Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article ARMILLA

ARMILLA (Wûoàtov, yatîôly, bracelet). -I. Les bracelets, ou, d'une manière plus générale, les anneaux portés, soit aux bras, soit aux jambes, sont au nowbre des ornements qu'on trouve le plus anciennement en usage chez tous les peuples. Les témoignages écrits s'accordent avec les monuments pour nous montrer que les femmes grecques de tous temps et de toutes conditions en portèrent. Homère les mentionne comme faisant partie de la parure de Vénus t ; il les appelletxas, et ce nom convient bien à llllllllllllllllllllllll 436 ARM la forme d'une spirale ou d'un serpent enroulé qu'ont les bracelets que l'on voit au bras des femmes sur un trèsgrand nombre de vases peints, de statues et d'autres monuments; les bracelets qui avaient l'apparence d'un ruban ou d'un serpent, faisant autour du bras un ou plusieurs tours, furent en faveur pendant toute l'antiquité. Nous en reproduisons un (fig. 527), trouvé à Pompéi, qui appartient au musée de Naples, et l'on pourrait en citer une multitude d'exemples De là les noms de ôpEtç et èpxovTEç, qui désignent souvent les bracelets 3. Ceux qui consistaient en un simple cercle plat ou cylindrique, ou en un fil plus ou moins épais de métal, furent sans doute en core plus cornmuns. Il en existe en bronze, en or, en argent dans la plupart des musées ; beaucoup appartiennent aux temps les plus anciens de la Grèce et de l'Italie : ils sont pleins ou creux ; quelquefois le cercle est interrompu °, et le bracelet devait adhérer au bras par la simple pression ; ou bien le bracelet consiste en deux segments creux, dont les extrémités sont de grosseur inégale, la plus mince pénétrant dans la plus large 5. Ce sont là des formes très-simples qui n'appartiennent exclusivement ni aux Grecs, ni aux Étrusques, ni aux Romains. Nous pouvons nous faire une idée du goût et de la variété de ces bijoux chez les Grecs, par ceux que des découvertes, presque toutes assez récentes, ont fait entrer dans les collections. La galerie de l'Ermitage , à Saint Péters bourg, à laquelle sont empruntées les figures 528 et 529 est, grâce aux fouilles faites dans l'ancien Bosphore Cimmérien, particulièrement riche en bijoux des meilleurs temps de l'art hellénique. Les deux bracelets ici reproduits ont été trouvés l'un et l'autre dans un tombeau de Koul-Oha, qui a été reconnu pour être celui d'un roi et d'une reine de la Chersonnèse. du Ive siècle avant J.-C. Ils sont en or. Le premier (il y en a deux pareils) 6 consiste en une torsade qui se termine à ses deux extrémités par une virole décorée d'oves en émail bleu et de filigranes, d'où se dégage le corps d'un sphinx, les ailes déployées, les pattes en avant; les griffes tiennent un noeud en fil d'or. L'autre' (fig. 529) consiste en un anneau à jour formé de gros fils d'or forgés. Une plaque carrée y tient au moyen de charnières; elle se compose d'une feuille d'or offrant huit fois figurée au repoussé , la partie antérieure d'un lion couché. Cette plaque est ornée de neuf grenats mon tés en chaton. La plaque est en outre ornée de fleurs en forme de campanule. Chacune des charnières est bordée de petits grenats. Un autre bracelet, trouvé 3 dans le tombeau du roi est formé d'une large bande d'or, sur laquelle se détachent des fleurons et des figures en relief représentant des sujets mythologiques. Plusieurs bracelets trouvés en Crimée sont formés de chaînons, de mailles d'un simple fil et garnis d'un fermoir. Les bracelets de travail grec trouvés dans la tombe d'un roi barbare ne doivent pas donner à penser que des bijoux semblables fussent en Grèce généralement à l'usage des hommes 0. Si l'on rencontre des personnages ainsi parés dans les monuments, c'est qu'on y a voulu marquer le luxe exagéré ou le caractère efféminé de ceux qui les portent. Au contraire, la plupart des femmes en avaient, quelquefois aux deux bras 10, et souvent deux au même bras, l'un au poignet, l'autre entre l'épaule et le coude 11. Pour les anneaux qui entouraient la jambe au-dessus de la cheville [PERTSCELID13S) et dont nous n'avons pas à parler ici, nous dirons seulement que ce genre de parure n'était pas, comme on l'a prétendu, abandonné aux seules courtisanes, mais qu'il fut adopté probablement partout où avaient pénétré le luxe et les moeurs de l'Orient, comme on le vit aussi en Italie. Toutes ces sortes d'anneaux sont réunies sur une même figure, dans diverses peintures de Pompéi. Nous en reproduisons une (fig. 530) 13 où l'on voit un adolescent (Adonis peutêtre, ou une autre divinité d'un mythe solaire) qui en porte aux deux jambes, Fig. 530. aux deux bras et aux deux poignets. Parmi les noms qui servaient chez les Grecs à désigner les diverses sortes de bracelets, quelques-uns, comme ceux deôptç, €Àt;, fytvog, etc., ont rapport à la forme de ces ---.AIIM 437 _ARM ornements, d'autres à la manière dont ils étaient portés. On distinguait principalement ceux qui se plaçaient sur le poignet (7taot)(47ttx) et ceux qui entouraient le bras (7ceptepaxtdvta) 16. De même, en latin, on eut plusieurs désignations pour ces bijoux, dont armilla était le nom commun : brachiale ou torques brachialis et spinter s'appliquaient plus particulièrement à ceux qui se portaient à l'avant-bras 13 ; le dernier nom aurait été même proprement, d'après Festus 1e, celui du bracelet placé au bras gauche, dextrocheriuna et dextrale étant les noms réservés à ceux de la main et du bras droits 17. On trouve le mot spataliuns également employé pour des bracelets portés au bras ou au poignet13 Des bracelets ne furent portés, à Rome, qu'exceptionnellement par des hommes. L'exemple de Trimalchion, dans le Satyricon de Pétrone, est celui d'un parvenu qui se rend ridicule par l'étalage de ses richesses ; mais on voit que des empereurs, comme Caligula, Néron, Héliogabale, en eurent aussi"; les bracelets donnés comme récompense à des militaires doivent être mis à part (voy. le § II). Ces exceptions prouvent cependant qu'un pareil luxe dans la parure, désapprouvé par les gens de goût, avait pu être d'un usage plus général : c'est ce que l'on peut conjecturer aussi d'après les dimensions, le poids et la façon de certains bracelets en bronze, en fer, en or, même encore subsistants, qui pourraient difficilement avoir été à l'usage des femmes, et enfin d'après ce que l'on sait des habitudes de plusieurs anciens peuples de l'Italie. Tite-Live dit 26 dans les termes les plus précis, en racontant la trahison de Tarpeia, que les Sabins avaient coutume d'avoir au bras gauche des anneaux d'or très-pesants. Ils ne possédaient peint d'or dans leur pays, et l'on peut croire que ces objets leur venaient des Étrusques, dont le goût pour les riches ornements est connu. Pour ceux-ci les preuves abondent, non-seulement on possède encore de nombreux bracelets de toutes matières, qui leur ont appartenu et qui sont remarquables par la façon, mais encore on voit par les figures sculptées sur leurs tombeaux ou gravées sur leurs miroirs , leurs cistes, etc. que les hommes 21 , aussi bien que les femmes,en portaient à l'un et à l'autre bras, au poignet, audessous ou au dessus du coude, à l'avant-bras et quelquefois touchant l'épaule. La forme de serpent est, avec l'anneau simple, une de celles qu'on rencontre chez eux le plus fréquemment; souvent des pendeloques ou des bulles [BULLA] sont attachées au cercle, comme on le voit sur le beau miroir (fig. 531) où sont représentés Bacchus et sa mère Sémélé P2. Deux bracelets étrusques de caractères différents sont ici reproduits. L'un(fig. 532), qui a appartenu successivement aux collections Fejervary et Louis Fould 2a, a été trouvé dans un tombeau de l'antique Tarquinii; les méandres et les figures barbares tracées d'un côté en points granulés, et surtout les animaux fantastiques, les palmettes , les croissants, etc., gravés au revers, sont empreints du caractère asiatique que l'on remarque si souventdansles couvres de l'art étrusque d'un style très-ancien. L'autre 24 appartient à la plus brillante période de l'orfévrerie étrusque (fig. 533) et se compose de plaques réunies par des charnières et ornées de rosaces, de fleurs et d'autres dessins en granulé et en cordelé, mêlés de verre. On a trouvé aussi dans les tombes étrusques des bracelets funéraires, faits, comme beaucoup d'autres bijoux qui étaient destinés à la parure des morts, de feuilles d'or légères et présentant peu de résistance 23. Nous n'en décrirons pas d'autre forme ; nous signalerons seulement encore le goût que l'on eut chez les Romains, sous l'empire, pour les médailles montées en bijou. On en voit dans le cabinet de Vienne26 un beau spécimen (fig. 534). Les dimensions (ici réduites de près de moitié), prouvent qu'il devait être porté au haut du bras. ARM 483 -_ -A-14:N il est d'or, entièrement à jour; les médailles sont aux effigies de Marc-Aurèle, de Caracalla, de Gordien III et de Claude le Gothique. Un joli bracelet trouvé en Épire a7 est entièrement coanposé de monnaies de Mitylène imitées à l'époque romaine ; des petits grenats, placés entre elles deux à deux, servent de monture. On sait, quoiqu'il ne soit pas fréquent d'en rencontrer, que les bracelets étaient souvent ornés de pierres précieuses". Toutes les matières, l'or, l'argent, le bronze, le fer, l'ivoire, l'ambre, le corail, les pâtes, le verre, etc., ont été d'ailleurs employées dans la fabrication des bracelets. Ces dernières matières l'ont été souvent sous forme de perles ou de cylindres [cv'L1Nnnus] enfilés. Pline 2B parle de bracelets creux où l'on enfermait une substance servant de remède. d'amulette, etc. Il. Décoration militaire. Bracelet que les soldats romains recevaient comme récompense, de leur général, et plus tard de l'empereur. On l'appelait aussi calbens ou galbeus. Les Romains empruntèrent peut-être l'usage de cette décoration aux Sabins qui, selon Tite-Live, aimaient à se parer, au bras gauche, de bracelets d'or très-pesants 30. Suivant Festus 31 et Zonaras 62, les généraux vainqueurs portaient des bracelets à leur entrée dans Rome, lors de la pompe triomphale. Les monuments connus ne servent pas à confirmer leur témoignage. Ni Titus ni Marc-Aurèle n'ont de bracelets sur les représentations sculptées de leurs triomphes : mais, au lir siècle, les armlllae étaient réservées aux soldats et aux centurions ; les officiers supérieurs n'en recevaient pas [noNA o41LITSU14 Après la prise d'Aquilonia (461 de [L 293 as. J.-C.), le consul Papirius donna des bracelets et des couronnes d'or à tous les centurions, ainsi qu'au manipule d'hastati qui s'était le plus distingué par sa valeur. Les cavaliers reçurent des cornicula (c'étaient peut-être des ornements de casque) et des bracelets d'argent ss Un même individu pouvait recevoir un très-grand nombre de ces décorations. Licinius Dentatus n en avait reçu cent soixante u, ce qui n'est explicable que si l'on admet qu'on lui en avait donné plusieurs pour une seule action. D'après Pline, cette récompense militaire était réservée aux Romains, aussi bien que les couronnes 1u. Les auxiliaires avaient d'autres distinctions. Sous l'empire, les arlnillae forment avec les phalerae et les torques, les dopa minora généralement réservés aux centurions, sous-officiers et simples soldats. Le mot mailla est quelquefois accompagné de l'épithète aurea 37, ce (lui prouve que les bracelets militaires n'étaient qu'exceptionnellement en or. Probablement ces décorations étaient habituellement en argent, comme celles que reçurent les cavaliers à Aquilonia, et comme les phalères trouvées à Lauerforst V. PHALERAL]. Les monuments nous font connaître la forme de l'armilla. Sur un bas-re lief ornant la pierre tombale de Cn. Musius , aquili fer de la àMayence, le bracelet est formé par trois spires s'enroulant autour du poignet droit". Le buste de Manius Caelius, centurion de la xvnl° légion, mort dans la guerre où succomba Varus , nous montre l'an ailla sous forme d'une large lame roulée autour du poignet et fermée par trois clous. Le personnage eu porte une à chaque bras 39. C. DE LA BERGE. III. Le même nom, par extension, a été appliqué à d'autres objets de môme forme. Ainsi Vitruve 40 appelle armilla un anneau de fer fixé à la tête d'une poutre pour l'empêcher d'éclater ; et Caton 41, des cercles employés dans la construction d'un pressoir. E. S.