Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article PSYCHÉ

PSYCHÉ (Woy). -L'aine, principe qui vivifie l'homme et les êtres animés et, selon certai us philosophes, l'univers PSY -744PSY sentier. Le sens primitif de nux-i, est souffle, substance aérienne, du verbe ci [ su, faire passer un souffle sur ; c'est la même idée que dans spirites ou dans animus = Quelle idée les Grecs de l'âge primitif se faisaient-ils de la nature et des destinées de l'homme? llomère est notre témoin le plus ancien, mais les découvertes de Crète et de Mycènes, en reculant les origines grecques, ont fait apparaître les poèmes homériques comme le produit d'une civilisation raffinée et fort éloignée de la période où se sont formées les croyances. Toutefois, plusieurs savants prétendent retrouver dans Homère luimême le souvenir de traditions préhomériques. Le beau livre Psyché' d'Erwin Rohde est classique pour tout ce domaine de l'histoire des religions. La solennité des funérailles qu'Achille fait à son ami Patrocle est rehaussée par le sacrifice de douze jeunes Troyens brûlés avec le défunt'. Le cadavre est arrosé du sang de victimes animales et humaines; l'âme du mort est présente et se repaît de ce sang [Fuxus]. D'ailleurs le poète ne s'étend pas sur le sacrifice ; il glisse sur les détails de cette affreuse cérémonie que la tradition lui imposait plus encore que ne la déconseillaient son goût personnel et celui de ses auditeurs ; visiblement, il est mal à l'aise en traitant de rites opposés à l'usage courant à son époque. De même, dans l'épisode fameux de la visite aux morts de l'Odyssée', les ombres sont évoquées par un sacrifice et une libation sanglante ; ce sont là les caractères d'un culte des morts et des ancêtres que l'on retrouve chez la plupart des primitifs; ce culte implique la ferme croyance à la permanence des âmes. Du fond de leur tombeau, les esprits des défunts peuvent exercer des maléfices. On cherche par les sacrifices à s'attirer leur bienveillance, à écarter leur ressentiment. Assurément, les ossements d'hommes et d'animaux, exhumés dans le voisinage des tombes royales de Mycènes 5, proviennent de semblables sacrifices; les coupes trouvées au même endroit ont arrosé le sol de libations. Les peintures encore inédites qui décorent un sarcophage peint d'Hagia Triada (Crète), qu'on ne saurait placer après 1300 av. J.-C., nous offrent une scène de funérailles et une scène de sacrifice absolument conformes au rituel usité dans la Grèce classique G ; elles témoignent ainsi pour la vieille civilisation crétoise et égéenne d'un fonds primordial de croyances animistes. Ainsi les résultats des fouilles confirment les inférences fondées suries cérémonies funèbres décrites par Homère. Le culte matériel et sanglant des morts semble passer à l'arrière-plan chez les Ioniens de l'époque homérique, sans qu'on soit autorisé à en dénier tout à fait l'existence; les arguments tirés de l'emploi général de la crémation à l'époque héroïque pour conclure à un changement radical dans les usages sont caducs Quoi qu'il en soit, le culte des âmes et le culte des héros persistent avec éclat jusqu'à la fin de l'antiquité [HEBos]; s'ils mettent bien en lumière les rapports entre les défunts et les survivants, ils sont muets sur la nature même de l'âme. Mais les poèmes homériques permettent déjà d'esquisser une psychologie. La personne de l'homme est double et comprend la psyché et le thymos 3. La psyché joue dans l'existence terrestre un rôle absolument effacé ; repliée sur elle-même en une sorte de sommeil, matière subtile sans siège distinct, elle ne se manifeste que pour se séparer -du corps et s'exhaler comme un souffle, 4 sy-t, par la bouche avec le dernier soupir°, ou par une blessure avec le sang qui s'en écoule 90; elle est étrangère à la véritable personnalité de l'homme, à son moi («ütds) et constitue comme un double. De nombreux passages marquent cette opposition". Toutes les facultés intellectuelles de l'homme, ses sensations, ses énergies, relèvent de la seconde âme ou thymos (6uu6s) et sont localisées dans le coeur ( trop) ou le diaphragme (peévea). Qu'est-ce que le thymos? M. de Kremer a établi'2 que la vapeur qui s'élève du sang fraîchement répandu et encore chaud a été regardée comme l'agent psychique par les peuples de l'Orient; cette âme-fumée" ou âme-sang, le thymos, est d'origine plus ancienne que la psyché exclusivement grecque. C'est ce droit d'ancienneté de l'âme-sang qui réduit la psyché au rôle médiocre que l'on sait: on ne lui concède quelque activité que dans le sommeil, les syncopes, les cas de léthargie. Condamnée à l'effacement pendant la vie de l'homme, elle prend sa revanche au moment de la mort; le thymos cesse d'exister quand le corps est détruit; il quitte les « os blancs pour disparaître dans le néant, tandis que la psyché survit. Sans corps désormais, elle en conserve la forme, elle en est l'image, le fantôme (siôw),ov, cuux' xxi elôw),ov), semblable aux visions des songes et aux images-mémoire qui expliquent sa genèse t4. PSY 71 .5 PSY Le souffle-image continue à exister dans le monde souterrain [INFERI], mais la condition des âmes réunies dans l'Hadès est précaire et peu enviable. La psyché est sans intelligence; seule la libation du sang versé par Ulysse rend momentanément aux âmes la sensation et la mémoire, privilèges du thymos. Dans une invective célèbre, Achille préfère le sort d'un simple journalier sur terre à sa condition royale dans l'Hadès. Si, dès l'époque homérique, on se représente les âmes réunies sous terre en 'une société qui rappelle par plus d'un trait la vie d' « ici-haut » on admet pourtant que chaque âme continue à vivre dans son tombeau; elle a élu domicile dans le tertre où ont été déposés les os calcinés ; bien que ces deux croyances semblent s'exclure, d'innombrables témoignages attestent qu'elles ont coexisté dans l'esprit des Grecs jusqu'à la fin de l'antiquité Le culte rendu aux âmes et celui des héros, qui en dépend étroitement 'HÉROS, est une religion vivace dont les rites persistent jusqu'à l'époque romaine; l'âme est considérée comme un véritable génie, un démon LDAEMON, GENIUS], dont on doit s'attirer la bienveillance ; le devoir familial oblige à des cérémonies fixes et à un rituel consacré. La tombe est meublée avec sollicitude et protégée par une loi sévère contre les spoliateurs (Tuu'it,pzs)) [FCNUS'. Pour un citoyen athénien, le véritable sens de l'adoption est d'assurer à son âme la permanence des honneurs du culte ; la loi du talion qui s'acharne sur le meurtrier n'est qu'un reste de l'horreur qui s'attache au parricide ; celui-ci est odieux surtout parce qu'il n'accomplit point les rites ; il est poursuivi par les Érinyes qui ne sont autres, à l'origine, que les âmes des victimes' LFURIAE]. La procédure criminelle, à Athènes, dans les lois sur le meurtre, garde des traces de cette croyance origi nelle G. Le culte des héros, considérés comme des âmes d'une puissance surhumaine, prit une extension toujours plus grande. Le pouvoir prophétique ou curatif réservé d'abord à quelques héros, Trophonios, Amphiaraos, Asklépios, passe à de simples mortels' ; àl'époque hellénistique on constate une grande augmentation du nombre des héros ; chaque famille en compte un e. D'ailleurs la permanence des rites n'exclut pas la variété des croyances; les inscriptions funéraires témoignent d'opinions opposées, allant de la foi la plus fervente au scepticisme le plus désabusée. Le culte des morts atteste bien la croyance à la permanence de l'âme, mais non la croyance en son immortalité. Or la vanité de l'existence terrestre et l'immortalité de l'âme sont proclamées par les doctrines orphico VII. pythagoriciennes, dès le vie siècle av. J,-C., sous l'influence directe de la religion de Dionysos, venue de Thrace 10. Les phénomènes d'extase, de délire, développaient chez les fidèles la foi en une vie supérieure et en une possession divine de l'âme; les cas de syncope. de prostration et de sommeil léthargique pouvaient engendrer cette même foi dans certains esprits ou la fortifier dans d'autres. Les sectes orphiques proclament la nature supérieure de l'âme : le corps n'est qu'un tombeau, une prison, où elle est déchue par l'effet du péché U ; l'idéal est de s'en affranchir à jamais, d'où la théorie de la métempsycose 13 : l'âme s'épure par une série de naissances et d'incarnations nouvelles et quitte définitivement sa prison. Cette doctrine est reprise par les théologiens et les penseurs; Empédocle et Platon en sont pénétrés. On ne saurait exagérer l'influence des mystères orphiques [oxrnicil et des mystères d'É1eusis [ELEUSINA] sur le développement en Grèce d'idées consolantes sur la destinée de l'âme humaine. Ces idées ont revêtu l'expression la plus éloquente dans la doctrine platonicienne qui proclame l'immortalité personnelle 13 : l'âme supérieure se purifie par la vision du monde idéal, elle se détache peu à peu du OuEuiç et de l'nle'Ju:x, les deux âmes inférieures qui consacrent sa vie sensuelle ; l'âme intelligente, vovS, est appelée à jouir, auprès de Zeus dans les régions supra-célestes, d'une vie immortelle; elle y parvient en se ressouvenant de ce qu'elle e vu dans son voyage à la suite des dieux dans une existence antérieure 1`. 11 y a d'ailleurs plusieurs catégories d'élus et toutes les âmes ne participent pas à la béatitude suprême ; des peines atteignent celles des méchants qui n'ont pu se dégager de leurs souillures ; sauf les âmes bienheureuses et les âmes des plus grands criminels, toutes, après mille ans révolus, vont boire au fleuve Amélès dans la plaine de l'Oubli, avant de rentrer dans des corps qu'elles ont choisis librement; puis elles reprennent le cycle des migrations jusqu'à l'achèvement de la période de dix mille années qui leur est imposée avant de rentrer dans la patrie céleste. L'eschatologie de Platon est étroitement, liée à sa psychologie; pour ce philosophe l'âme est triple t' ; elle était double pour Empédocle 16, qui place l'activité psychique dans le sang du coeur et renouvelle l'âme-sang d'Ilomère, sans cesser pour cela de la croire immortelle. Aristote ne distinguera pas dans l'homme moins de quatre âmes"; ces exemples suffisent à montrer la variété des solutions proposées par les penseurs grecs ; les exposer n'est pas notre objet et relève de l'histoire de la philosophie. Les philosophes naturalistes ioniens s'occupent peu de 94 PSY 7016 PSY l'âme individuelle, de l'être spirituel; la psyché pour eux est la force vitale, le principe qui anime la matière et le monde '. Pour Anaximène ce principe est l'air 2, pour Héraclite le feu : Aristote a remarqué que tous les éléments de la nature, excepté la terre, avaient été proposés comme substance de lame ", Il est malaisé de déterminer Ies croyances populaires sur la nature de l'aine et sa destinée ; la diversité y est plus grande encore que dans les opinions des philosophes et des théologiens. Si la psychologie homérique a dû rester la plus populaire en Grèce et façonner fortement les esprits, les auteurs anciens nous font entrevoir un fonds de su perstition, une croyance aux spectres, aux âmes fantômes [LARVAE, LEMC'RES], dont Homère avait détourné son regard. Son tableau des Enfers n'est qu'un très léger crayon 5. En dehors même des Anihestéries, où l'on imaginait les âmes des morts s'agitant et revenant à la lumière [KERES], on croyait à leur retour; toute miette tombée de la table leur était réservée' ; une loi de Solon défendait de dire du mal des morts"; poursuivre les calomniateurs des morts est un devoir religieux qui implique la croyance à la présence du défunt outragés. Aristophane rapporte un propos selon lequel les hommes deviennent des étoiles après leur mort`°; plusieurs passages d'Homère prêtent aux aines fantômes un sifflement " : c'est l'écho d'une vieille croyance populaire en un fantôme en forme d'oiseau. Ainsi rame d'Ulysse s'échappe pendant son sommeil sous la forme d'un aigle Les oiseaux qui votent autour du tombeau de Memnon sont des âmes de ses compagnons et de ses adversaires'". Dans l'Odyssee, les âmes des prétendants s'envolent, semblables à des chauves-souris dans une scène des Oiseaux d'Aristophane, au lieu de lame évoquée qu'on attendait, apparaît Chéréphon , la chauve-souris "~. Le papillon f6, la mouche l'abeilles", passaient également pour des formes de lame. D'ailleurs, la nature aérienne de la psyché s'exprime encore dans maintes croyances; les vents sont identifiés à des âmes qui participent aux naissances'° et recueillent les autres ames à leur expiration 20. Les Tritopatores étaient honorés à Athènes à la fois comme esprits des vents21 et comme ancêtres défunts "d2. Pour ses Onirocritiques, Artémidore alargemen t puisé à ce fonds de croyances confuses et bizarres 2' . Les conceptionsraisonnées des Romains sur l'âme ont été empruntées aux penseurs de la Grèce; mais on retrouve chez eux les mêmes croyances primitives que chez les Grecs, moins épurées toutefois et plus voisines de la rudesse des anciens âges : la foi aux spectres LEMLRE5, EERALIA] et à la puissance des mânes [MAxes] 21, le culte des ancêtres [cf. LARES], ont un caractère macabre [cf. LARVAE] inconnu des Grecs. Le séjour des ombres, surtout chez les Étrusques, est peint de couleurs franchement épouvantables Représentations de l'unie et de Psyché. On connaît bien les petites figures ailées (eiôu?nu) qui représentl'âme humaine dans un grand nombre de peintures de vases. Elles sont conçues à l'image de l'homme dont elles sont la réduction, ténue à la vérité, comme il sied à des êtres invisibles. La psyché du guerrier, ie plus souvent armée, s'envole dans l'Iladès " ou apparaît au milieu des vivants 20. D'autres fois, les eidola, isolés ou réunis en essaim, voltigent autour du tombeau (fig. 2 a77) 27, interviennent dans les combats", s'avancent àlarencontre de l'âme d'un défunt (fig. 4E2611 ou du nocher Charon fig. 3838) 2'. Identiques aux Mères, les âmes sont souvent PSY _PSY balancées sur les plateaux divins dans les scènes de psychostasie (fig. 4263 et 4957) 1 ou chassées par exorcisme ii la fête des Anthestéries (fig. 491.7) 2. Les proportions modestes des eidola ' en font bien l'humanité débile et anémiée décrite dans la Nekyia. Très étroitement liée aux conceptions homériques, cette représentation de l'âme n'est cependant pas la plus ancienne en Grèce. Les monuments crétois' offrent plusieurs figures d'oiseaux que l'on interprète comme des symboles de l'âme bienheureuse° (voir plus haut page 746). Une coupe béotienne figure la psyché sous forme d'oiseau, comme attribut de Déméter tl De cette même conception fhériomorphique est issue la représentation de l'âme par un oiseau à tête humaine (fig. 5839) type dont M. G. A eicker a suivi le développement dans la littérature et l'art grecs jusqu'à l'époque chrétienne [s1REx). II a montré qu'un grand nombre de créations secondaires de la mythologie, les Sirènes', les Sphinx °, les Ilarpyes ", les Érinyes ", les Lamies'', les Néréides ", les Nymphes" ne sont que des esprits des morts, de simples variations du type fondamental de l'âme ailée, de la Kère avide de sang" et d'amour 1'. Nous retrouvons, dans les monuments oit les Grecs ont figuré la psyché, la même diversité (lue dans les croyances. La plus ancienne représentation de Tàme par un papillon est sur un lécythe à figures noires'. Nous verrons plus loin le papillon-psyché tourmenté par Éros; l'abeille à tète humaine'", le serpent représentent souvent l'âme d'un défunt [nRacoj (figure 2577). Une simple tête", siège de l'âme servait aussi d'image réduite, de symbole de la psyché. Plusieurs passages du Phèdre de Platon ont pu, dès le Ive siècle 20, donner naissance à limage d'un beau couple figurant l'âme humaine, unie au plus noble des sentiments, l'amour divin. Ce même dialogue montre l'âme perdant les ailes qu'elle possédait à l'origine, puis les recouvrant; c'est là l'origine du mythe de Psyché, tantôt tourmentée pat' Éros, tantôt réunie à lui. Aucun monument n'est antérieur à Platon 2' et les vases peints ne figurent jamais Psyché. La ll plus ancienne représentation du couple est une applique de bronze 92 du HP siècle av. J.-C. Les jeunes gens ont tous deux des ailes d'oiseaux. Psyché se dérobe aux entreprises d'Éros qui cherche à lui saisir le menton. l'n savant admet que ce fut d'abord Niké que l'on groupa avec Érosen l'absence de toute tradition littéraire, son hypothèse n'a pas trouvé d'écho". On considère généralement les ailes d'oiseaux de Psyché comme un simple pendant de celles d'Éros". mais les ailes, nous l'avons vu, jouent déjà un rôle essentiel dans l'allégorie de Platon 21. Il est probable que Psyché a emprunté ses ailes aux eidola qui, avec l'âmeoiseau, sont les éléments primitifs de sa conception abstraite; les ailes rappellent clairement son origine, le souffle aérien et fugitif. Nous avons vu 2G que le même symbolisme figurait la psyché par un simple papillon. Si, dans ses jeux avec le papillon-psyché, Éros montre plus de cruauté que de tendresse, c'est que le petit despote, tyran des animaux, s'acharnant sur le papillon, est un sujet de genre tout à fait dans le goût alexandrin. La même veine inspire les épigrammes de Méléagre de Gadara". Tantôt Éros saisit l'insecte =3, tantôt il le brûle PSY (fig. 5840) ' tantôt il attache son prisonnier, l'empale sans pitié 2, s'en sert comme d'un char en usant des antennes en guise de rênes', ou l'astreint à l'aider dans son travail de scieur de long '' Il a parfois pour complice son frère Antéros'. Il n'est pas rare pourtant de voir le papillon vainqueur, et, par un lPiilïl' ? 'I, ` juste retour, montant la garde près de son tyran prisonnier G. Souvent aussi, Psyché est figurée sous les traits d'une jeune fille qui n'a plus du papillon que les ailes7. Les pierres gravées, les peintures de Pompéi (fig. 5841) 9 748 PSY offrent aussi l'image de Psyché torturée par Éros, le plus souvent vaincue, parfois victorieuses. Nous avons insisté jusqu'ici sur les luttes de Psyché et d'Éros, mais un grand nombre de monuments montrent leur commerce sous un jour plus paisible. Tel un beau groupe de terre cuite du Musée du Louvre 10. Éros joue de la double flûte et Psyché dans au son de l'instrument. La réconciliation des deux amants est parfois sanctionnée par des noces mystiques (fig. 5842) Il. Le couple, monté sur un éléphant (fig. 5843) 12 et armé de boucliers, fait partie de la caravane de Bacchus revenant des Indes. On a souvent énuméré les très nombreuses répliques en marbre et en terre cuite du célèbre groupe du Capitole (fig. 5844) 13. Malgré leur parenté on y a observé plusieurs variantes'`. Les deux personnages, le plus souvent adultes ou adolescents, sont parfois des enfantsf5 tantôt juxtaposés, tantôt enlacés, tantôt échangeant un baiser10. Dans le type le plus ancien, ils ont des ailes d'oiseaux 17, mais fort souvent Psyché a des ailes de papillon'e que l'on retrouve même citez son amant '0. Il n'est point rare enfin qu'un seul des jeunes gens soit ailé 90 ou que tous deux soient aptères comme dans le groupe da Capitole. On remarque dans ce dernier marbre une note sen suelle étrangère aux images plus anciennes. Les épigrammes de Méléagre 21, sans doute inspirées par des oeuvres d'art alexandrines, contaient les amours de psy 7,9 psy Psyché d'un ton badin; une terre cuite de Cypre' va jusqu'à la caricature. Parfois Aphrodite est associée au couple amoureux Il faut renoncer à voir une Psyché dans un torse célèbre trouvé à Capoue . D'ailleurs les monuments représentant Psyché seule sont peu nombreux. Citons une statuette de Myrina (fig. 5845) ; la jeune fille est assise et comme sortant d'un rêve. Cette rêveuse, à la pose abandonnée , est bien près de la défaite figurée sur une pierre gravée5 qui nous ramène à notre point de départ, les luttes des deux amants. C'est également par les pierres gravées que nous connaissons le type d'un buste-hermès de Psyché et celui de NémésisPsyché , aux ailes de papil lon ou d'oiseau qui fut à Rome parfois assimilée à la Paix ou à la Victoire [NEMEsis, p. è4]. Dans les peintures de Pom péi du troisième style, la figure de Psyché n'est pas rare '°. Dans les fresques du quatrième style, apparaissent quantité de Psychés '', parèdres des Amours. Un jeu poétique, une mode, multiplie les figures d'Amours; la symétrie exige des Psychés dans toutes ces scènes. « Seule ou en nombre, Psyché collabore à tout ce qu'entreprend Éros si Éros est perché sur un centaure qui joue de la lyre, Psyché le sera sur une centauresse qui joue de la double flûte; si Éros enfourche un chameau, Psyché a comme monture un dromadaire 12 » Les Amours et les Psychés sont mêlés à des banquets [mENA fig. 1699], à des concerts12 et à toutes sortes de scènes de la vie journalière. Ils cueillent des fleurs; ils tressent des guirlandes [coHoNAaII, fig. 015], pressent les olives'6; ou bien Psyché, digne matrone, visite la boutique d'un orfèvre (fig. 4919), ou marchande un tonneau d'huile; une autre Psyché, sa servante, est debout près d'elle, l'éventail sur l'épaule Les anciens ont souvent gravé l'image de Psyché sur les monuments funéraires, comme personnification de l'âme du défunt". Le groupe d'Éros et de Psyché, image sereine de la félicité d'outre-tombe, est un des ornements habituels des sarcophages romains s. Le sarcophage de Prométhée 18 ne montre pas Psyché moins de quatre fois sous différents aspects. Rien d'étonnant si Psyché se trouve associée à Hermès-Psychopompe'9 ; un mythographe les unit même en un mariage mystique 20. Le papillon, symbole de la psyché du défunt, est associé aux représentations les plus macabres. Une table ornée de mosaïques le mettait sous les yeux des convives d'un riche Pompéien, entre un crâne et la roue du temps, leçon d'épicurisme déjà professée, au dire d'Ilérodote, dans les banquets égyptiens Le gracieux conte d'Apulée 23 qui a inspiré si souvent les artistes de 1;t Renaissance et des temps modernes n'a exercé aucune influence sur l'art antique. Psyché, la plus jeune de trois princesses, excite par sa beauté la jalousie de Vénus; mais l'Amour lui-même s'en éprend et la visite chaque nuit, dans un palais enchanté; dévorée de curiosité par les insinuations de ses soeurs, Psyché, laissant tomber une goutte d'huile de sa lampe brûle son amant endormi. Il s'éveille, s'envole et ne reviendra à Psyché que quand celle-ci aura subi une série de tribulations imposées par Vénus et qui la conduiront jusque dans les Enfers 10. 11 semble démontré que le noyau même du récit est ancien et remonte aux nouvelles érotiques tuilésiennes Un savant y voit une légende très anciennement liée aux mystères grecs et dont plus d'un élément subsisterait dans le mythe d'Orphée et d'Eurydice. Quoi qu'il en soit, il faut renoncer à reconnaître dans une série de pierres gravées 26 l'épisode de la fourmi aidant Psyché à trier des céréales, trait do légende fréquent dans un grand nombre de récits populaires qui, comme celui de Psyché, combinent les éléments de Cendrillon et de la Belle au Bois Dormant". Les exégètes mythologues 28, d'un symbolisme volontiers fumeux, ont abondé depuis Fulgentius Planciades93. Comme image expressive de l'existence du défunt, le I'SÏ 7 50 PSY groupe de Psyché et d'Éros avait sa place toute marquée sur les sarcophages chrétiens'. On excusait aisément son origine païenne comme celle de beaucoup de motifs décoratifs de la mythologie gréco-romaine, Des Psychés et des Éros enfants dansent et tressent des guirlandes ou euei Ilent des fleurs sur le, parois des catacombes `,vraies figures de fantaisie comme celles de Pompéi. GlinaciS NuCii:. Vase servant à rafraichir le vin'. Les auteurs' nous indiquant différentes formes de vases qui portaient ce nom. C'était d'abord un grand vase à boire; Alcibiade, dans le Banquet', en demande un de plus de huit cotyles, quand les vases à boire ordinaires ne lui suffisent plus. Dans la pompe de Ptolémée Philadelphe on portait cent soixante'àux-°rluoç d'argent, de deux à six métrètes, vingtdeux en or, de un à trente métrètes, et enfin trois cent vingt uur-r's!x, en or et en argent, dont les mesures 9.e sont pas données, C'étaient sans doute (le diminutif l'indique; des vases plus petits. D'ailleurs, Athénée' donne le nom de psvcter au même vase que Plutarque 7 appelle cratère, et Moeris 5 nous apprend que le psvcter était un vase où l'on lavait les coupes, ce qui conviens (Irai t bien a la forme du cratère. Enfin les grammairiens Dionysios° et Pollux" rapprochent le psycter du 3ivo;, grand cratère à forme de chaudron qu'on plaçait sur un support rtt.v'rr.rt, fig. 20'11 ï ". 11 devait contenir le vin pur (xcaroç) Aie x1TOPJ1oiLSr, p. 32], et n'avait que des petits supports isolés fè rox,'ai nxo'), pas de pied TuGu.fv) ". 11 convient de rapprocher de ces passages les inscriptions, les inventaires de, temples surtout, qui citent de nombreux psyctères f3, dont quelques-uns de grandes dimensions. Le sanctuaire d'Apollon Didyméen aux Branchides en possédait un qui pesait neuf mille drachmes, tandis qu'un autre, moins grand, était remarquable par son style a barbare 1x, à inscrustations de pierres précieusesQuant à la forme ou aux. formes du psycter, ces textes nous montrent qu'il avait parfois des anses et un pied t.. Nous ne salirionsprél ter davantage 1à La céramique grecque du vl° et d!1 o'' siècle nous fournit trois formes qui cor respondent bien à la destination du pi,;cter, les trois imitant des modèles métalliques. 1° Type antérieur de plus d'un siècle aux textes les plus anciens, propre à la céramique chalcidienne et attique à figures noires 11 (fig. 58'!6) : c'est une amphore à paroi double, avec un goulot sur l'épaule pour y verser l'eau glacée, qui s'écoulait ensuite par un trou ménagé dans le fond. Le vin, dans le récipient intérieur, se trouvait ainsi enveloppé d'une couche de liquide froid. On a pensé que ce vase pouvait également avoir servi à réchauffer le vin, en versant de l'eau chaude dans la partie enveloppante de l'amphore. 22° Type en forme de toupie, sans anses, destiné à flotter sur l'eau froide dans un grand cratère (fig. 5817)". Nous en voyons l'usage sur quelques peintures de vases'`' (fig. 5818); un psvcter pareil, encore placé dans son cratère, a été trouvé dans un tombeau étrusque 20. Ce type apparait avec le début de la peinture à figures rouges (environ 330 à520 av. J.-C.) : les quelques exemplaires à figures noires 2' ne sont pas PTO 751 -PTO plus anciens que cette date. Nous ne connaissons ce psycter que dans la céramique attique, qui nous en a laissé de fort beaux spécimens '. L'un d'eux est pourvu d'un couvercle et de deux attaches tubulaires sur les côtés de la panse, de façon à pouvoir être suspendu '. Mais vers 450 av. J.-C. cette forme semble disparaître, sans passer comme tant d'autres dans la céramique de la Grande-Grèce 2, 3° Type qui se rapproche du psyctercratère décrit par les textes. C'est un cratère muni d'un trou d'écoulement au bas de la panse, et qui servait donc probablement de ré cipient à rafraîchir le vin. Nous ne connaissons de ce type qu'un superbe exemplaire à figures rouges sévères'. Letronne et Ussing s'accordent à voir aussi un psycter dans une forme souvent reproduite sur les vases peints du Ive siècle, dans l'Italie méridionale 6, et dont on possèdedes exemplaires de métal 7 ; c'est une sorte de seau cylindrique, avec une anse formant poignée par-dessus LSITCLA]. On yreconnaîtrait les pieds en icroayad,icxot que mentionne Pollux. On s'expliquerait aussi le terme de xxau9oç qu'emploie Ilesychius [CnLATHCS, p. 8131. On pouvait facilement descendre ce seau dans un puits, soit le placer dans de l'eau glacée. Il est certain, comme le dit Letronne, que le mot ~uxn7,p a dû désigner des vases de formes très diverses, servant tous à rafraîchir la boisson. G. Keso.