Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article ATRIUM

ATRIUM. Première grande salle que l'on rencontrait en entrant dans la maison romaine (proxima januis'). C'était probablement l'unique pièce des habitations primitives de l'Italie, ce fut la principale encore dans celles que l'on construisit par la suite. Là, tant qu'on ne s'écarta pas des anciennes moeurs, se tint la famille, groupée autour du foyer, qui était aussi l'autel domestique [ARA]. On y préparait le repas commun et on y sacrifiait aux dieux et aux mânes des ancêtres, dont les images (fumosae imagines) étaient rangées à l'entour' [LARES, IMAGINES MAJORUM]. Le père de famille recevait dans l'atrium ses hôtes et ses clients' ; c'est là qu'était la caisse où il renfermait son argent' [ARCA]. La mère de famille y demeurait, entourée de ses filles et de ses servantes, distribuant et surveillant le travail' ; le lit nuptial, dressé le jour de ses noces faisait face à l'entrée (et pour cette raison il était appelé ictus adversus)° ;, il resta à cette place, au moins comme meuble de parade, lorsque les maîtres de la maison eurent ailleurs leur chambre à coucher. Enfin, quand la famille perdait un de ses membres, c'était encore là qu'on exposait le corps avant de l'emporter [FUNUS]. La maison s'agrandit et se compliqua pour suffire à de nouveaux besoins ; les chambres particulières se multiplièrent autour de la chambre commune, et il devint néces saire de répartir en des endroits différents ce qui avait été dans celle-ci longtemps réuni : les lares dans une chapelle, le foyer, distinct désormais de l'autel, dans une cuisine ; il y eut des salles à manger vastes et élégantes pour des festins où la famille n'était plus seule admise, des cellules et des ateliers pour les esclaves, qui ne travaillaient plus sous l'oeil du maître; mais toujours la première salle, spacieuse, d'accès facile, destinée à l'usage de tous, que les Latins appelèrent atrium ou cavaedium3, resta une partie essentielle et.caractéristique de la maison romaine. On en distinguait plusieurs sortes 9, en se fondant sur la variété des proportions et sur les manières diverses de construire et de soutenir le toit. Ces différences seront expliquées ailleurs avec précision [cAVAEDIUM]. Il y a apparence que l'on commença, au moins dans une partie de l'Italie, par couvrir l'atrium d'un toit entièrement fermé, comme celui des chaumières primitives dont la forme a été donnée à de très-anciennes urnes cinéraires trouvées dans le Latium f0; mais de bonne heure prévalut un autre système consistant à éclairer l'atrium par une ouverture carrée pratiquée dans le toit (compluvfum), dont les pentes étaient inclinées vers l'intérieur de manière à verser les eaux dans un bassin (impluvium), placé au-dessous. Le nom de toscan (tuscanicum) donné au cavaediûm qui offrait cette disposition ", indique assez dans quel pays on croyait qu'il avait pris son origine. Varron " tire le nom d'atrium de celui de la ville d'Atria, en Toscane, où l'on aurait vu les premières constructions de ce type, et son explication, même si elle est inexacte, prouve que les Étrusques étaient considérés comme en ayant fourni de bonne heure des modèles. D'après l'opinion aujourd'hui la plus généralement acceptée, ce nom vient de ater, à cause de l'aspect sombre de ces intérieurs peu éclairés et noircis par la fumée qui s'échappait par l'ouverture du toit 13. Une urne cinéraire trouvée à Poggio Gajella ", dans le voisinage de Chiusi, qui a comme celles du Latium, l'apparence d'une maison, mais d'une architecture différente, peut aider à se faire l'idée d'une pareille construction (fig. 624). Elle forme ATR 53-1 -ATR un carré long et est couverte d'un large toit, au-dessus duquel s'élève, comme une cheminée, l'encadrement saillant qui entoure l'ouverture du compluvium. D'après la vue de l'extérieur, on peut conjecturer la disposition de l'intérieur : au-dessous de cette ouverture devait nécessairement se trouver le bassin destiné à recevoir les eaux, assez grand comme on voit, et placé au centre, de sorte que, s'il y avait d'autres pièces autour de la principale, il ne restait pour elles que peu d'espace. Pour compléter l'idée qu'on doit se faire de cet intérieur, il faut interroger les ruines qui subsistent encore d'habitations antiques. Quelques-unes des plus modestes maisons de Pompéi, à défaut d'exemples très-anciens 1', nous montrent comment, quand l'atrium ne fut plus à lui seul la maison tout entière, les chambres se rangèrent à l'entour. Dans le plan et la coupe ici gravés (fig. 625 et 626)Is on le voit précédé d'une entrée étroite, 1, à côté de laquelle est une pièce donnant sur la rue et servant de boutique, 2 ; l'atrium , 3, avec son impluvium, 4, où le toit, soutenu par quatre colonnes, conduit les eaux par une triple pente17, occupe à peu près tout le reste; car on peut ne pas tenir compte, si l'on essaye de se représenter une maison primitive, d'une chambre, 5, qui est un appendice, en dehors du plan régulier ; un escalier, 6, conduisait à un réduit placé dans un des angles, au fond, au-dessus d'une petite cuisine, Fig. 626. Coupe de 1, même 7 ; cette cuisine n'était pas né maison. cessaire, on le comprend, au temps où l'autel et le foyer n'étaient pas encore séparés. Une autre maison, qui a la même profondeur que la précédente, avec un peu plus de largeur Is, nous offre l'exemple (fig. 627) d'un atrium, 1, du genre toscan; son toit, ayant jour au-dessus de l'impluvium, 2, était soutenu par des poutres se croisant à angle droit, et n'avait pas besoin de colonnes pour supports. Sur deux des côtés de cette salle principale s'ouvrent des chambres, dont nous n'avons pas à déterminer à présent la destination ; mais il faut remarquer la disposition de Fig. 627.Plan d'une celles qui sont marquées sur le plan maison de Pompéi. par les chiffres 3 et 4 ; l'une d'elles, 3, communique avec l'atrium sans aucune porte, elle en dépend et le complète : c'est déjà, dans cette maison si étroite et si simple qu'elle soit, le tablinum, que nous retrouverons dans tous les plans d'habitation plus vastes et plus riches, véritable centre de la maison, résidence habituelle du maître, qui y avait ses titres, sa caisse, ses archives de famille, etc. Ordinairement il était placé en face de l'entrée, entre les alae, il l'est ici entre deux pièces, 4, pourvues de portes, qui, dans cette maison, étaient probablement des chambres à coucher (cubicula). On trouvera des exemples d'une pareille disposition dans l'article où est expliquée en détail la distribution des maisons romaines [DoMus]. Nous nous contenterons de reproduire ici un des fragments du plan antique de Rome, gravé sur marbre vers le temps de Septime Sévère, qui sont conservés au musée du Capitole1°. On y voit ( fig. 628) trois maisons contiguës, ayant chacune son atrium, facilement reconnaissable : c'est l'espace carré situé entre les boutiques qui donnent sur la rue, de chaque côté de l'entrée, et le tablinum et les alae qui lui font face. Au delà on aperçoit une autre vaste salle à ciel ouvert, ou cour entourée d'un portique de colonnes, le pe ristyltum, sorte de second atrium, qui forma avec quelques chambres la partie réservée de la maison, lorsqu'il fut devenu nécessaire de doubler celle-ci, désormais insuffisante pour des familles nombreuses et opulentes. L'atrium accessible au public, rempli à certaines heures par la foule des clients, fut dès lors, avec le tablinum et les alae, ses dépendances ordinaires, et quelques pièces propres au service, l'appartement de réception. Deux vues prises parmi les ruines de Pompéi aideront à s'en faire une image. L'une (fig.629), prise dans la maison dite de Cérès80, est celle d'un atrium toscan, le toit n'était pas soutenu par des colonnes ; au contraire, dans la deuxième (fig. 630) qui représente ATR332 -ATT l'atrium corinthien de la maison du Questeur 2L, on voit encore le pied des colonnes qui entouraient l'onpluvium. La vue des maisons en ruines de Pompéi ne peut aider toutefois à se représenter l'atrium d'une riche habitation au temps de l'empire, que si l'on y ajoute par la pensée tout ce que le luxe avait alors inventé pour embellir les appartements. Les murs étaient revêtus de marbres et de stucs [PARIES], OU décorés de peintures ; les pavés, de mosaïques [MUsivum orus], les plafonds, de caissons [LACUNAR] sculptés, peints et dorés. Les colonnes étaient quelquefois faites de blocs énormes des marbres les plus précieux Des statues étaient dressées dans les intervalles 23. Les portraits des ancêtres [IMAGINES MAJORUM] faisaient le principal ornement de l'atrium et des alae des maisons nobles ou qui prétendaient à la noblesse. Les bustes des empereurs ou de personnages célèbres en tenaient lieu quelquefois pour les familles qui n'avaient pas de passé. Des disques de métal ornés de figures en buste ou en médaillon [cLIPEus], des tableaux [TABULA] étaient aussi suspendus dans l'atrium. Des tentures 25 [muni] fermaient à volonté l'entrée du tablinum et des alae , et, quand l'ardeur du soleil était trop grande, l'ouverture du compluvium; on tendait aussi des rideaux entre les colonnes. La fraîcheur était encore entretenue par le perpétuel mouvement d'eaux jaillissant (salientes) au milieu du bassin de l'impluvium 45, ou qui y étaient versées d'une fontaine, telle qu'on en a conservé à Pompéi d'élégants modèles [FONTES]. On y rencontre aussi, debout encore à côté de ces bassins, des tables carrées de marbre [CARTIBULUM], aux pieds sculptés, sur lesquelles on étalait de la vaisselle ou d'autres objets précieux 26; et des débris de caisses en métal qui contenaient les fleurs, les plantes vertes et les arbustes dont on entourait l'impluvium 27. II. Le nom d'atrium se retrouve dans celui d'un certain nombre d'édifices dont les dispositions rappelaient sans aucun doute celles de l'atrium des maisons particulières 26. L'atrium Vestae, où étaient les demeures des Vestales et qui faisait partie de la REGIA, devait être certainement construit sur le plan des anciennes habitations romaines [VESTALES]. Il paraît y avoir eu à Rome deux édifices appelés atrium Llbertatis, l'un probablement au forum, du côté du Quirinal, l'autre sur l'Aventin 29. Dans le premier sans doute se trouvaient les offices des censeurs et leurs archives 30 ; des tables de lois y étaient conservées 34. Il y avait aussi dans l'un des deux endroits une prison, et les esclaves y recevaient la question 38. Un atrium Libertatis fut restauré par Asinius Pollio, qui y plaça la première bibliothèque publique que l'on vit à Rome 33. L'atrium Cati J4, l'atrium Minervae, qui se confond peut-être avec l'atrium Sutorium35, l'atrium Tiberinum36 et d'autres encore étaient des édifices religieux. Il y avait aussi des places nommées atria auctionaria 57, où se faisaient les enchères publiques [AUCTIO]. E. SAGLIO.