Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article TRIBUNAL'

TRIBUNAL' (Bl~.a . Quelle que soit l'origine du mot, qu'il faut sans doute rattacher à TRIBUS 2, il désigne un exhaussement (locus superior3), une estrade, spécialement un SIIGGESTUS4 affecté aux opérations de justice [JCRISDIC'rro] et sur lequel on pose la chaise curule [SELLA] du magistrat' et les sièges de sa suite, pour que tous dominent le public 6. Il est permis de supposer, en l'absence d'une preuve formelle, qu'à l'origine 7 au moins sella et tribunal allaient nécessairement ensemble, et qu'une nullité absolue frappait toute sentence définitive prononcée, au mépris de ces formes, de piano. Un indice à cet égard est le fait que des magistrats, même après la perte de leur juridiction primitive sur Rome, conservèrent le tribunal aussi bien que la sella; ainsi les consuls, pour les opérations de coercitio et de conscription, montent encore sur leur estrade ; 11. seulement il n'y a plus là qu'une distinction honorifique, dépouillée de sa valeur initiale. Dans la loi gravée sur la table d'Iléraclée 8, il est prescrit aux édiles plébéiens d'afficher leurs locations dix jours à l'avance aput forum ante tribunale suom. La plupart des hauts magistrats ont droit au tribunal': néanmoins nous n'en avons pas trace dans les textes pour les tribuns du peuple ni les questeurs10. L'usage se maintint que le magistrat dirigeât solennellement l'audience après avoir pris place au tribunal ; mais avec le temps, semble-t-il, cela cessa d'être obligatoire. A une époque plus récente, au moins dans les affaires sans gravité, la sentence était souvent rendue de plainpied ((le piano) " ; les sessiones pro tribunali et les sessiones de piano sont distinguées et dans la procédure civile 12 et dans la procédure pénale 13 ; mais aucune prescription de la loi n'est arrivée jusqu'à nous, délimitant ces deux variétés de juridiction ; nous n'avons que des exemples isolés. Les tribunaux des magistrats de la capitale pouvaient être dressés en n'importe quel endroit de leur ressort" , mais la coutume était de les établir sur la place publique [FORDDI1 ; on recourut d'abord au comitium ; ensuite on utilisa ces basiliques couvertes [BASILICA], accessibles à tous, qui servaient de halles pour le marché et devinrent aussi des palais de justice. Les fouilles ont permis de reconnaître l'emplacement du tribunal dans la basilique de Pompéi (fig. 800) et dans la basilique romaine de Constantin (fig. 802). Dans la basilique Julienne, que nous décrit Vitruve, il y avait un temple, à l'intérieur duquel était le tribunal, hémicycle séparé des endroits ouverts à la circulation'", et qui présentait un front de quarante-six pieds, avec une courbure intérieure de quinze. Au milieu prenait place le magistrat détenteur de l'imperium, entouré de ses conseillers et du personnel auxiliaire 16. Il avait la faculté d'inviter d'autres per TRI sonnes à s'asseoir auprès de lui ; simple politesse', mais quelquefois il en résultait un honneur pour le juge ; ainsi lorsqu'un empereur, comme le faisait volontiers Tibère, venait se placer, discrètement, à une extrémité de l'hémicycle 2. Souvent plusieurs magistrats remplissaient à la même heure leur office de juges ; leurs tribunaux, civils ou criminels, se tenaient côte à côte sur le marché ; c'était le forum plenum judiciorum en passe de devenir insuffisant, à Rome, lorsqu'il reçut sous César et Auguste les accroissements nécessaires. Les jurés des quaestiones perpeluae, présidées par un magistrat, siégeaient audessous du tribunal, sur une estrade un peu moins haute, croit-on, d'après certains textes qui montrent les accusés venant leur embrasser les pieds 5. Quant aux parties, aux témoins, au public en général, qui s'asseyaient n'importe où, au gré de leurs préférences', il y avait pour eux de simples bancs 7 SUBSELLIUJI]. Dans la doms duqustana du Palatin, transformée sous les Flaviens, une balustrade en marbre, dont on voit encore un reste à l'endroit mème où elle se trouvait, séparait la tribune (demi-circulaire comme dans la basilique Julienne) de la partie ou se plaçaient les plaideurs'. A l'armée, la justice était rendue par le général en chef, dans son PRAuTOHIu3I9 ; son tribunal 10 était fréquemment en gazon, dans les camps volants, et d'une construction assez légère ; dans les juridictions civiles, il se faisait simplement en bois". Aucune règle d'ailleurs ne parait en avoir déterminé la nature et la disposition 5000ESTUS]. Il y en avait de luxueux, offerts par de généreux citoyens 12. Les tribunalia judiciairesfurent organisés dans les municipes de la même façon qu'à Rome" de même encore ceux des gouverneurs, lorsqu'ils parcouraient leurs provinces pour y juger les procès ". La justice pouvait aussi être rendue publiquement, dans l'auditorium ou secretarium, à condition de tirer le rideau qui l'isolait des curieux. Cette forme de publicité, vers la fin de l'Empire, fit disparaître l'exercice de la juridiction du haut du tribunal. Paine 15 appelle tribunal une levée de terre, sorte de digue, que les peuplades germaniques des Chauques, riveraines de la mer, élevaient pour se protéger contre les débordements de l'Océan. On nommait tribunalia, dans un théâtref6, des loges d'honneur [THEATRun, p. 190 et 204] ; il s'en voit encore aujourd'hui, au théâtre de Pompéi (fig. 6865), au-dessus des passages voûtés des parodoi. L'organisateur des jeux publics avait ses places réservées (tribunal editoris). Tribunal désigne enfin un suggestus construit en l'honneur des dieux'', des hommes illustres, ou pour recevoir des trophées. Dans un faubourg d'Antioche, on dressa une sorte de catafalque, afin de perpétuer le souvenir de l'exposition du corps de Germanicus après sa mort ". On voit un personnage élever un tribunal, ex perm issu ponti,T., sur la tombe qu'il apréparée pour lui et sa femme 19. Il est fait plusieurs fois mention d'un local de Con stantinople, dit Tb irLÔCUVZÀrov20, où une impératrice reçut le diadème. VlcTOit CBII'oï. TRIBUN! AERARII [JLDICIAIIIAE LEGES, p. 659-660 ;