaires de Codrus eurent donc, pendant trois siècles, les mêmes pouvoirs que leur illustre ascendant. En 752, l'archontat (que nous pourrions appeler également royauté), de perpétuel qu'il était, devint temporaire ; les archontes ne restèrent en fonctions que pendant dix ans. Les quatre premiers archontes décennaux appartiennent encore à la famille de Codrus; ruais, en 712, les Athéniens, trouvant que cette noble race avait dégénéré, Ela, -do ture accessible à toutes les familles eupatrides En 683, une réforme plus notable que les précédentes réduisit à une année seulement la durée de l'archontat, et répartit entre neuf archontes les fonctions du magistrat unique que nous avons rencontré jusqu'ici. Le premier de ces neuf archontes, que beaucoup plus tard, à l'époque romaine, on appellera l'icéevup.oç, mais qui, pendant plusieurs siècles, lut simplement l'épy,wv, hérita de quelques attributions judiciaires et eut l'honneur de donner son nom à l'année ; le second, le (3aat),E6ç, obtint en partage la plupart des attributions religieuses; au troisième, le ao).l ap;(oç, échurent les attributions militaires ; les six derniers, formant le collége des Ooa.totérat, furent surtout préposés à l'administration de la justice. Pendant longtemps encore ces neuf magistrats furent électifs (cp1.) aipt^' ou'Etporov;Tr,). Mais, à ia suite d'une nouvelle réforme imposée par la marche progressive de la démocratie, le sort prit la place de l'élection, et l'archontat devint une eépyi xà,;pwro. Il est toutefois assez difficile de préciser l'époque de cette modification. Car, sans aller jusqu'à (lire, avec Hermann et Curtius, que les anciens discutaient déjà sur cette date, il faut bien reconnaître que les témoignages qu'ils nous ont laisses sont contradictoires. Ainsi, d'après Démétrius de Phalère, l'archontat était échu à Aristide par le sort, tandis que, d'après Idoménée, Aristide fut nommé archonte par le choix de ses concitoyens ". Callimaque, qui remplissait à Marathon les fonctions de polémarque, était, d'après Pausanias 16, élu (i(prro), et, d'après Hérodote '0, désigné par le sort (xuéuyl ).ai7wv). On ne doit donc pas s'e tonner si les érudits ne sont pas d'accord entre eux. Les uns, comme Sigonius, pensent que ce fut Solon qui voulut que le sort désignât les archontes 2° ; on pourrait presque argumenter en ce sens d'un texte de Démosthène : ou yèp comme Ubbo Emmius, Schmmann, Curtius, Sauppe, Westermann, font honneur de l'innovation à Clisthène. Titmann, sans se prononcer très-affirmativement, émet l'avis que la nomination par le sort fut établie dans l'intervalle qui s'écoula entre les réformes de Clisthène et la bataille deMarathon. Perizonius, Niebuhr, Grote, Mo Georges Purot la regardent comme postérieure à la bataille ARC 3-84 ARC de Platée, et quelques-uns lui donnent pour auteur Aristide. Une seule chose est certaine, c'est qu'elle était en pratique au temps de Périclès, et ce fut pour cette raison que l'illustre homme d'État, malgré son influence sur ses concitoyens, ne fut jamais archonte et resta pendant toute sa vie en dehors de l'Aréopage 22. Nous croyons, avec M. Lugebil 23, qu'il ne serait pas impossible de rattacher aux réformes d':phialte (461) l'introduction du tirage au sort dans la désignation des archontes. Elle est au moins postérieure à la bataille de Marathon; essayons de le démontrer. Le fait que le nom de Solon est mentionné dans un texte où Démosthène parle des « Thesmothètes nommés par le sort » n'a aucune portée ; les Athéniens attribuent souvent à ce législateur des lois qui ne furent votées que longtemps après sa mort. Aristote, qui avait profondément étudié l'histoire de la constitution politique de son pays, déclare très-nettement que Solon maintint pour les magistratures l'élection telle qu'elle existait avant lui, T'v'rô,v âpxiiv came, P6. Isocrate fait remarquer que, non-seulement Solon, mais encore Clisthène, ne laissèrent pas au hasard le soin de pourvoir aux diverses malurent appeler que les citoyens les plus distingués et les plus capables E5. Le tirage au sort est donc postérieur à Clisthène. D'autres raisons nous portent à croire que l'élection fut en usage jusqu'aux réformes d'Ephialte. Pendant les soixante dernières années du va siècle, pendant toute la durée du Ive, aucun des grands hommes d'Athènes ne fut archonte, ou du moins ne figure sur la liste des éponymes, tandis que, pendant la première partie du v° siècle, sans remonter plus haut, nous trouvons, comme éponymes, Thémistocle en 493, Aristide en 489, Xanthippe en 479, etc. Le sort aurait donc été bien éclairé à. cette dernière époque, s'il eût précisément désigné ces illustres personnages! Quelle coïncidence merveilleuse surtout, si le nom d'Aristide fût sorti de l'urne en 489, l'année même qui suivit la bataille de Marathon où il s'était couvert de gloire! Le polémarque, qui commandait à Marathon, s'appelait KuX) iua,Coç ne serait-ce pas encore un remarquable effet du hasard que la désignation d'un homme portant ce nom de bon augure? N'est-il pas plus naturel d'admettre que Callimaque fut élu? Les anciens voyaient dans les noms des présages heureux ou malheureux, et leur choix, en tombant sur Callimaque, fut intentionnel et réfléchi 46. Une dernière preuve, que M. Grote avait déjà indiquée et que M. Lugebil a mise en relief avec un grand luxe d'érudition, est fournie par le rôle que le troisième archonte, le polémarque, jouait sur les champs de bataille. On sait que jamais les Athéniens ne laissèrent au sort la nomination des stratéges chargés de conduire leurs soldais contre l'ennemi. Si l'on peut démontrer que, dans la glorieuse journée de Marathon, le généralissime des Athéniens était précisément l'archonte polémarque, il devient évident qu'il était élu comme les stratéges, ses subordonnés. Que l'on étudie avec soin tous les renseignements qui nous sont parvenus sur la lutte des Athéniens contre les Perses, et l'on reconnaîtra que Callimaque était réellement le corn mandant en chef des forces grecques 27. C'était lui qui présidait les conseils de guerre et sa voix y était prépondérante ; c'était lui qui se tenait à la place d'honneur, à la droite de l'armée, et i1 avait sous ses ordres Miltiade, qui commandait seulement sa tribu, mais qui suggérait à son chef des plans de combat ; sur la liste des morts, le nom de Callimaque figura avant celui des stratéges 29, etc. Nous tenons donc pour certain que les archontes étaient encore élus en 490. Avant d'admettre le tirage au sort, on eut soin de les dépouiller, par prudence, de leurs plus belles prérogatives, et notamment de la direction suprême des armées. M. Hermann Sauppe a émis l'opinion que chacun des neuf archontes devait être pris dans l'une des dix tribus d'Athènes; un roulement, sur lequel nous n'avons aucun détail, déterminant quelle serait chaque année la tribu qui n'aurait pas de représentant dans l'archontat 29. Cette conjecture, sur laquelle nous nous abstiendrons d'exprimer un jugement, vient d'être adoptée par M. Schcernann 3Ô. La dixième tribu, exclue du tirage au sort des archontes, aurait, toujours d'après M. Sauppe, obtenu comme dédommagement le droit de fournir l'hiéromnémon qui siégeait au nom d'Athènes dans le conseil des Amphictions 31. M. Télfy 32 pense au contraire que dans cette dixième tribu était pris le secrétaire (ypx xu.uTEGç) qui assistait quelquefois le collège des neuf archontes 33 D'après la constitution de Solon, l'archontat n'était accessible qu'aux citoyens de la première classe, les Pentacosiomédimnes. Quelques auteurs ont soutenu que, à la suite d'une innovation de Clisthène, les trois premières classes purent prétendre à cette haute magistrature ; mais cette opinion nous paraît erronée. Plutarque 25 nous apprend, en effet, que, au temps d'Aristide, les archontes étaient encore pris exclusivement parmi les Pentacosiomédimnes; ce fut seulement Aristide qui élargit le champ des candidatures, en ouvrant l'archontat à toutes les classes 33. L'archontat, réparti, comme nous venons de le voir, entre neuf membres désignés par le sort, subsista non-seulement jusqu'à l'époque de la conquête romaine, mais encore pendant les cinq siècles qui suivirent ce fait mémorable. Les inscriptions nous ont conservé les noms de plusieurs éponymes du III' siècle de notre ère, de Philostratos (250) par exemple, de Gallienos (260), d'Herennios Dexippos, Hermeios (266), etc. Il est probable que les pouvoirs des neuf archontes reçurent de nombreuses modifications pendant ce long intervalle ; nous allons indiquer brièvement celles que nous avons pu constater. On a dit, en se fondant sur deux textes de Plutarque 3s que l'âpytov cessa d'être éponyme depuis l'an 306 jusqu'à l'an 288 avant notre ère, et que pendant cette période les actes publics et les contrats privés furent datés par le nom du prêtre des Dieux sauveurs, iEpabç 1o s poly 37 ; mais l'erreur de Plutarque est démontrée par un grand nombre d'inscriptions appartenant à cette époque et portant toutes la formule consacrée : irri N. âp'ovTOç, nous citerons notamment une inscription de l'an 304 38 et plusieurs inscriptions de l'an 303 39. Ce qui nous paraît certain, c'est que, à une époque indéterminée, mais qu'il faut reporter au moins 49 ARC 38r ARC jusqu'au commencement de notre ère, l'élection remplaça le tirage au sort. Parmi les éponymes figurent, en effet, un grand nombre de personnes que le sort n'a pas dû désigner, des empereurs romains, par exemple, Domitien, Hadrien, Gallien, et même un prince thrace, le roi des Odryses, Rheemetalcas, qui donna son nom à l'an 37 après J.C. 40 Beeckh 41 a exprimé l'avis que, au deuxième siècle de notre ère, le troisième archonte, le polémarque, échangea son titre contre celui de stratége. Il est vrai que, dans une inscription du Louvre, appartenant à l'an 108 42, un atpaTr' ç est mentionné immédiatement après l'apxtov et le aataeéç; dans une autre inscription 43, que Beeckh regarde comme contemporaine de Caracalla, entre l'âpxtov et le (3aatXatiç figure un aTpar ydq ; mais un passage de Philostrate 4'' prouve que la dignité de polémarque existait toujours à l'époque indiquée. Dans quelques inscriptions "5, l'éponyme porte le double titre d'âpxorv et de tapaûq Opoé ou h éTou. Ce titre était-il attaché à l'archontat, ou bien est-ce par l'effet du hasard que deux dignités différentes ont été plusieurs fois réunies sur la même tète ? Cette question controversée ne peut pas être résolue avec certitude. Notons enfin que, au Ive siècle, le collége tout entier des neuf archontes paraît avoir porté le nom des six derniers archontes,les thesmothètes. L'inscription consacrée à Herennius Dexippus dit que cet illustre personnage remplit Trv l'époque classique, il n'était pas rare de voir le nom des thesmothètes donné à tous les membres de l'archontat "7. Le fait le plus saillant de l'histoire de l'archontat, c'est que chaque siècle paraît avoir réduit l'importance de cette magistrature : les archontes furent peu à peu dépouillés des prérogatives qui leur avaient donné pendant longtemps le premier rang dans la république. Dracon enleva au (3aaùùatiç la connaissance des pavtxal Statut et la transporta aux Éphètes k8. Solon, en instituant les tribunaux des Héhastes, réduisit les archontes à n'être plus que les instructeurs des procès et les directeurs des jurys. Au ve siècle, le polémarque perdit le commandement en chef des armées et ne conserva de ses anciennes fonctions que la présidence de quelques cérémonies religieuses et la juridiction sur les étrangers 49. L'Aréopage fut investi d'un droit de contrôle supérieur sur toutes les magistratures S0, sans exception, etc. Ces restrictions d'un pouvoir presque absolu à l'origine s'expliquent toutes par les progrès de la démocratie. Lorsque l'archontat était exclusivement réservé aux citoyens des classes aristocratiques, les législateurs ne craignirent pas de lui laisser des pouvoirs étendus ; ils cherchèrent seulement à le rendre accessible à un plus grand nombre de familles et à diminuer son irresponsabilité en le partageant entre plusieurs personnes se surveillant mutuellement. Mais, quand il devint accessible à tous les citoyens, sans distinction de classe ni de fortune, quand surtout il fut déféré par le sort, les hommes d'État s'efforcèrent, en privant les archontes d'une partie de leurs fonctions, de remédier aux dangers que l'abus du principe démocratique faisait courir à la république, et que Ies sages, Socrate, 1. Platon, Isocrate, ne manquaient jamais de signaler. On leur laissa seulement quelques attributions relatives au culte et la présidence des tribunaux, l'tyaµov(a Sixa-T-p(ou. II. Au Ive siècle, c'est-à-dire à l'époque sur laquelle nous avons le plus de renseignements, les archontes désignés par le sort étaient soumis à une double docimasie, l'une qui avait lieu devant le sénat en fonctions, l'autre devant le tribunal des Héliastes (véxptatç) 51. L'examen portait, nous dit Pollux 52, sur le point de savoir s'ils honoraient les dieux protecteurs de la cité, Apollon Patroos et Zeus Herkeios; s'ils s'étaient acquittés de tous leurs devoirs envers leurs parents, s'ils avaient fait campagne pour leur pays. A l'époque où des conditions de cens étaient requises, on vérifiait s'ils possédaient la fortune exigée par la loi. On s'enquérait aussi de leur dème et de leur origine. Pendant longtemps, l'archontat ne fut ouvert qu'à ceux dont tous les ascendants, dans la ligne paternelle et dans la ligne maternelle en remontant jusqu'au troisième degré, étaient citoyens; mais cette condition fut abrogée ou tomba en désuétude ; car, au temps de Démosthène, les fils des citoyens naturalisés étaient admissibles à l'archontat 53 ; plus tard, on se montra encore moins rigoureux, puisque des étrangers, comme le Thrace Rheemetalcas, figurent sur la liste des éponymes. Enfin, une loi fort ancienne, que l'on continuait à appliquer au Ive siècle, voulait que la femme du (3auIÀetiç fût citoyenne comme son mari et qu'elle eût été épousée en premières noces, ayant encore sa virginité 5" ; des considérations religieuses avaient motivé cette prescription spéciale. Quand le résultat de l'sclxptatç avait été favorable et que les élus du sort étaient jugés dignes d'être archontes, ils juraient solennellement de veiller à l'observation des lois et d'être incorruptibles. Chacun d'eux s'obligeait, pour le cas où il manquerait à sa parole, à. offrir des statues d'or, de son propre poids, aux sanctuaires de Delphes 55, d'Olympie et d'Athènes 58; ce qui signifiait, sans doute, qu'il se condamnait d'avance à une amende si forte qu'il ne pourrait pas la payer et encourrait nécessairement l'atimie et ses conséquences légales 57. Ce serment, prêté d'abord sur un autel voisin du Portique royal, était ensuite renouvelé dans l'Acropole 56. Les neuf archontes ne se réunissaient pour agir en commun que dans des circonstances exceptionnelles. Ainsi, lorsqu'un exilé rentrait sans autorisation sur le territoire de l'Attique, c'était, nous dit Pollux S9, le collége tout entier qui prononçait contre le coupable la peine de mort. C'était lui qui présidait au tirage au sort des noms des six mille juges annuels et des dix athlothètes, et à l'élection des stratéges, des taxiarques, des hipparques et des phylarques. C'était lui qui, dans la première assemblée de chaque prytanie, posait les questions relatives à la bonne administration des charges publiques et qui, lorsqu'un magistrat avait été suspendu ou déposé, instruisait l'affaire et la portait devant le tribunal compétent sc. C'était lui, enfin, qui présidait aux votes d'ostracisme et. Mais, dans la plupart des cas, 1'âpxo,v, le 13aatÀa6q, le polémarque agissaient seuls, indépendamment des six thesmothètes qui avaient des ARC386 ARC attributions communes, Est-ce à dire, comme on le fait généralement, qu'il y eût diversité de locaux pour les neuf archontes? S'il faut en croire les grammairiens 6z, l'archonte éponyme siégeait près des statues des héros éponymes; l'archonte-roi, à côté du Bucolion, clans le voisinage du Prytanée, ou bien dans le portique royal; le polémarque, en dehors de la ville, près du Lycée 6 3 ; ïes six thesmothètes, dans le Thesmothesion. Ces derniers prenaient leurs repas en commun, aux frais du trésor public. II ne serait pas toutefois impossible de soutenir la thèse contraire. Démosthène parle en effet d'un ofuyga ièi em.6sTtsv 64, ce qui paraît bien ïndigler qu'il y avait un édifice spécial pour les archontes, édifice dans lequel des salles particulières étaient mises à la disposition de chacun de ces magistrats, Hypéride nous apprend d'ailleurs que les neuf archontes mangeaient ensemble 6v, ce qui se comprend aisément si on les suppose réunis dans un même édifice ; ce qui est plus difficile à expliquer si l'on admet qu'ils étaient disséminés au dedans et même au dehors de la ville °fi L'êpywv 67, le jlarstyséç 67, le polémarque, obligés de statuer seuls sur un grand nombre d'affaires, alors qu'ils pouvaient être inexpérimentés et ignorer les lois, étaient assistés chacun de deux népoèpot ou assesseurs u. Ces parèdres, quoique choisis par le magistrat, qui parfois mettait un prix à la désignation 70, et qui pouvait les révoquer 11, étaient cependant soumis, comme les archontes euxmêmes, à une double docimasie devant le sénat et devant les héliastes 72, Ils étaient personnellement responsables de leurs actes 73, et devaient, comme de véritables magistrats, rendre compte à l'expiration de leur ehafge 74 Quant aux thesmothètes, ils avaient certainement le droit de prendre des auxiliaires (o oéosXot) T; mais ils n'avaient pas d'assesseurs officiels reconnus par la loi et responsables ; la loi avait pensé que, dans un collége de six personnes, il s'en trouverait toujours une qui aurait assez d'expérience pour guider les autres dans l'accomplissement de leur tâche 76. Les archontes, lorsqu'ils étaient dans l'exercice de leurs fonctions, portaient sur la tête une couronne de myrte, emblème de leur inviolabilité 7; l'archonte-roi paraît môme avoir eu un costume officiel 78. Pendant l'année de leur charge, ils jouissaient du privilége exceptionnel de l'exemption de la triérarchie '9. Enfin, à leur sortie de l'archontat, sils s'étaient bien acquittés de tous leurs devoirs, ils entraient de plein droit dans le sénat de l'Aréopage 80. III,-Après ces notions générales sur le collége des neuf archontes, nous devons indiquer brièvement les attributions particulières de chacun d'eux. Le premier archonte, appelé simplement «p'wv à l'époque classique, et qui ne prit la qualification d'éponyme (i iévu;,.oç) que sous l'empire romain, avait le privilége de donner son nom à l'année pendant laquelle il était en charge 81. Sa juridiction comprenait toutes les affaires relatives aux droits de famille et de succession lorsque les intéressés étaient citoyens. Nous citerons comme rentrant dans sa compétence les actions qui soulevaient une question de liberté ou de servitude (uggatpéaswç h(xa;)93; les instances en divorce (âro),e(~Ewç et «r' ouiJ4Iorç) S3, en restitution de dot (rpotxôç), en pension alimentaire ou en paiement d'intérêts dotaux (af.ou)B4; les actions tendant à réprimer l'inaccomplissement des devoirs dérivant de la parenté ou du mariage (xuxwaswç) B5 ; toutes les affaires de tutelle (irttipor ç et gtaèoiaewç oixos)Bi; les demandes en interdiction motivées sur la démence (rxpavofaç) g" ou sur des prodigalités excessives; Ies requêtes d'envoi en possession formées par les successibles non saisis ; toutes les contestations relatives aux hérédités et aux filles épicières (xltsjptsy Éatôtxua(at) 88.L'accusation d'oisiveté (xpy(ac) devait aussi être portée devant l'archonte S9, La loi plaçait sous la protection spéciale de ce magistrat les personnes et les biens des incapables, veuves ou orphelins ; il devait aussi veiller soigneusement au maintien et à la perpétuité des familles, en donnant des continuateurs aux citoyens qui mouraient sans héritiers90. Enfin, il avait la direction et la police de la fête des grandes Dionysiaques et de celle des Thargélies 91 ; ce qui nous explique pourquoi des textes lui attribuent compétence pour les contestations entre Gho r éges u. Le second archonte était le roi (6 (3uutèEé;). Sa juridiction s'appliquait aux affaires qui intéressaient la religion, aux procès d'impiété (âaetE(aç) par conséquent93; et, comme, pour les anciens, l'homicide était surtout une offense envers les dieux 91 , c'était le roi qui était compétent dans toutes les actions de meurtre (fôvos xxi âLG'wv ô(xat) d'empoisonnement (t'upyéxwv), d'avortement (u oé),waswç), do tentative d'homicide (pou),Eéaew;), de blessures faites avec délit assimilé au meurtre 96. Si des contestations s'élevaient entre deux familles ou entre les membres d'une même famille sur le droit à un sacerdoce héréditaire, si des prêtres se disputaient des prérogatives attachées à des fonctions religieuses, c'était encore le roi qui avait juridiction 97, Il 'avait la direction et la police des mystères d'Éieusis 98, ce qui l'obligeait évidemment à se faire initier s'il ne l'était déjà ; l'absence de cette formalité ne lui aurait pas permis de jouer un rôle dans la célébration de ces fêtes, ni de présider le tribunal exclusivement composé d'initiés qui jugeait les violateurs des mstères. Les Antesthéries 99, tous les jeux gymniques et les fêtes lénéennes10° étaient aussi placés sous sa surveillance particulière. Dans les Lénéennes, l'épouse du roi (paat).(oau ou pua(atvvu) avait certaines attributions, et c'est pour ce motif que l'on exigeait qu'elle fût citoyenne d'origine, qu'elle se fût mariée encore vierge, et que sa conduite fût irréprochable 101 Toutes les contestations qui s'élevaient à l'occasion de ces fêtes étaient portées devant le roi'. Enfin il était chargé d'offrir au nom de l'État beaucoup de sacrifices aux dieux ms ARC 387 ARC Le troisième archonte, le polémarque (u s rsp toc_), eut, pendant longtemps, comme nous l'avons dit, la haute direction des affaires militaires et le commandement en chef des armées ; c'est à cette époque que se rapporte le passage des at!,Eiç Foropxa(10'', qui nous apprend que les ssaxpapoi étaient soumis aux ordres du polémarque. Mais, au ve siècle, ces brillantes attributions lui furent enlevées, probablement lorsqu'il cessa d'être nommé par l'élection et fut désigné par le sort. On lui laissa seulement la direction des cérémonies religieuses en l'honneur des soldats morts sur le champ de bataille '°°, et le soin de veiller à l'éducation et à l'entretien des enfants des victimes de la guerre'. Peut-être conserva-t-il encore pendant quelque temps juridiction pour certains délits militaires f0. Enfin, il présida les sacrifices offerts au dieu de la guerre 108. En matière civile, le polémarque eut l'hégémonie des actions relatives au droit des personnes et au droit de succession, toutes les fois que les parties étaient des métèques, des isotèles, des étrangers ou des affranchis. Les auteurs anciens établissent un parallèle entre la juridiction de l'cIpxo,v et celle du polémarque : un procès, pour lequel l'apyoly eût été compétent si les plaideurs eussent été citoyens, devait être porté devant le polémarque dès qu'il s'agissait de non-citoyens 109 La juridiction de cet archonte comprenait en outre deux actions pénales, rune 1'«rosTaa(ou ôix-r,, concernant les affranchis; l'autre, 1'ârpoaTaa(ou ypaft(ri concernant les métèques no Le polémarque avait la direction et la police des sacrifices en l'honneur de Diane Agrotère et des fêtes commémoratives d'Ilarmodius et d'Aristogiton'11 Les six derniers archontes, les thesmothètes (AEagoO€Tai), formaient un collége (auvrapiov)112 et agissaient en commun. Leur première attribution était la surveillance des lois, et elle leur avait donné leur nom, les lois s'appelant primitivement OEep.oi 113 ; le législateur, en effet, leur avait expressément ordonné de reviser les lois chaque armée avec le concours de l'assemblée du peuple. Ils devaient vérifier avec soin si, dans l'ensemble de la législation, il n'y avait pas des lois contradictoires, si des lois abrogées ne figuraient pas parmi les lois en vigueur, si mème il n'y avait pas plusieurs lois ayant le même objet. Lorsqu'ils rencontraient quelque irrégularité, ils transcrivaient sur des tablettes les dispositions qui ne répondaient pas aux exigences du législateur et les affichaient aux statues des héros. Les prytanes assemblaient ensuite le peuple et faisaient désigner des nomothètes chargés de préparer, sur les points indiqués, l'unité de législation n4. Les affaires, qui se rapportaient à l'exercice du pouvoir législatif, appartenaient à la juridiction des thesmothètes : ainsi la ypa(pzi rxpavôg.mv f{°, et l'I'vôsitç contre les prytanes et les proèdres qui avaient manqué aux devoirs que leur imposait la loi' sur 1ï7nzttpoTOV(a vopIas 116. Dans presque toutes les accusations où l'intérêt de la république était en jeu, on trouvait les thesmothètes; à leur hégémonie appartenaient notamment les actions de trahison (rpolos(aç), de tentatives faites pour renverser la démocratie (xaraauaso,ç ToJ i,,.,cou), ou pour établir la tyrannie (TUpavv(ôoç), de manœuvres frauduleuses pour tromper le peuple (rirnTo so3; Toi, d-Loos), de concussion ou de corruption (éoxxsp tt, èoép(.ov), de falsification des monnaies (vo'.c(ap.a-rot'ets0(lopâç), d'usurpation de la qualité de citoyen (EV(a; et ôwpoiovCsI). Ils étaient compétents pour les Eisayyoafie, pour les rpoêêoaa(, pour les docimasies des magistrats, pour les redditions de comptes par les stratéges, pour 1examen des traités internationaux Enfin leur juridiction renfermait un grand nombre d'actions, soit publiques, soit privées, si diverses qu'il n'est pas possible de déterminer un principe ayant dirigé le législateur dans cette répartition, Ce que l'on est en droit de dire, c'est que les thesmothètes avaient la plénitude de juridiction, et toutes les actions que des textes formels n'avaient pas attribuées à d'autres magistrats, devaient être portées devant eux. Citons notamment, parmi les actions publiques, les iêpEmçosolsyypay« ,YEUâoxa7'ITE(aç;parrnilesactionsprivées, à cause de cette plénitude de juridiction que les thesmothètes étaient chargés de la formation et de ia convocation des tribunaux. Si nous devions ajouter foi au témoignage d'lllpien'2'1, les thesmothètes auraient eu, outre les attributions que nous venons de décrire, une véritable mission de police nocturne; ils auraient été obligés de circuler pendant la nuit dans la ville pour prévenir les vols et les enlèvements ; mais ce renseignement n'a évidemment aucune valeur. IV. L'Attique n'est pas la seule région de la Grèce où des magistrats aient porté le titre d'Archontes. La ligue Béotienne avait à sa tête l'«pymv iv xoivii Bciw'mv, indépendamment d'un noyas spécial, désigné par le sort (xuâpiv' oç) 128, que l'on rencontre dans chacune des villes importantes, à Acraephies, à Chalies, à Chaeronée, à Platées, à Orchomène, à Tanagre, à Thèbes, à Thespies '25, à Thisbé 128. Les actes publics sont habituellement datés parle nom de l'archonte local; mais quelquefois on trouve réunis les noms de l'ép-ywv iv xoISCO Boitemv et de I ép tov de la ville 127 En Locride, à Thronium, à Oponte, l'éponyme est également l'archonte de la ville 128. A Delphes, en Phocide, les inscriptions portent le nom de l'archonte, et nous possédons aujourd'hui des listes assez longues des personnes revêtues de cette magistrature 12" ; à Daulis, à Stiris et à Ambryssis, Il y a simultanément deux archontes 100. En Thessalie, à Thaumaci Y31, à Lamia 1"r à Hypata 124, les inscriptions donnent chacune le nom de trois archontes qui devaient être des magistrats locaux. Dans la mer Égée, Anaphe, Andros, Délos, Paros, chasse 3. Un des personnages porte sous son bras l'arbalète avec le carquois (fig. 468). Il est impossible de n'être pas frappé de l'analogie de for,), _ARC .l88 ARC Sciathus, Ténos, Thasos... En Asie Mineure, Cyzique...; sur les bords de l'Euxin, Olbia, ont également des archontes''`'. E. CAII.I.EMER.