Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article CONFISCATIO

CONFISCATIO. C'était l'attribution, au trésor de l'État ou du prince, de tout ou partie du patrimoine d'un condamné ou d'un proscrit. Sous la république, l'expression publicatio ou sECTIO BONORIiM exprimait la vente en masse faite en pareil cas au profit du trésor public [AERARIUM 1] ; elle se distinguait de ]'AUCTIO, vente publique d'objets déterminés. Le préteur donnait la possession des biens aux questeurs, et ceux-ci vendaient l'universalité aux enchères, sub haste; l'adjudicataire acquérait le dominium ex jure Quiritium, en prenant à sa charge les dettes, comme dans le cas d'une hérédité dévolue au fisc 2. L'adjudicataire avait l'interdit sectorium pour se mettre en possession des biens, dont le prix était versé par les questeurs à l'aerarium 3. On vendait les biens sous le nom du roi Porsenna °. L'AERAuIUM distinct du Fucus, sous les premiers empereurs, ne tarda pas à se confondre avec ce dernier, qui était le trésor privé du prince, ce qui eut pour effet de multiplier les confiscations 5. Voyons maintenant dans quels cas cette peine avait CON 144.1 CON lien. Dans l'origine, la confiscation fut encourue par ceux qui commettaient un crime entraînant SACHATIO CAPITIS ; elle avait un caractère religieux, dont on trouve les traces dans la loi des Douze Tables'. De plus, elle paraît avoir été attachée aux peines capitales encourues pour crime de haute trahison [PERDUELLIO], par suite de jugements rendus dans les comices centuries. Les comices tribus prononçaient des amendes pour contraindre le condamné à s'exiler volontairement'. Ensuite plusieurs des lois qui établirent des cours d'assises ou quaestiones perpetuae attachèrent aux crimes qui s'y trouvaient prévus et punis la double peine de l'interdiction de l'eau et du feu et de la confiscation. C'est ainsi que celle-ci fut consacrée après coup par la loi Cornelia de proscriptis, portée par Sylla, l'an de Borne 671 ou 672 (av. J.-C. 83-82)8. A partir de cette époque, la confiscation ou publicatio, qui dans le principe ne fut peut-être appliquée qu'aux crimes contre la religion ou contre la majesté de la république, punis de la peine de mort par les comices centuries [MAJESTAS, sACRILEGIuM], devint la conséquence naturelle de l'aquae et ignis interdictio. Sous l'empire, elle fut attachée également à la deportatio, qui remplaca la précédente, à la peine des mines, enfin aux travaux publics à perpétuité [ExSILIU:Ii, METALLA, POENA], en un mot, à toutes les peines capitales. En outre, la confiscation partielle fut prononcée par certaines lois, conjointement avec des peines non capitales, ainsi par les lois Julia de adulteriis, et de vi privata, etc., en même temps que la relegatio perpétuelles. Mais il importe surtout de retracer les conséquences de la confiscation totale, car on devait suivre des principes analogues au cas de confiscation partielle. Lorsqu'une peine capitale était prononcée, et qu'il n'y avait pas eu d'appel ou que l'appel était rejeté, le condamné perdait la propriété et l'administration de son patrimoine, dont les agents du fisc faisaient inventaire 10. Toutefois, les droits dont la transmission à titre universel, per universitatem, n'était pas possible, comme le droit d'usufruit par exemple, s'éteignaient" ; le fisc atteignait méme les biens que l'accusé avait frauduleusement aliénés avant la sentence pour les soustraire à la confiscationl2. En principe, les enfants eux-mêmes étaient dépouillés du patrimoine du condamné ; toutefois on leur réservait une certaine portion. Sous le triumvirat, elle fut fixée au dixième pour les fils et au vingtième pour les filles. Cette quotité varia sous l'empire 13 : Hadrien laissait un douzième à chaque enfant ; Antonin le Pieux, la totalité ; Marc-Aurèle, la moitié. Quelquefois, par une grâce spéciale, le prince faisait remise de la confiscation à la famille du condamné. Le jurisconsulte Paul avait écrit un traité spécial, liber singularis, sur les portions concédées par le droit commun aux descendants f1. Mais cette concession ne s'étendait ni aux enfants naturels, ni aux enfants adoptés en fraude des droits du fisc, ni au cas de confiscation par II. tielle16. En matière de crime de lèse-majesté [MAJESTAS], une loi fameuse par sa cruauté, rendue par Arcadius et Honorius, le 4 septembre 397", sur la proposition d'Eutrope, prononçait la confiscation totale et frappait même les descendants du condamné; elle fut appliquée en 399 à son inspirateur et renouvelée au code Justinien ". Une constitution de Théodose et de Valentinien, de l'an 426, assura aux descendants des condamnés à une peine capitale la moitié de leur fortune et édicta des dispositions plus favorables pour les décurions 18, sauf le cas de lèse-majesté. Quant aux condamnés pour crimes militaires, ils conservaient le droit de tester pour leur PECULIUM CASTRENSE; s'ils n'en avaient point disposé, ces biens passaient à leurs héritiers ou cognats jusqu'au cinquième degré 19 Le fisc revendiquait les biens de celui qui s'était donné la mort pour échapper à la sentence 2e : on présumait tel celui qui avait été pris en flagrant délit, ou qui se trouvait sous le coup d'une accusation 21; mais les parents étaient admis à prouver son innocence 22. La mort naturelle de l'accusé avant la condamnation éteignait en général la poursuite, et par cela même toute confiscation, excepté dans les cas de lèse-majesté et de concussion, où la mémoire du coupable pouvait être attaquée a3. Alors, en effet, la sentence était rétroactivement reportée au jour de l'accomplissement du crime : c'était une cruauté fiscale. La confiscation s'opérait sans préjudice du droit des tiers ; les créanciers, qui perdaient leur action civile contre le condamné, poursuivaient le fisc comme successeur in universu-m jus 24. Quant au condamné, s'il était devenu esclave de la peine (servus poenae), aucune action ne pouvait plus être dirigée contre lui; s'il n'avait subi au contraire qu'une media capitis deminutio, comme au cas de déportation, en principe les créanciers antérieurs n'avaient plus contre lui d'action civile ; seulement si la clémence de l'empereur lui laissait une partie de ses biens, les créanciers obtenaient contre lui des actions utiles 2'. Lorsque le mari était déporté, la femme ne perdait pas son droit à la dot Les empereurs Dioclétien et Maximien, dans un rescrit de l'an 287, rappellent que, d'après les anciennes lois, les femmes ne peuvent être inquiétées pour la faute de leurs maris 27. Si le père qui a constitué la dot venait à être condamné, la dot pro fectice restait au mari, en cas de mort de la femme durant le mariage ; le fisc ne pouvait réclamer la dot pro fectice; bien plus, il était tenu de la dot promise par un père plus tard condamné, pourvu que la dette ne fût pas frauduleuse 2e Lorsque la femme avait subi une peine capitale pour crime de lèse-majesté, violence publique, parricide, empoisonnement ou assassinat, sa dot était confisquée, mais le mari conservait contre le fisc tous les droits qu'il avait contre la femme 29 ; était-elle frappée de maxima capitis deminutio, en vertu d'autres lois qui ne prononcaient 181 CON 1442 CON pas la pitblioatio de la dot, on la considérait comme morte, et la dot adventice demeurait au mari 30. Si elle n'était que déportée et qu'elle demeurat avec son mari, il subsistait entre eux, au moins depuis Alexandre Sévère, une union de droit des gens 31, Mais, si elle se séparait de son époux, et qu'elle fût fille de famille, son père avait l'action en répétition de dot32, Si la femme mater familias était déportée pendant son mariage, la dot demeurait au mari: puis une fois l'union dissoute, on permettait à la femme de recouvrer sa dot. par une considération d'humanité, bien que la créance dotale flat née avant la condamnation ", De même par respect du droit des tiers, le pécule d'un esclave frappé d'une peine capitale était réserve à son maître'", et cette décision s'appliquait également au fils de famille 3'. Enfin, un rescrit d'tladrien rapporté par l'ipi n avait i'! le sort de la dépouille des condamnes à mort : vile n it attribuée ni au geôlier ni au bourreau, mais au pr ident de la province, qui devait en employer le prix à certaines dépenses de sa charge ". G. Humant