Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article THÈTÉS

TIIÈTÉS (e7,7Eç). Mercenaires ou, en général, hommes d'une classe inférieure dans les villes grecques. Sous le régime d'économie naturelle qui régnait clans les cités homériques, en marge des ` frf,, qui, possesseurs du sol, assuraient à tous leurs membres une vie indépendante et large, végétait tristement une classe déshéritée. Descendants d'une population vaincue, esclaves en fuite, bannis, aventuriers, c'étaient des épaves humaines rejetées sur toutes les sociétés par les hasards de l'existence. Tous ces gens-là étaient libres, mais misérables et privés de toute protection. L'homme sans terre et sans foyer n'a pas de patrie et n'a pas de droit : â,d -rtO; âoGrtnp 6't0€N.tGTO;, telle est la règle rigoureuse du temps. Bon nombre de ces déclassés se résignaient à tendre la main ; il y en avait même pour qui la mendicité devenait un véritable métier'. Mais la majorité des pauvres gens ne demandaient qu'à gagner leur vie en besognant n'importe où, n'importe comment. C'est dans cette masse que les propriétaires venaient chercher les travailleurs dont ils avaient besoin pour compléter leur personnel ordinaire et qu'on appelait les thètes. Les thètes, à l'époque homérique, sont donc des hommes libres 2 qui, faute de posséder de la terre ou de connaître un métier qualifié comme les démiurges, louent leurs services à titre de gagistes. On peut être réduit à cette situation à la suite d'un délit : Apollon et Poseidôn 3, Cadmos IIèraclès 5 paient ainsi en travail le prix d'une offense. Mais le plus souvent le contrat qui crée la situation de thète a des causes purement économiques. C'est l'élevage qui demande le plus de mercenaires. Les bergeries d'Ulysse employaient à la fois des esclaves et des étrangers'. Qu'un mendiant débarque à Ithaque, il a beau déclarer n'être pas fait pour ce service', le porcher Eumée cherche tout de même à le retenir comme auxiliaire 8, et le chevrier Mélantheus lui conseille de « servir comme gardien d'établer.. balayeur de cour ou pour porter la verdure aux chevreaux ».Dans une légende macédonienne, trois frères se mettent au service du roi comme thètes, l'un prenant soin des chevaux, l'autre des boeufs, le troisième des moutons 10. L'exploitation des grandes propriétés pouvait aussi occuper des travailleurs venus du dehors. « i;tranger, dit le prétendant Eurymachos à Ulysse, si tu voulais servir comme thète, je t'engagerais sur la réserve de mon domaine, pour construire des murs de pierres sèches et planter des arbres". » Dans la scène de moisson représentée sur le bouclier d'Achille, ce sont des mercenaires qui manient la faucille et travaillent comme botteleurs 12. Même la petite culture avait besoin d'aides. Le plus pauvre des paysans, s'il défriche un coin de terre, fait travailler l'ouvrier agricole'. Le petit propriétaire que décrit Hésiode a ordinairement à ses gages un garçon de ferme et une fille de ferme 1l. L'industrie demandait beaucoup moins de bras. On voit cependant Poseidôn bâtir les murs de Troie au service de Laomédon" et des hommes libres tanner une peau de boeuf pour un maître 16. Enfin, il y avait des thètes attachés aux grandes familles pour tous les services domestiques et autres. Quand Télémaque est parti pour Pylos, on se demande s'il a emmené comme rameurs « des thètes et des esclaves à lui" ». Voici une offre faite à des gens riches : « Je ferai vite et bien tout ce qu'on voudra... Nul ne pourrait me le disputer pour l'activité : allumer le feu, fendre le bois sec, découper la viande, la griller, verser le vin, s'acquitter de tous les services que les petits rendent aux grands 18. » Les femmes n'étaient guère engagées que pour un travail de domesticité. Si elles vont aux champs, c'est pour préparer le repas des moissonneurs 12. Les palais renferment des troupes de servantes 20. Tout le temps que leur laissent les occupations du ménage, elles l'emploient à filer et tisser 21 ; mais il arrive que le personnel de la maison ne suffise pas à la tâche et qu'on fasse venir du dehors une pauvre filandière 22 Les conditions de l'engagement variaient au gré des parties. Certains ouvrages devaient être exécutés à forfait. Dans la légende, Augias fait nettoyer ses écuries par Hèraclès23 ; dans l'épopée, des ouvriers sont embauchés pour faire la moisson, pour tanner une peau. Peut-être est-ce à ces travailleurs engagés extraordinairement TIIE 2x8 TIIE qu'il faut attribuer le nom d''ouOot'. Mais le plus souvent le louage de travail avait une durée précise. Poseidôn et Apollon doivent servir un an (si; 6vtxur v) 2 ; Ilèraclès, trois ans 3 ; Cadmos s'engage pour la période dite « perpétuelle » (ic'iôtov t:vmuTCV), qui est en réalité de huit ans 4. Toutefois, pour le service domestique, si tant est qu'il y eût un terme fixé, il était indéfiniment renouvelable. Les grandes maisons avaient ainsi un personnel permanent de thètes et de servantes, aussi bien que d'esclaves mâles et femelles La rémunération du travail était toujours stipulée de la façon la plus nette. Souvent on avait droit à des gages. Apollon et Poseidôn servent « moyennant un salaire fixé d'avance (utcO i rh pgTi)) 6. Le poète, décrivant le pays où les nuits sont toujours courtes, pense aussitôt qu'un pâtre qui n'aurait pas besoin de sommeil pourrait y gagner « double salaire 7. » Comme tous les paiements à cette époque, celui-ci se faisait en nature. Augias promet à IIèraclès la dirne du bétail a. On a ainsi l'habitude, dans les sociétés où l'économie est encore simple, de laisser aux mercenaires une part des richesses qu'ils produisent. La pauvre veuve de l'Iliade, qui pèse avec tant de conscience la laine chez les autres, suppute probablement ce qu'elle filera sur place et ce qu'elle emportera". Mais le salaire n'est jamais considérable : il ne faut pas se laisser prendre aux exagérations de la légende pieuse et croire qu'une servante pût obtenir des « gages immenses » (rss(oovt ?.t60ïT)) 70. La vaillante filandière a grand'peine à nourrir ses enfants avec son « chétif salaire » (âEndEt N.tc3w) ". Et encore le gagiste ne peut-il pas compter ferme sur l'exécution des promesses qui lui sont faites. La seule rémunération dont il soit sûr, c'est l'entretien, la O~cax T x7ss ce 12. La plupart du temps, d'ailleurs, il n'a pas droit à autre chose. « Veux-tu être thète chez moi ? dit Eurymachos. Je t'offre des conditions honnêtes... Je te fournirai le manger à discrétion, je t'habillerai et te donnerai les chaussures 13 11, Quand Ulysse feint de vouloir entrer au service des prétendants, il ne demande que « les repas »';. La pension, au reste, n'est ni substantielle, ni variée. Pour engager un garçon comme chevrier, on lui dit en plaisantant qu'il « boira du petit-lait et prendra de l'embonpointf6 Il faut aller en Libye pour trouver un pays où le pâtre, aussi bien que le roi, ne manque jamais de fromage ni de viande ni de lait". Les journaliers eux-mêmes n'ont rien de plus que la nourriture. On fait tuer un boeuf pour régaler ses moissonneurs ; on embarque la farine et le vin pour ses rameurs' puis, au retour, on les réunit en un banquet ; pas d'autre salaire. La situation des gens à gages est donc bien basse, à l'époque homérique : un salariat rudimentaire n'offre aux pauvres qu'une ressource insuffisante. Lorsque les thètes sont nommés avec les esclaves (OŸ,TSç TE ôs.wés TE) ", ce rapprochement, tout en opposant les deux classes, indique bien leurs rapports. Les thètes sont occupés aux mêmes travaux que les esclaves 19 ; leur condition matérielle est la même, avec certaines garanties en moins et la propriété de soi en plus. Ils sortent communément de la masse des mendiants et, à l'expiration de leur engagement, ils y rentrent ; ils n'ont fait, dans l'intervalle, que se livrer à une occupation plus honorable, mais plus pénible et parfois moins profitable. Leur seule supériorité vient d'une liberté terriblement périlleuse. Ils ne sont sûrs de rien. Le contrat qui les lie ne lie pas l'employeur ; car il n'y a pas de droit contre la force. Quand Apollon et Poseidôn ont achevé leur année de service, Laomédon leur refuse tout salaire et les menace, s'ils ne veulent pas déguerpir au plus vite, de leur couper les oreilles; les deux malheureux sont forcés de repartir l'âme ulcérée, les mains vides 20. De l'Élide à la Macédoine, partout la légende présente des exemples pareils 21. Quelle précaution prendre 22 ? Le thète ne peut compter que sur la bonne foi de plus puissant que lui. La liberté même, son seul bien, peut lui être ravie. Comme le mendiant 23, il risque à chaque instant d'être réduit en esclavage par un acte de violence. Laomédon menace Apollon de le mettre aux fers et de le vendre dans une île lointaine 2'. Certains mots font comprendre quelle détresse profonde cachait l'existence des thètes 20. Quand Achille aux Enfers exhale son désespoir de n'être plus parmi les vivants, il veut opposer à l'ombre la plus illustre la plus misérable des créatures humaines, et voici ce qu'il trouve à dire : « J'aimerais mieux travailler comme mercenaire dans les champs d'autrui, chez un homme sans patrimoine et dénué de ressources 26.» Celui qui acceptait une condition aussi lamentable avait juste de quoi ne pas mourir de faim. Si la filandière de l'Iliade parvient encore à gagner le pain de ses enfants, au temps d'llésiode le paysan ne veut plus que des journaliers célibataires et des filles de ferme sans enfants Et ainsi, jusqu'au vare siècle, les gens qui n'ont ni terre ni métier, formaient dans la société un rebut considérable, sans que les conditions faites au travail fussent capables soit d'en diminuer la masse, soit d'en améliorer le sort. Après la période homérique, lorsque la Grèce dans son ensemble passa de l'économie naturelle à l'économie monétaire, des transformations profondes se produisirent dans les différentes couches de la société. La classe des thètes subit, plus que toute autre, les effets de la révolution. Mais sa destinée ne va plus être partout la même. On entrevoit dans l'Odyssée une foule ballottée entre le droit à la liberté personnelle et la nécessité, l'avantage de s'attacher par des liens aussi solides que durables à des maîtres puissants. Selon les circonstances, l'une ou l'autre de ces tendances va l'emporter. Dans les cités aristocratiques c'est-à-dire dans celles où les grands yÉvaccaparèrent la puissance publique, pour maintenir dans ses principes essentiels le vieux régime de la propriété familiale -, le contrat primitif se consolida et se perpétua, de manière à transformer les thètes en serfs. Les nobles, maîtres du sol, perdirent rapidement l'habitude antique du travail manuel, pour se consacrer à la vie politique, au métier des armes, tout au plus à l'élevage des chevaux. Les x),-~pot ou biens patri THE -2119THE moniaux durent être garnis d'une main-d'œuvre suffisaute pour une exploitation régulière. Les familles de propriétaires avaient donc le plus grand intérêtà établir sur leurs terres inaliénables et indivisibles des tenanciers qui en fissent partie intégrante, comme des immeubles par destination. Les tenanciers eux-mêmes, en un temps où la richesse procurait plus de jouissances, où, par conséquent, l'avarice et la cupidité devenaient toujours plus épres, où les pauvres gens ne voyaient plus tomber des tables bien pourvues que des miettes désespérément rares, les tenanciers avaient tout avantage à se procurer par un engagement durable une protection contre la force, la sécurité du lendemain, le moyen de vivre pour le temps le plus long possible. Que la redevance à payer fût proportionnelle ou fixe, mais surtout si elle était fixe, le bon travailleur, celui qui était capable d'améliorer une terre, avait à coeur de s'assurer à lui-même et à ses enfants le bénéfice de ses rudes efforts par un bail à long terme. L' ti tov ivtxuiw ne fut plus une période de huit ans indéfiniment renouvelable, mais un vrai engagement à perpétuité, viager et transmissible. C'est ainsi que la maison seigneuriale, qui avait dès l'époque homérique ses esclaves et ses thètes, renferma une troupe plus considérable d'esclaves pour le service inté rieur (oizie,) et groupa autour d'elle ('rri))aç), en nombre variable suivant les besoins de la culture, des thètes de condition indépendante (rsna~at)1. Une fois que le thète fut attaché à la glèbe en vertu d'un contrat formel ou tacite, le souvenir de la liberté qu'il avait déjà tant de peine à défendre jadis ne tarda pas à s'obscurcir. Il était impossible qu'il en fût autrement. La situation du thète devenait celle de l'esclave que le maître récompensait de longs services en lui donnant une cabane à lui, une femme et un coin de terre à cultiver', mais en conservant sur son champ, sur son pécule, sur sa personne un droit imprescriptible. C'est aussi celle du débiteur jnsolvable que le créancier forçait à s'acquitter en années de travaux serviles à peine rémunérés. C'était enfin celle du vaincu que le vainqueur dépouillait de sa terre tout en le contraignant à la cultiver. Au bout de quelques générations, toutes ces différences d'origine étaient oubliées. Les descendants des thètes se confondirent avec d'autres dans une classe de serfs. Ils s'appelèrent /litotes en Laconie, clapotes en Crète, pe'nestes en Thessalie 3. Dans les cités démocratiques c'est-à-dire dans celles oit les intérêts des individus prévalurent sur les grands r _vrri et se firent protéger par la puissance de l'État les conditions des thètes devaient, au contraire, aller en s'améliorant. Par la consolidation de leur liberté, ils obtinrent une part et, à la longue, une part égale des droits politiques, de telle façon que leur nom disparut encore, mais cette fois par la fusion de toutes les classes en un corps de citoyens. La seule ville où, malgré la rareté des documents, nous puissions suivre cette transformation, c'est Athènes. L'intérêt dramatique de la crise sociale qui secoue l'Attique, depuis le milieu du vue siècle jusqu'au commencement du vie, vient précisément de ce que la grande IA. question qui se débat est de savoir si les riches propriétaires réduiront des hommes libres en servage et feront d'Athènes une seconde Sparte, ou si les thètes maintiendront leur personnalité libre et entreront dans la cité. Les Eupatrides sont bien forts.Ils conservent pour leurs grands domaines le principe de la propriété inaliénable et indivisible, et, sans risquer jamais de les voir diminuer, ils profitent de toutes les occasions pour les arrondir : un moment vient où presque tout le sol est aux mains d'un petit nombre. Pour l'exploiter, la maind'oeuvre rie manque point. L'égalité de partage, règle de succession pratiquée par la roture dès l'époque homérique amène si vite le morcellement, qu'Hésiode conseille au paysan qui exploite lui-même avec un journalier de n'avoir qu'un fils' ; si le conseil n'est pas suivi, les fils, dans l'impossibilité de faire subsister plusieurs familles sur un bien qui en nourrissait une avec peine, sont contraints à leur tour d'aller en service. Chaque fois qu'un lopin de terre s'annexe à une grande propriété, un homme qui vivait sur son bien a besoin, pour vivre, de travailler pour les autres. Si une mauvaise récolte contraint le petit cultivateur à emprunter du grain à son riche voisin, le créancier, qui jadis songeait surtout à s'entourer d'obligés pour rehausser le prestige de sa maison, devient plus dur, maintenant que ses excédents de récolte peuvent se changer en bonne monnaie et s'accumuler indéfiniment : il veut un intérêt égal au bénéfice que lui procurerait la vente de sa marchandise, un intérêt commercial. Dès lors il a prise sur la terre du débiteur, il y plante ses bornes ; au cas où l'intérêt stipulé n'est pas payé régulièrement, il a prise sur la personne même du débiteur, de sa femme et de ses enfants. Ce dernier cas n'a pas seulement pour effet de multiplier dans d'énormes proportions le nombre des tenanciers mis à la disposition des Eupatrides ; c'est le cas typique qui fixe au niveau le plus bas la condition des thètes ruraux en général. Les conditions qu'on leur impose sont particulièrement rigoureuses, parce qu'elles résultent de clauses pénales. Ce sont des sixeniers ou /tectérnores (btr-i,p.opot) [nElnTi2 vroxol] : sur leur revenu annuel ils versent à leur maître une redevance des cinq sixièmes. Que la situation des hectèmores passe du droit privé dans le droit public, que l'État confirme la mainmise des riches sur le corps même des pauvres, et l'Attique aura une classe de serfs plus misérable encore que celle de tout autre pays. Telle eût infailliblement été la destinée des thètes en Attique, s'ils n'avaient trouvé de ressources que dans l'agriculture. Mais dès l'époque homérique on a vu des mercenaires occupés aux travaux du bâtiment, de la tannerie, de la filature ; on les a vus même former l'équipage d'un bateau 6. Or, l'Attique a eu de bonne heure des industries et une marine. Si rien ne prouve que les mines du Laurion aient été exploitées dans l'intervalle des temps préhistoriques et du vle siècle, les métallurgistes de l'Aigalion s'étaient groupés dans une tricontie comprenant les bourgades des Eupyridai (les bons travailleurs du feu), des Crôpidai (les faiseurs de casques) et des Pèlèkés (les faiseurs de haches)' ; de 3? T11E 250 TIIE beaux gisements d'argile avaient favorisé le développement de la poterie, qui produisit les chefs-d'ouvre du Dipylon et donna son nom au Céramique. La navigation avait pris une certaine importance dès les temps les plus reculés, ainsi qu'en témoigne la vieille organisation des naucraries Vers la fin du vue siècle commenta même la période d'expansion commerciale. Les thètes ne dépendaient donc pas uniquement de l'aristocratie foncière ; ils trouvaient aussi à s'employer chez les gens de métier. Ceux-ci, les démiurges, formaient déjà une classe spéciale dans la société homérique ; leur influence grandit constamment dans la cité d'Athènes. Ils furent en état d'entretenir un nombre toujours croissant de salariés ; ils avaient intérêt à s'associer la classe entière des diètes dans leurs revendications politiques contre les Eupatrides. Fabricants et artisans, armateurs et matelots, négociants et revendeurs, les uns patrons, les autres mercenaires, ils formaient tous un grand parti qui se sentait solidaire des petits paysans et des journaliers agricoles. Ceux qui possédaient de terre peu ou prou purent ainsi, malgré les dangers menaçants, par une lutte incessante, maintenir leur indépendance économique et leur liberté personnelle. Au-dessous des grands propriétaires qui étaient, les uns pentacosiomédimnes, les autres chevaliers, au-dessous des propriétaires moyens, qu'on appelait zeugites, Athènes ne cessa pas de reconnaître comme citoyens les thètes2. Cependant la lutte durait toujours. En 594, Solon fut appelé à y mettre fin comme législateur arbitre. Au point où en étaient venues les choses, il n'y avait pas de moyen terme entre un régime de grande propriété fondé sur la pratique définitive du servage et un régime d'individualisme accordant à tous les enfants d'Athènes des droits égaux. Solon vit clairement que, pour remédier aux maux présents et préparer l'avenir de sa patrie, il fallait de toute nécessité affranchir et protéger les thètes en brisant la domination agraire et la toute-puissance des Eupatrides. Dans l'ordre économique et social, il interdit de gager un emprunt sur la personne du débiteur et, par le seul fait qu'il donna valeur rétroactive à cette interdiction, il prescrivit l'abolition des dettes et la libération des bectèmores : c'est ainsi qu'il « secoua leur fardeau », qu'il prit la mesure décisive de la SE1SACITÏEIA, et que du même coup, par crainte du servage, il rendit impossible à jamais toute contrainte par corps, fût-ce sur le plus vil des citoyens. Puis, par une série de lois particulières, il renversa les barrières sacrées qui défendaient les domaines des yévrt ; il mobilisa, il fit circuler le sol ; il facilita l'accès de la propriété foncière à ceux qui en étaient exclus 3. Dans l'ordre politique, il fixa la constitution sur une base timocratique, en déterminant le taux du cens pour les trois classes supérieures des pentacosiomédimnes, des chevaliers et des zeugites et en reléguant dans la classe des thètes ceux des citoyens qui ne récoltaient pas sur leur fonds un minimum (-r€Xoç) de 200 mesures en produits solides ou liquides °. Le thète n'était plus désigné, comme jadis, par les conditions spéciales de son travail, mais par le montant de son revenu. Il suffit (l'accroître son revenu pour passer d'une classe à une classe supérieure. Mais le cens était-il exclusivement calculé sur le revenu foncier ou tenait-on compte de tous les revenus °, en donnant force de loi au cours de l'époque, à l'équivalence de la drachme et du médimne l? La question est d'importance : la classe des thètes présente un aspect bien différent, selon qu'elle comprend quiconque ne possède pas une certaine valeur en biens fonds, c'est-à-dire, outre les petits paysans et les journaliers de la campagne ou de la ville, les commerçants et les industriels riches, ou qu'elle est le réceptacle des malheureux qui, par aucun moyen, dans aucune profession, n'arrivent à la limite inférieure de l'aisance. Les deux hypothèses ont leurs partisans. Cependant la tradition des attbidograpbes, rapportée par Aristote $, dit nettement, sans la moindre allusion à une équivalence possible, que le taux du cens était fixé pour chacun par le nombre des mesures « qu'il faisait sur sa terre propre avaient été répartis, comme les propriétaires fonciers, entre les quatre classes, et non point parqués dans la dernière, on ne comprendrait pas pourquoi, en 583, il fallut une révolution pour donner exceptionnellement aux dèmiurges le droit de nommer deux archontes sur dix'. Solon ne changea donc guère l'organisation constitutionnelle des classescensitaires. Toutefoisilne se contenta pas de réintégrer dans la classe des thètes, au moyen de la seisachtheia, une foule d'esclaves et d'heetèmores. Par la réforme des poids et mesures, en substituant à l'étalon éginétique l'étalon euboique, inférieur de 27 p. 100, il opéra indirectement un fort abaissement du cens et permit à un grand nombre d'Athéniens de passer d'emblée dans la classe supérieure f0. Les «listes de notabilités» 11 ainsi dressées d'après le revenu foncier devaient servir à la répartition des charges et des droits. Les thètes n'avaient pas une fortune suffisante pour se procurer une armure complète : ils ne furent pas tenus de servir comme hoplites, mais purent être convoqués comme fantassins armés à la légère ou comme rameurs. Par contre, ils se virent refuser les fonctions publiques. Solon leur donna seulement le droit de siéger à l'assemblée du peuple et dans les tribunaux 12. Mais c'était assez pour exercer une influence décisive sur le choix des magistrats pris dans les trois premières classes, sur la politique générale et sur l'administration de la justice. L'élan donné par Solon au commerce, à l'industrie et, d'une façon générale, à l'économie monétaire devait entraîner à bref délai une importante réforme: la fixation des taux du cens sur la base du revenu intégral, sans considération d'origine, et non plus exclusivement sur THE 251 TIIE la base du revenu foncier, ou, en un mot, la conversion des valeurs naturelles en argent. Postérieure à la législation solonienne, cette réforme ne pouvait cependant pas en être très éloignée. Elle substitua la drachme d'argent au médirnne de grain 1. Tel était bien le cours vers l'époque de Solon2, tandis qu'au temps de Socrate, le médimne de farine d'orge valait deux drachmes et qu'en 390 le médimne de blé valait trois drachmes4. Si cette hausse doit être attribuée pour la plus grande partie à l'essor économique que pritl'Athènes de Périclès, elle a dûcommencerpourla même raison dans l'Athènes de Pisistrate. On est ainsi amené aux environs de cette année 582 où précisément les dèmiurges réussirent à faire nommer deux des leurs à l'archontat, c'est-à-dire exercèrent pour la première fois une action réservée jusque-là aux trois premières classes. Rien ne prouve, mais il n'est pas invraisemblable qu'ils se soient fait accorder par la loi le droit qu'ils avaient pris par la force. En tout cas, quelle que soit la date exacte de la réforme, elle eut pour conséquence de répartir entre toutes les classes les dèmiurges, refoulés auparavant dans celle des thètes. En même temps qu'on monétisa les taux du cens, songea-t-on à les capitaliser ? Fixa-t-on immédiatement pour chaque classe un minimum légal de capital correspondant au minimum légal de revenu? D'après certains auteurs', les deux opérations auraient été simultanées, et c'est cette signification qu'il faudrait donner à un fameux passage de Pollux qui adjoint au tarif traditionnel 'de 500, 300 et 200 mesures un tarif d'impôts ou de capitaux imposables, soit respectivement 5000, 3000 et 1 000 drachmes. Mais il est admis aujourd'hui qu'un sys_ tème aussi compliqué d'impôt progressif ne peut pas dater d'un temps où la ,science financière était dans l'enfance et ne suggérait aux Pisistratides d'autre conception que celle d'une dîme 7. C'est bien pourquoi les savants qui déclarent les deux opérations inséparables veulent les ramener au ve siècle ; mais on a vu que la conversion des revenus fonciers en argent dut se faire plus tôt, et l'on verra que la capitalisation des revenus dut se faire encore plus tard. Au ve siècle, la situation des thètes se transforma d'une façon remarquable, sans loi nouvelle, par la force des choses. Pour apprécier ce changement en toute sécurité, nous aimerions connaître le nombre des thètes et son rapport à l'ensemble des citoyens. Malheureusement, quand nous voulons avoir quelque lumière sur ce genre de questions, nous sommes réduits aux procédés discursifs, faute d'éléments statistiques. D'après Ilérodote8, Athènes comptait à l'époque des guerres médiques 30 000 citoyens, dont 10 000 étaient hoplites, ce qui fait, avec les vieillards et les infirmes, environ 12 000 membres des classes supérieures. Restent de 18 000 à 20 000 thètes. Ce chiffre est à peu près confirmé par celui des rameurs embarqués sur les 127 navires présents àl'Artémision «soit, àraison de 180-200 hommes par navire, 23 000-25 000 rameurs, thètes pour la plupart). Ainsi, dans la première partie du ve siècle, quand Athènes n'avait pas encore atteint son apogée, le prolétariat des thètes représentait à peu près les deux tiers de la cité : 20 000 hommes entre dix-huit et soixante ans, sur 30 000, ou à peu près 60 000 âmes sur 90 000. Le nombre des thètes ne semble guère avoir changé dans le cours du siècle. Quand s'organisa la confédération de Délos, on construisit une flotte de 200 trières, dont la moitié devait former l'escadre active et recevoir des équipages de thètes, c'est-à-dire qu'on comptait sur 20 000 thètes 10. En 445/4, lorsqu'on distribua le blé envoyé par le roi Psammétichos, 14 240 citoyens se présentèrent pour profiter de l'aubaine et, d'après Philochore, 4 760 furent écartés comme n'ayant pas le droit de cité ; mais le dernier chiffre, qui, avec le premier, donne exactement 19 000, a certainement été imaginé par un auteur qui avait dans l'esprit ce total, et ce total, ne pouvant être celui de tous les citoyens, est celui des citoyens admis au bénéfice de la distribution, par conséquent des thètes". Plus tard Aristophane, dans les Guêpes (422), suppose que l'empire renferme mille villes et demande plaisamment que chacune nourrisse vingt citoyens d'Athènes12 : il croit donc qu'il y a 20 000 citoyens à qui le pain quotidien n'est pas assuré. Mais, tandis que la classe des thètes reste constante, les trois classes supérieures augmentent dans des proportions considérables. Dans l'intervalle de 480 à 431, le nombre des hoplites et des cavaliers passe de 10 000 à 23 000 au moins, peut-être même à une trentaine de mille 13. D'ou vient une pareille différence? Ces deux phénomènes, l'état stationnaire du prolétariat. et l'énorme progression des classes aisées, ne se contredisent pas. Le rapide développement du commerce et de l'industrie, l'exploitation de l'empire maritime, un prodigieux accroissement de richesse élèvent régulièrement une multitude d'Athéniens dans la hiérarchie des classes. Il y en a même qui brûlent les étapes: Aristote cite l'exemple d'un certain Anthémion qui consacra sur l'Acropole une statue de bronze pour avoir, de thète qu'il était, passé au rang de chevalier ". L'abondance de la circulation monétaire détermine même une telle diminution du pouvoir de l'argent, que le maintien immuable des taux du cens a pour conséquence pratique leur abaissement : la cherté de la vie entraîne la hausse des salaires ; même sans être plus riche, on a plus d'argent; la classe des thètes tend à se vider dans celle des zeugites. Le bûcheron et le charbonnier d'Acharnes, ces rudes montagnards qui parcourent les taillis du Parnès la hache à la main ou mènent à la ville, les jours de marché, leur âne chargé de marchandise, servent à l'armée comme hoplites et, par conséquent, malgré les difficultés de leur existence, ils sont au-dessus des thètes. Le socialisme d'État vient activer le mouvement provoqué par le libre jeu des lois économiques. Il profite des nécessités politiques et militaires créées par un impérialisme envahisseur pour envoyer dans toutes les parties de la mer Égée et dans le Pont des milliers de clérouques : on en établit d'abord à Skyros, à Éion et sur d'autres points en Thrace; puis, de 447 à 437, à THE 252 TI1Fi Chersonèse, à Lemnos, à Imbros, en Eubée, à Naxos et à Andros, à Bréa et à Amphipolis, à Sinope, à Amisos et à Astacos ; enfin, pendant la guerre du Péloponèse, à Égine et à Potidée. C'étaient presque toujours des thètes, à qui se joignaient par exception quelques zeugites 1. Ils s'en allaient généralement par troupes de mille, quelquefois un peu moins, quelquefois beaucoup plus : on peut calculer qu'il en partit au ve siècle pour le moins 10000, peut-être bien dans les 15 000 2. Les lots dont ils étaient pourvus semblent avoir été mesurés de manière à fournir un revenu de 200 drachmes 3. Il arrivait bien que les clérouques vendissent leur terre ou la louassent pour revenir à Athènes vivre d'un bon, petit capital qu'ils faisaient fructifier ou d'un loyer qu'ils touchaient régulièrement. Une fois au moins, en 427, après la révolte de Lesbos, l'État épargne même à ceux_ qu'il pourvoit la peine d'affermer leur lot sur place : il décrète que les rebelles rentrés dans le devoir garderont leur terre, sous condition de payer chacun une rente de 200 drachmes à un citoyen désigné'. Clérouques ou rentiers de la clérouquie soulagent également la classe des thètes, les uns par émigration, les autres par ascension dans la classe des zeugites. Restent les gens de métier, à qui la colonisation réelle ou fictive ne pouvait venir en aide. Périclès ne les oublie pas. Les grands travaux entrepris sur l'Acropole et au Pirée répandent à flots parmi les artisans et les ouvriers l'argent emprunté au trésor de la déesse ou versé par les alliés Les l,.trOo( payés aux fonctionnaires et aux héliastes leur donnent les moyens de vivre ou du moins un estimable appoint. Telles sont les causes économiques et politiques qui, dans cet intervalle d'un demi-siècle qui sépare la fin des guerres médiques et le commencement de la guerre du Péloponèse, firent passer le nombre des citoyens de 30000 à environ 42000, en maintenant à peu près identique le chiffre de 20000 thètes, mais en doublant le total des classes supérieures, bien moins par l'excédent des naissances sur les décès que par une incessante montée dans l'ordre social. Dès lors l'application rigoureuse du principe démocratique détruisit l'équilibre établi par Solon entre les classes, surtout les distinctions qui traçaient une démarcation savante entre les trois premières et la dernière. Les privilèges politiques disparurent. Une fois que les hautes charges jadis réservées aux pentacosiomédimn es furent ouvertes aux chevaliers, puis aux zeugites, par exemple quand l'archontat fut rendu accessible aux chevaliers par la loi de 487 et aux zeugites par la loi de 457, on ne put longtemps refuser à une classe les honneurs partagés entre toutes les autres. On ne fit pas de loi spéciale ; on se contenta de fermer les yeux sur les fausses déclarations de cens au moment de l'examen préalable ou docimasie. « Aujourd'hui encore, dit Aristote', quand on demande à un candidat qui se présente pour tirer au sort quel est son cens, nul ne s'avise de répondre : Celui des thètes. » Mais on ne pouvait imposer à tous les mêmes charges. Les thètes continuèrent d'étre astreints en principe à servir dans la marine et dans l'infanterie légère ; pour ceux d'entre eux qui entraient dans la classe des zeugites, le service d'hoplites grevait cet honneur d'une lourde obligation: on dut, pour les expéditions lointaines, leur allouer une indemnité d'entretien, puis une véritable solde. Il en fut des charges fiscales comme du service militaire : les thètes y échappèrent complètement, tandis que les zeugites étaient inscrits sur le catalogue des hoplites et sur les listes de l'€ie?opz, que les chevaliers étaient astreints au service de cavalerie et à la prestation des liturgies ordinaires, qu'enfin les pentacosiomédimnes pouvaient se voir imposer à titre militaire et fiscal l'obli= gation extraordinaire de la friérarchie 7. L'État, ne disposant d'aucune administration pour vérifier la fortune des citoyens, s'en fiant à des déclarations qui ne pouvaient être contrôlées que par la procédure exceptionnelle de l'âwr(ôostç, s'habituait peu à peu à ne plus chercher les listes des classes censitaires que sur les registres du service militaire et des contributions, où chacun s'assignait son rang d'après sa vanité tempérée par ses ressources. Mais les terribles nécessités de la guerre du Péloponèse et la détresse qui en fut la suite firent craquer de toutes parts des cadres aussi fragiles. Quand on n'avait pas assez de thètes pour la flotte, on prenait des hommes des classes supérieures : en 428, lorsqu'on arme d'urgence une nouvelle flotte contre Lesbos, on embarque comme rameurs des zeugites en même temps que des métèques ; en 406, pour secourir Conon, on expédie tout ce qu'on trouve, depuis les esclaves jusqu'aux chevaliers 3. D'autre part, puisqu'il fallait désormais une solde aux hoplites, autant valait fournir une armure aux thètes et les payer. De 415 à 413, on envoya en Sicile, avec 2 700 hoplites du catalogue environ 1 500 thètes armés en hoplites 1e. C'est que, dès 411, l'Attique ne comptait plus que 9000 citoyens en état de s'équiper 11. Il y avait là un danger formidable pour les finances et pour l'armée de la république. Il fallait aviser. Peut-être est-ce dans les sombres années qui terminèrent le ve siècle, quand la misère étreignait Athènes, peut-être aussi est-ce seulement en 378, quand elle reconstitua la confédération maritime et réorganisa l'oirYoo, que fut abaissé le taux du cens qui marquait la limite entre les thètes et les zeugites. Dans le plaidoyer contre .4lacartatos 12 est insérée une loi qui fait supposer, en effet, qu'à un certain moment le cens des zeugites fut fixé à 150 drachmes, tandis que ceux des pentacosiomédimnes et des chevaliers demeuraient intacts. Il est impossible que tel ait été le cens primitif 13, et que Solon ou Clisthènes l'ait relevé; il n'est guère probable que le taux de 150 drachmes ait déjà été en vigueur au temps où l'État allouait aux bénéficiaires des clérouquies un revenu de 200 drachmes : il est donc assez vraisemblable que le nouveau taux a été imaginé à une époque où les distinc TIIE 253 -'rIlÈ Lions politiques entre zeugites et thètes étaient abolies et où l'on avait besoin d'allonger les listes des soldats et des contribuables. C'est alors aussi que, tout naturellement, puisqu'on exigeait l'sicsfop d'un plus grand nombre de citoyens, on dut songer au moyen de la répartir avec le plus de ménagements possible. Le Ive siècle est, dans l'administration financière d'Athènes, celui des combinaisons hardies et savantes. On imagina la progressivité de l'impôt. Le fisc laissa échapper à ses prises le malheureux dont le revenu ne présentait même pas le salaire annuel d'un manoeuvre (1 drachme 1/2 la journée); il fixa à 1 000 drachmes le capital imposable pour un revenu de 150 drachmes ; à 3 000 pour un revenu de 300 drachmes, à 6000 pour un revenu de 500 drachmes, c'est-à-dire que la capitalisation se fit sur la base de 15 p. 100 (ou 6 2/3 fois le revenu) pour les zeugites, de 10 p. 100 (f0 fois le revenu), pour les chevaliers, de 8 1/3 p. 100 (12 fois le revenu) pour les pentacosiomédimnesl. Désormais l'exemption de l'Eiatpopz, ayant pour contrepartie l'obligation de servir dans la chiourme, marque à peu près la seule différence qui subsiste dans le droit public entre les thètes et les autres citoyens. Mais l'Etapopz est un impôt extraordinaire, un impôt de guerre, comme le service des rameurs. En temps normal, toute distinction de classes est abolie dans la cité Dans le droit privé, quelques lois rappellent encore les vieux termes de pentacosiomédimnes, de chevaliers et de zeugites pour les opposer à celui de thètes. Le plus proche parent d'une fille épicière, par exemple, est obligé de l'épouser ou de lui constituer une dot de 500 drachmes s'il estpentacosiomédimne, de 300 drachmes s'il est chevalier, de 150 drachmes s'il est zeugite 3. Mais, en fait, on voit tous les Athéniens faire aux épicières la dot de 500 drachmes : le chevalier et même le zeugite jouent au pentacosiomédimne; on ne veut pas, pour quelques centaines de drachmes, s'avouer citoyen de deuxième ou troisième classe4. Celui-là seul ne dote pas une épicière, qui n'en a vraiment pas les moyens et que le dénûment rend insensible aux suggestions de l'amour-propre. Le peuple athénien a donc supprimé toutes les distinctions sociales, excepté celles que maintient fatalement l'extrême pauvreté. A partir du Ive siècle, le mot de thète n'a_dlus de sens dans Athènes 5. 'fous les citoyens sont égaux. Certes, il y en a qui touchent régulièrement la rente de leurs terres, comme il y en a qui sont forcés, pour vivre, de louer leurs bras et d'envoyer leurs femmes ou leurs filles en journée ; il yen a qui, à bord des trières de la république, paient et commandent, comme il y en a qui peinent sur les avirons. Mais il n'existe plus d'autre 1 Poll. Vu!, 130. 2 Voir encore, dans un décret de 387/6, l'emploi du encore dans le vieux sens du mot (cf. Plat. Eut hyphe. 4). 2 lierodot. Il, 52, 2. Les autres étymologies proposées pour ce mot sont bien incertaines. Curtius, Grundzuge, n° 503. 3 D'après Hérodote (loc. Laud.), les dieux grecs ont été adorés avant d'étre nommés. Les divinités d'Éleusis s'appelaient d'abord et ont continué à être appelées simplement 3 Le sens de mer calme, reposée, n'est tiré de ce dérivé de siOgpi que par des explications forcées. 4 Herodot. VII, 191, 3; Bermes, XXIII, p. 70 sq. On ne trouve guère de cultede Thétis ailleurs. Cela ressort des localisations essayées par Gruppe, Griech. au contraire réparties par toutes les mers helléniques, à Lesbos, Corinthe, Corcyre, différence. Tandis que les pays aristocratiques firent rapidement disparaître les thètes en les plongeant dans lé servage, le régime démocratique commença par leur assurer la liberté, en les réunissant dans une classe spéciale qui fut admise au droit de cité, et finit par leur conférer l'égalité politique, en abattant toutes les barrières qui les isolaient. GUSTAVE GLOTZ.