Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article ATRAMENTUM LIBRARIUM

ATRAMENTUM LIBRARIUM, ou simplement atramentum (on trouve encore atramentum scriptorium', atramentum quo ad scribenda volumina utuntur 2) ; en grec ta.ù uv, !axes ypaptxov, ta_nav til yp4opd.ev ; en grec byzantin: µeacivtov, «r€pau.vov et iyxau,rov, qui a donné le latin post-classique encaustum. Encre noire. Le nom générique atramentum désignait toute espèce de noir. Il faut prendre garde de confondre avec l'encre, l' atramentum sutorium 4, appelé aussi chalcanthum (µeaav atr 3), noir des cordonniers ou noir de cuivre ; ou encore 1 atramentum tectorium (gûan xarcixoa).ov 3), noir des peintres. C'est à l'atramentum tectorium et avec un pinceau, qu'ont été tracées plusieurs inscriptions, rencontrées dans les cimetières 9. A celui de Calliste, à Rome, Boldetti.10 trouva un petit vase d'argile (ATRAMENTARIUM), dans lequel était encore une matière noire desséchée, paraissant avoir servi à écrire une inscription dans le voisinage. L'encre dont les anciens se servaient ordinairement pour écrire sur le papyrus, était une sorte d'encre de Chine. Elle était composée de noir de fumée, provenant de la combustion de résines, mêlé à de la gomme". Selon Dioscoride 12, les proportions étaient, en poids : los Vitruve 13 décrit le mode de préparation du noir de fumée destiné spécialement à la fabrication de l'encre. « On bâtissait une chambre voûtée comme une étuve ; les murs et la voûte étaient revêtus de marbre poli. Au-devant de la chambre, on construisait un four qui communiquait avec elle par un double conduit. On brûlait dans ce four de la résine ou de la poix, en ayant soin de bien fermer la bouche du four, afin que la flamme ne pût s'échapper au dehors, et se répandît ainsi, par le double conduit, dans la chambre voûtée ; elle s'attachait aux parois et y formait une suie très-fine, qu'on ramassait ensuite'. » Il suffisait d'exposer le mélange de noir de fumée et de gomme à l'action du soleil 13 pour le dessécher, et l'on obtenait ainsi l'encre sous forme solide, comme nos bâtons d'encre de Chine. Lorsqu'on voulait écrire, il fallait délayer l'encre dans l'eau, de la même façon qu'on broie les couleurs. Démosthène 16 nous représente Eschine enfant, broyant l'encre dans l'école de son père (ri gi),av rp(6tov). On lit dans une épitaphe, trouvée à Caesarea (Cherchell), cheflieu de la Mauritanie Césarienne 14 : « haec cura scriberem, lacrimis atramentum temperavi 18. » Quelques gouttes d'encre antique s'étaient conservées au fond d'un encrier, découvert à Pompéi au milieu du siècle dernier 19. Winckelmann a vu cette encre épaisse I, comme de l'huile, mais avec laquelle, cependant, il était encore possible d'écrire 2°. Elle ne fut pas, alors, soumise à l'analyse chimique. L'exactitude des renseignements que nous ont laissés les anciens sur la composition de leur encre, n'a été, enfin, démontrée scientifiquement '21 que lors des expériences faites par H, Davy, vers 1820, sur les papyrus d'Herculanum. Cette encre au noir de fumée se laissait facilement effacer. On connaît l'épisode suivant, rapporté par Athénée 2t. Un jour, Alcibiade, supplié par Hégémon de venir à son secours, entre, à la tête d'une troupe nombreuse, dans le Métroon et, mouillant son doigt, efface l'acte d'accusation qui y était déposé contre son protégé. Ordinairement, on se servait d'une éponge pour faire disparaître l'écriture : de là l'épithète deletilis, donnée par Varron 23 à l'éponge. Auguste répond à ceux qui lui demandent des nouvelles de sa tragédie d'Ajax : «Ajacem suum in spongiam incubuissen. » C'est à cause de cet usage que l'on voit figurer l'éponge parmi les instruments du copiste dans plusieurs épigrammes de l'anthologie 25. Naturellement, plus l'écriture était récente, plus elle était facile à éponger 28 Selon Pline, pour rendre l'encre à peu près indélébile, il ne fallait que la délayer dans le vinaigre, au lieu d'eau. Cette assertion se trouve confirmée par les résultats de la chimie moderne 27 Pline affirme encore, mais ici nous cessons d'être son garant, qu'un livre, écrit avec une encre mêlée d'absinthe, est à l'abri des animaux rongeurs 2a « Quant à la composition de notre encre, » disent les auteurs du Nouveau traité de diplomatique 29, « elle était inconnue aux anciens, ou du moins n'en usaient-ils que pour teindre en noir leurs cuirs. » M. Géraud, l'un des derniers, s'est fait l'écho de cette opinion erronée. « L'encre des anciens, dit-il 30, a été en usage jusqu'au xlle siècle, époque où a été inventée celle dont on se sert aujourd'hui. » Il est reconnu maintenant que, déjà au 111° ou même au (t' siècle après J.-C., on se servait communément d'encre à hase métallique, du moins pour écrire sur le parchemin. La preuve en est que la première écriture des plus anciens palimpsestes est sensible à l'action de la teinture de noix de galle et de l'ammoniaque sulfuré 31. Mais c'est à tort que Martianus Capella, auteur du v' siècle, est cité 32 comme le premier qui ait fait mention de l'emploi de la noix de galle dans la fabrication de l'encre 33 Un texte resté jusqu'à présent inaperçu de tous ceux qui ont traité de l'encre chez les anciens, nous montre que la réaction de la noix de galle sur les sels de cuivre, sinon sur ceux de fer, était utilisée bien avant l'ère chrétienne. Philon de Byzance dit à propos de l'envoi de messages secrets: «On écrit sur un feutre neuf.... avec une infusion de noix de galle concassée. Les lettres, en séchant, deviennent invisibles. Mais, après avoir fait dissoudre dans l'eau de la fleur de cuivre, de la même façon qu'on délaye l'encre, et avoir 67 trempé une éponge dans la dissolution 3a, il n'y a qu'à passer l'éponge sur les caractères pour les voir apparaître.» Les anciens connurent aussi l'encre de sèche ou sépia" . On en fit surtout usage en Afrique 3s On trouvera, à l'article spécialement consacré à l'encre rouge [cINNABARIS], quelques détails sur les encres de fantaisie et les encres sympathiques. CHARLES GRAUX.