Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article ACROASIS

ACE OASIS ('Axpduatç).-Mot grec qui a passé dans l'usage des Romains et signifie tantôt un discours public, une lecture, une leçon, ce que nous appelons une conférence; tantôt le lieu où se rassemble l'auditoire [RECITATIO, rECLA ACROLITRUS('Arpôat8ov «ya)ua, éMvov).-Statue dont le visage, les mains, les pieds étaient de pierre ou de marbre, tandis que le reste du corps était d'une autre matière et le plus souvent caché par des draperies. Pausanias, qui vit un certain nombre de ces statues dans les temples de la Grèce, a eu soin de dire i, toutes les fois qu'il a pu s'en assurer, que le corps était de bois sculpté, ordinairement doré ou peint quand il n'était pas dissimulé sous des vêtements, et que le visage (ap6anuoso) et les extrémités (ysipaç «xpxt, «xpot 7t6dr;, xpDtoî',Ec) étaient de marbre ()dîou aeuxoê, ),itou ocapiou, 7rav-rca-Ila(ou). Dans les expressions qu'il emploie on reconnaît les termes dont est formé le mot «xp6at8o;, mais ce mot lui-même ne se rencontre pas une fois dans tout son récit. On le trouve dans un petit poème de l'Anthologie 2, puis dans un écrivain latin, Vitruve qui, parlant de la statue colossale de Mars placée par le roi Mausole dans l'acropole d'Halicarnasse, se sert du mot écrit en lettres grecques (statua colossica âxpsatOo6). A défaut de textes on ne peut savoir si le mot ainsi composé fut aussi anciennement usité que la chose qu'il exprimait. Au côté extérieur d'une coupe de Voici, actuellement au Musée de Berlin on voit une idole de Bacchus, entourée de Ménades, et devant laquelle un autel est placé. Elle n'a pas de bras, et sous le riche manteau brodé qui la couvre on ne sent pas les contours d'un corps; mais la tête sculptée et sans doute aussi peinte a toute la vérité de la nature ; au bas, la forme d'un pied est imparfaitement indiquée. C'est là vraisemblable ACR 36 ACR ment la représentation d'une statue acrolithe (fig. 67). On peut encore comparer d'autres figures de divinités très-anciennes réunies aux mots scuLrTUaA, xoANOx, et que nous ne reproduisons pas ici : rien ne prouve avec certitude qu'aucune d'elles fùt acrolithe, c'est-à-dire eût des extrémités de pierre ou de marbre. Il est facile de s'expliquer comment cette pratique s'introduisit dans l'art. Quand, grâce aux progrès de la sculpture, on put songer à substituer aux idoles primitives de bois grossièrement taillées, des images plus conformes à la nature, on n'osa pas le plus souvent remplacer les antiques objets de la vénération populaire ; mais sous les draperies et les ornements dont ceux-ci étaient chargés, la tête, les mains, les pieds, quelquefois la face seulement paraissaient. Le vêtement était souvent renouvelé; on ne crut pas davantage être sacrilège en adaptant au corps ancien un visage, des pieds ou des mains en marbre et imitant mieux la nature. Comment se faisait cette adaptation, c'est ce que n'explique aucun écrivain; mais on a reconnu parmi les ruines du temple d'Apollon à Basste, en Arcadie les restes en marbre de Paros de la statue colossale du dieu : un pied coupé droit un peu au-dessus de la naissance des doigts et auquel était encore fixé le tenon qui l'attachait à la statue, et les mains traversées par une ouverture dans laquelle devait pénétrer un tenon semblable Ces fragments si nettement séparés ont seuls été retrouvés, ce qui donne à supposer que le reste de la statue devait être en bois et a péri. Cet exemple appartient à une période d'art avancé. En effet, l'habitude de sculpter des statues entières en marbre ou de remplacer cette matière par l'ivoire pour figurer les nus [EBUT, SCULPTURA], ne fit pas abandonner les statues acrolithes. Elles durent être souvent préférées aux colosses d'or et d'ivoire par un motif d'économie. Phidias avait proposé d'exécuter en marbre les nus de l'Athénè du Parthénon, qu'il fit ensuite en ivoire e. Il sculpta pour les Platéens une statue de la même déesse dont le corps était de bois doré, la tête, les mains et les pieds de marbre pentélique 9. Le Messénien Damophon fit, environ 370 ans avant Jésus-Christ, pour la ville d'iEgium en Achaïe, une statue acrolithe d'llithye10. Nous avons déjà cité la statue de Mars à Halicarnasse, oeuvre de Léocharès, qui vécut au temps d'Alexandre. Bien des siècles après on voit le mot acrolithus reparaître dans un écrivain latin 11, parlant de la statue de Calpurnie, femme de Titus, un des trente tyrans. A côté de ces statues acrolithes, dont les extrémités seules étaient de pierre ou de marbre, il faut placer (bien que le nom ne s'applique qu'improprement en ce cas) des ouvrages de sculpture où sont assemblés des pierres ou des marbres de différentes sortes. Ainsi les métopes d'un des temples de Sélinonte, en Sicile, sont taillées dans la pierre qui a servi à la construction du monument; mais les têtes, les bras, les pieds des figures de femmes sont rapportés en marbre ". La figure 68 est empruntée à un de ces bas-reliefs représentant Artémis et Actéon. Beaucoup d'ouvrages appartenant à d'autres temps et à l'art le plus raffiné sont composés de matières diverses plus ou moins heureusement combinées, comme la statue d'adorante de l'ancienne collection Borghèse, actuellement au Louvre 13, qui est ici dessinée (fig. 69). Le corps est de per phyre rouge et les extrémités rapportées sont en marbre blanc. On en trouve d'autres exemples dans beaucoup de musées. E. SASLIO.