Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article AUCTORITAS PATRUM

AUCTORITAS PATRUM

AUCTORITAS PATRUM. Cette expression était employée en droit public romain dans une double acception. Tantôt ces mots signifiaient la proposition faite aux comices par un magistrat d'après la décision du sénat 1, qui en avait pris ainsi l'initiative 2 ; tantôt une déclaration faite à la suite d'auspices favorables et par laquelle les comices curies c'est-à-dire l'assemblée aristocratique et patricienne, reconnaissaient le roi ou approuvaient une loi. Cette interprétation 4 qui s'appuie sur de nombreux textes, paraît de nature à écarter beaucoup de difficultés historiques sur le rôle respectif du sénat et des comices curies dans l'exercice du pouvoir législatif, comme dans la création des magistratures. D'après une autre opinion qui a encore ses partisans 6, il faudrait entendrè par auctoritas patrum uniquement une décision du sénat patricien, nécessaire pour valider toute loi ou toute élection faite dans les comices. Niebuhrs, par un excès contraire, avait toujours identifié l'auctoritas patrum avec le vote législatif des comices curies, et notamment avec la lex curiata de imperio '. Ce qui prête à la confusion, c'est que, en effet, l'auctoritas ou approbation du sénat et des curies ayant lieu dans la même assemblée, et précédant le vote de la lex curiata, il était facile en fait d'identifier des formalités qui se suivaient immédiatement d'ordinaire. Voici, en effet, comment les choses se passaient, d'après Walter, en ce qui concerne la nomination du roi [Mx, IN 1. TERREGNUM]. L'interrex du jour proposait aux comices curies un candidat, et ouvrait une sorte d'enquête ou d'information à son sujet. C'est ce qu'on appelait populum rogare Si les augures étaient favorables au candidat, les comices curies étaient de nouveau réunis, et, sur la proposition formelle du sénat (auctoritas patrum), l'assemblée patricienne le reconnaissait pour roi, en vertu du résultat des auspices, par une nouvelle auctoritas patrum, en prenant ici ce mot dans le sens de l'ordre patricien 9. Enfin, ce roi lui-même proposait et faisait voter une loi curiate de imperio, pour lui conférer le droit de glaive et l'exercice du pouvoir souverain le [IMPERIUM]. Cette nécessité de l'intervention des patriciens s'expliquait par la relation intime qui unissait à Rome la religion à l'ordre politique. Comme la fondation de l'État et sa prospérité tout entière étaient rapportées uniquement à la providence des dieux, leur volonté devait être consultée et suivie dans toutes les occasions intéressant la cité romaine. Mais on croyait que les familles privilégiées, les gentes patriciennes " avaient seules la prérogative de pouvoir servir d'intermédiaires entre Rome et les dieux, et de provoquer leurs redoutables arrêts. au moyen des rites mystérieux des auspices. A la mort du roi, l'imperium et les auspices faisaient retour ipso jure à l'ensemble des familles patriciennes, à la cité réunie en curies (ad patres) 13, Mais on en chargeait par intérim un représentant, l'interrex l3 On procéda de même à l'effet de revêtir de l'autorité législative obligatoire pour tous,les décrets rendus par les comices centuries, institués par Servius Tullius. En effet, une proposition formelle résultant d'un sénatus-consulte préalable (auctoritas patrum) fut toujours nécessaire' ; ensuite le résultat favorable des auspices devait être sanctionné par l'auctoritas patrum dans les comices curies. Enfin, quand il s'agit de la nomination d'un magistrat, une loi curiate devait toujours le revêtir de l'imperium. C'est ainsi que l'élection des premiers consuls, d'abord votée parle sénat, sur l'initiative de l'interrex, puis sanctionnée après les auspices par les curies, sur la proposition de l'interrex (auctoritas patrum, magistratus creare, jussus populi dans la langue juridique du droit public 16 7ctxGowetç), devenait exécutoire par la loi curiate que le consul nommé faisait voter de imperio ipsius 's. Le même système fut maintenu, après la loi des Douze Tables relativement aux lois rendues par le maximes comitiatus comme en ce qui concerne l'élection des décemvirs et de tous les magistratus majores émanés des mêmes comices centuries 14. C'est ce qui fait que les patres, 69 AUC -5-4.6 AU C dans un sens général qui embrasse l'intervention successive du sénat et des patriciens, furent nommés auctores ce,aturiatorum et curzâtorum comitin, um 18. Remarquons toutefois que la loi des Douze Tables parait avoir permis aux plébéiens l'entrée des comices curies, au moins pour ce qui touchait au droit privé, comme la faction de testament et l'autorité législative des comices curiates avait été maintenue par cette règle célèbre de la loi décemvirale : quod postrenum populus jusçisset, id jus ratumque esset °0, qui peut comprendre les réunions des centuries, mais qui s'applique certainement aux assemblées patriciennes (comitaa populi °t, comitia curiata). En outre, dans les cas extraordinaires où un interrex pouvait devenir nécessaire sous la république 22 [1NTI2RReGNUM], le sénat alors mélangé de plébéiens, appelait les patriciens 26, c'est-àdire les anciennes gentes pour créer (prodere) l'interr'ex désigné par lui-même. Comme l'interrex, aussi bien que le dictateur, devait présider les comices électifs, l'ordre patricien employa cette voie indirecte afin de retarder l'exécu [ion des lois liciniennes relativement à l'admissibilité des plébéiens au consulat. Souvent le président refusait d'admettre comme régulière la candidature d'un plébéien sous prétexte que les curies lui refuseraient leur auctoritas a". Dans le système de M. Mommsen, suivi par M. Broecker, l'auctoritas patrum aurait consisté uniquement, pendant la république, dans la confirmation des lois et des élections par le sénat patricien 23, à l'exclusion des membres plébéiens. Cette auctoritas toutefois paraît superflue à cet auteur dans les cas où le peuple n'était convoqué qu'à litre de témoin, par exemple pour l'inauguration du roi des sacrifices [Ries SscTORIIM], ou du flamine majeur [rLAmux], ou pour reconnaître l'znzperiunz du magistrat suprême, ou pour la faction de testament dans les curies. Ce savant pense en outre que, dans les cas mêmes où l'auctoertas était nécessaire, le sénat ne pouvait la refuser arbitrairement, mais seulement pour cause d'inconstitutionnalité, par exemple pour incompatibilité de telle candidature avec le jusauspicü. Il est bien vrai, en effet, que 1'auetoritas ne fut jamais déniée sans prétexte tiré du mos majorum28, des coutumes ; mais tout ce qu'on en peut conclure, c'est que les Romains avaient un profond respect pour les précédents et la tradition constitutionnelle. Il n'en résulte pas une limitation formelle de l'auctoritas patrum; ajoutons que les textes ne concordent point avec le sens unique attribué par M. Mommsen à cette expression, puisqu'il fallut, comme on va le voir bientôt, des lois spéciales pour effacer successivement la nécessité de l'autorisation du sénat, puis celle des comices curies pour la validité de toutes les lois émanées des comices centuries ou tribus. Cette double abrogation était indispensable à l'effet d'établir l'égalité parfaite des deux ordres ; car les patriciens seuls composaient les comices curies 27, sauf les cas exceptionnels introduits par la loi des Douze Tables en matière de droit de famille. Gaius dit formellement que jadis les patriciens ne se croyaient pas liés par les plébiscites, parce qu'ils étaient faits sans leur approbation (sine auctoritate corum) et qu'ensuite la loi Hortensia décida que les plé biscites seraient obligatoires pour le peuple entier (itaque co modo legibus exaequata sunt) ; ils furent ainsi assimilés aux lois. Il suit évidemment de là que l'ordre patricien et non pas seulement le sénat, prétendait avoir le droit de concourir à la formation des lois ; et, d'un autre côté, il est incontestable qu'un sénatus-consulte préalable était jadis nécessaire. Voyons maintenant comment, à la suite de la lutte des deux ordres, l'auctoritas patrunz dans sa double acception fut réduite à une pure formalité. On trouve à cet égard plusieurs lois rendues successivement depuis 305 jusqu'à l'an 407 de Rome (347 av. J.-C.), et qui semblent se confondre dans leur objet. De là une grave controverse entre les auteurs modernes pour déterminer l'influence respective de ces lois. En l'an 305 de Rome (449 av. J.-C.),à la suite de la seconde retraite, secessio, de la plèbe, la loi Valeria Bastia, rendue dans les comices centuries, avec l'approbation des curies, etc., posa en principe que ce que la plèbe aurait décidé dans ses tribus serait obligatoire pour le peuple, (ut quod tributim plebs jussisset populum teneret)28 en donnant aux tribuns le droit de prendre les auspices dans ces assemblées". C'était ôter aux patriciens le prétexte principal invoqué pour refuser aux plébiscites leur caractère obligatoire 30. Plus d'un siècle après (en 445 de Rome. 339 av. J.-C.), nous voyons la première des lois Publilia, votée par les centuries sur la proposition du dictateur plébéien G. Publilius Philo, décider que les plébiscites seront observés par tous les citoyens (ut plebiscita omnes Quirites tenerent)41. La seconde loi portait que les projets de lois présentés aux comices par centuries seraient approuvés par les patres, avant l'appel aux suffrages (('t lequm quae conzitirs cen'uriatis ferrenlur, ante initum .sueayiunz patres auctores fierent). La troisième loi décidait que l'un des censeurs serait désormais choisi parmi les plébéiens. Enfin, en 467 de Rome ou 287 av. J.-C., après la troisième secessio de la plèbe (in Janiculum), le dictateur Q. Hortensius obtint encore des comices centuries une loi32 d'où il résultait que les plébiscites seraient universellement obligatoires ; ainsi dès lors ils furent complétement assimilés aux lois (ut plebiscita universum populum tenerent, itaque eo modo legibus exacquata sunt). La grande difficulté que présentent ces lois, résulte de l'identité apparente de leur objet. On a longtemps admis 33 généralement que la disposition de la loi Va/ma Horatia étant tombée en désuétude, à raison des résistances des patriciens, avait dû être renouvelée plusieurs fois. Cependant une loi dont l'application devait être si fréquente pouvait bien rencontrer des entraves dans son exécution, mais non pas tomber en désuétude; c'est ce qu'a fait remarquer Niebuhr 30. Comment donc concilier ces diverses lois, en laissant à chacune sa part d'utilité? Nous renvoyons AUC pour les nombreux systèmes qu'a fait naître cette question délicate au résumé très-clair de Walter n. Nous indiquerons toutefois celui que M. Mommsen a adopté en dernier lieu 36. Suivant lui, les lois Horatia et Publilia auraient été relatives aux leges rendues par les comices tribus où siégeaient les patriciens et les plébéiens ayant des possessions foncières soumises au tributum. Ces leges furent dispensées par les lois nouvelles de 1' auctoritas patrum, et déclarées obligatoires pour tous les citoyens même non possessionnés. Au contraire, la loi Hortensia aurait rendu obligatoires pour la première fois les simples plébiscites en 476; avant cette époque, ils ne l'étaient qu'en vertu d'une autorisation préalable du sénat, et cela seulement depuis la loi Publilia Voleronis rendue en 285 de Rome, 471 av. J.-C. Tout ce système, quoique fort ingénieux, paraît inadmissible, et repose, à notre avis, sur la violation ou la fausse interprétation des textes 37. Voici, suivant Walter, que nous prenons pour guide, l'importance respective des diverses lois relatives aux plébiscites votés dans les tribus par les seuls plébéiens, c'est-àdire aux décisions des comices tribus. Les tribuns avaient toujours eu le droit de proposer des plébiscites avec ou sans l'autorisation préalable du sénat (ex auctoritate senatus) ; seulement les comices tribus ne pouvaient leur donner un caractère légalement obligatoire pour tous, et sous le premier rapport, les lois nouvelles n'ont rien changé; car des exemples de ces deux hypothèses se rencontrent avant comme après la loi Hortensia 38. Mais les plébiscites n'avaient pas force de loi générale sans l'approbation des curies (auctoritas patrum). Ce point fut réformé par la loi Horatia Valeria de 305; car on ne trouve plus de trace, depuis cette époque, de l'intervention des curies 39, et la résistance des patriciens tend désormais à prévenir la présentation ou le vote du plébiscite L0, Mais quand un plébiscite était proposé sans l'autorisation du sénat (auctoritas patrons dans le sens étroit), celui-ci formait opposition à son adoption ou du moins à ce qu'il eût le caractère de loi générale. Cela nous explique comment après la loi Valeria Horatia, on voit encore les tribuns chercher par des voies indirectes à obtenir pour leurs plébicistes 1'auctoritas senatus "n. La nécessité de cette approbation fut levée par la première loi Publilia Phtlonis en 415. En effet, après cette époque, il n'est plus question dans les textes de confirmation ou ratification par le sénat d'un plébiscite déjà voté43. Cette interprétation s'accorde d'ailleurs avec l'esprit de la seconde loi Publilia, sur laquelle nous reviendrons bientôt. Mais auparavant observons que la loi Hortensia de 467 mit sur le pied de parfaite égalité les plébiscites et les leges, en confirmant d'ailleurs le caractère obligatoire des premiers pour tous les citoyens. Pour comprendre ce que la loi Hortensia ajoutait aux précédentes, il faut remarquer ici : 1° qu'une seconde loi Publilia Philonis avait ordonné aux comices curies de ratifier par avance, sur la proposition du sénat, AUC ce qui serait voté dans les comices centuriesh3, ut lequrn quae comittts centuriatis ferrentur, ante tnituns su/fragiutrt patres auctores fierent; 2 à la suite de la résistance de la noblesse à l'admissibilité de candidats plébéiens, une loi Maenia44 de date incertaine, contraignit les curies à confirmer à l'avance les choix futurs des comices centuries, en matière électorale. Dès lors on comprend ces mots de Licinius Macer °' : libera ab auctoribus patriciis su ffragia majores vestri paraverunt; vos ancêtres ont affranchi vos suffrages des entraves du véto des comices patriciens. A partir de la loi Hortensia, dans tous les comices, centuries ou tribus, pour les lois comme pour les élections, l'approbation du sénat et celle des curies durent être données à l'avance inincertumeventureetnefurentplusqu'unesimple formalité; les patriciens cessèrent bientôt de paraître dans les comices curiates ; dès lors les mots auctoritas patrunt désignèrent uniquement l'intervention antérieure du sénatL7. Celle des curies se bornant à recevoir et à proclamer le résultat favorable des auspices, se réduisit à un simulacre représenté par les trente licteurs des pontifes avec les prêtres qui jouaient le rôle des anciennes curies°". C'est ainsi notamment que se rendait la lex curiata de imperio, par laquelle un magistrat du peuple romain était revêtu de ses pouvoirs 49. On peut croire qu'à la même époque l'accès des comices tribus fut ouvert aux patriciens, bien qu'en principe les tribuns n'eussent pas le droit de les y convoquer directement. Mais il est certain que par la suite les patriciens prirent part à ces assemblées 40. Quoi qu'il en soit, c'est pour prévenir toute protestation fondée sur l'absence des patriciens dans les comices tribus, que la loi Hortensia déclara de nouveau que les plébiscites seraient obligatoires pour les patres, et complétement assimilés aux leges proprement dites, c'est-à-dire valables tant pour les absents que pour les présents. Aussi, à partir de ce moment, les comices curies n'eurent-ils plus quelque importance qu'en matière de droit privé ou de famille, notamment pour les adrogations 51. Dans tout autre cas, l'auctoritas patrons et la lex curiata de imperio n'étaient plus regardées que comme une vaine cérémonie '3, qui se maintint cependant jusqu'au temps des empereurs'. En fait, les comices tribus délibéraient en général relativement à toute espèce d'affaires, sauf les matières capitales, sur la rogation des tribuns, avec' ou sans auctoritas senatus, suivant les circonstances 3'. Dans certains cas néanmoins, les précédents commandaient de recourir aux comices centuries 66. En principe, les tribus ne pouvaient connaître d'une question de pure administration'? qu'en vertu d'une décision du sénat transmise aux tribuns par un consul. En effet, la tradition constitutionnelle réservait au sénat l'autorité administrative en matière de finances comme en matière de politique extérieure, etc. Cependant, au milieu du vu° siècle de Rome, les tribuns amenèrent le peuple à empiéter sur ce terrain dans les comices tribus'". On en vint à contraindre le sénat, par une AUC 5 clause spéciale d'un plébiscite et sous peine d'amende, à jurer dans un certain délai l'observation fidèle du plébiscite u. En revanche le sénat avait fini par s'attribuer le droit de faire la paix ou de déclarer la guerre, sans consulter comme autrefois les comices centuries 80. Lors de la réaction aristocratique de Sylla, les comices tribus furent dépouillés de leurs prérogatives législatives"l sans doute en même temps que les tribuns eurent perdu le droit de rogation 62. Alors l'auctoritas patrum redevint une réalité, en ce sens qu'aucune mesure législative ne put être proposée qu'en vertu d'une délibération antérieure du sénat, aux seuls comices centuries et par un magistrat patricien. Mais après le rétablissement des droits du tribunat par Pompée, les comices tribus reprirent leurs anciennes prérogatives et l'on porta même devant eux" les questions relatives à la répartition des provinces" et aux grandes affaires administratives, aussi bien que les projets de loi générale u, l'auctoritas senatus étant réduite à une pure formalité. Au contraire, elle demeura plus réelle en ce qui concerne les lois présentées aux comices centuries ; c'est ainsi que le rappel de Cicéron fut voté à la suite d'un sénatus-consulte spécialement délibéré 66. Néanmoins Jules César dans son consulat de l'an 695 de Rome (59 av. J.-C.)67, par une innovation hardie soumit directement des lois au vote des centuries, et, suivant le procédé introduit par les tribuns, contraignit même sous peine d'amende les sénateurs à jurer l'observation de ces lois86. Plus tard depuis sa dictature (705 à 710 de Rome), César exerça véritablement l'autorité souveraine en vertu d'un décret du sénat et du peuple69. Sous Antoine, la dictature fut momentanément abolie, mais bientôt le triumvirat se fit investir par les comices tribus du droit de nommer à toutes les magistratures pendant cinq ans 7°, et le sénat ratifia pour le même temps tous les actes même à venir de leur gouvernement 71. La prorogation de ces pouvoirs eut lieu tacitement sans formalité superflue après l'expiration du premier délai de cinq ans ", mais bientôt la discorde des triumvirs aboutit à la souveraineté unique d'Octave en 723 de Rome (31 av. J.-C.). Il réunit d'abord en sa personne les pouvoirs des différentes magistratures républicaines, et régna bientôt, en 727, sous le titre de princeps 73 [pxlNcfPATUS] ; en 725 il avait déjà pris le nom d'1114PERATOR n. Toutes ces prérogatives furent conférées au prince par des lois successives précédées d'un sénatus-consulte (auctori tas patrum) et rendues par les comices tribus dans la forme de plébiscites; sans doute les trente licteurs durent aussi intervenir pour représenter les comices curies appelés àvoter la loi curiate qui investissait le prince de l'imperium consulare et proconsulare, etc. Il fallait de plus, à raison de sa qualité de représentant de la majesté et de la sainteté du peuple romain, que le prince fût patricien ; sinon le sénat le revêtait de cette qualité 71, nécessaire pour interroger les volontés des dieux qui devaient présider à la prospérité de Rome. Après l'abolition des comices électifs sous Tibère, le sénat dut pourvoir en principe à la nomination des magistrats, mais en réalité et de fait elle appartint réellement à l'empereur. Cependant celui-ci se faisait quelquefois désigner par le sénat78 un collègue dans la puissance tribunitienne ou proconsulaire. Au défaut même de successeur désigné, en théorie, le choix de l'empereur appartenait au sénat, mais en fait il était disputé entre les légions et les prétoriens, et le sénat se bornait à investir le nouvel élu, en une seule fois ", par un décret ou sénatus-consulte, de tous les pouvoirs qui avaient été successivement conférés à Octave par des lois distinctes ; mais ce sénatus-consulte où on peut voir le reste de l'auctoritas patrum, était toujours suivi d'une loi (tex imperii), dont la formule était rédigée à l'avance, et dont le vote se réduisait à une présentation au peuple, suivie de ses acclamations sur le champ de Mars. Cet usage se perpétua jusqu'à Probus, et nous possédons un fragment de la lex de lnoperl'O Ve.epasiani 78. Maximin au contraire méprisal'auctoritas senatus 78. Gaies, dans ses Institutes 80, pose en effet en principe que les constitutions impériales ont toujours eu sans contestation force de loi, attendu que l'empereur lui-même tient son imperiurrl d'une loi. C'est cette loi que trois textes 81 des compilations de Justinien qualifient de loi regia. Suivant les uns, cette qualification est une invention de Justinient5; suivant Niebuhr, elle rappellerait l'ancienne loi curiate par laquelle le roi, une fois créé par les curies ex auctoritate patrum, obtenait lui-même des curies la concession de l'imperium 83. Il est probable en effet que la loi curiate de inperio s'était transmise traditionnellement j usqu'à l'époque impériale, mais elle avait perdu la dénomination de regaa, qui nous paraît avoir été interpolée dans le texte d'Ulpien96. Cependant les comices tribus et centuries ne disparurent qu'au troisième siècle après J.-C. Ces derniers concoururent encore sous Octave 85 et même après Tibère, sous Caligula, à l'élection des magistrats86, mais au tue siècle l'empereur fit directement les nominations, ainsi que le constatent des textes du Digeste 87. Quant aux lois et même aux plébiscites ordinairement plus fréquents, ils se réduisaient à la simple approbation d'un sénatus-consulte 88. Dion Cassius parle encore de l'étendard déployé au Janicule pendant la durée des comices centuries, postérieurement au Ive siècle 89. Le Digeste mentionne aussi une tex agraria de Nerva 90, et Gaies cite en AUD 549 AUD tore les lois et les plébiscites comme une source de droit en vigueur de son temps. Mais au ni° siècle, toute trace de l'activité des comices disparaît, et les leges sont remplacées par des sénatus-consultes qui ont pris la place de 1'auctoritas patrum, et que l'on confond avec les propositions du prince [0RATIONES PRINCIPUM]. G.'HUMBERT.