Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article CESSIO IN JURE

CESSIO IN JURE. Manière de transférer la propriété consacrée par le droit civil, et ainsi nommée parce que c'était une cession de propriété qui se passait devant le magistrat, et qu'entre autres significations, jus désignait le tribunal du Préteur ( jus dicitur locus in quo jus redditur'). Pellat propose de traduire cessio in jure par cession juridique, « l'adjectif juridique, opposé à judiciaire, s'appliquant assez bien à ce qui se passe in jure, devant le magistrat qui jus dicit, par opposition à ce qui se dit in judicio, devant le juge qui judicat 2. » La translation de propriété avait lieu dans la cession juridique par le procédé favori de l'ancien droit romain, c'est-à-dire par une fiction : c'était un procès fictif. Nous en emprunterons encore la description à Pellat : « On entend par là l'abdication qu'une peisonne fait de son droit au profit d'une autre, sous la forme d'un acquiescement à la revendication exercée par celle-ci. Primus voulant céder sa chose à Secundus, tous deux se rendent devant le magistrat là (in jure), Secundus, touchant la chose, la revendique dans la forme solennelle de l'ancienne procédure par action de la loi : « je déclare que cette chose est à moi d'après le droit des Quirites (banc ego rené ex jure Quaritium meam Psse aio) ; » le magistrat demande ensuite à Primus s'il revendique de son côté. Si Primus revendiquait aussi, il y aurait procès et le magistrat renverrait les parties devant un juge qui déciderait à laquelle des deux la chose appartient. Mais les parties étant d'accord, Primus répond qu'il ne revendique pas, ou garde le silence : par conséquent, il cède, recule, se retire, cedit. Alors le magistrat déclare que la chose est à Secundus, qui a affirmé en être propriétaire et qui n'a point été contredit par l'autre (rem addicit ei qui vindicavit). Par là, en paraissant déclarer un droit de propriété préexistant, le magistrat l'attribue, le confère réellement par ce prononcé (addicit) 3. » Ulpien a résumé énergiquement toute cette procedure : in jure cessio fit per tres personas, in jure cedeaatis, vindirantis, addicentis. In jure redit domines, vindicat rs cari ceditur, addicit praetor 4. Pour que la cession juridique fût valable, il fallait la présence personnelle des parties devant le préteur à Rome ou le praeses dans les provinces. Le cédant et le cessionnaire devaient être tous deux citoyens romains et CES -1089 --CES sui juris'. La chose devait être susceptible d'être possédée en toute propriété ; ainsi les fonds provinciaux ne recevant pas la propriété, mais seulement la possession [Possi:ssio], ne pouvaient être l'objet des cessions juridiques. Du reste, toutes choses pouvaient être cédées juridiquement, res mancipi ou res nec maneipi, corporelles ou incorporelles, même une hérédité entière. Les effets de la cession juridique variaient 6 à ce dernier égard. L'héritier légitime par intestat cédant avant d'avoir fait adition, le cessionnaire devenait complètement héritier en son lieu et place ; mais s'il cédait seulement après l'adition, il n'y avait de transférés que les objets corporels faisant partie de l'hérédité ; les choses incorporelles étaient éteintes, les créances périssaient au profit des débiteurs, et, au contraire, les créanciers héréditaires conservaient leurs droits contre le cédant et le considéraient toujours comme héritier. L'héritier testamentaire cédant avant l'adition faisait un acte nul ; après l'adition, il en résultait les mêmes effets que nous venons de voir pour l'héritier légitime dans le même cas. Quant aux héritiers siens et aux héritiers nécessaires, il y avait divergence entre les jurisconsultes ; les Sabiniens pensaient que la cession juridique opérée par eux était nulle, tandis que les Proculéiens lui reconnaissaient les mêmes effets qu'à celle qui aurait été accomplie par les autres héritiers après l'adition 7. La tutelle légitime des femmes pouvait également être cédée judiriquement8 ïTUTELA] et l'adoption elle-même peut être considérée comme une cession juridique de la puissance paternelle [ADOPTIO]. La cession juridique est d'institution fort ancienne. Gaius l'appelle une action de la loiet il est certain qu'elle est consacrée dans la loi des XII Tables10, au delà de laquelle if faut évidemment la faire remonter. On s'en déshabitua peu à peu à cause de la complexité de ses formalités. Gains en témoigne : « nous faisons, dit-il, ordinairement et presque toujours usage des mancipations ; car ce que nous pouvons faire par nous-mêmes, en présence de nos amis, il n'est pas nécessaire de chercher à l'obtenir avec une plus grande difficulté devant le préteur ou le président de la province 11. » La dernière mention de la cession juridique que l'on connaisse est faite dans une constitution de Dioclétien conservée au Code hermogénien12. Dans le droit de Justinien, il n'en est plus question . F. BAUDS».