Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article CAMISIA

CAMISIA. Ce mot, qui appartient surtout à la latinité du moyen tige, a été cependant employé au moins dès le rve siècle pour désigner une tunique légère de lin portée sur la peau : saint Jérôme nous apprend 1 que de son temps les militaires en avaient d'étroitement ajustées. C'était donc une tunlca intima, une tunique de dessous, telle qu'en avaient depuis longtemps beaucoup de personnes, et surtout des femmes de riche condition [TUNICA]. L'usage s'en était, comme on voit, constamment étendu, en même temps que celui des tissus de lin (lintea). CAMPAGUS ou COMPAGUS (Kâu.aayoç, xoJ.eaôlv). Soulier qui faisait partie du costume patricien des Romains et des Grecs du bas-empire. Jean le Lydien, au sixième siècle, l'a décrit ainsi : ' a Chaussure noire, du genre des sandales, entièrement découverte, ayant seulement une pièce courte relevée au talon, et tenant les doigts enfermés à son extrémité, avec des courroies de chaque côté qui se joignent et enlacent le pied, de manière que ce qui se voit de la chaussure, tant aux doigts en avant, qu'en arrière, est fort réduit et que le pied entier paraît sous son enveloppe. » On peut voir dans les monuments byzantins des exem pies qui répondent exactement à cette description. Ceux qui sont ici reproduits appartiennent au temps même où vivait Jean le Lydien : ils sont tirés de la mosaïque de l'église de Saint-Vital à Ravenne', qui représente Justinien et sa cour. Les premières (fig. 1060) sont celles d'un des grands dignitaires placés à. la droite de l'empereur ; on en voit de toutes semblables aux pieds des gardes (4.1061) qui lui font cortége et des membres du clergé placés à sa gauche, et celles qu'il porte lui-même (fig. 1062) ne diffèrent des autres que parce qu'elles couvrent un peu plus le pied, qu'elles sont ornées de broderies ou de pierres précieuses et enfin par leur couleur rouge dont une tradition constante faisait l'attribut de la plus haute dignité (voy. cALCrus MuLLEUS, p. 818); tandis que les autres ont conservé la couleur noire, qui était anciennement celle du calceus patricien. Mais il n'est pas nécessaire de descendre jusqu'à une aussi basse époque pour rencontrer des exemples d'une pareille chaussure : c'est celle qu'on voit à un personnage (peut-être Aétius), vêtu en général d'armée, dont le portrait est sculpté sur une feuille du diptyque d'ivoire de Monza ; elle fait partie du costume de Théodose et de ses deux fils sur le disque [cornus) trouvé, en 1847, en Espagne, près de Mérida, qui les représente tous trois avec les attributs de la puissance souveraine,aussi bien que de celui des soldats rangés derrière leurs trônes 4 ; on la retrouve beaucoup plus anciennement dans les peintures des catacombes, et jusque dans celles de la catacombe de Prétextat, qui datent du haut empire On vient de voir que des souliers de cette sorte étaient portés par des soldats. L'édit de Dioclétien établissant le maximum 6 fixe le tarif des campagi militares dans une section spéciale de Caligis, où l'on rencontre aussi les ralcei des patriciens et des sénateurs, et l'on est ainsi amené à se CAM 863 CAM demander quelle analogie il y a entre ces différentes chaussures. Le calceus ne peut se trouver à cette place que par suite des changements du costume qui avaient rapproché dès ce temps-là l'ancienne chaussure patricienne, fermée, avec des attaches extérieures bien visibles, de la forme qu'elle prit définitivement, comme on vient de le voir, à l'époque byzantine. Mais, pour être intercalée parmi les diverses sortes de caligae, il faut qu'elle ait gardé jusqu'au troisième siècle quelque chose de la bottine du soldat romain : elle la rappelait sans doute par les courroies qui s'entre-croisaient sur le pied et s'enroulaient au-dessous du rnollet comme les lanières en réseau des caligae. Les campagi militares mentionnés à la suite dansl'Edit, devaient différer peu de ces calcei et de ces caligae. Nous avons indiqué ailleurs et nous reproduisons ici (fig. 7063) la figure d'une chaussure portée par des cavaliers consistant en une semelle dont la bordure relevée enveloppe les doigts comme lecampagus,etqui s'attache, comme la caliga, au moyen de courroies insérées dans des malléoles et s'enroulant jusqu'au mollet. On peut en rapprocher un fragment de bas-relief en terre cuite du musée étrusque du Vatican °, où l'on voit des sandales basses avec un quartier et des courroies entre-croisées et enroulées autour de la jambe, comme sont encore les ciocce des paysans italiens de nos jours. Dès la première moitié du lue siècle, le campagus était une chaussure impériale : c'est la caliga du premier Maximin, qu'un historien désigne ainsi °. Un peu plus tard, Gallien, qui mettait un luxe extraordinaire à tous ses vêtements, portait, à la place du campagus, des caligae ornées (le pierreries 10. L'image de ce campagus impérial nous a été probablement conservée dans un fragment reproduit dans les Antiquités de Montfaucon 11 et qui parait être le même qu'un pied de marbre qui appartenait à la bibliothèque de Sainte-Geneviève (fig. 1064) 13, Ce pied est chaussé d'un soulier à haut quartier, mais très-découvert, dont les cordons croisés sur le coude-pied sont noués et retombent de chaque côté comme les courroies du tlceus patricien (voy. p. 817). L'égide placée comme ornement à l'empeigne est un insigne de la puissance souveraine (voy. p. 103), qui indique certainement que ce pied appartenait à une statue d'empereur. Ces exemples font comprendre les rapprochements faits entre la caliga et le campagus. Ils justifient aussi l'assertion de Jean le Lydien, qui dit, en s'appuyant sur un auteur ancien, que le campagus venait des Étrusques ". Des souliers à quartier et haute molletière laissant le cou-de-pied et le (levant de la jambe découverts (fig. 1065), qu'on voit dans les peintures de quelques tombeaux de l'Etrnrie doivent au moins être rapprochés de ceux dont on vient de parler. E. SAGLIO.