Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article BALTEUS

BALTEUS ou BALTEUM (TcAauwv, âop'rrip), baudrier. Ce mot est dans beaucoup de cas le synonyme de cINGULUM et de zoNA, et il y aurait plus d'inconvénients que d'avantages à séparer, pour en placer ici une partie, les explications qui doivent être données au sujet des diverses sortes de ceintures. Mais balteus signifie aussi, et plus précisément, le baudrier qui, passé sur une épaule et sous l'autre, sert à tenir suspendue une épée, un bouclier, un carquois : c'est seulement dans cette acception restreinte que nous allons l'expliquer. Homère nous dépeint ses héros portant suspendus à des courroies où brille l'or ou l'argent, tantôt leur glaive ou leur coutelas', tantôt leur bouclier'. Dans le combat auprès des vaisseaux des Grecs Hector lance sur Ajax son javelot, qui va le frapper à l'endroit où se croisent les deux baudriers, et leur épaisseur empêche le trait de pénétrer. Le baudrier du bouclier d'Agamemnon' est d'argent, et l'on y voit la figure azurée d'un dragon à trois têtes. Quand l'ombre d'Hercule est évoquée par Ulysse', le héros apparaît ceint d'un magnifique baudrier, auquel est suspendu l'étui qui contient son arc et ses flèches' ; il est d'or et on y voitreprésentés des animaux et des combats. On peut supposer ces ornements obtenus par le repoussage d'une plaque d'or 7 fixée sur une bande de cuir, ou bien par la broderie sur une étoffe tissée, et semblables à ceux des anciennes oeuvres d'orfévrerie de caractère oriental ou des vases peints de style primitif, qui imitaient les étoffes asia il est vraisemblable que le poète avait eu un pareil modèle sous les yeux. On voit par un très-grand nombre de peintures de vases et par d'autres monuments où sont représentés des guerriers grecs, que l'épée était ordinairement suspendue sur l'épaule droite au moyen d'un baudrier, souvent garni de bordures ou orné de boutons ou de têtes de clous. Un torse grec 3 offre (fig. 770) l'exemple d'un baudrier plus riche ; on y distingue les signes du zodiaque, circonstance qui a fait penser que ce fragment devait appartenir à une statue d'Apollon Phoebus ou Hélios. Hérodote rapportes une tradition attribuant aux Cariens, avec d'autres perfectionnements des armes et du harnais, l'invention des poignées à l'aide desquelles on maniait le bouclier [cLoPEus], et dont le nom (ôxavov) ne se rencontre pas chez Homère; il ajoute qu'auparavant, en effet, on n'avait pour le porter et le mouvoir que les courroies (TeAavâlat axu (vltŒI) passées autour du col et de l'épaule gauche, c'est-à-dire de véritables baudriers. On voit quelquefois sur les vases peints de style ancien t0, des guerriers à cheval ou montés sur un char, portant de cette manière le bouclier, qui leur est pour le moment inutile (fig. 771). S'il faut en croire Varron ", le mot balteum serait d'origine étrusque. Les tombeaux de l'Étrurie reproduisent souvent dans leur construction, la disposition intérieure des habitations des vivants, leurs peintures et leurs sculptures figurent des objets à l'usage des morts, parmi lesquels on voit 11 le baudrier qui sert à suspendre l'épée. Les monuments de l'art qui appartiennent en propre aux anciennes populations de l'Italie ne montrent point d'ailleurs une manière de le porter différente de celle des Grecs''. Les Romains aussi firent usage du baudrier, pour suspendre à l'épaule l'épée ou d'autres armes, comme on le voit parles textes 14 et par les monuments : ils portaient, tantôt à la ceinture et tantôt au bout d'un baudrier, aussi bien le court glaive espagnol, adopté depuis la deuxième guerre punique, que l'épée plus longue qu'ils avaient auparavant et dont les exemples se rencontrent encore après cette époque [GLABIUS]. Les bas-reliefs qui décorent le monument des Jules, à Saint-Remy (Bouches-du-Rhône), et dont l'exécution longtemps attribuée à une plus basse époque doit être rapportée aux dernières années de la république ou aux premières du règne d'Auguste Is, offrent l'image (fig. 772) de combats d'infanterie et de cavalerie, où des Romains sont armés d'épées ainsi suspendues à des baudriers : on peut rapprocher des figures de ces bas-reliefs le récit fait par César 16 du combat où les deux centurions Varenus et Pulio rivalisèrent de courage : ce dernier eut son bouclier traversé par un coup de lance, qui atteignit même le baudrier et déplaça l'épée, de sorte qu'il ne pouvait de sa I main droite la dégager assez promptement du fourreau et qu'il allait succomber sous les coups des ennemis qui l'enveloppaient, si son compagnon ne l'avait secouru. Il est clair, d'après ce récit, que l'épée était, comme dans les basreliefs de Saint-Remy, attachée, non à la ceinture, mais à un baudrier que le bouclier couvrait et qui pendait sur le flanc gauche 17. Les bas-reliefs des colonnes de Trajan et de Marc-Aurèle, ceux des arcs de triomphe et d'autres monuments encore offrent en abondance des exemples de soldats et officiers de toutes armes portant l'épée suspendue à un baudrier, qui est passé le plusordinairementde gauche à droite, par dessus la cuirasse ou la cotte. C'est ce qu'on ne voit à peu près jamais, au contraire, dans les effigies sculptées sur les tombeaux ; et peut-être en faut-il conclure la que les personnages qui y sont représentés n'y paraissent pas en tenue de campagne, mais en tenue d'apparat, et qu'ils se dispensaient dans cette tenue d'ajouter le baudrier au ceinturon souvent double et très-orné que l'on trouve constamment figuré, et qui était en effet une partie essentielle du costume militaire [CINGULuM]. La figure 774 est tirée de l'un des trophées connus vulgairement sous le nom de trophées de Marius, dont l'époque n'est pas déterminée d'une manière certaine, mais qui appartiennent vraisemblablement au règne d'Alexandre Sévère 19. On y voit, avec d'autres armes romaines, la cuirasse à imbrications imitant des plumes [LOnICA PLUMATA], qui est ici représentée, et, bouclé par-dessus et soutenant l'épée, un riche baudrier, formé, autant qu'on en peut juger, de plaques de métal repoussé et ciselé", attaché à la bande de cuir qui en était le support ordinaire ". Nous savons que, sous l'empire tout au moins, le luxe de ces ornements fut poussé très-loin, même chez les simples soldats "-. L'or et 1. l'argent étaient employés à faire les plaques et Ies boutons [RULLA] de la garniture. Hadrien, parce qu'il n'en portait point en or, fut loué de sa modération 23; au contraire, plusieurs empereurs après lui y ajoutèrent des pierres précieuses": tel fut Gallien qui en couvrait tous les objets à son usage. Son exemple parait du reste avoir été en général imité par les princes du bas-empire. On les voit dans leurs images ordinairement chargés de bijoux ; à la ceinture enrichie de pierreries ou au ceinturon militaire est souvent joint un baudrier également magnifique : nous citerons seulement la statue de Constantin qui est au Capitole u, et le portrait d'Honorius deux fois répété sur les feuilles d'un diptyque d'ivoire découvert à Aoste en 1833", et qui est ici reproduit (fig. 775). 7 II. Ce ne sont pas seulement des armes qui pouvaient être suspendues à un baudrier : les monuments, d'accord avec les textes 27, nous montrent aussi quelquefois la lyre ayant un support semblable plus ou moins orné, qui passe de l'épaule droite au côté gauche de celui qui tient l'instrument. Les figures d'Apollon en offrent notamment des exemples, comme la statue célèbre du Vatican, dans 84 BAL 666 BAP laquelle on reconnaît l'imitation d'une oeuvre de Scopas (p. 320, fig. 379) et une autre du même musée2S dont un fragment est ici reproduit (fig. 776). On voit encore des figures de femmes et d'enfants ou de jeunes gens portant de la même manière une bande qui passe obliquement sur la poitrine et à laquelle sont ordinairement attachés des bulles, des amulettes ou d'autres petits objets semblables à des III. Le balteus est aussi dans le harnachement des bêtes de selle ou de trait, la martingale ou bandeau (u.ce cc s'avance sur le poitrail, soit pour la défense, soit pour l'ornem ent R8. Il était souvent très-riche et garni de phalères en bronze, en argent, en or, en ivoire, en pierre. Les représentations en sont fréquentes sur les vases peints et en général dans les monuments où sont représentés des chars ou des cavaliers. Nous en offrons, indépendamment de celles qu'on trouvera aux articles indiquant les diverses parties de l'attelage et du harnais, la représentation (fig. 777), d'après un vase peint du Louvre, de style très-ancien, où le balteus orne le poitrail des elle vaux d'un quadrige 30; et (fig. 778) le dessin d'une pièce semblable, en bronze repoussé, conservée au musée de Brescia 31, qui appartient au lie siècle de l'empire romain ; d'autres, d'un travail moins riche sont conservées au musée de Naples ". IV. La large bande circulaire obliquement tracée sur les sphères célestes et sur laquelle sont figurés les signes du zodiaque a été appelée balteus", par analogie avec un baudrier qui serait pareillement orné : on peut rapprocher, en effet, de celui dont est ceint le torse d'Apollon dans la figure 776, la zone qui porte les mêmes signes dans une peinture de V. Balteus, en architecture, désigne une sorte d'embrasse qui semble soutenir et même relever le milieu de la face latérale ou des volutes du chapiteau ionique [cAPITuLuM]. On sait que, dans ce chapiteau, les volutes sont, sur les faces principales, de véritables directrices d'une surface à double courbure, appelée par les Latins pulvinus (coussin), dont la section présente une sorte d'affaissement. Le balteus a pour effet de donner de la fermeté à l'aspect latéral du pulvinus". Il ne se trouve que dans quelques-uns des chapiteaux grecs que nous connaissons : par exemple, dans le chapiteau de l'ordre ionique des Propylées d'Athènes, dans celui du tombeau de Mausole (fig. 780), actuellement au Musée britannique; au contraire, l'architecture romaine en a fait constamment usage pour ses chapiteaux ioniques. J. GUADET. VI. Une embrasse divise quelquefois de même un pulvinus placé audessus de chacune des faces latérales d'un autel ou d'un sarcophage. Celui qui est ici dessiné (fig. 781), provient d'un autel, a ensuite servi à décorer la pierre cubique sur laquelle est gravé un calendrier rustique [CALENDARIUM] conservé au musée de Naples°°. VII. Le mur ou parapet (Stci mm, praectnctio), qui séparait les siéges des différentes classes, dans les théâtres ou amphithéâtres s'appelait aussi balteus 34 [TUEATRUM, AM