Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article ADORATIO

ADORATIO, npoaxtivr,ctc. I. Les pratiques extérieures du culte tiennent la plus grande place dans les religions anciennes. On peut dire qu'elles furent la religion même, tant que l'on ne vit en elles que des règles à suivre pour apaiser le courroux des dieux ou se concilier leur faveur; et lorsque les meilleurs esprits se furent élevés au-dessus de cette idée d'échange et d'engagement réciproques entre les dieux et les hommes, tous les signes de la piété n'en conservèrent pas moins une extrême importance. Quand un Grec ou un Romain s'adressait à une divinité, quand il s'approchait de son sanctuaire, de son image ou de son autel, non-seulement les paroles qu'il prononçait n'étaient pas employées indifféremment, mais dans tous ses actes et dans ses moindres gestes, il obéissait à des prescriptions minutieuses dont l'origine était perdue pour tous, mais dont personne ne songeait (il en fut ainsi au moins pendant bien des siècles) à mettre en doute la sainteté et l'efficacité éprouvées. L'adoration consistait surtout dans l'attitude et les mouvements du corps manifestant la crainte, l'amour, la reconnaissance envers les dieux par les mêmes moyens qu'on les eût exprimés vis-à-vis des hommes. Nous pouvons mettre à part, pour en parler ailleurs, tout ce qui se rapporte aux voeux, aux sacrifices, aux prières, aux supplications [VOTA, SACRIFICIUM, POLICES, sUPPLICATIO]; en dehors des rites suivis pour implorer les dieux ou pour leur rendre grâces, il reste ce qui constitue proprement l'adoratio dans le sens antique de ce mot, le salut qui leur était adressé par un geste de la main, par le baiser, par l'inclinaison de la tête ou du corps tout entier. L'usage, dont la Bible offre plus d'un exemple' et qu'on trouve répandu chez tous les peuples orientaux, d'approcher la main droite de la bouche et d'envoyer un baiser à la personne divine ou humaine que l'on voulait honorer, cet usage l'ut général aussi chez les Grecs et chez les Romains. C'était le premier témoignage de respect envers les dieux, et le moindre qu'on pût offrir, à défaut de dons et de sacrifices a. Celui-là était réputé impie qui passait sans donner au moins cette marque de révérence devant leurs simulacres ou devant les temples, les chapelles et édicules abritant leurs images, que l'on rencontrait à chaque pas Dans le récit de Lucien 4, Démosthène, déjà aux mains des émissaires d'Antipater, se donne la mort en portant le poison à sa bouche : il trompe ses gardiens qui croient lui voir faire le geste de l'adoration pour saluer Neptune dans son temple. Plusieurs auteurs décrivent ce geste avec plus de précision en ajoutant qu'on appuyait sur le pouce le premier doigt, ou qu'on n'ouvrait que légèrement la main Ce geste est assez clairement indiqué dans un certain nombre de monuments. Ainsi, dans une peinture de vase grec où l'on voit (fig. 116) un jeune homme et une jeune femme saluant de cette manière un hermès 6; ainsi encore dans plusieurs sculptures : la figure 197 est tirée d'un bas-relief de la belle époque de l'art, trouvé à Gortyne en Crète, actuellement au Louvre7. Le personnage qui y est représenté fait le geste de l'adoration en présence de plusieurs divinités, reconnaissables à leurs attitudes et à leur stature beaucoup plus élevée que celle de l'adorant. C'est encore le même geste que font deux personnages, vraisemblablement une prêtresse et un joueur de flûte qui s'approchent d'un autel pour sacrifier à Cybèle, dans un autre bas-relief grec du même Musée'. On le retrouve encore dans d'autres monuments, auxquels nous renvoyons Les morts ensevelis sous la terre étaient considérés comme des êtres divins, et recevaient un culte dont leur tombeau était le lieu consacré. On ne doit pas s'étonner de voir ceux qui les invoquaient avec des présents et des sacrifices, les saluer aussi avec le geste de l'adoration. Ainsi ce geste est bien indiqué dans une peinture de vase '° où est représenté Oreste s'approchant du tombeau d'Agamemnon (fig. 118). Quelquefois, à côté de personnages dont les doigts sont repliés, on en voit d'autres dans les monuments tenant -une main ou les deux mains ouvertes et tendues; et, en effet, ce dernier mouvement, qui indique plus particulièrement l'invocation et la prière, devait succéder d'ordinaire immédiatement à celui de l'adoration et se confondre souvent avec lui. Dans un bas-relief de Paros, ici en partie reproduit " (fig. 119), on voit à l'entrée d'une grotte où sont réunies les images de Cybèle, de Pan, des Nymphes et d'autres divinités, une foule pressée d'adora Il ADO 81 .\DO leurs; parmi ceux-ci l'un porte la main à ta bouche ; d'aul res la tiennent ouverte et dirigée vers le groupe des dieux comme pour leur envoyer leurs baisers (jacere oscilla) ; une femme est agenouillée. Celte posture n'était pas habituelle aux Grecs dans l'adoration. Elle paraissait le signe d'une dé votion exagérée", peu digne d'un homme libre et convenant moins aux moeurs de la Grèce qu'à celles des Barbares, dont elle était imitée. Plus d'un ouvrage de l'art antique offre cependant l'image de suppliants tombant à genoux au pied des autels ou embrassant les statues des dieux; mais ces représentations de l'art, aussi bien que les passages des auteurs où se trouvent des expressions correspondant à cette attitude (apoaai7Tety, yovuaE'rEiv, youveeaOat) peignent des situations bien différentes : il ne s'agit plus là de la simple adoration. Dans l'adoration proprement dite, le geste de la main était seulement accompagné d'ordinaire d'une légère inclinaison de la tête 13; mais la piété ne se contentait pas toujours d'une révérence si peu marquée : les dévots qui s'arrêtaient volontiers dans tous les lieux consacrés 14, s'approchaient des idoles, dont ils baisaient le visage, ou les mains, ou les pieds 1', souvent tout usés par les lèvres de leurs adorateurs. Quelques-uns allaient jusqu'à se prosterner pour baiser le seuil ou le pavé des temples; toutefois, dans les exemples qu'on petit tirer des auteurs 15, comme dans ceux qu'offrent les monuments, il est difficile de distinguer ce qui appartient proprement à la prière ou aux actions de grâce, de l'adoration qui en était le préliminaire. De même nous ne saurions dire si les Romains faisaient suivre la simple adoration, du rite, usité chez eux après la prière, de tourner sur soi-même en se dirigeant vers la droite 17. Ottfried Muller a cherché l'origine de ce rite, qui ne se retrouve pas chez les Grecs, dans la science augurale des Etrusques, mais les explications données à ce sujet restent douteuses pour la critique moderne, comme elles l'étaient déjà pour les anciens 16 Quoique aucun écrivain ne nous ait renseignés sur ce point, nous pouvons conjecturer d'après les monuments que les formes de l'adoration chez les Etrusques ne différaient pas de ce que nous avons constaté chez les Grecs et chez les Romains. Nous citerons pour exemple une peinture murale d'un tombeau de Cere, actuellement au Louvre 19, où l'on voit (fig. 120) un homme debout près d'un autel qu'il touche de la main gauche, tandis que la droite est levée et que les doigts en sont repliés; au contraire, dans d'autres monuments étrusques où divers personnages sont occupés de cérémonies religieuses, la main ouverte et dirigée vers le ciel est vraisemblablement le signe ordinaire de l'invocation. H. La coutume des cours asiatiques d'adorer les rois en leur rendant les mêmes hommages qu'aux dieux, car nous n'avons pas à parler ici de toute autre manière de saluer [5ALUTATIO], fut toujours repoussée par les Grecs comme une humiliation insupportable29, jusqu'au temps où Alexandre, conquérant de la Perse et successeur des grands rois, eut imposé à ceux qui l'avaient aidé à vaincre les moeurs des vaincus". Vingt ans plus tard, Démétrius Poliorcète recevait dans Athènes même les honneurs divins 22. Les Romains aussi, tant qu'ils furent libres, méprisèrent comme digne des Barbares l'acte de se prosterner devant un homme pour l'adorer 43. Les provinces soumises à leur domination, qui étaient déjà façonnées à de pareilles moeurs, donnèrent, dès avant l'Empire, l'exemple de diviniser les maîtres qui leur venaient de Rome 25; les premiers césars acceptèrent et organisèrent régulièrement, même en Italie, le culte officiel qui leur était rendu [AUGUSTALUS1. Vitellius, sous Caligula. quand il revint de Syrie, imagina , pour échapper à la disgrâce de l'empereur, de l'adorer en personne, eu imitant tout ce que faisaient devant les images des dieux ceux qui leur adressaient des voeux : ce ne fut pas la seule fois que Caligula permit qu'on l'adorât Y5. Après lui, Claude se refusa aux adorations 96; Héliogabale les exigea au contraire, mais Alexandre Sévère 27, dès qu'il monta sur le trône, en abolit l'usage, depuis souvent rétabli, et qui finit par devenir, à partir du règne de Dioclétien, le cérémonial ordinaire de la cour 28. Tontes les personnes qui étaient introduites en présence de l'empereur devaient s'agenouiller devant lui; mais les dignitaires des grandes charges de l'empire 29, ou ceux qui étaient honorés d'une faveur toute particulière étaient seuls admis, après s'être prosternés, à toucher la pourpre impériale et à en approcher leurs lèvres 30 (purpuram adorare, attingere, contingere). Une mosaïque, qui existe encore dans l'église (aujourd'hui mosquée) de Sainte-Sophie, àConstantinople 31, offre l'image (fig. 121), de l'empereur Justinien prosterné devant le trône de Jésus-Christ, précisément comme se prosternaient devant lui les grands de sa cour; car les empereurs chrétiens ne renoncèrent pas à ces hommages, malgré leur signification païenne qui n'était pas oubliée. Ils conservèrent ceux qui s'adressaient à leur personne et ne sup ADR --82 ADR primèrent que l'ado ration des images impériales dans les temples ou dans les camps; on sait, en effet, que les portraits des empereurs attachés aux enseignes partageaient le culte rendu aux aigles par toute l'armée [SIGNA]. E. SAGLIO. ADRASTUS, AèpaaToç, 'Aîp, atog. Adraste, roi d'Argos, un des héros du cycle thébain. Il était de la race des Amythaonides, et de la famille des Bianlides, l'une des trois qui se disputaient la prépondérance dans la cité. Vaincu par AMPHIARAUS et lesMélampides, il fut contraint de quitter Argos et se retira auprès du roi de Sicyone, Polybe, son grand-père maternel, dont il épousa la fille, et devint ensuite l'héritier 1. Plus tard, réconcilié avec Amphiaraüs, à qui il donna en mariage sa soeur Ériphyle, il revint régner à Argos. Polynice, fils d'OEdipe, forcé de quitter Thèbes lorsque son frère Etéocle en devint roi, et Tydée [TYDEUS], fuyant l'Etolie à. la suite d'un meurtre, cherchèrent l'un et l'autre un asile chez Adraste et se rencontrèrent la nuit à la porte de son palais, où ils se prirent de querelle. Le roi les fit introduire, et voyant l'un vêtu de la dépouille d'un lion, l'autre de celle d'un sanglier (ou peut être portant les images de ces animaux peintes sur leurs boucliers), il reconnut l'accomplissement d'un oracle qui lui avait enjoint de marier ses filles à un lion et à un sanglier; en conséquence, il accorda la main de l'aînée, Argeia, à Polynice, et de la seconde, Déipyle, à Tydée. Une peinture d'un vase de très-ancien style, ua musée de Copenhague 2 (fig. 122) atteste l'antiquité de cette tradition conservée par les poêles des âges postérieurs 3. On y voit Adraste (ADRESTOS), couché sur un lit, auprès duquel se tient debout une femme , probablement Amphithea, son épouse; devant eux , les deux princes fugitifs sont assis à terre dans l'attitude de suppliants. L'un d'eux est clairement désigné par l'inscription (TvDEvs). Derrière la colonne, qui indique que la scène se passe dans l'intérieur du palais, on lit une troisième inscription qui n'a pas encore été expliquée d'une manière sa tisfaisante Les deux autres personnages debout sont sans doute les filles d'Adraste. Adraste promit à ses gendres son secours pour les faire rentrer dans leurs patries, et d'abord chercha des auxiliaires à Polynice. Telle fut l'origine de la célèbre expédition dite des sept chefs contre Thèbes, qui eut une issue si funeste. Ses compagnons y trouvèrent la mort; lui-même il ne dut son salut qu'à la rapidité du cheval ailé ARION et rentra à Argos, n'ayant plus, selon un vers qui nous a été conservé de l'ancien poëme cyclique de la Thébaïde 6, «que son vêtement de deuil et son coursier à la noire crinière. Il n'avait même pu obtenir des Thébains la permission de rendre aux morts les devoirs funèbres. D'après le récit des Athéniens, il aurait demandé à Thésée son assistance ; et le héros d'Athènes, après avoir défait les Thébains, aurait enlevé les morts pour leur donner la sépulture à Éleusis 6. Dix ans plus tard, Adraste reparut devant Thèbes avec les fils de ceux qui avaient péri sous ses murs. Cette seconde guerre, dite des Épigones ('Eniyovot), eut une fin toute différente de la première. Les Épigones remportèrent une victoire complète ; mais Adraste perdit son fils Aegialée dans le combat 7. Il mourut bientôt après, accablé par l'âge et par la douleur, à Mégare, où on lui rendait encore, au temps où Pausanias parcourait la Grèce, le culte dont on honorait les héros 8. Il était l'objet d'un culte semblable à Sicyone. Son HEROON s'élevait sur l'AGORA ; des jeux (dSp«aTetz Cala) étaient institués en son honneur, et ses exploits et ses malheurs étaient célébrés périodiquement par des rhapsodes et des choeurs tragiques Il avait encore un heroon à Colone, près d'Athènes 10 Adraste, dans l'ancienne épopée, tenait le premier rang entre les chefs de la guerre contre Thèbes. 11 était à la fois leur Nestor et leur Agarnemnon, ayant plus souvent encore parmi eux le rôle d'un sage conseiller que d'un vaillant capitaine; sa voix pénétrante, son éloquence persuasive étaient proverbiales 11. Il avait sans doute aussi ce double caractère dans les représentations de l'art. On le voyait figuré dans un des bas-reliefs qui ornaient le trône d'Apollon à Amyclac 12. Il avait une statue à Argos H, une autre à Delphes, présent des Argiens f4. Nous avons déjà parlé d'un vase qui porte son nom. On lit également ce nom sur une pierre gravée étrusque du musée de Berlin 15, où Adraste armé tient une lance ou un sceptre ; auprès de lui sont quatre autres chefs, Tydée, Polynice, Parthénopée et Amphiaraüs. Le sujet représenté paraît être la prophétie du devin Amphiaraüs annonçant la funeste issue de la guerre. Cette pierre, souvent décrite et qui a une grande importance dans l'histoire de la glyptique, est reproduite (fig.' 23). Enfin, sur un miroir étrusque°, on voit encore Adraste armé à côté de Tydée et d'Amphiaraüs, tous trois désignés par des inscriptions. E. SAGLIO. ADROGAT1O ou ARROGATIO. C'est le nom spécial donné à l'adoption des personnes sui juris. Elle était ainsi appelée, parce qu'elle avait lieu au moyen d'une proposition législative (rogalio), et d'une loi rendue dans les comices par curies, dont l'intervention atteste l'antiquité de cette institution Dans le passage suivant, Aulu-Gelle 2 nous a transmis les renseignements les plus exacts sur l'adrogafion : « l'adrogation a lieu pour les personnes sui juris qui se font passer, par un acte de leur libre volonté (ipsi auctores), sous la puissance paternelle d'un autre. Mais les adrogations n'ont pas lieu à la légère et sans examen. Les comices curiates sont convoqués par les pontifes. On considère si l'âge de l'adrogeant ne lui permet plus d'avoir d'enfants, et s'il ne veut pas s'emparer frauduleusement des biens de l'adrogé; enfin on lui fait prêter un serment dont la formule a été conçue, à ce qu'on dit, par le grand pontife Q. Mucius. Pour être adrogé, il faut être déjà pubère (vesticeps). L'adrogation tire son nom de ce que cette espèce d'adoption a lieu par une proposition de loi (rogatie) faite au peuple. En voici les termes : « Qu'il vous « plaise, Quirites, ordonner que Lucius Valérius devienne u le fils de Lucius Titius, selon le droit et la loi, comme s'il « l'avait eu pour père et sa femme pour mère; que son nous « veau père ait sur lui droit de vie et de mort, comme le « père l'a sur son fils. Ce que j'ai. dit, Quirites, je vous le « propose. » On ne peut adroger ni les pupilles, ni les femmes, lors même qu'elles ne sont pas sous la puissance paternelle; ces dernières, parce que les comices ne peuvent avoir de rapports avec elles; et les pupilles, parce qu'il n'est pas donné sur eux aux tuteurs une autorité et une puissance assez grande pour faire passer sous le pouvoir d'autrui une tête libre confiée à leurs soins `. u Les pontifes, après enquête et devant les comices assemblés, demandaient d'abord à l'adrogeant s'il voulait adopter, ensuite à l'adrogé s'il lui convenait d'être adopté, et enfin, dans les termes qui viennent d'être cités, au peuple s'il voulait le permettre 5. Il ne paraît pas qu'ils aient eu des règles bien fixes pour diriger leur enquête : ils devaient examiner l'intérêt des parties, surtout de l'adrogé, et s'inquiéter spécialement si l'adrogé, en sortant de sa famille et de sa GENS naturelle, n'allait pas laisser sans personne pour les accomplir les sacra domestica et gentilicia [SACRA]. Mais quelquefois des motifs politiques les firent passer par-dessus les considérations ordinaires, par exemple dans l'adrogation de Clodius, patricien, sénateur, par le jeune plébéien M. Fonteius, dans l'unique but de le rendre plébéien et par suite apte à être nommé tribun de la plèbe 8. L'effet de l'adrogation était de faire passer l'adrogé sous la puissance paternelle de l'adrogeant, dont il devenait le fils légitime selon le droit, justus flics 7. Si l'adrogé avait eu des enfants sous sa puissance 3, ils passaient avec lui sous celle de l'adrogeant, et il en résultait pour eux comme pour lui la petite capitis diminutio [CAPUT], c'est-à-dire la perte des droits d'héritier sien, d'agnat et de gentilis dans la famille naturelle, et même celle des possessions de biens unde liber; et unde legitimi dans ladite famille [BoNORUM POSSESSIO], tant que durait l'adrogation. En même temps l'ensemble des biens de l'adrogé passait à l'adrogeant à titre de succession universelle, excepté ceux qui périssaient par la capitrs dirninutio, comme l'usufruit et l'obligation aux services (operae) contractée par les affranchis au moyen du serment 9. L'adrogeant recueillait tous ces biens sans les dettes, car le droit civil voulait qu'elles fussent éteintes par la capits diminutio; mais le droit prétorien plus équitable donna aux créanciers de l'adrogé des actions utiles pour se faire payer par l'adrogeant jusqu'à concurrence de la valeur des biens que l'adrogé lui avait apportés 10 Dès la fin de la république, la réunion des comices curiates n'était plus qu'une formalité où, le plus souvent, les curies n'étaient représentées que par leurs trente licteurs. Le sérieux se passait dans l'enquête des pontifes, et c'est à eux que Cicéron s'en prend quand il veut attaquer l'adrogation de Clodius. Uipien " et Gains 12 mentionnent encore l'adrogation auctoritate populi comme en vigueur de leur temps ; mais il s'agit évidemment de comices fictifs. L'adrogation continua ainsi en vertu de lois curiates pour la forme, pendant la première moitié de 1'ï;m pire. Le dernier exemple connu est celui d'Hadrien, adoptant Commode, v6 m, dit Dion Cassius 13. Mais en face de cette cérémonie surannée une forme plus simple avait, commencé à se dessiner, l'adrogation par une décision de l'empereur, d'autant plus aisée à prendre pour lui qu'il pouvait s'y prévaloir de son titre de grand pontife. Le premier exemple en fut donné par Galbau s'adrogeant luimême Pison par une simple proclamation, mais s'excusant, il est vrai, de manquer de temps pour le faire par une loi curiate" Cependant l'adrogation par les pontifes continua concurremment, et Gaiusla mentionne encore un rescrit qui leur fut adressé par Antonin le Pieux pour permettre l'adrogation des impubères, mais avec des conditions propres à s'assurer qu'elle leur serait avantageuse. L'adrogeant devait donner caution de rendre les biens de l'impubère à ses héritiers naturels, si ce dernier venait à décéder avant la puberté; il ne pouvait l'émanciper que pour une juste cause et en lui rendant ses biens, et ii était obligé en outre, en cas d'émancipation injuste ou même d'exhérédation, de les lui laisser dans sa succession augmentés d'un quart au moins de sa fortune. C'est là ce qu'on nommait la quarte Antonine (quarta Antonina ou dii;i Pü)17. L'adrogé pubère pouvait d'ailleurs faire reviser son adrogation 1'. Enfin l'ancienne adrogation solennelle fut entièrement supprimée en 286 par une constitution de Dioclétien 19, qui mit à sa place un rescrit du prince rendu après enquête faite par les magistrats. Les femmes purent être adrogées au moyen du rescrit impérial". Justinien restreignit l'adrogation comme il avait fait pour l'adoption; il n'accorda à l'adrogeant que l'usufruit sur les biens de l'adrogé, et permit seulement qu'il lui succédât comme un père naturel à son fils 41. F. BAUDBY.