Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article CONDIMENTA

CONDIMENTA. `flSt ap.xca, i~èuntexâ. Les condiments sont le complément nécessaire de l'alimentation qui, chez les anciens, avait reçu les formes les plus variées et même les plus raffinées [c1BARIA]. Les quatre éléments ordinaires CON 1439 CON d'un assaisonnement sont le vinaigre, l'huile, le sel et le poivre. Comme les trois premiers font le sujet d'articles spéciaux [ACETUMI, OLEUm1, SAM], nous ne toucherons ici qu'au dernier. L'usage du poivre (t ept, piper) ne paraît pas très ancien. On le trouve mentionné parle comique Alexis; mais il devient d'un usage très répandu surtout à l'époque romaine Pline dit qu'avant de le connaître, les anciens se servaient pour le même usage des baies du myrte 2. En effet, il vient de l'Inde et ne prit place dans l'alimentation que lorsque des rapports commerciaux suivis furent établis avec ce pays. Il resta une denrée assez chère, et Pline s'étonne de la consommation qu'en font ses contemporains, l'attribuant à la nécessité d'exciter des palais blasés 3. On connaissait le poivre blanc (candidum piper), recueilli au moment où les gousses s'ouvraient, mais qui, durci et ridé à la chaleur du soleil ou du feu, devenait noir (nigrum piper). Quand on cueillait les gousses avant la maturité et qu'on les faisait sécher au soleil, on obtenait le poivre long ou piment (piper longum) 4. C'est le plus âcre de tous; Pline dit que le poivre noir est plus agréable que les deux autres On le vendait au poids, au prix de 15 deniers la livre de poivre long, 7 deniers la livre de poivre blanc, 4 deniers la livre de poivre noir 3, et, comme de nos jours, on l'achetait tout enveloppé dans des cornets de papier'. La vente au poids entraînait souvent des falsifications par lesquelles on rendait le poivre plus lourd, au moyen de mélanges d'oxyde d'argent ou de plomb 6. Mais, en dehors de ces condiments essentiels qui font partie de l'alimentation régulière et qui ont place dans la préparation de la plupart des mets, les anciens connaissaient aussi une infinité de plantes potagères et d'herbes aromatiques dont ils se servaient pour exciter leur appétit, pour relever le goût d'un plat trop fade, ou pour déguiser l'âcreté d'un aliment trop amer. Parmi les plantes potagères, nous en retrouvons beaucoup qui servaient, sous leur forme naturelle, à l'alimentation régulière des classes pauvres, comme l'ail, l'oignon, le radis, le concombre, la roquette, etc. [CISARIA, p. 1147, 1149, 1156], mais qui, sur la table des riches, accompagnaient seulement les autres plats à titre de condiments ou de hors-d'ceuvre 9, et qu'on cultivait avec plus de soin Pline même s'indigne de cette différence que le luxe arrive à faire entre les simples herbes des jardins l0 Parmi ces préparations plus raffinées des plats rustiques, nous n'oublierons pas les confits de légumes dont les Romains étaient fort friands et qu'ils obtenaient en faisant macérer les plantes dans du vinaigre 11, acetaria [clsAalA, p. 1145, 1146] ; nous retrouvons ainsi accommodées la laitue S2, la courge n, etc. Columelle décrit minutieusement le procédé employé pour confire les raves et les navets, que l'on faisait d'abord sécher dans un panier d'osier (cista viminea) et que l'on déposait ensuite dans un tonneau de terre cuite pour les couvrir de moutarde et de vinaigre 14. Tous ces condiments devaient être servis à part sur des assiettes ou mélangés aux mets eux-mêmes. Les herbes et les graines aromatiques étaient réservées à la préparation des sauces (gèég eŒu , Tp(U,V.aTa) qui accompagnaient les viandes et les poissons 10 [GARuSI, nALrc], ou bien elles étaient mêlées directement aux légumes "6. En premier lieu, nous trouvons la moutarde (a(vaat, vâau, sinapis)17 qui ne paraît pas avoir été en usage sous la forme qu'on lui donne aujourd'hui, mais dont les feuilles étaient simplement coupées et mêlées aux aliments 1R Aristophane en parle 19 ; Dioscoridès a tout un chapitre intitulé, aEpi atvr'l72E.Dn 0; Pline la considère comme un condiment très sain pourle corps et il en compte trois espèces" : la meilleure venait d'Égypte. Les anciens employaient encore le gingembre (zingiber ou zinpiber), tiré de l'Arabie, et qui se vendait au temps de Pline 7 deniers la livre 22; le cumin (xéµtvov, cuminum), que Dioscoridès recommande surtout pour relever les aliments fades", et qu'on faisait venir d'Éthiopie ou d'Égypte '4; la menthe (givia, menthe), qui convient le mieux aux estomacs fatigués2o; l'anis et l'aneth (dvr,Oov, anisons, anetlaum)20; le fenouil (gépaOpov, foeniculum), employé dans un grand nombre d'assaisonnements"; le coriandre (xopiavèpov, coriandrum) 26 ; le carvi (careum) venu de la Carie 29; les câpres (xâaaapts, capparis) 30 ; l'origan (ôp(yavov) 31, et parmi les herbes des champs ou des jardins les plus communes, le rue (7tsyavov, rota.) 33, le persil («Aivov) et le cerfeuil (aaee€pUS, caerefolium) 3`', l'ache (apium) n, le basilic (âxtgov, ocimunz)36, le serpolet(l`pautto;, serpyllum) 37, le cresson alénois (xâpSaµov, nasturtium) n, etc. Pline divise les variétés de plantes et d'herbes potagères, d'après leur saveur, en acres, comme l'origan, le cresson, la moutarde, en amari, comme l'absinthe et la centaurée, en aquatiles, comme le concombre et la laitue, en acuti, comme le thym, en acuti et odorati, comme l'ache, l'aneth, le fenouil". Théophraste fait une distinction analogue 40. On voit que la diversité des plantes employées pour les condiments était considérable, et nous ne pouvons même pas les énumérer toutes ici. Nous ne pouvons mieux en donner l'idée qu'en citant un passage du comique Alexis, cité par Athénée, où il fait l'inventaire des ingrédients qu'un cuisinier doit avoir sous la main : « Dismoi ce qu'il te faut, et je prendrai moi-même tous les ingrédients. Bon; viens donc prendre d'abord du sésame. Voilà! c'est fait. Prends maintenant des raisins secs, du fenouil, de l'aneth, de la moutarde, du chou, du silphium, du coriandre bien sec, du sumac, du cumin, des câpres, de l'origan, des gousses d'ail, de la ciboule, du thym, de la sauge, du vin cuit, du séséli, de la rue, du poireau 41. » E. POTTIER.