Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article BAPTAI

BAPTAI (Bani«i) Société religieuse formée à Athènes, sons le patronage d'Alcibiade et de ses compagnons de débauche. Elle honorait spécialement la déesse thrace Cotytto, dont le culte offrait une grande analogie avec celui de la Mère des dieux et d'Attis ou de Sabazios. L'lm mer_ sien dans l'eau, employée comme moyen de purification, avait donné le nom aux membres de la société. Les autres rites paraissent avoir été d'une licence extrême; des orgies nocturnes, des danses efféminées, au son des tambours et du rhymbos, une initiation à Dionysos et à Cotytto, tels sont les principaux traits marqués dans les BAR fragments d'une comédie d'Eupolist et rappelés dans les vers de Juvénal : l'alia secreta coluerunt orgia taeda Cecropiam soliti Baptae lassare Cotytto'. La société des Bcrr n( athéniens, vivement attaquée sur le théâtre par Eupolis, ne semble pas avoir survécu à la condamnation d'Alci gnait à Athènes le gouffre (ôpuycs) dans lequel on précipitait certains condamnés à mort, ainsi que les cadavres des suppliciés qui avaient péri par un autre genre de mort, par exemple par le poison t. On n'est point d'accord sur le lieu où se trouvait le pcfpa9pov. On sait seulement qu'il était dans le dème de Kériades (Ketpta.6at). Mais les uns, comme M. Sauppe, rangent ce dème parmi les urbains, tandis que d'autres, comme M. Hanriot', le classent parmi les suburbains. M. Hanriot se fonde principalement sur ce qu'il n'est pas vraisemblable que la police ait choisi dans l'enceinte même de la ville un lieu pour y abandonner sans sépulture les corps des suppliciés. Cet auteur, qui a soigneusement étudié la topographie de l'Attique, est d'avis qu'il faut placer le cIpmOpov au nord-ouest d'Athènes, et il le retrouve à peu de distance de la colline des Nymphes, dans un gouffre qui est actuellement utilisé par les équarrisseurs. Deux arguments favorisent principalement cette opinion : I. Platon parle 3 d'un individu qui, revenant du Pirée et suivant le mur extérieur, s'arrêta dans la portion septentrionale pour regarder les cadavres étendus dans le lieu de supplice. 2e Plutarque dit' que les suppliciés sont jetés dans un gouffre situé non loin du temple de Diane Aristobule. Or, cet hiéron était dans le dème de Mélite, et Mélite se trouvait à proximité de la colline des Nymphes. Le gouffre des équarrisseurs répond donc aux indications de Plutarque, comme à celles de Platon. Le bourreau s'appelait quelquefois 6 ùri Tm ôptiy znTt', I de la barbe; il en fut ainsi au moins pendant la meilleure partie de leur histoire ; car ce n'est pas avant la période macédonienne qu'ils commencèrent à la supprimer habituellement. Pour eux, la barbe était une parure naturelle, l'attribut et la marque de la virilité. Le mot ?évsiov est le premier que l'on trouve employé, avant net ûarlvnii dans le sens de barbe en général; y€vetov et earvs ont aussi une acception restreinte : le premier désignant plus particulièrement le poil qui enveloppe le menton et la mâchoire inférieure, le second celui qui entoure la bouche. On appelait encore apoatoyt, vtov, la barbe qui couvre les lèvres et le devant du menton, oéaTaç et 667 = BAR iico4(2tov, la moustache, a«taos le bouquet qui croît sous la lèvre inférieure, yevet«ç, xvdos, iou),o;, le duvet ou la première barbe, qui n'a pas encore été tranchée 1. Dans les poëmes d'Homère, on ne rencontre que le mot yévEtov2, qui tantôt signifie le menton et tantôt le poil dont il est garni. Il ne faudrait pas sans doute en conclure trop vite que les hommes de ce temps ne portaient de barbe qu'au menton ou aux joues; toutefois, il est à remarquer que dans les monuments les plus anciens on ne voit pas de barbe entière, mais seulement un épais collier enveloppant les joues et s'avançant fort au delà du menton, mais toujours laissant le tour des lèvres entièrement dégagé.0n peut s'en assurer en examinant les peintures des vases archaïques, non-seulement de ceux qu'on appelle asiatiques ou corinthiens, que l'on fait remonter jusqu'au milieu du septième siècle avant Jésus-Christ, on en 'voit ici un exemple (fig. 782), mais encore de la plupart des vases à figures noires les plus anciens Les monuments de la sculpture permettraient de remonter plus haut encore. Il est possible aujourd'hui sans témérité de citer, en parlant des Grecs, les figures, d'un caractère tout oriental, de divers personnages réels ou mythologiques, trouvées dans l'île de Cypre : la barbe est toujours découpée par un trait net qui suit le contour des joues et du menton, mais la lèvre supérieure est nue 4. On peut faire la même observation au sujet des plus anciens modèles de la plastique et de la peinture en Italie, le personnage couché sur le sarcophage étrusque en terre cuite du musée du Louvre, vulgairement connu sous le nom de u tombeau lydien 511, a la barbe moins longue mais coupée de la même façon que les figures cypriotes [sARCOPIIAGUS]. Les peintures trouvées en même temps dans un tombeau de Cære représentent des hommes de différents -BAR 668 BAR âges, les uns imberbes, les autres pourvus d'une barbe noire ou blanche, tantôt ronde comme celle du guerrier que l'on voit (fig. 783) ; tantôt longue et pointue, ou même formant une double pointe, mais aucun n'a de moustache; un point noir, à peine marqué, indique peut-être, pour quelques-uns, une mouche sous la lèvre inférieure. Nous pourrions citer d'autres exemples parmi les monuments les plus anciens de la sculpture et de la peinture étrusques'. Nous mentionnerons encore les poteries noires étrusques, les unes du même temps, les autres plus anciennes que les vases peints à figures noires, et qui présentent quelquefois, parmi les reliefs dont elles sont décorées, des têtes dont la barbe est taillée de la même manière que celle des figures cypriotes, c'est-à-dire que la lèvre supérieure et ordinairement aussi le devant du menton sont découverts. L'exemple que l'on voit (fig. 784), est une de ces urnes cinéraires dont le couvercle est une tète humaine et que l'on a comparées aux canopes égyptiennes 8. La réunion de monuments d'origines si diverses, dont les analogies s'expliquent peut-être par une tradition commune, a d'autant plus de prix, que les auteurs fournissent moins de renseignements sur les usages des temps auxquels ils appartiennent. On sait cependant qu'à Sparte, les éphores, à leur entrée en charge, rendaient un édit prescrivant, entre autres choses, à tous les citoyens d'avoir a à couper leur moustache et à se conformer aux lois 8. s Cette prescription a semblé peu d'accord avec ce qui est dit ailleurs 10 de l'habitude de ce peuple de laisser pousser la barbe librement et de la porter fort longue et fort épaisse, et a arrêté les commentateurs"; mais elle peut remonter au temps éloigné dont les monuments que nous avons cités sont les témoins, et s'être ensuite maintenue avec une signification purement symbolique, comme une marque d'obéissance à la loi, exigée chaque année et peut-être des jeunes gens seulement22, A Sparte comme ailleurs, et plus qu'ailleurs peutêtre, la barbe était considérée comme un signe de la valeur de l'homme; et c'est pourquoi les lâches qui s'étaient mal conduits devant l'ennemi et qui devaient subir pour cette cause tous les outrages, étaient condamnés aussi à retrancher une partie de leur barbe (fr,svr,) et à en conserver une partie 1s La manière dont les auteurs de la comédie attique" ont parlé des Spartiates prouve déjà qu'à Athènes on ne laissait pas croître la barbe avec la même négligence ou la même affectation qu'à Sparte. C'était un ornement de la personne, que l'on entretenait avec le même soin que la chevelure [COMA], mais aussi avec cette mesure et ce goût qui devaient paraître dans tout l'extérieur d'un Athénien bien élevé. Platon lui-même et ses disciples étaient raillés 16 parce qu'ils faisaient tailler leurs cheveux, niais laissaient en même temps pousser leur barbe dans toute sa longueur. C'est seulement en comparant un grand nombre d'ceuvres des beaux temps de l'art, que l'on se rendra compte de la diversité que l'âge, la condition, la nationalité, le goût et la fantaisie de chacun pouvaient introduire dans la manière de porter la barbe, et en même temps de l'habileté avec laquelle les artistes ont su tirer parti de ce moyen pour rendre sensible la variété des types et des caractères. Cette diversité apparaît aussi bien dans Ies figures des dieux et des héros que dans les rares portraits que nous possédons d'hommes célèbres 18. Pour les images des personnages mythologiques, nous renvoyons aux articles concernant chacun d'eux, en nous bornant ici à une remarque générale : c'est que dieux et héros sont représentés barbus de préférence dans les oeuvres de l'art archaïque; l'art de la période qui a suivi a assigné à la plupart un caractère et en quelque sorte un âge idéal (mais non toutefois invariable), que l'absence ou la présence de la barbe, son plus ou moins d'abondance, sa forme et son port différents ont aidé à déterminer : il suffit de rappeler les types de Bacchus Pogonitès, de Mercure Sphénopogon, si opposés aux images de ces mêmes dieux imberbes [13Accuus, sect. xnl, MLacualus], et les physionomies diverses des têtes de Jupiter, de Neptune, d'Hercule, etc. Quelques exemples pris dans cette classe de monuments montreront comment l'aspect pouvait être varié par la coupe de la barbe et les soins qui lui étaient donnés. Le premier (fig. 785) est une tête en marbre du musée du Louvre, connue sous le nom de Jupiter Talleyrand 17, et dans laquelle on reconnaît plus justement aujourd'hui un Hermès ou un Dionysos d'ancien style, imité à une époque postérieure. Elle offre un modèle de la barbe pointue ou en forme de coin, qui n'est peut-être dans les monuments où elle se rencontre qu'un trait d'archaïs me, d'abord involontaire et plus tard imité; cependant ce trait resta au théâtre caractéristique de certains emplois, que l'on voit qualifiés de ourlvoroéytov 18. Les divisions si nettement marquées de la barbe, et particulièrement la touffe séparée (rcirros) sous la lèvre inférieure, ne BAR 669 BAR se retrouvent guère que dans les sculptures de style archaïque ls. La deuxième (fig. 786) est le buste fameux, trouvé à Otricoli, à la fin du siècle dernier, qui passe pour la plus belle représentation qu'on ait conservée de Jupiter ; on peut la considérer aussi comme offrant un type accompli de ce que devait être chez les Grecs la barbe de l'homme dans sa maturité , abondamment fournie, épaisse et légère à la fois, mais d'une longueur modérée, divisée en boucles régulièrement partagées 2°. Comme les images de certains dieux offraient un idéal de l'âge mûr, il y en avait aussi qui personnifiaient l'enfance et la jeunesse et le passage de l'une à l'autre [EPI115BI]. C'est ainsi qu'Apollon, ordinairement imberbe (eiy€vEto,), est représenté quelquefois sur les vases peints avec une barbe naissante, qui ombrage à peine le contour de la joue u; Mars et les héros que l'on suppose comme lui dans la période qui suit la puberté, sont figurés tantôt avec et tantôt sans barbe u. On voit aussi, clans les scènes familières qu'on rencontre sur les vases, des jeunes gens mis et coiffés avec recherche et qui portent, comme Apollon dans les peintures que nous venons d'indi quer, de minces favoris 43 (fig. 787). Fig. 787. Jeune Grec. On se plaisait à porter cette première barbe R4. Il y eut des hommes qui, pour prolonger chez eux les apparences de la jeunesse, se rasèrent et s'épilèrent, non toutefois sans s'exposer aux railleries et aux mauvais propos a. A quelle époque commença-t-on à faire usage du rasoir [NovncuLA] ou des pâtes épilatoires [DItoPAxI? De bonne heure, sans doute, comme le laissent entrevoir quelques rares témoignages, notamment dans la Grande-Grèce u. Mais ce n'est qu'à partir du règne d'Alexandre le Grand que l'on renonça d'une manière générale à porter la barbe. Que cette nouvelle mode ait été introduite en Grèce à l'imitation de l'Égypte et de l'Asie, ou qu'elle ait été, comme on l'a dit 27, la suite d'un règlement du roi de Macédoine, qui enjoignait à tous les militaires de se raser, il est certain qu'elle ne se borna pas à la Macédoine, mais s'étendit rapidement dans tous les pays habités par les Grecs, et que là même où l'on essaya de l'arrêter, comme à Byzance et à Rhodes, toutes les défenses furent impuissantes Ye. Les hommes de tous états suivirent l'exemple des princes macédoniens 29 et de leurs soldats. Aristote fut des premiers à adopter cette mode 30. Cependant les philosophes, ou plutôt ceux qui faisaient profession de l'être, conservèrent comme un insigne une barbe longue et épaisse, lorsque tout le monde eut cessé d'en porter, ce qui donna lieu à des proverbes tels que celui-ci : a La barbe ne fait pas le sage, 0 et exerca souvent la verve des satiriques 81. L'industrie du barbier fut naturellement réunie à celle du coiffeur (xovpnéç), dont la boutique, toujours très-fréquentés, était un des rendez-vous ordinaires des oisifs [TONS011]. Couper sa barbe, ou, au contraire, la laisser croître et la porter inculte, fut, selon les temps et les habitudes régnantes, un signe d'affliction et de deuil [LUCTUS]. II. Nous avons cité plus haut des monuments appartenant à. l'Étrurie, qui montrent à une époque trèsancienne les hommes qui habitaient l'Italie centrale portant la barbe, tantôt courte, tantôt longue et pointue; beaucoup de figures mâles en sont au contraire entièrement dépourvues et l'on sait, en effet 42, mais sans pouvoir préciser l'époque à laquelle se rapporte ce témoignage, que chez eux on se faisait raser et épiler et qu'il y avait des hommes habiles à ce métier. La même chose nous est dite 33 des Samnites, des Messapiens et des Italiens en général, de qui les Grecs qui habitaient le midi de la péninsule en auraient pris l'usage. Les peintures de vases qui appartiennent en propre à ces pays et celles qu'on a trouvées dans quelques tombeaux offrent le même mélange de personnages avec ou sans barbe. Nous n'essayerons donc pas, avec le peu de documents que l'on possède à ce sujet., de démêler ce qui appartient, en Italie, à des peuples et à des temps différents. III. Les Romains, pendant plusieurs siècles, laissèrent librement croître leur barbe aussi bien que leurs cheveuxS4. En 454 de Rome (300 av. J.-C.), parut à Rome pour la première fois un barbier, amené de Sicile35; et les ciseaux [FORFEX] et le rasoir [NOVACULA] commencèrent à entrer dans l'usage commun. Scipion, le second Africain, passe pour le premier qui se soit fait raser tous les jours 3s Dès lors il fut de mode de ne plus porter sa barbe, et comme on avait emprunté aux Grecs cette mode nouvelle, on prit d'eux aussi la coutume de consacrer aux dieux la première barbe (lanaigo), et de célébrer le jour où l'on BAR 670 -_ BAR s'en dépouillait par des sacrifices et des réjouissances". Toutefois, après avoir accompli cette cérémonie (depositio barbae), aux environs de la vingtième année, il paraît que les jeunes gens (barbatuli jovenes, bene barbati)38 laissaient (le nouveau pousser et entretenaient avec soin ", non leur barbe entière, mais des favoris (barbula), comme on le voit par les monnaies du dernier siècle de la république et du temps des Césars 40. Les personnages au-dessous de quarante ans sont représentés avec une barbe courte, qui contourne quelquefois la joue et le menton, tandis qu'ils en sont après cet âge complétement dépourvus. On en trouve un remarquable exemple (fig. 788) sur la rare mé daille " où Jules César, constamment représenté sans barbe dans ses autres effigies, l'est au contraire avec la barbol«, après que le sénat l'eut proclamé dieu et lui eut décerné les honneurs divins [APOTHEOSls, p. 32i] : ici la barbe est un signe de l'éternelle jeunesse que lui a rendue son apothéose. Vers la quarantième année seulement on supprimait totalement la barbe 4'. La porter après cet âge ou la laisser croître auparavant (barbam promittere, demittere), était une marque ou de négligence (car tout le monde ne prenait pas tant de soin 4 S), ou de grande affliction, motivée par un deuil [LUCTUS], par une condamnation ou la nécessité de se défendre contre une accusation publique 4 , ou par quelque grande calamité: c'est ainsi que Jules César, après la défaite de son légat Titurius en Gaule 45, Caton, après la bataille de Thapsus " , Marc-Antoine, après celle de Mutina 47 ; Octave, après sa rupture avec Sextus Pompée u (fig. 789), et plus tard, quand il régna, après la défaite de Varus #9, firent paraître leur douleur. L'empereur Hadrien porta la barbe entière 3o pour cacher quelques défauts de son visage, et son exemple en fit revenir la mode, qui subsista presque sans discontinuité jusqu'à Constantin. On verra toutefois", si l'on examine avec soin les bustes et les monnaies des empereurs, qu'il y eut dans la coupe de la barbe plus d'une variation". Constantin et après lui tous les empereurs, à l'exception du seul Julien, renoncèrent à la barbe, jusqu'à la fin du via siècle. H. SAGLIO.