Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article ARCUS

ARGUS, Tdov, 1. L'arc est une des armes les plus anciennement inventées. Il était en usage dans tout l'Orient avant Page héroïque de la Grèce. Les Grecs devinrent habiles à s'en servir à leur tour. Teucer de Salamine, le Crétois -ARC 389 ARC_ Mérion ne sont pas, dans l'Iliade de moins puissants archers que le Lycien Pandare ; mais tandis que les peuples asiatiques ont toujours été renommés pour leur adresse à tirer de l'arc et ont aussi toujours conservé cette arme, les Grecs, à l'exception des Crétois ° , qui y excellèrent en tout temps, l'abandonnèrent de bonne heure aux auxiliaires engagés à leur service. On voit souvent ceux-ci, dans les peintures de vases, différant par leurs armes autant que par leur costume (fig. 470) 3, des guerriers grecs à côté de qui ils combattent [5AG1TTARJUS]. L'arc a souvent servi aux artistes à caractériser dans les peintures et dans les monuments de tout genre, les Troyens, les Scythes, les Amazones, et en général les Barbares, par opposition aux Grecs, entre les mains desquels on ne le voit qu'exceptionnellement"; mais les dieux à qui il était attribué par un symbolisme ancien, comme Apollon , Diane , Hercule , l'ont toujours conservé dans leurs images. De même en Italie d'anciens monuments, comme la peinture' d'un tombeau de l'antique Caere, ici reproduit (fig. 471), attestent l'emploi de l'arc dans un temps très-reculé ; Virgile donne aux Toscans s comme les armes qui leur étaient propres, l'arc, les flèches, le carquois ; mais il n'y eut pas d'archers dans les armées romaines, à ce qu'il semble, avant les guerres puniques, et jamais ils n'y servirent que parmi les troupes auxiliaires [AUxILIA]. Les deux figures qui précèdent représentent, la première un archer dans le costume des Scythes que les Athéniens entretenaient àleur solde; la seconde, un guerrier étrusque du centre de l'Italie ; ils tiennent l'un et l'autre un arc à peu près de même forme, c'est l'arc qui fut usité de tout temps en Orient que les Grecs, qui l'adoptèrent, appelèrent arc scythe, et dont ils ont quelquefois comparé les sinuosités à celles de la lettre 1, d'autres fois à la configuration de la côte septentrionale du PontEuxin7; c'est celui des héros d'Homère. Il faut rapprocher de la description que le poète donne de l'arc de Pandare ce qu'il dit ailleurs de ceux d'Ulysse ou de Pâris. Cet arc était fait des deux cornes d'une antilope ou chèvre sauvage assemblées par leur base; on appelait 7c~xus ou id zaeq, la partie du milieu formée par leur réunion, par laquelle on saisissait l'armef0; les extrémités étaient garnies d'un bouton ou crochet de métal(xopd,vs), auquel s'attachait la corde, faite d'un nerf de boeuf (veupr'1). Bander l'arc était une opération qui exigeait une grande vigueur, quand il avait les dimensions de celui de Pandare : c'est ce qu'on voit aussi, pour l'arc d'Ulysse, que Télémaque et les prétendants s'essayent tour à tour, mais vainement, à tendre", même après avoir pris la précaution de l'enduire de graisse en l'approchant du feu pour l'assouplir. On pliait l'arc, quand la force du bras n'y suffisait pas, en y appuyant le genou ou en le pressant entre les deux jambes, comme le montrent divers monuments (fig. 472 et 480) 12. On voit aussi, par les exemples cités, que la corde n'avait pas une longueur indéterminée, qu'elle restait fixée à l'une des extrémités de l'arc et s'adaptait à l'autre au moyen d'un noeud ou d'une boucle; il fallait, lorsqu'on le bandait, le fléchir juste assez pour que la corde pût se boucler à la pointe. Quelques personnes pensent que le mot xoptâvrl, employé par Homère, signifiait la boucle ou peut-être un anneau au moyen duquel la corde pouvait être tirée; mais no us croyons que par ce mot il faut entendre le crochet ou bouton plus ou moins orné dont la pointe était pourvue, et qui se voit dans les figures qui accompagnent cet article et dans un très-grand nombre de monuments. On conserve dans beaucoup de collections des objets en bronze ayant la forme d'un double anneau dans lequel deux doigts peuvent être passés et muni, à l'intersection des cercles, de deux, trois, quatre ou même cinq dents plus ou moins saillantes (fig. 473) : on a conjecturé que ces instruments avaient pu servir à tendre la corde d'un arc. La corde est toujours désignée dans Homère sous le nom de veup,'i; il entend par là, à ce qu'il semble, le nerf sciatique du boeuf; ensuite on la fit aussi d'une lanière découpée dans un cuir 14, puis de crins de cheval 15. La figure 474, tirée d'un bas-relief où sont représentés les attributs d'Apollon is montre l'exemple d'une corde tressée. Homère joint fréquemment à l'arc l'épithète aa),tvtovoç, ARC 390 ARC_ au sujet de laquelle les explications ont varié, mais elle ne se comprend bien que si l'on a sous les yeux la forme de l'arc scythe, qui est celui dont parlent Homère et aussi Hérodote "; celui que l'on voit en effet dans les mains des archers scythes, et dans celles d'Hercule, tout au moins lorsqu'on le représente avec l'arc qu'il avait reçu d'un berger de la même nation 13; et si, d'autre part, on a égard à l'emploi que les écrivains qui se sont occupés des machines de guerre, ont fait par la suite du mot 7ca),(vtiovoç en l'opposant, à eiOd' ovoç. Sans entrer ici dans des développements qui seront ailleurs mieux placés [TORMENTA], nous dirons que, par ces deux mots, ils ont distingué les machines qui lançaient des projectiles au moyen d'une torsion simple et normale, et celles qui les lançaient par une torsion inverse, c'est-à-dire opposée à la direction des bras de l'arc, Dans ce sens, le mot 7tu),ivrovoç s'applique bien à l'arc scythe, dont les bras ou cornes, quand il n'est pas tendu, sont dirigés dans le même sens que le dos de l'arme ; pour le bander il faut les ramener dans le sens opposé à leur courbure 19. Mais l'emploi de cette épithète distinctive suppose que les mêmes auteurs connaissaient des arcs d'une forme différente : nous savons en effet que plusieurs peuples en possédaient qui étaient faits, non de corne, mais de ) canne, de palmier ou d'autres bois flexibles' 0, et les monuments nous offrent des exemples Fig. 475. d'arcs décrivant une courbe simple, plus ou moins allongée, et quelquefois presque entièrement droits (fig. 473), placés dans les mains de dieux ou de personnages grecs 21. Pour tirer, on saisissait l'arc de la main gauche par le milieu (7;iyuç), et après avoir placé la coche (y)wp(c) de la flèche sur la corde, on amenait celle-ci vers la poitrine en la tendant assez pour que la pointe du trait touchât l'arc 22. Les monuments nous montrent l'archer au moment du tir, tantôt debout, la jambe gauche portée en avant, comme on voit fréquemment, par exemple, Apollon et Diane, et, dans la figure 476, un auxiliaire barbare de l'armée romaine23;tantôt un genou en terre, comme Hercule, figuré au fronton du temple d'Égine -' et sur des monnaies de Thasos (fig. 4.77), d'Olhia 2O, etc. Les archers portaient l'arc au repos, soit attaché en dehors du carquois [PHARETiA]1 qui contenait les flèches: c'est ainsi qu'Apollon est dépeint au commencement de l'Iliade 28, et qu'il est figuré sur un vase grec d'où est tirée la figure 47827; soit dans un étui séparé, proprement appelé rcoç007izg, ystpurdç, corytus dont on a trouvé dans les tombeaux des rois barbares du Pont de magnifiques modèles, travaillés par des mains grecques 29 ; d'autres fois encore, l'étui formant une double gaine renfermait l'arc à côté des flèches : on en voit de semblables dans plusieurs bas-reliefs (fig. 479) 90. Nous avons dit que l'arc fut dédaigné de bonne heure comme arme de guerre, non que l'on méconnût les services qu'il pouvait rendre, car on employa toujours les archers étrangers, mais parce qu'on estimait peu une arme qui permettait de frapper de loin et en se tenant à l'abri "; toutefois on ne cessa jamais de s'en servir à la chasse ou de s'y exercer pour son plaisir ?2, ou pour développer les forces du corps. Un vase peint du musée de Naples (fig. 480)", montre trois éphèbes tirant de l'arc, devant une colonne au haut de laquelle un coq est placé comme but. Platon 30 recommandait le tir à l'arc pour les deux sexes, dès l'âge de six ans, et voulait qu'on habituât les enfants à se servir indifféremment des deux mains. Il y avait à Athènes des maîtres qui enseignaient le tir à l'arc 33. Chez les Crétois cet exercice avait dans l'enseignement une importance ARC --® 391 ARC particulière 33. Des inscriptions font connaître des concours d'arc qui avaient lieu dans l'île de Céos3'; d'autres aussi clans l'île de Sestos u, E. SsfL1o. 11. Ancus, en architecture, exprime la forme cintrée d'une voûte ; de là le sens que nous donnons en français aux mots arc, arceau, arche, arcade, arcature. Mais, pour les Romains, ce fut plutôt, à l'origine, une expression figurée et même poétique, le terme propre et ancien pour désigner ce système de construction étant FoRVrx 1. Dans la langue courante, le substantif accus s'associa surtout à l'adjectif triumphalis, et devint le nom particulier des édifices à ouverture cintrée du genre des arcs de triomphe [ARGUS TRIUMPHALISj. A la longue, cependant, il prit un sens plus technique et plus général, comme on peut, en juger par les dérivés arcuationes, arcuatum opus, qui sont employés à propos du système d'arcades des aqueducs' [AQUAEDUCTUS]. La signification d'accus, plus restreinte toutefois que celle de fornir, ne paraît jamais s'appliquer qu'à des voûtes de peu de profondeur. Une inscription latine 3 parle d'un arc et d'un candélabre consacrés à Junon, arcum et candelabrum Junoni. Il s'agit probablement. dans ce cas, d'une sorte de niche cintrée, où l'on placait des ex-voto. La fig. 481 reproduit, d'après un exemple découvert à Pompéi, une grande niche de ce genre, sous laquelle est un autel '. L. Iisuzry. III. Arc de triomphe, monument d'un caractère commémoratif, ordinairement élevé pour perpétuer le souvenir de la cérémonie du triomphe. Si quelques triomphateurs purent réellement passer sous l'arc élevé pour eux, il est permis de supposer, à. raison des longs délais qui précédaient leur entrée solennelle, que ce fut là une exception. Ces monuments d'une exécution complexe durent être presque toujours élevés en souvenir du triomphe plutôt que pour le triomphe même. II est certain aussi que des arcs furent élevés en commémoration de victoires qui n'avaient pas été suivies d'un triomphe. Ainsi, L. Stertinius 1, en l'année 556 de Rome (196 av. J.-C.), après ses victoires sur les Espagnols, fit construire avec le butin fait sur eux, et sans avoir eu les honneurs du triomphe, deux ares, l'un dans le forum boariuna et l'autre près du. grand cirque; sur ces arcs étaient des statues dorées. Tite-Live les appelle foraines. C'est l'expression que I'on trouve le plus anciennement employée. On a cru, à tort, voir dans un passage de Pline 2, où il n'en est nullement question, qu'il attribuait cette invention aux Grecs ; on ne connaît d'ailleurs aucune ruine ni aucun texte précis qui confirme cette allégation. L'archéologie moderne voit clans la coutume du triomphe un des nombreux emprunts faits par les Romains aux traditions étrusques: mais si nous connaissons des portes monumentales étrusques, nous ne connaissons pas d'arcs de triomphe véritables qui appartiennent à cette nation. C'est donc un monument essentiellement romain, et dont la composition parcourt, entre les limites du développement de l'art romain, toutes ses phases de style, depuis ia simplicité primitive jusqu'à l'exagération de la magnificence. L'origine de ces monuments est évidemment dans les décorations provisoires qui se faisaient pour la cérémonie môme, soit à une porte de la ville, soit à des arcs figurés par des constructions légères en bois 3. Tout ce qui pouvait rappeler la gloire de la dernière guerre figurait clans cette décoration, trophées d'armes réellement prises sur l'ennemi, tableaux, peut-être des prisonniers enchaînés au monument, et surtout l'inscription à la louange du triomphateur. Les arcs de triomphe en construction durable ne sont autre chose que cette tradition consacrée par l'architecture : aussi ont-ils tous des données communes, tous présentent le caractère d'une porte pratiquée, non dans un mur, mais dans une construction qui semble une tranche d'un mur; tout l'effet est concentré sur les façades, tandis que les façades latérales, quelque peu indécises de parti pris, ont moins d'intérêt, L'arc lui-même est une large baie plein cintre, couverte comme une sinople porte par une voûte en berceau ; au-dessus, dans un attique, est l' inscription honorifique, la dédicace; au sommet, la statue du triomphateur, d'abord à cheval comme le montrent les plus anciennes médailles ', plus tard dans un char. L'arc fat toujours décoré de colonnes, soit engagées, soit dégagées, supportant l'entablement plus ou moins riche. Enfin, selon sa disposition, le monument reçut des sculptures diversement combinées, trophées, prisonniers, armes de l'ennemi. Ces sculptures sont toujours spéciales au monument et à la guerre qu'il rappelle, et offrent une mine précieuse de renseignements pour l'archéologie. Si l'esprit qui a présidé à la composition des arcs de triomphe romains est toujours le même, il existe dans leurs formes des variétés sensibles. Et ici, il convient de bien remarquer que plusieurs monuments très-analogues de forme aux arcs de triomphe, et qui sont communément désignés ainsi, furent en réalité soit de simples à tous égards un des malgré la différence de destination , présentent de nombreuses analogies de forme avec les arcs de triomphe, et peuvent au besoin être consultés avec fruit pour la restauration des parties détruites de ces derniers. L'arc de Rimininotamment, est monuments les plus précieux du portes, soit des monuments commémoratifs élevés en dehors de toute occasion triomphale : ce sont des portes de ville, comme à Fano ou à Autun ; des arcs à quatre portes en croix, comme l'arc de Janus quadrifrons à Rome [JANUS, PORTA] ; des arcs pratiqués pour le passage d'un aqueduc, comme la porte Saint-Laurent ou la porte Majeure à Rome (fig. 400, 401, p. 341). L'arc d'Auguste à Rimini fut élevé en mémoire de l'achèvement de la voie Flaminia, comme l'atteste son inscription 5 ; celui de Trajan à Ancône rappelle le rétablissement du port de cette ville par lui, et les noms de sa femme Plotina et de sa soeur Marciana, déjà morte alors (comme l'indique le mot diva), y sont associés à ceux de Trajan ; cette destination est établie par l'inscription même. Quelques-uns furent élevés par l'adulation d'un particulier, comme celui de Galien à Rome, ou d'une corporation, comme le petit monument appelé à tort arc des orfévres ou argentiers, puisque sa forme est celle d'une baie rectangulaire 6 et non d'une arcade. Mais ces monuments, Tr Rairr~Él C..,~82Vl ISSI 88ENAMPl' siècle d'Auguste ; son architecture est d'un très-beau style (fig. 483) ; le soubassement, l'archivolte , l'entablement sont remarquables ; et, au point de vue archéologique, il peut faire préjuger le type des anciens arcs de triomphe, qu'indiquent aussi des médailles. Celle que reproduit la figure 484 a été frappée sous Auguste, en l'an 18 av. J.-C. : elle est destinée à rappe ler les enseignes perdues par Crassus et Antoine , et rendues à Auguste par les Parthes. L'arc de Rimini présente d'ailleurs d'une façon saisissante la démonstration de l'origine probable de ces monuments : toute sa partie architecturale est positivement une décoration appliquée à un mur, un véritable encadrement de porte, surmonté d'une inscription en attique (il est à peine besoin de dire d'ailleurs que le mur en brique, avec créneaux, qui le surmonte, est du moyen-âge). L'arc de Trajan à Ancône, attribué au célèbre Apollodore de Damas est aussi un monument précieux, d'une belle étude, et qui de plus est dans un état de rare conservation. Les arcs de triomphe proprement dits sont nombreux en Italie ; les plus anciens sont aussi les plus simples ; cependant, Quatremère de Quincy exagère évidemment lorsqu'il dit 9 io que les premiers monuments de ce genre furent de simples arcs ayant de chaque côté une colonne sans stylobate, surmontée d'une simple plate-bande pour tout entablement. » Il cite à l'appui de cette conjecture les médailles antiques ; mais quiconque a comparé les médailles aux monuments qui nous restent de l'antiquité, sait combien elles sont infidèles et combien elles simplifient les compositions : or, si l'on ajoutait tant de foi aux médailles, il faudrait supposer cette rusticité à des monuments contemporains du TABULARIUM romain ou des temples de Préneste, ce qui est vraiment inadmissible. Quoi qu'il en soit, il ne subsiste aujourd'hui rien des arcs de triomphe qui furent élevés sous la république. Cependant des fouilles assez récentes ont mis à jour les traces d'un monument, que l'on peut considérer comme étant l'arc des Fabiens 50. L'arc d'Auguste à Suse 1t est un des plus simples : l'arcade y est pratiquée dans une construction dont le plan rectangulaire est arrêté par quatre colonnes d'angle engagées ; l'entablement porte d'une colonne à l'autre ; c'est de tout point l'architecture d'arcades à colonnes engagées que nous trouvons dans les monuments romains de cette époque. Celui d'Auguste à Aosta10 (Augusta Pretoria) est curieux par son entablement dorique à triglyphes sur des colonnes corinthiennes ; on a supposé d'ailleurs qu'il avait pu être remanié. Il en serait certainement de même de celui de Pola, s'il fallait l'attribuer à l'époque d'Auguste 1g, ce que démentent trop ses colonnes accouplées et le goût corrompu de tous ses détails. A Rome, l'arc de Drusus (Claudius Drusus Germanicus, père de Claude) est, comme celui de Rimini, pratiqué dans un mur continu"; dans son attique, on fit passer l'aqueduc qui alimentait les thermes de Caracalla. Cet arc est très-ruiné, cependant on y voit ------------ ARC393 ARC encore en place des colonnes dégagées avec des amorces d'entablements profilants, ce qui devint plus tard la pratique constante. L'arc de Titus 1s (fig. 485, 486), élevé en mémoire de la prise de Jérusalem, au pied du Palatin, à l'endroit dit somma sacra via, est considéré à juste titre par les architectes comme le plus élégant des arcs de triomphe, et présente la solution la plus typique du programme. Une seule arcade d'une belle proportion est accompagnée de deux colonnes engagées d'ordre composite ; l'entablement s'avance audessus de l'arc de la saillie même des colonnes, et l'architrave est soutenue au milieu de sa portée par une magnifique clef sculptée. De chaque côté, des espaces solides et sans sculptures complètent le massif; aux quatre angles étaient des colonnes engagées, sur lesquelles profilait l'entablement. Un attique élevé couronne le monument et suit dans son plan les développements de l'entablement. Le milieu en est occupé par une belle inscription; l'intérieur de cet attique forme une chambre voûtée, où l'on accède par un escalier dont le départ est au-dessus du piédestal de l'ordre. Cet arc, d'une belle étude d'architecture, est de plus très-remarquable par ses sculptures, victoires et frises des façades, et surtout par les grands bas-reliefs qui décorent le passage même de l'arc au-dessous des 1. impostes de la voûte. Ces bas-reliefs représentent, l'un la Victoire couronnant Titus dans un quadrige, l'autre le défilé des dépouilles triomphales, notamment du fameux chandelier à sept branches de Jérusalem ; ce sont des chefs-d'oeuvre de l'art antique (voy. les figures au mot TRIUDIPIIUS). Rien n'indique quelles étaient les sculptures qui couronnaient l'édifice, mais le bas-relief dont nous venons de parler donne à présumer que ce devait être un quadrige (comme on le voit restitué dans la figure). L'are de Titus fut élevé après la mort de cet empereur, comme en témoignent le mot mvo dans l'inscription, et la si ilpture qui représente son apothéose dans le caisson central de la voûte. L'arc de Trajan à Bénévent 76 est composé dans le même parti que celui de Titus, sauf qu'il est décoré d'un plus grand nombre de sculptures ; ces sculptures sont remarquables. On en voit entre les colonnes latérales et dans l'attique de chaque côté de l'inscription. Un autre arc de Trajan, à Rome, est détruit; on peut seulement en conjecturer le parti d'après une médaille '-7. De l'arc de Marc Aurèle, il ne reste que des fragments, réunis surtout au Capitole 1g. Avec l'arc de Septime-Sévère 1s, élevé sur la Voie sacrée au pied du Capitole, en l'honneur de cet empereur et de ses fils après la victoire remportée sur les Parthes, les Arabes et les Adiabéniques, commencent pour nous les arcs à trois portes, une grande arcade et deux petites. Chaque façade est décorée de quatre colonnes dégagées, au-dessus desquelles l'entablement profile. Les proportions générales en sont fort belles, l'attique surtout, dont une grande inscription occupe toute la longueur ; mais la conséquence de cette disposition est que les colonnes ne pouvaient être couronnées de statues ; des trous de scellement permettent seulement de supposer qu'elles supportaient quelques bronzes peu élevés, soit des aigles, soit de petits trophées. Le style du monument sent déjà la décadence, surtout dans ses sculptures petites et multipliées, qui sont répandues jusque sur les piédestaux. Une disposition particulière à cet arc est la communication entre les trois passages. L'arc de Constantin 20, élevé après sa victoire sur Maxence, est situé entre le Palatin et le Colisée, et est aussi à trois portes. La composition en est belle (fig. 487, 488); mais cet arc offre un exemple frappant de l'impuissance du bas empire, réduit à dépouiller les beaux monuments antérieurs pour en élever de nouveaux avec leurs fragments. En effet, les colonnes, les entablements, et presque toutes les sculptures, notamment les grands bas-reliefs du pas 50 ARC sage. central, ceux de l'attique, les bas-reliefs circulaires au-dessus des petits arcs, et les figures de Daces captifs qui surmontent les colonnes, proviennent d'un arc de A -Re Trajan. Les autres parties de sculpture et d'architecture contrastent par leur laideur avec ces beaux restes. Canina veut que ce soit là un arc commencé par Trajan et achevé par Constantin, mais cette hypothèse inadmissible n'a obtenu aucun crédit. Nous ne parlerons pas ici de l'arc de Gallien 21, ni d'autres arcs moins Importants élevés à Rome sur le Forum et sur la Voie sacrée 2i. En France, il existe plusieurs arcs de triomphe romains, à Carpentras, à Saint-Rémy, le premier très-petit, ruiné, mais correct, le second plus important, assez analogue comme parti à celui de Titus ; à Reims, à Cavaillon 2S, etc. ; enfin, l'arc d'Orange 2, considérable à tous égards, et qui a soulevé bien des controverses en l'absence de toute inscription. On l'a attribué à Marius, à D. Aenobarbus; Caristie, qui en a fait une étude spéciale et qui l'a restauré, le croit du temps des Antonins ; mais la profusion de ses sculptures, l'arrangement bizarre de ses frontons sur les faces latérales, le goût des détails, ne permettent guère de le supposer antérieur à l'époque de la décadence. Il a aussi trois portes, Ies colonnes sont engagées, y compris celles d'angle, d'où résulte une faiblesse fâcheuse des piles extérieures. On y voit deux attiques superposés. Nous pourrions citer encore divers arcs de triomphe en Espagne, en Syrie, en Afrique 2". Les monuments de ce genre furent prodigués sous les empereurs romains, et ce n'est que dans les ouvrages d'architecture qu'on en peut faire une étude complète. Nous ne pouvons guère qu'en indiquer le programme dans les limites de cet article. 3. GUADC•r. vase d'argile qu'il était d'usage, chez les Grecs, de placer à la porte de la maison où un mort était exposé, afin que l'on pût y puiser, en sortant, l'eau nécessaire pour se purifier 1. Il serait inutile de chercher à en déterminer la ARE 395--® ARE forme ; car on prenait, à ce qu'il semble, pour cet office un vase quelconque, ou même un fragment de vase. Le nom ne paraît avoir proprement désigné que la panse et le pied d'un pot de terre'. On l'appliquait aussi à des vases servant à faire boire les bestiaux. E. S. AREA. Tout espace découvert dépourvu de constructions ', tel qu'une place, une promenade, lm marché le parvis, le circuit d'un temple, d'un tombeau ou de tout autre édifice [TEMPLUM, scruLCauM]; une cour extérieure ou intérieure [noMi5i ; une aire pour dépiquer le blé [BUSTlCA Hus] ; l'arène d'un cirque ou d'un hippodrome [meus, nirronnonus], les planches ou plates-bandes d'un jardin potager ou d'un parterre de fleurs [HOHTUS], ou même un terrain vide et propre à bâtir 3. L'ares des monuments, des temples, des palais était parfois entourée de portiques, ornée de statues ou plantée d'arbres. Elle portait des noms de divinités ou des qualifications se rapportant à l'usage auquel elles étaient consacrées. L'area de Vulcain, ou Vuleanal, servait à des réunions où se traitaient les affaires publiques ; comme elle dominait le Forum, c'est de là que, jusqu'après l'époque des Décemvirs, furent adressés les discours au peuple'. Les fragments du plan antique de Rome gravé sur marbre, recueillis dans l'escalier du Capitole, offrent cinq areae : l'ares Valeriana, située dans la 90 région ; Larea Pollucis; l'area pannaria ou radicaria ou place aux racines, située dans la 120 région ; l'area Apollinis et l'ares Mercuraï. Nous reproduisons deux de ces fragments (fig. 489, 490) ; ou voit dans l'ares d'Apollon un autel auquel on arrive de deux côtés par des marches. D'autres areae tiraient leur nom du voisinage d'un temple, comme l'area Concordiae, située près du temple de la Concordes, ou d'un palais, comme 1area palatins, située sur le mont Palatin, entre l'habitation d'Auguste et celle de Néron; c'était une grande cour entourée de portiques dont les traces subsistent aujourd'hui Là s'assemblait la foule des visiteurs avant d'être introduite dans le palais [5ALUTATIO]. E. GUILLAUME.