Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article ACHELOÜS

ACHELOÜS (Ayt) ioç et 'Aye),oiïoç). Ce nom, dans la géographie ancienne, appartient à six fleuves 1, et il paraît avoir été à l'origine une appellation générale des eaux courantes ; les poètes, même d'une époque plus récente, L l'ont employé tigurativement dans ce sens (Aclieloia poeula, (lit Virgile ». Mais le plus célèbre fleuve de ce nom, et le seul qui jolie un rôle dans la mythologie, est celui qui, sortant du Pinde, coule entre l'Acarnanie et l'Étolie, et se jette dans la mer Ionienne près des Échinades; c'est aujourd'hui l'Aspro-Potamo. Cet Achéloiis est mentionné par Homère , qui lui donne l'épithète de xpciazv, ce que Pausanias interprète par n le roi des fleuves $ n. La célébrité de l'Achéloüs lui vint de ce qu'il était le plus grand fleuve de la Grèce, et que, sans avoir l'ampleur du Nil, il avait néanmoins fait des choses extraordinaires Son travail consistait dans les alluvions par lesquelles il joignit les Échinades au continent, phénomène qui excita l'admiration de l'antiquité 5. Des traditions qui faisaient du fleuve le créateur des îles situées à son embouchure prirent une forme mythique dans la fable racontée par Ovide, d'après laquelle les Échinades sont des nymphes changées en îles par la colère d'Achéloüs qu'elles avaient oublié dans un sacrifice Quant à Achéloiis considéré comme personnage mythique, Hésiode le fait fils de l'Océan et de Téthys ; selon d'autres, il est issu de Hélios et de Gaea ". On lui donne de nombreux enfants :1' Les Sirènes, qu'il eut de Melpomène selon les uns de Terpsichore suivant d'autres 10, ou de Sténope, fille de Porthaon, d'après une ancienne tradition 11 [sIRENES]. 2° Callirhoé, épouse d'Alcméon et mère d'Acarnan qui fonda l'État d'Acarnanie. Poursuivi par Érinnys pour le meurtre de sa mère, Alcméon, qu'un oracle avait averti de chercher une terre que le soleil n'eût pas encore éclairée lorsque le crime avait été commis, se réfugia sur les alluvions de l'Aehéloiis 72.3° La fontaine Castalie, au rapport de Panyasis dans son Béracléide 13. 4° Deux fils qu'il eut de Périmède, fille d'Éole, et qui sont nommés Hippodamas et Oreste 1'. Suivant une autre version, Périmède (ou Périmèle) n'était pas mère, mais fille d'Hippodamas et l'une des Échinades, dont Ovide a raconté les amours avec Achéloiis et la métamorphose 75. Suivant Ovide, Achéloiis donna un jour l'hospitalité à Thésée et l'instruisit de ses conseils 16. Mais le grand événement de son histoire, ce fut sa lutte avec Héraclès pour la main de Déjanire, lutte fameuse par les récits des poètes et des mythographes 17. Pour combattre son adversaire, le fleuve prit tantôt la forme d'un serpent, tantôt celle d'un taureau, puis celle d'un homme à tête de taureau. Mais Héraclès le vainquit et lui arracha une corne. Consacrée par les Nymphes et remplie par elles de fruits et de fleurs, la corne du fleuve devint la corne d'abondance [AMALTIEA]. De honte, Achéloiis alla se cacher dans les roseaux de ses rives. Ce mythe a été expliqué dès l'antiquité dans le sens historique par Strabon 1" et par Diodore 19. On y a vu une allusion à des travaux exécutés pour resserrer le lit du fleuve et dessécher ses rives afin de les rendre saines et fertiles. Achéloiis devint le symbole des 4 1 ACES --26 A CH eaux coulant sous les lois de l'homme; et Théagène, tyran de Mégare , ayant détourné un torrent qui tombait des montagnes dominant la ville, éleva un autel à ce dieu dans le lieu même d'où l'on avait conduit les eaux s0. Le nom d'Achéloiis était révéré par toute la Grèce, bien que les fables qui le concernent soient qualifiées d'étoliennes 21. On jurait par lui comme par le Styx. Son culte paraît avoir été lié avec celui du Zeus de Dodone [JUPITER], car Éphore nous apprend que toutes les réponses de l'oracle de Dodone portaient que l'on devait faire des sacrifices à Achéloüs E2. Dans le temple d'Amphiaratis à Oropus, il y avait un autel divisé en plusieurs parties dont chacune était dédiée à plusieurs dieux. Une part était consacrée aux nymphes , à Pan, à Achéloüs et au Céphise m. Une source était à côté du temple 2°. La lutte d'Achéloiis et d'Iléraclès était figurée en relief sur le trône d'Apollon à Amyclée 26, et dans un groupe, oeuvre de Doutas, qui faisait partie du trésor des Mégariens à Delphes 26 Les monuments qui nous restent représentent Achéloüs tantôt, comme sur une monnaie d'argent de Métaponte (fig. 50), ville d'origine à demi étolienne, sous les traits d'un homme à la tête armée de cornes, te A nant le roseau et la patères' (il est figuré de même sur des pierres gravées "3); tantôt, comme sur le vase peint reproduit plus haut (fig. 49) et sur les monnaies d'OEniadaeen Acarnanie, sous la figure d'un taureau avec un visage humain 29 C'est ainsi qu'on le voit aussi représenté dans un fragment de marbre de la galerie de Florence et sur plusieurs vases peints 30. La peinture reproduite (fig. 51), d'après un vase du Musée britannique, où le dieu a une tête humaine et le corps d'un poisson, bien que conforme à une des traditions conservées par les poètes, est jusqu'à présent une exception. Sur la monnaie de Métaponte, dont il vient d'être parlé, on lit ces mots : AXEAOIO AoAOiN, qui paraissent indiquer qu'elle était donnée en prix aux vainqueurs de jeux au sujet desquels on ne possède d'ailleurs aucun renseignement; mais on sait que de semblables jeux étaient célébrés en l'honneur d'Achéloiis en Acarnanie 31. L. DE RoNCHAUD.