Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article CORNUCOPIA

CORNUCOPIA. On peut voir dans les articles ACHEnous (p. 25) et AMALTHEA (p. 220) les différentes légendes auxquelles avait donné lieu dans l'antiquité la corne d'abondance. Les uns la rapportent au mythe de Jupiter : une des cornes de la chèvre Amalthée qui le nourrissait ayant été brisée, soit à dessein, soit par hasard, elle fut remplie de fruits et de feuillages, et le jeune dieu la donna aux Nymphes comme un objet miraculeux qui leur fournirait sans s'épuiser tout ce qu'elles demanderaient t. Les autres racontent l'histoire d'Hercule qui, vainqueur d'Achéloüs, lui arracha une de ses cornes et la donna aux Nymphes 2 qui la remplirent de fruits, ou bien à Oineus, le père de Déjanire, en l'honneur de laquelle il combattait', ou simplement aux Étoliens, comme symbole de la fertilité de leur pays 4; mais pour quelques-uns, cette corne enlevée au fleuve Achéloüs ne serait autre que la corne même d'Amalthée, fille de l'Océan, comme lui, et qui la lui aurait transmises; enfin, une dernière légende, moins répandue, suppose qu'Hercule aurait reçu cette corne d'Hermès, au moment où il allait combattre Géryon 6. Il est certain que cette histoire s'est compliquée de bonne heure d'une série de détails accessoires ou contradictoires, au milieu desquels les mythographes grecs et romains n'ont pas toujours réussi à se débrouiller. La légende de la corne d'Amalthée et celle de la corne d'Achéloüs sont probablement distinctes à l'origine. Plus tard, on les a confondues, et dès lors on s'est donné beaucoup de peine pour expliquer comment la corne d'Amalthée était la même que celle d'Achéloüs. Apollodore imagine toute une généalogie, et Diodore se fonde sur une étymologie fantaisiste qui rapprocherait AN.a)Oc(a du mot â(coe),axtacia, caractérisant la force invincible d'Hercule 7. Si l'on veut rechercher l'origine historique de ce symbole, elle est probablement dans l'usage très ancien, mentionné par Athénée de se servir des cornes de taureaux comme de vases à boire. C'est aussi l'origine du RHYTON 9 avec lequel la corne d'abondance est souvent confondue. Ce sont deux objets identiques, en effet; mais l'un a conservé son aspect primitif en restant un ustensile domestique, et l'autre, devenu un pur symbole de fertilité et d'abondance, a pris de bonne heure une forme conventionnelle plus grande, plus ornée, et le plus souvent caractérisée par les fruits et les feuillages qui en garnissent l'ouverture. On a remarqué fort justement que cet assemblage de la corne à boire avec les fruits a dû exprimer de très bonne heure COR 1515 COR l'idée de bien-être et de richesse, à une époque où la boisson et les fruits de la terre suffisaient à la nourriture essentielle de l'homme 10. Un objet de ce genre, offert en ex-voto à une divinité, exprimait par un clair symbole la réunion des biens nécessaires à la vie humaine ; il devait donc passer promptement au rang des attributs des dieux, dispensateurs des biens de ce monde. Aussi trouvons-nous cet attribut parmi les plus anciennes représentations de la plastique. Il ne faut pas être trompé, en effet, par l'importance qu'il a prise à l'époque romaine, où nous le retrouvons répété sous d'innombrables formes. Il est vrai qu'il est moins fréquent dans les monuments grecs; mais il y tient sa place néanmoins et il y remonte à une très haute antiquité. Pausanias nous dit que le sculpteur Boupalos, de Chios, vers le milieu du sixième siècle av. J.-C., fit pour les habitants de Smyrne une statue de la Fortune (Tyché) ayant le polos sur la tête et tenant d'une main « ce que les Grecs appellent la corne d'Amalthée » ". Phocylide et Phérécyde se servent aussi de la même expression f2. Elle passa de bonne heure en proverbe chez les Grecs pour désigner l'abondance de tous les biens". Sur les monuments que nous avons conservés, il est remarquable que les deux divinités qui ont contribué à la formation de ce symbole, Jupiter et Hercule, en sont assez rarement pourvus. Ce fait nous prouve que de bonne heure cet attribut a passé aux mains des dieux qui représentaient mieux la possession des biens terrestres, comme Bacchus, les Fleuves, etc. L'exemple le plus souvent cité pour les représentations relatives à Jupiter est le beau relief du Musée de Latran, où la plupart des archéologues ont voulu voir Amalthée faisant boire le jeune dieu dans la corne d'abondance; mais on a fait remarquer dans l'article AMALTHEA que les oreilles pointues du jeune enfant indiquent plutôt un petit Satyre, peut-être le dieu Pan Jr'. En tout cas, ce relief nous offre un exemple bien sensible de la confusion entre la forme de la corne d'abondance et celle du rhyton. On a voulu voir encore un Jupiter dans un personnage barbu, tenant une grande corne et porté lui-même sur les épaules d'Hercule, dans un vase peint à figures rouges f6 ; il y aurait là une association intéressante des deux divinités auxquelles se rapporte l'invention de la corne d'abondance. Mais on n'est pas du tout d'accord sur le nom du personnage barbu ; Welcker y voit un Pluton 16; M. Michaëlis, d'accord avec Preller, l'expliquerait plutôt comme un Bacchus, et dans ce cas la corne serait un rhyton u. La même association supposée de Jupiter et d'Hercule est fournie par un autre vase peint, où l'on voit le héros apporter une corne remplie de fruits à un dieu barbu, assis sur un trône; mais si Millin et Gerhard appellent celui-ci Jupiter, Welcker y voit un Pluton recevant avec Proserpine Hercule dans les Enfers, et M. Michaëlis adopte encore cette dernière interprétation 16. C'est seulement en descendant jusqu'à l'époque romaine qu'on trouve, en particulier sur les monnaies, des représentations certaines de Jupiter avec la corne d'abondance et surtout de Jupiter Sérapis, coiffé du polos. Elles deviennent alors assez nombreuses 39. La même difficulté se reproduit pour l'interprétation de certaines figures d'Hercule tenant à la main une grande corne. M. Michaëlis en passe en revue quelques-unes et il fait remarquer que pour les statues on doit se méfier des restaurations qui ont souvent complété les accessoires en précisant des détails qui n'étaient peut-être pas dans l'oeuvre du statuaire ancien. Il signale entre autres une statue souvent citée du Musée Pio-Clementino 2e où l'on voit un Hercule jeune, portant la cornucopia pleine de fruits ; tout le haut de la corne et les fruits seraient l'oeuvre d'une restauration, et c'était peut-être primitivement un simple rhyton. M. Michaëlis voit le même récipient à boire dans beaucoup d'autres représentations où l'on a voulu reconnaître des cornes d'abondance 21. Il nous semble néanmoins qu'il y a dans sa théorie quelque exagération. Il est certain que le rhyton est un accessoire fréquent dans les mains d'Hercule, surtout quand il est figuré couché sur un lit de repos et goûtant les joies de son triomphe dans l'Olympe 22 ; la ressemblance du rhyton avec la corne d'abondance, déjà signalée plus haut, a pu être en bien des cas une source de fausses interprétations. Toutefois la plastique n'a certainement pas négligé le sujet d'Hercule vainqueur d'Achéloüs, si souvent reproduit sur les vases peints, et, en particulier, les statues ou les figurines en terre cuite d'Hercule debout se prêtent plutôt par leur attitude à cette dernière explication. La présence ou l'absence des fruits dans la corne ne doit pas passer pour un critérium décisif ; même vide, ce récipient, par la grandeur, la forme même, la manière dont il est porté, peut indiquer souvent une corne d'abondance 23. Enfin, la corne remplie, c'est-à-dire corne d'abondance d'une façon indubitable, n'est pas très rare entre les mains d'Hercule. La collection réunie au palais Sciarra, à Rome, possède une statue de héros, assez analogue à celle du Musée PioClementino, qui porte sur le bras gauche une corne remplie de fruits semblables à des citrons, et un autre Hercule de la villa Ludovisi, en forme d'hermès, tient aussi de la main gauche une corne remplie de grappes de raisin 26. Enfin le beau vase de Ruvo, qui fait l'objet même de l'étude de M. Michaëlis, montre le héros assis et entouré de divinités protectrices, Minerve, Mercure, Jupiter, qui assistent à sa réception triomphale dans l'Olympe; il -mille 073 l'a: m remarqué b 3esCHUs, p. 6 os me parfois en. corne d'abondance dans la main reg suivants. Ici,, la grandeur de la corne, e. ul suffire à la distinguer du rhvcic de très grande dimension s des représentations ma il 'copia, cet pa,.rtic,r.. Y8, Nous ne pou. eoup'stIr qu'au en remplissent Fou.eu lebout ou couché nous même dieuenfant '± de heurs se voit sur une l'lirmits'' et sur un relief tilles ' Idem e sur une e.t assis sur l--.. corne garnie dais, (mm.i',' le rrcrnsrgl'.n ï_s soieve' enenre rr"-G ion peintre au-sens Çlu`il s,bondan.ce t -'(dr ravir Nota "'. de sis on sous nytir. Étui personnifie la mor(, Nous ,-at n dans le personnage barbu, remplie de fleurs et de l'riptolètne accompagné n d'Hadès aux Je et le sens de la ndance vide cric s~ar an r8elief' souvent l • tr araet sur un starn où ses t,rin ipaux dieux. de l'Olympe is nc-ion entre ':e maton et, cerne tro iè e ;•en liicatr quand nom -= Ce.., ions .1e Baclhns, Le pre nt 'e mieux au. dieu plus Bugs sis derrière f', coin' et portant 'site de cannelu:.ri s, qu'on rouges 4" ' 7:anOilra pros personnification de srrn la c F.ï~,ïr7•a pompe ene fi'. odes Ct)I let) ée » en ,r ÿa3 C ev eneor vaut rlu dieu 8774..; t vint de l'autre uni' +. 'ait partie de la décor Corneto, Aucun exemple ne -peut mieux prouver .a fusion souvent établie entre e r','igtor i la ctireucopitii, can c'est un véritable rie V' , tC"1lilllé tiit.e +t sptlir7::. que tient le perse 1".-. qui tlm1 un u c,'ruen. forme en corne d o ,,.. 1ne.. gras aea frai! rarli.ssent :boni. attribut c ivi a' nits; il se multiplie nioles pendant 1'.orrtnle attrlf du. Nil k,. de la _frit i taurolner a Éalt surtout ta S ive rte f 11 i Lle, d e nombre de divin. tes ailégo irl..: _ lu persarni bondance des biens, la fertilité du. .pic e peuples, et qui prirent, comme on le r i'c'main une place considérable +q o'81 es Grecs; c'est iài cette eireonstav,. ct:. des représentations r+ nixe en regard. dei pt, 'rib° ts dansl'art rond multiplien d_i,rnnentdel'aspect art stil. di éclaircir multitude d'images y»sholi+ s ,pceaerrtaieï sentiment et une idée At. .!table di.. de mythes anciens. Parmi . trouvons aui rang la Fortune; déjà. cadi 'e d Grecs, u. du rang d€ divinité secondaire au premier d'abondance; remplie de fruits et de feuille. ta roue et le goy e ,a€=,_, son insigne ; d'elle, les divinités idée, l'Abondance, etc , port. `: au a.cer. cri, un Junon s'. La grand, COR 1518 COR champ de lamonnaie67. Elle occupe seule le revers de certaines monnaies de Corcyre qui peuvent remonter au me siècle av. J.-C. 68. A la même époque appartiennent sans doute quelques types de Byzantium en Thrace 69, d'Hephoestia dans l'île de Lemnos70; sur une monnaie du roi de Thrace Kavaros, vers 219 av. J.-C., la même marque se voit encore71. Notons aussi des monnaies de Byllis et d'Apollonia, en Illyrie, qui se rapprochent du même temps. Mais les plus beaux types de la corne d'abondance au me siècle sont dus sans contredit aux coins de Ptolémée Philadelphe et de sa femme Arsinoé (fig. 1961) 72 ; elle reste usitée sur toutes les monnaies de cette dynastie73 égyptienne. Au ne siècle, c'est en Syrie qu'il faut chercher les représentations les plus importantes, sur les monnaies des Séleucides76. En Sicile, cette marque est employée à 'Etna, Catane, Thermoe, Assorus et Leontini, dans une période qui va des successeurs d'Alexandre à l'Empire romain75. En Italie même, le type le plus ancien paraît être celui qu'on voit sur les as de Tuder et d'Iguvium, en Ombrie (fig. 1962)". En Campanie, il apparaît sur les monnaies de Capoue, frappées après la prise de la ville par les Romains,à la fin du me siècle av. J.-C. /1. Au ue siècle se rattachent sans doute les coins de la ville Copia, l'ancienne Thurium, colonisée par les Romains vers 192 av. J.-C. 78 [coPIA], et ceux de Psestum, en Lucanie 79. Pour les monnaies de la République romaine, dites consulaires, nous ne trouvons la corne d'abondance au ne siècle que sur une monnaie de Fabius Maximus Servilianus, consul en 142 av. J.•C. 80. Toutes les autres sont de la seconde moitié du ter siècle avant notre ère, c'est-à-dire voisine de la fin de la République, depuis la dictature de Sylla jusqu'au triumvirat d'Octave, d'Antoine et de Lépide8t. Nous arrivons maintenant à l'époque impériale où les représentations de la corne d'abondance se multiplient sin gulièrement. Au temps d'Auguste elle figure tantôt seule au revers 82, souvent double (Sixepnq) avec un caducée placé au milieu 83, tantôt dans les mains d'une divinité, comme la Piété 84, la Fortune 8J, la Victoire 86, ou sur le dos d'un animal capricorne 87. Avec Tibère, nous retrouvons le caducée entre deux cornes 88, type qui se complique parfois d'un détail intéressant et devenu fréquent par la suite (voir fig. 1966), deux tètes de membres de la famille impériale placées sur les deux cornes et émergeant, en quelque sorte, de l'orifice 99. Parmi les divinités, nous noterons Cérès, tenant d'une main la torche et de l'autre la corne 90. Avec Caligula, nous voyons apparaître un type qui deviendra très usité sous le nom nouveau des trois Monnaies ; ici, ce sont les trois soeurs de Caligula debout, représentant la Sécurité, la Concorde et la Fortune; toutes trois tiennent la corne d'abondance 91. Sous Claude et sous Néron, ce sont les types connus de la Concorde et de la Fortune, qui portent cet attribut; ajoutons-y la déesse Annona qui figure sur un grand médaillon, debout devant Cérès assise", et le Genius Augusti" que nous avons déjà signalé sur des représentations plastiques. Sous Galba, le nombre des cornes d'abondance augmente encore, grâce à l'envahissement marqué des figures allégoriques, telles que Concordia provinciarum 94, Felicitas Augusti", Pax 96, Hispania n, qui s'ajoutent aux représentations déjà nommées. Nouvelles figures sous Othon, Vitellius et Vespasien : Abundantia 98, Honos 99 portant la corne et accompagné de Virtus, 'L'ternitas Augusti f00, Felicitas pub lica 701, Fides pub lica 102; elles portent toutes la corne d'abondance et se répètent à profusion sur les monnaies des Flaviens. La même vogue persiste sous les Antonins; signalons parmi les plus intéressantes représentations, en dehors de la Fortune et de la Concorde si souvent répétées, le Nil couché (p. 96, fig. 150)103, Africa 104 Pax, , terna i05, Pietas 196 Hilaritas 107 et Felicitas temporum f"B. Plus tard, au temps d'Albin et de Septime-Sévère, on trouve un Genius Lugduni 109, pourvu de la corne qui rappelle évidemment le nom de Copia donné à la ville de Gaule [coPiA], et l'on voit apparaître le type des trois Monetæ f10, dont nous COR 1519 COR avons indiqué l'origine, et qui va devenir très usité sur les monnaies'''. Parmi les divinités allégoriques, citons encore Fecunditas tenzporum 12 sur une monnaie d'Alexandre Sévère, Liberalitas Augustorum "3 debout à côté de Balbin, Papien et Gordien III assis et distribuant le coNGIARHJM, Felicitas sæculi 14 (fig. 1963) et Genius exercitus 13 sur des coins de Trajan Dèce, enfin le Genius populi Romani "«p. 568, fig. 657) au temps de Maximien et de Constance Chlore. On voit pendant quelle longue période de cinq à six siècles a duré la fortune de la corne d'abondance comme type monétaire et par quelles phases elle a passé. Le règne de Constantin, en réorganisant l'empire sur de nouvelles bases et en reconnaissant le christianisme comme religion officielle, paraît avoir inauguré des types nouveaux qui préparent la période byzantine et où la corne d'abondance trouve de moins en moins sa place. On la trouve pourtant encore sur les monnaies et même sur des diptyques consulaires du Bas-Empire 17 ; mais la période de vogue est terminée et la corne d'abondance rentre dans la catégorie des figures décoratives, dont l'art se servira toujours, sans lui attribuer désormais un sens ou une importance particulière. Disons quelques mots en terminant des formes différentes qu'offre la corne d'abondance sur les nombreux monuments que nous avons énumérés. Les plus anciens, par exemple les peintures de vases grecs, lui conservent sa forme primitive de corne d'animal et en particulier de taureau; elle est longue, avec une pointe mince et recourbée, avec un large orifice et sans aucun ornement (fig. 1958 et 1959). Nous avons pourtant noté un vase où le personnage qui représenterait 'EvtauTdç tient une corne ornée de cannelures ''a ; mais il n'appartient pas à l'époque la plus belle du style à figures rouges. Au contraire, dans la plastique gréco-romaine, la corne devenue un pur symbole décoratif s'enrichit presque toujours d'une décoration variée. Ce sont des arabesques, des cannelures, des stries ou spirales qui en couvrent la surface; un des plus élégants exemplaires est celui qu'on voit dans la main d'un jeune dieu, interprété comme Génie de Jupiter portant l'égide (fig. 1964) "'. Les grandes statues du Nil ou du Tibre couché offrent aussi une série de riches spécimens de ce genre (fig. 1965)'"0. Il arrive souvent que la corne est ornée de deux bandelettes qui sont attachées à la partie la plus renflée, au-dessous de l'ouverture, et dont les bouts retombent de chaque côté; la pointe inférieure est garnie d'un bouton ciselé qui la ferme de ce côté et permet de la tenir à la main plus facilement (fig. 1960, 1961). Ces mêmes bandelettes se voient très souvent sur les monnaies, ainsi que le bouton inférieur; de plus, la base est ornée fréquemment de feuilles d'eau qui s'élèvent au-dessus du bouton, le long de la pointe, en sorte que la corne tout entière ressemble à une longue fleur en cornet qui s'échappe d'un calice (fig. 1961, 4965) ; les bandelettes servent en même temps à accoupler la double corne (S(xepaç) représentée si souvent sur les monnaies (fig. 1961). Il est certain que l'art plastique s'est ingénié à trouver des décorations multiples pour varier la monotonie de cette représentation et lui donner l'aspect le plus décoratif. Beaucoup étaient en métal précieux ; celle que portait l'acteur tragique dans la pompe de Ptolémée Philadelphe était en or 121; Pline nous dit que l'empereur Auguste avait consacré dans un temple une corne d'or, enrichie de pierres précieuses, parmi lesquelles se trouvait la fameuse gemme de Polycrate, tyran de Samosf23. Les fruits qui garnissent l'ouverture sont ordinairement d'une forme ronde qui rappelle la pomme ou la grenade, si souvent employées dans la symbolique de la mythologie figurée; de chaque côté débordent des grappes de raisins qui encadrent gracieusement les objets placés au centre (fig. 1960,1961, 1964, 1965) .Parmi ceux-ci on voit figurer très fréquemment une sorte de cône ou de pyramide dont la pointe se dresse au centre et domine l'ensemble (fig. 1960, 1965). Sur les monnaies impériales romaines, elle fait partie du type conventionnel que le graveur reproduit machinalement en quelques traits sommaires, formant une pointe centrale entre deux volutes, qu'on prendrait au premier abord pour une sorte de fleur de lis (fig. 1963) 123 et qui n'est sans doute autre chose que l'image grossière de la pyramide entre les deux grappes de raisin. Cette pyramide a été interprétée comme la représentation du soc de charrue dans certaines figures allégoriques qui se rattachent aux travaux agricoles'"; mais nous ne pouvons y voir autre chose que l'offrande religieuse qui figure si souvent sur les tables de d'air !l, qui r volzê"i t fies fruits dans in fragtasbire cuite tro ll Vée en Italie }"0, on remarquera enfin tue mirs tenue droite, l'hure,' L représentations ar m; n -:'r s'échappe le , r r, n rni,atians in bas-r la el,o,s I mité et se voit seulement sur quelques médaillons d` ï' courent lin, qui corne, qtp. se posent dessus -, ont dia favoriser beaucoup ce on 00 spécimen d bustes d'empereur et npés ratrice (pi,c s, ehi'c Antorin _e Pieux et N'eus''ine; , planés sui` u na double corne d'abondance q tient une. divin itf allée, t 'c erele, que interprète déesse .,Puni (ti.r 196(i» encore ours d'époque basse E. P(TTIER. ert grec, primïtivelnen.t, a° ?ot ou aT€µ(sa, atc_?uvov, en vieux latin, stroppus, ou , peut-être dérivé du grec atipéipoç, couronne, lologie du mat a.ptivsç te rattache évidemment au qui signifie entourer; et le sens primitif en paie, comme celui de coi ana, un cercle en général. C'est ave . ee sens qu -si-fusa; apparaît déjà dans l'llitcfe, et Glue son dérivé le verbe e ipsvéu se trouve dans le poëli?e hésiodique qui décrit le bouclier d'Hercule. Mais il ne faut pas compter parmi les synonymes de a'css«vos le mot xop~rsïs, qui rappelle ramona 2, et n'exprime que l'idée générale de, courbure, ou de ligne recourbée. Parmi ces termes, esu.suvr; est à proprement parler un ornement frontal, ne formant pas un cercle complet, que h -riment sur fia tete deC~Junon, souvent aussi sine cettes de Venu`, de Diane, de Cérés3 [Ss'EPHANE1. est souvent dil;iciie, dans les monuments, de distine strphttind dun stephaaos, quand on se trouve en ;sence dun tour de tète se rapprochant de la couronne eurent dite, la rappelant surtout par ses ornements. Le ton de celle que porte la Junon d'Argos la médaille reproduite g 196"7) , et qui semble une coiffure dérivée du CALA 'nus, bien que Pausanias e l'appelle ar€Lsio , on distingue de..; palmettes. Sur d'autres sont des fleurons, des rosaces, ou des boutons pu en peut prendre pour des pierres précieuses. Quelquefois même on est tenté de voir les rayons d'une couronne radiée dans les palmettes ou tes fleurons qui garnissent le bord supérieur de la coiffure. Nous nous contentons de noter ces motifs d'incertitude, sans insister davantage. Il sera question plus loin (p. 1535) de la couronne radiée; quant au DIADEIRA et la S1ITRA, qu'il ne faut pas confondre avec la couronne, simples bardeaux, qui devinrent, mais assez tard, des insignes o.eaux, ii en sera, traité dans des articles spériT;,S dei méme que de la TIARA. L'usage de ce genre d'ornements, soit profanes, soit sux, soit. pris ès, soit publics, est si ancien et offre tant e .,. tetés que, déjà criez tes Grecs, il était devenu la mahère de livres spéciaux, dont quatre au moins nous sont connus par des citations de Pline et d'Athénée ; ceux des médecins Callimaque et Mnésithée, celui d'Apollodore et •elui é aElius Asclépiade. A Reome, Glaudius Saturninus avait aussi composé un livre de Corsais '. C'est assez dire "inc qu'il faudrait un volume pour exposer ici tout ce que l'on mpeut recueillir sur ce sujet dans les auteurs grecs et latins qui en ont traité spécialement, comme Pline l'ancien a, COR 1521 COR Athénée, et avant eux Théophraste', sans compter ceux qui en ont simplement fait mention et notamment Plutarque 3. En revanche, il y a des titres d'ouvrages qui promettent plus qu'ils ne nous apprennent sur les couronnes : tels sont ceux des deux célèbres discours de Démosthène et d'Eschine, et le discours de Démosthène Sur la couronne navale. Chacun de ces ouvrages, en effet, ne nous fournit qu'un petit nombre de renseignements, en dehors de la question politique et judiciaire que l'on y trouve discutée. Les textes épigraphiques et, en particulier, les catalogues d'offrandes faites dans les temples, contiennent un grand nombre d'exemples fort curieux à relever, et qui étaient presque tous inconnus des érudits des derniers siècles, tels que Paschalius, auteur d'un traité de Coronis 9; Lanzoni, dont le mémoire a été traduit de l'italien en latin par Jérome Baruffaldi 10 ; enfin Maderi H, Kirchmann 12, etc. Essayons maintenant d'établir quelques divisions dans le sujet complexe que nous allons traiter. Il convient d'examiner d'abord de quelles matières ont été faites, selon les progrès de la civilisation, ces couronnes qui ont joué un si grand rôle dans la vie des anciens, puis de distinguer les occasions dans lesquelles on les employait ou on les décernait. 1. Matière des couronnes. A l'origine, la couronne fut un rameau de simple feuillage, ne différant de ce rameau lui-même que par le lien qui en rattachait l'un à l'autre les deux bouts. Plus tard, l'usage s'établit d'y introduire diverses fleurs tressées avec leur feuillage, et que l'on choisissait pour leur couleur et leur parfum. Ce fut là ce que les Romains désignèrent d'abord par serta (de serere, entrelacer) ou coronae plectiles19, puis par corollae. La confection des couronnes donna naissance à une industrie spéciale, celle des coronarii et coronariae à Rome; seurs de couronnes; puis celle des eT1spavo71UCC, au féminin aTel,avor,6,Àeseç, vendeurs ou vendeuses de couronnesl0 [conoNARIOS). Le dernier mot aTetpavô,tls 1ç était le titre d'une comédie du poète Eubulus, dont i1 nous reste quelques fragments 15. Certains de ces confectionneurs de couronnes ne faisaient guère que de la marchandise de pacotille; ce sont leurs ouvrages que l'on a désignés par le terme de autre industrie collatérale était celle des jardiniers qui cultivaient ces plantes pour les fournir au commerce18, et dont une habitude singulière était de planter auprès d'elles l'ail et l'oignon, soi-disant pour en augmenter l'odeur 13 Voici, d'après les témoignages anciens, quelles ont été les principales plantes employées dans la confection des couronnes, plantes dont l'emploi et la destination étaient désignés en Grèce par aTetpavé,,sta, et à Rome par coronamenta. Les anciens, et à leur suite quelques modernes, tels que Voss, dans son commentaire sur les églogues de Virgile, et Becker, dans son Chariloles, ont déployé, sur II. l'histoire et la nature de ces plantes, une érudition qui nous permet de renvoyer simplement à leurs ouvrages, en nous bornant ici à une liste qu'il est facile de dresser, les plantes coronaires n'étant pas généralement de celles dont la détermination arrête le botaniste. Elles étaient, en effet, choisies parmi les plus apparentes et les plus vulgaires. On en trouve dans Pollux 20 des listes spéciales, dressées peut-être à l'aide de celles que contenait une pièce de l'ancienne comédie, les Efféminés (Ma)sOaxo() de Cratinus, savoir : la rose, la violette, le myrte, le lierre et surtout sa variété à fruit jaune 21, l'aptes castes (ou ?é?oç des anciens), sur lequel le grammairien Héphestion avait écrit un opuscule à propos d'un vers d'Anacréon 22; le jonc fleuri ou calamus aronaaticus des anciens, que les botanistes nomment andropogon, schoenanthus; le mélilot, dont les couronnes étaient connues à Rome sous le nom de sertuta campana, et qui a porté longtemps le nom de coronille dans la campagne de Rome ; l'immortelle ; la chrysanthémie des moissons ; l'ambrosia maritima ; l'apium; de nombreuses labiées, telles que le thym, la marjolaine (aéN.:.iu'ov, â(l.âpaxov), le serpolet, le romarin l'âxivoç de Dioscoride; quelques plantes spéciales, comme le prunellier (spina nigra) ; l'aubépine (spina alba) le henné ou cypros (nigrum ligustrum de 'Virgile 23); l'acacia Farnesiana (casia des Romains) ; la lychnis coronarie lis blanc, provenant de Syrie et qui est figuré en marge d'un manuscrit de Dioscoride, pour la détermination du xpivov (3aatinxilv 34; les nénuphars, rose et bleu, de l'Égypte, fleurs d'Antinoits ; le pancratium ntaritimum (Àt(ptav, lèvtegov de Pindare 2e) ; enfin, quelques autres fleurs douteuses, telles que le baccharis, 1'heleniurrt, l'hyacinthus, l'ilp.epoxa)J(ç. Diverses plantes fournissaient plus spécialement les rameaux de feuillage : non seulement l'olivier, le chêne, la vigne, le lierre, mais la salsepareille de la Méditerranée (ag(Àaç) 26 et l'fncoyaa,TT(ç, dont le nom a causé un contresens chez un auteur cité par Athénée 27. Tels étaient les feuillages dont le commerce s'était emparé, et qui servaient à composer, soit des couronnes variées, soit des couronnes d'une seule espèce. On estimait surtout celles de roses, rosariae coronae 28, et particulièrement celles que l'on faisait des seuls pétales (merci folio) de ces fleurs, cousus entre eux. C'étaient les coronae sutiles29, chez Hésychius, ~aaroi aTFèeevot. La mode favorisa, à une certaine époque de la société romaine, l'usage de ces coronae sutiles 30. Les roses étaient si recherchées pour cet usage, surtout au premier printemps, que les ardiniers de Rome, pour les faire fleurir au plus tôt, pratiquaient une sorte de culture géothermique, brièvement décrite par Pline 31 ; on tâchait encore, à l'automne, d'en retrouver quelques retardataires 32 et, pendant l'hiver, on en demandait soit à l'Égypte 33, soit à des 191 COR 1522 COR serres, où d'habiles horticulteurs savaient les forcer 3'" Des coronae sutiles encore plus recherchées se composaient des feuilles véritables d'une laurinée de l'Inde, que le commerce apportait à Rome ; feuilles remarquables par l'intensité de leur parfum : c'est là ce que Pline appelle nardi folitan ", en confondant ces fleurs parfumées avec le vrai nard indien, fourni par une valérianée. Certains témoignages nous montrent des couronnes arrosées à dessein de parfums qui leur sont étrangers ". Quelquefois, au lieu de fleurs on employa, soit des épis (voy. plus loin, fig. 1985), soit des fruits " ; mais ceux-ci ne se rencontrent qu'exceptionnellement dans les monuments, portés comme un emblème d'abondance par certaines divinités, telle est une figure de Bonus Eventus, au mu sée de Berlin 38, dont la couronne est ici dessinée (fig. 1968). Fes tus 39 nomme, d'après un auteur grec, des corollae pancarpiae; mais nous croyons qu'il parle de ces guirlandes de fruits ou de fleurs dont les architectes anciens ont souvent orné des frises ou des chapiteaux 40 [SERTA). Le mot car~âS puscuti, que l'on trouve dans une inscription", convient aussi à ces Fig. 1908. Couronnedefruits. ornements, et peut cire rappro ché des corollae pancarpiae. Athénée parle aussi de uTEyavot Xuatd'roi Ou lxx Xt6TOt a2, qui auraient pu rouler sur le sol comme un cerceau d'enfant. Les terres cuites de l'Asie Mineure en offrent fréquemment des exemples : on en voit de semblables (fig. 1969), entremêlées à des masques de théâtre et à des fruits disposés en guirlande, dans une belle mosaïque de la maison du Faune à Pompei 4a Il y eut encore des couronnes de feuillage artificiel. Pour cela, les fabricants n'avaient pas toujours à tresser de l'amarante recueillie au mois d'août et séchée, qu'il suffisait de tremper dans l'eau pour lui rendre la fraîcheur en hiver" : on imita les fleurs et les feuilles, à l'aide de copeaux de corne teints de diverses couleurs, et de fragments découpés dans un tissu de soie '6. Plus précieuses étaient les couronnes faites d'un métal de peu de valeur par lui-même, mais recouvert d'une mince lamelle d'or ou d'argent. Telles étaient à Rome les corollae ou corollaria inaurata ou inargentata, E7i(puaot40e Mais l'or ne fut pas seulement le revêtement des couronnes; de bonne heure en Grèce il en constitua toute la substance. L'argent parait avoir été beaucoup moins employé dans l'antiquité pour cet usage; cependant on trouve au moins une fois la mention d'une couronne de cette matière, chez les Grecs, dans l'inventaire du trésor de l'Hécatompédon G7, et plus d'une fois chez les Romains 48. L'usage de la couronne d'or devint si commun parmi les Grecs qu'il n'y a presque aucun inventaire des objets consacrés dans le Parthénon d'Athènes qui ne mentionne plusieurs fois un n'r avec xpu170û6, Ceux du temple de Délos en mentionnent plus de cent 49, 11 y eut encore des couronnes plus coûteuses que les couronnes d'or; par exemple, à Rome, la corona Fletrnsca 60, qu'un esclave public tenait au-dessus de la tête des triomphateurs, et qui était faite de feuilles d'or imitant des feuilles de chéne, et ornée de pierres précieuses. Outre les couronnes imitant le feuillage, d'autres, nous l'avons vu déjà (page 1520), consistaient en un cercle orné de reliefs ou de pierreries. Les couronnes et, les stéphanés figurées dans les peintures, dans les sculptures et les monnaies, sont quelquefois visiblement ornées de reliefs, de perles ou de pierres (fig. 1970 et 1971)". Les couronnes trouvées dans les tombeaux ne sont que des imitations de couronnes de grand prix telles qu'on en consacrait dans les temples 52 Elles sont faites ordinairement de minces feuilles de métal et assemblées avec peu de solidité. On en voit à la page suivante des exemples provenant des tombeaux de la Grèce, de l'Etrurie et de la Crimée 53 (fig. 1972 à 1975); tout au plus pourrait-on croire que les plus belles, à cause de leur poids et du soin avec lequel elles ont été exécutées, ne furent pas destinées seulement aux funérailles : telle est celle du Musée de l'Ermitage qui est reproduite (fig. 1975) ". Des ornements ont aussi parfois été mêlés au feuillage. Une couronne funéraire conservée à l'Antiquarium de Munich (fig. 1976), trouvée dans un tombeau de l'Italie d'or, où l'on voyait les images de Jupiter, de Junon, de Minerve; auprès de lui se tenaient le flamen dialis et le grand ^, . sr N , COR 1523 COR méridionale l , est ornée de figurines et, au point centrai est debout sur une base portant une inscription. Domitien, où se rejoignent en avant les deux branches, une statuette lorsqu'il présidait aux jeux Capitolins, avait une couronne prêtre de la famille des Flaviens, avec des couronnes où était placée l'image de l'empereur lui-même 58. On verra plus loin (fig. 1986) l'image d'un prêtre de Bellone, dont la couronne est ornée de trois médaillons semblables 67. Ordinairement, au point central de la couronne est une pierre ou un médaillon (iepogaeT(O7d£tov), dont quelquefois une monnaie tient lieu 6s (fig. 1977). Les trente-trois couronnes de perles portées au triomphe de Pompée 5°, celles aussi qui figurent dans la pompe de Ptolémée 60, montrent l'envahissement du luxe asiatique; mais ce luxe, comme on vient de le voir, n'était pas resté inconnu jusqu'alors, au moins pour les couronnes des `= dieux; il devint de moins en moins rare 61. Pline nom me aussi les coronae aureae et gemmatae parmi les récompenses militaires 62. Cet auteur, qui a marqué avec précision le progrès de la richesse des couronnes chez les Romains, indique une transformation analogue dans les bandelettes pendantes [LEMNisCCSi qui en étaient l'accessoire. Celles-ci consistèrent d'abord en bandes découpées dans l'écorce intérieure du tilleul, appelée philyra 63, qui servaient de soutien aux fleurs et aux feuillages, ou en rubans de laine (FiTpa) teints en pourpre 6h ou d'autres couleurs brillantes. Ces bandelettes sont quelquefois enroulées autour de la couronne et la couvrent en partie (voy. les figures 1978 et 1989) 6° ; plus souvent on n'en voit que les extrémités qui flottent sur le cou et sur les épaules (fig. 1978). Elles pouvaient être ornées de broderies" ou de feuilles d'or estampées [DRACTEA] 67. Le bandeau chargé de pierres précieuses devint un insigne impérial à partir de Constantin il n'est fait mention que par exception de diadèmes ou de couronnes ainsi ornées, portées par des empereurs 66. Dans les peintures des catacombes , plus tard dans les mosaïques et dans les autres monu COR --1524 ---COR rnents de l'art ch étien, n. rencontre la tprésenletion de couronnes qui sont (bis outrages d'orft.,rerie consistant en un "c,t cle solide où le feuillage es' core unité (fig. 3.979)'9 ou dans lequel des pierres sont enchâssées (fig. 1981 et. 198(1) "0. 11. Usages primitifs e1 ex des couronnes. --Après avoir énuméré les pré lp.''c iitafières dont on a formé des couronnes, il conviert de signaler et de classer les principaux emplois de ce genre d'ornement, emplois religieux d'abord, puis emplois profanes, dans la vie politique et civile ou dans la -'vie privée. Entre ces divers usages, il est souvent difficile de tracer des limites rigoureuses, et. l'on ne s'étonnera pas si, dans ce qui va suivre, tel ou tel chapitre empiète plus ou moins sur un chapitre voisin. Mais avant d'aller plus loin dans l'étude de ce sujet, on doit se demander en quel temps commença l'usage des couronnes 11 remonte peut-être à la plus haute antiquité chez les Égyptiens; témoin les découvertes faites par MM. Brugsch et Maspero à Deir-el-Bahari ". On a trouvé sur la tête et sur la poitrine de plusieurs momies royales, de la xxe et de la xxle dynastie, des guirlandes de feuilles et de fleurs, dont plusieurs n'étaient entretenues vivantes en Egypte que grâce aux procédés intelligents de l'acclimatation72. D'ailleurs le rituel funéraire, qui date de la vit dynastie, dans un de ses chapitres conservés jusqu'à nous, supposait l'existence des couronnes funéraires â, une date bien antérieure aux poèmes ticr uriques: Mais l'âge héroïque de la Grèce parait n'avoir pas connu l'usage des couronnes : un seul passage de litressrnble y'faire allusion, et la note du scholiaste de rs:d.se sur ce passage nous avertit que le poète n'a jamais , u,ntr' un de ses héros portant une couronne". En cela., comme en beaucoup d'autres choses, les tragiques grecs se sont montrés infidèles à la tradition homérique, quand ils ont représenté, tantôt les Salaminiens, compagnons d'Ajac, couronnés de fleurs dans un banquet'', tantôt Clytemnestre couronnant sa fille devenue la fiancée d'Achille °, tantôt les Thébains portant des couronnes votives, qui n'étaient peut-être que de simples branches de feuillage, en signe de supplication aux dieux'' : autant d'anachronisrnes dont i serait, inutile de multiplier ici les exemples. On en trouverait de nombreux encore chez Ies auteurs des Posthornerica, comme Triphiodore, qui nous représente les femmes troyennes couvrant de couronnes le fameux cheval. de bois cons fruit par les Grecs pour pénétrer dans la cité de Priam i'. A plus forte raison faut -fi se. garder de rapporter à lâge héroïque les passa ges de Virgile ou d'OvIde qui sembleraient attester, pour une date aussi ancienne, l'usage dont il s'agit. Dès les temps les plus reculés, le simple rameau de feuillage détaché d'un arbre, et surtout d'un arbre consacré à quelque dieu, parait avoir eu le caractère d'une offrande ou d'un symbole religieux. Les arbres en général, et plusieurs arbres en particulier, ayant offert aux populations primitives une sorte de caractère sacré, il est naturel que les branches qu'on en détachait aient participé de ce Caractère [ARBORES sACRAE]. C'est ainsi qu'un rameau détaché de tel ou tel arbre est devenu dans la main des suppliants un signe de prière et d'adoration, dans la main des poètes un signe de l'inspiration divine. En se recourbant, et en se repliant sur. lui-même, le rameau devenait une couronne, et celle-ci à son tour prenait le même rôle dans les actes de la vie religieuse. La bandelette même participait de ce caractère religieux, et c'est probablement en ce sens qu'il faut entendre chez Homère les a2€ug.a7•x d'Apollon", que le prêtre Chrysès portait à l'extrémité de son sceptre. La même pensée religieuse s'attache au don de la verge ou rhabdos que le poète Ilésiode reçoit de la main des Muses, comme signe de l'inspiration divine. De même encore le rhabdos figure entre les mains des Homérides récitateurs de chants épiques. Mais de bonne heure on voit le rameau de feuillage se courber en couronne pour ceindre la tête du rhapsode. Quoi qu'il en soit, tout ce qui appartenait au culte, personnes et animaux, victimes ou symboles, portait comme signe de consécration des couronnes ou des bandelettes, souvent même couronnes et bandelettes à la fois; il est bien difficile, en effet, d'établir toujours entre leurs usages respectifs une démarcation 79. On trouve même souvent dans les textes des expressions qui les confondent", et les monuments, les peintures de vases surtout, nous montrent maint personnage la tête ceinte d'une couronne de feuillage et d'un bandeau qui la fixe (fig. 1982) ou qui s'enroule autour d'elle : quelquefois même de simples brins de feuillage sont pl a ntés droit dans le bandeau (fig. 1983) 11. Les poètes, nous l'avons vu, ont reporté jusqu'aux âges héroïques des rites religieux étrangers aux premiers Hel COR --1525 COB lènes : c'est ainsi que le béros Hippolyte porte le nom de airspz9i;tpôpot, ou couronné, dans le titre de la belle tragédie d'Euripide où le _héros est en effet représenté comlxle venant offrir un sacrifice à la déesse Artémis; mais il n'est pas possible de fixer exactement l'époque à laquelle on commença à porter des couronnes dans les sacrifices et dans les autres cérémonies du culte; cette coutume était certainement très ancienne. En la transportant dans la Grèce primitive, les tragiques faisaient peut-être un anachronisme; mais la coutume existait bien avant eux. Déjà à la fin du vu' siècle, Sapho disait sa : « Les dieux se détournent de ceux qui se présentent à eux sans couronne n ; et les lois de Solon 83 prévoyaient le cas où le port de la couronne devait être interdit t c'était là exclure les indignes de toute participation au culte public, en même temps que de toute fonction. La tradition même d'après laquelle à Paros on sacrifiait aux Charites sans couronne, depuis que Minos avait retiré de sa tête la couronne qui y était placée pour le sacrifice quand il apprit la mort de son fils ', cette tradition atteste que l'usage de la couronne dans les sacrifices était la règle générale dans une antiquité très reculée. Dans la peinture ici reproduite (fig. 1984) d'un vase du Musée du Louvre, dont la fabrication remonte au vr' siècle avant l'ère chrétienne, on voit une scène de sacrifice où une couronne est tenue par le principal personnage, qui s'approche de l'autel. A. l'origine, les couronnes dont on ornait les statues de dieux devaient être de feuilles et de fruits naturels. Elles variaient suivant le caractère de la cérémonie, et surtout suivant celui de la divinité. Par exemple, à Bacchus et à Silène on offrait la vigne, ses pampres et ses raisins ; à Jupiter, le chêne ; à Apollon, le laurier, qui ornait aussi la tete de la Pythie; à Vénus le myrte; à iitinerye l'olivier; à Cérès le narcisse, le pavot tel nès, sect. xui] et les épis ; à Rhéa la vigne et le chêne ; à Hercule le peuplier blanc ; à Pan le pin et l'hièble aux fruits rouges. Junon avait le grenadier, comme reine de l'Olympe, le dictame, plante essentiellement médicinale, comme présidant aux accouchements ; et, chez les Romains, avec le titre de Caprotina, on lui attribuait le figuier sauvage, ou caprificies 8o et peut-être le lis, nommé rosa Junnnes. On pourrait facilement étendre cette liste d'attributions, si l'on ne craignait de se laisser tromper par le gons poil tique des anciens, qui*, courounaïent de r rr'snxle fleuves et les nymphes , et de fruits l'automne per ,onni[ré. Quel que fût du reste le dieu, quelle que fût la cérémonie, toujours ses adorateurs se présentaient devant lui couronnes de fleurs, que le sacrifice fût privé ou public. Les prêtres et les prêtresses orn aient aussi leur tête d'une bandelette ou d'une couronne en rapport avec le culte auquel ils présidaient. C'est ainsi que nous ,.-oyons l'hiérophantide de Déméter, à Athènes, ceindre une couronne de pavots', et les frères Uvales, à Rome, une couronne d'épis (fig, ï98. °'. L'usage où étaient les rn^mist--ts lt, plusieurs républiques de la Grèce de porter des couronnes, comme sacrificateurs dans certaines cérémonies, a fait passer le titre de s' .n nFo à certaines magistratures éponymes et il { même porté quelquefois par des femmes. On en tronce des exemples dans les, inscriptions de plusieurs villes : Smyrne, tasos, Tenos, Sardes, Milet, Priène, Cymes, .5phrodisias. Mylasa, Cos, `fhy,sis, Pergame, Lampsaque, Marseille, etc. 80, C'est surtout de l'Asie Mineure que nous viennent ces témoignages, confirmés aussi par des médailles, Les couronnes des prêtres paraissent avoir été quelquefois ornées de., images des dieux„ On a déjàcité celle d'un prêtre vie Bellone ornée de rnédail' • où l'or, rccormaii les 'niages de coite e. et de Mars (fg. .' 't3(',); un autre monument nous montre urne prêtresse de la Grande déesse dont les couronnes sont ornées de trois grands médaïliions ". Les objets offerts a. divinités =étaient aussi couronnés. La victime même était conduite de vant l'autel, cou4'onnee ri,. 6986. ;ourouae dru _cet,' de fleurs; lorsque, tillez Euripide, Iphigénie se pi épure à. recevoir la mort. l'entend demander eil' -nié,.-e les cour nn, orner sa tête "i Tous 1, soires du sac les corbeilles, recevaient des couronnes. m' ire 1•,...iifice où s'accomplissait la e; `m on. sacrée '" lia galère cala.noinienne qui, chaque , ;In, p,,rtait à Délos ia procession en souvenir du salut (le Thésée, avait sa poule ornée d'une couronne ". Oside nous montre chargé de couronnes le vaisseau qui amenait à Rome l'idole de Cybèle obtenue du roi .Attife ". Ce n'était qu'une pierre à peine dégrossie; mais c'étaient aussi des blocs informes, retré... COR -1526 COR sentant le dieu Terme, que couronnaient de fleurs les populations des campagnes [TERMINUS]. Leur piété chargeait même de rameaux fleuris les branches d'un arbre de la forêt, quand il était revêtu à leurs yeux d'un caractère religieux. C'est ainsi qu'on voit (fig. 1987) dans un bas-relief du musée de Berlin un pin consacré à Sylvain, auquel sont suspendues une couronne et une bandelette 94 III. Couronnes funéraires. La mort et le mystère qui l'entoure, les cérémonies qui accompagnent la déposition du mort dans sa tombe se rattachent trop étroitement au culte des dieux pour que la couronne n'ait pas aussi sa place dans les funérailles. Comme tous les autres usages mentionnés jusqu'ici, celui de couronner le défunt dans sa tombe a dfl avoir, et il a en effet sa légende. Un passage de Clément d'Alexandrie, en le rapportant aux Corybantes 96, lui donne une origine fabuleuse. Les anciens ont cherché à l'expliquer. Mais lorsque Epictète répond à Adrien u que, si l'on donne à un mort une couronne, c'est parce qu'il a combattu jusqu'à la tin le combat de la vie, idée énoncée déjà par le scholiaste d'Aristophane 97, on ne doit guère voir là qu'un lieu commun de philosophie. On ne doit pas attacher plus de valeur à l'opinion de Lucien 98, que l'on couronnait les morts pour combattre la mauvaise odeur : le sens originel était certainement plus naïf. La couronne était à la fois une marque d'honneur et un symbole religieux, comme le prouve le décret des Athéniens qui couronne Zénon après sa mort 99. La couronne n'était-elle pas un attribut divin, et les morts n'étaient-ils pas divinisés? L'ancienneté d'un tel usage est prouvée, pour la Grèce comme pour l'Italie. Euripide70° nous montre Créon punissant de mort quiconque couronnerait de fleurs le cadavre de Polynice. Un grand nombre d'auteurs et les monuments attestent, à différentes époques, la coutume d'honorer ainsi les morts sur leurs tombeaux. Lucien surtout, dans un opuscule spécial'", décrit l'opération elle-même [FUNUS]. Lorsque Quinte-Curce raconte les funérailles d'Alexandre 102, après avoir indiqué l'embaumement, il ne manque pas de signaler la couronne placée sur le chef du cadavre ; trois siècles plus tard, Auguste, quand il visita le mausolée du conquérant macédonien, y déposa une couronne d'or 103. A Rome, il est déjà question de couronnes portées aux obsèques du roi Numa'", et l'on voit le port des couronnes, dans les funérailles, autorisé par une disposition de la loi des douze Tables que commente Cicéron'°°. Dans la pompe qui accompagna au tombeau les dépouilles mortelles de Sylla, il est question de 2000 couronnes d'or, au témoignage d'Appienf01. Dans le décret de la colonie de Pise en l'honneur du jeune Lucius César, petit-fils d'Auguste, on voit mentionnée la couronne parmi les hommages offerts aux mânes du jeune princef09, et, sous le règne de Tibère, Pline nous montre'U8 le peuple de Rome portant des couronnes à l'enterrement d'un corbeau dont il nous raconte la singulière destinée. L'urne funéraire en fut parfois décorée, comme celle de Démétrius devant les députations de toutes les villes de la Grèce"' et celle de Marcellus par les soins d'Annibal"'. Dans la pastorale de Longus, Chloé en décore le tertre sous lequel repose la brebis qui l'a nourrie 12. C'est souvent le myrte qu'on voit employé à cet usage, le myrte consacré à Proserpine 113. Chez les Nicéens la couronne funèbre, faite (le fleurs variées, s'appelait épuç 114. Elle fut aussi formée des feuilles de l'ache, plante néfaste pour certains peuples de la Grèce 1", chez qui on en ornait aussi les tombeaux d'où le proverbe que « à un malade en danger de mort, il ne faut plus que de l'ache ». On lit aussi dans un recueil des Proverbes grecs, que le lis était spécialement employé aux couronnes funéraires, et cette fleur est nommée avec la rose, l'hyacinthe, la violette, parmi celles qu'on répandait sur les tombeaux 1° La loi des Douze Tables citée par Cicéron et que nous avons rappelée plus hautf17 nous apprend que les couronnes portées aux funérailles n'étaient pas seulement des offrandes aux mânes du mort, c'étaient encore celles qu'il avait remportées comme prix ou récompenses pendant sa vie. Il s'agit dans cette loi des couronnes gagnées dans les jeux publics. De même les couronnes militaires devaient être rappelées aux funérailles, comme elles le sont dans les effigies des tombeaux (voy. plus loin (page 1535). Quant aux assistants, ils ne se paraient pas eux-mêmes aux funérailles de couronnes, si nous en croyons Aristote ; celui-ci, en effet, nous dit positivement"" que c'était un signe de deuil d'enlever sa couronne comme de se couper les cheveux; aussi bien le port de la couronne se serait-il peu accordé avec la suppression de toute parure, les vêtements sombres et d'une négligence souvent affectée, dans de telles cérémonies. IV. Couronnes, signes de réjouissances. Les couronnes funéraires impliquaient-elles l'idée d'un passage de la vie terrestre à une vie plus heureuse, et par conséquent lorsqu'on en décorait un cercueil, rattachait-on à cet ornement d'autres pensées que celle du deuil et des regrets ? c'est ce qu'il nous a été difficile de déterminer. Nous ne saurions dire non plus si ce genre d'hommage a quelque rapport avec les repas funèbres si fréquemment représentés sur le marbre des tombeaux. Ce qui est certain, c'est que dans les festins des Grecs et plus tard dans les festins des Romains [COENA, SYMPOSION], on trouve maintes fois mentionnées des couronnes non seulement à l'occasion des réjouissances luxueuses, où les serviteurs mêmes, les plats, les vases, particulièrement ceux qui servaient à faire le mélange du vin et de l'eau 119, paraissaient ornés de couronnes, mais notamment dans ces réunions dont les Banquets de Xénophon et de Platon nous montrent déjà le caractère ; on s'y livrait à des entretiens littéraires où la couronne du buveur pouvait fournir elle-même un texte à de Ion COR a-1527 COR gues dissertations, comme en témoigne tout le livre XVe des Deipnosophistes d'Athénée. Nous disons la couronne du buveur, car elle n'était guère apportée aux convives, ainsi que les parfums, qu'au moment où leur faim était apaisée, et où l'arrivée d'un second service annonçait l'heure des longues causeries120. L'usage en fut si fréquent que, dans certains lieux, à certaines époques, la couronne était devenue comrn e un symbole d'intempérance "9. Une même personne portait souvent jusqu'à trois de ces couronnes, et surtout deux principales : l'une autour et au devant du cou, et dont les effluves affectaient immédiatement l'odorat; celle-ci recevait le nom de (ntotug(ç, parce qu'elle était placée sous le thymus. Cicéron122 nous représente Verrès une couronne sur la tète, une autre au cou, approchant de ses narines un réseau de fin lin rempli de roses. On trouve la représentation de l'eroeug(ç dans les monuments, non seulement chez les Grecs, mais aussi 123 chez les Étrusques et chez les Romains. La figure 65 (voy. p. 34) offre l'exemple d'une de ces guirlandes suspendue au cou d'une femme dans un banquet. Dans une peinture d'un tombeau de Corneto 72" ici repro duite (fig. 1988) une femme, dont la tête est entourée d'une double couronne, présente à un personnage également couronné, une autre couronne plus longue, qui est sans aucun douronnes sont de couleur rouge et elles paraissent être de laine ou d'une étoffe quelconque, comme celles qu'on peut remarquer dans d'autres peintures étrusques. Les morts figurés couchés sur leurs /)) t tombeaux comme sur un lit de banquet ont aussi la tète couronnée, et portent quelque fois une longue couronne ou guirlande, qui tombe sur la poitrine (fig. 1989)126. La figure 1990 est tirée d'un sarco phage romain où sont représentés des convives sous les traits de génies ailés, Celui qu'on voit ici, outre les pampres qui ceignent son front, porte suspendue à son cou une couronne de roses'''. L'autre couronne placée sur la tête était, disait-on, destinée à pré venir l'ivresse par l'action raft-alFig. 199e, Couronnes de chissante ou astringente de ses parbanquet. fums 127. Certaines plantes, notamment l'ajuga chamopitys, ont été préférées pour cet usage. De ce nombre aussi étaient non seulement le lierre, mais Ies couronnes de violettes et de roses, tandis que la fleur du henné, celle du safran, celle de l'aristoloche, passaient pour rendre un autre service, non moins méritoire peut-être, celui d'entraîner à un sommeil sans douleur les convives qui avaient bu sans mesure 128. Au contraire, le narcisse devait son nom à ce qu'il causait des pesanteurs narcotiques ; et le noyer, en grec x«puov, tirait le sien de ce qu'il exhalait une odeur assoupissante, carotique. La connaissance que les anciens croyaient avoir de ces propriétés médicales les a de bonne heure amenés à employer les couronnes comme agents de médication. Pline en rapporte plus d'un cas 139. La couronne d'adiante ou celle de smilax, d'aubépine, de menthe pouliot, apaisait les douleurs de tète ; de même que celle du gratteron, le galium aparine. La couronne était d'un, usage si familier dans les festins, que les soldats de Xénophon, voulant se réunir en banquets pendant leur retraite, à la faveur du repos qu'ils trouvaient dans les villages de l'Arménie, et manquant de fleurs au coeur de l'hiver, imaginèrent de se couronner de foin sec lao Les couronnes ont été des symboles de joie dans bien d'autres cérémonies, privées ou publiques, que dans les festins. Celle d'olivier était le signe de la naissance d'un enfant mâle, quand on la fixait à la porte de la maison où une femme venait d'être délivrée 131 tandis que la naissance d'une fille était signalée par des poignées de laine. On envoyait des couronnes à des amis 1", l'a mant en envoyait à son amante 133 On voit fréquemment sur les vases peints des scènes de fiançailles : un jeune homme apporte des présents à une jeune femme; ils sont couronnés l'un et l'autre. Dans la peinture 18" qui est ici reproduite (fig. 1991) une couronne est en outre suspendue dans le fond et un long COR 1528 COR rameau de myrte déployé auprès de la fiancée. Un tableau célèbre d'Aétion décrit par Lucien 135 représentait Alexandre offrant de sa main gauche la couronne nuptiale à Roxane ; le fiancé y portait le même symbole d'hyménée. P]utarque nous montre également Alexandre 'as couronné de fleurs pour célébrer l'union de ses soldats avesles femmes perses. L'ilvménée personnifié a été figuré avec une couronne sur la tète et une autre à la main'37. Au jour des noces, la couronne (aac4oç ya ei tov)136 ornait le front non seulement des époux, mais aussi de tous ceux qui participaient à leur joie 139, Sur un vase de la collection Sabouroff, récemment publié""0, on voit la mariée au moment où son époux la prend dans ses bras pour ]a placer sur le char qui la conduira à sa nouvelle demeure : tous deux portent des couronnes, et comme eux tous ceux qui prennent part à la eerémonie (fig. 1992). Des feuilIages décoraient jusq~l'aux murailles de la salle et au lit nuptial Î,NUPTIAL]ic' A Rome, l'épouse devait porter une couronne de fleurs et d'herbes qu'elle aurait elle-même cueillies 142 ; mais comme cette couronne était placée sous le voile (sub amiculo), on ne peut espérer de la trouver représentée sur les monuments. En effet, dans ceux qui représentent la dextrarum éunctio en présence de lapronuba, on voit la femme voilée sans couronne apparente ; le mari est nu tête. Sur un de ces monuments un génie debout derrière ce dernier pose une couronne sur sa tète143. Sur un autre, deux amours ou génies tiennent une couronne suspendue au-dessus des deux époux 1". Sur un sarcophage étrusque de l'époque romainei"3, la femme est sans voile; elle donne la main à son mari, qui n'a pas de couronne ; plus loin les deux époux sont emmenes sur un char, tous deux ont des couronnes (fig. 1993). Sur une ciste gravée, les deux époux tiennent des couronnes à la main 146 Ainsi que pour les Grecs, la couronne nuptiale était pour les Romains un symbole religieux. Cela est pour ces derniers plus évident encore ; car une semblable parure n'était pas conforme à l'antique sévérité des moeurs romaines, et personne n'aurait osé se montrer avec une couronne, si ce n'est aux jours où la religion le permet LIA, etc., en un mot aux fêtes des divinités qui président à la fécondité. Pline 1'`7 dit que les couronnes furent d'abord réservées aux dieux, aux lares et aux mânes. Tertullien 148 dit aussi, en parlant des couronnes dont les époux se paraient le jour des noces, que les chrétiens doivent s'abstenir d'en porter pour ne pas retourner au culte des faux dieux, par où cet usage a commencé. Il marque ainsi plus précisément pour la couronne nuptiale le caractère religieux que Pline reconnaît à l'origine à toutes les autres. Dans les circonstences dont on vient de parler, on sacrifiait toujours : cela s'appelait 140, pour une naissance, Toutes les fêtes d'ailleurs, ayant ce caractère religieux et étant célébrées par des sacrifices, étaient une occasion de porter des couronnes, les fètes privées dont il a été question précédemment, comme les fêtes publiques, soit quand on y prenait part avec le titre d'une magistrature ou d'un sacerdoce, soit quand l'usage autorisait tous les citoyens à porter en public ce genre d'ornement. Le dernier cas est sans doute celui que l'orateur Eschine désigne par les mots xotvl u'em u'rgyopia 151. Demème, l'histoire nous montre les Spartiates, vainqueurs des Athéniens à Aegos Potamos, célébrant cette victoire en se couronnant de fleurs, et les peuples leurs alliés imitant cet exemple, lorsqu'ils assistaient à la destruction des murs d'Athènes 1°2. Quand, plus tard, à la tête de la flotte athénienne reconstituée, Phocion s'avance en triomphateur dans les eaux de l'archipel, les insulaires qui viennent au devant de Iui se couronnent de fleurs en signe d'allégresse 133. Plus tard encore, dès que la mort de Philippe fut publiquement connue dans Athènes, c'est le front ceint d'une couronne que Démosthène se présenta au peuple 15". Mais c'est dans un sentiment bien opposé de flatterie anti-patriotique que, sous le règne du Macédonien Démétrius, le peuple athénien donna un semblable témoignage de sa joie, en apprenant la mort d'Aratus 155. Par reconnaissance pour la générosité de Marcellus leur vainqueur 156, les Syracusains décré COR 1529 COR tèrent que toutes les fois que ce général ou quelqu'un de sa famille viendrait à Syracuse, les habitants se couronneraient de fleurs et feraient des sacrifices aux dieux. La même pratique est attestée pour le porteur d'une bonne nouvelle: il arrivait d'ordinaire ceint d'une couronne, et l'heureux message devenait l'occasion de sacrifices offerts aux dieux, sacrifices que l'on célébrait aussi (eiuyyea(x 6Sety) en ceignant une couronne 'S7 V. Couronnes, prix des jeux et concours, récompenses publiques. -Dans les grands jeux helléniques, dans ceux d'Olympie comme dans les concours de Delphes, de Némée et de l'Isthme, les vainqueurs paraissent avoir dès une antiquité reculée reçu en récompense une couronne de feuillage. Mais deux raisons nous empêchent de croire que ce fut dès l'origine : d'abord un célèbre récit d'Homère'S3 attestant, à propos des jeux funèbres en l'honneur de Patrocle, que le prix de la victoire était alors un objet de valeur précieuse, un cratère de métal, un beau boeuf, un demi-talent d'or, etc. ; ce témoignage d'Homère n'est pas infirmé par celui du médiocre grammairien qui nous représente Hésiode couronné comme vainqueur dans le prétendu concours poétique où il aurait lutté avec Homère 11e; secondement, le témoignage formel et répété de Pausanias, qui distingue dans ces fètes deux périodes, dont la seconde seulement fut caractérisée par cette forme de récompense. Le passage en question f60 fixe à la deuxième pythiade, ou à la troisième année de la 49' olympiade, c'est-à-dire à 582 av. J.-C., le changement opéré par les Amphictyons, la substitution des couronnes aux prix matériels que remportaient les vainqueurs. D'autre part, un passage de la chronique de Paros semble placer le commencement de cette seconde période à l'an 586 av. J.-C., époque pour laquelle Pausanias cite un certain Sacadas comme ayant successivement remporté des prix sous l'un et l'autre régime. Il nous est impossible d'entrer ici dans la discussion de ces dates. Constatons seulement, d'après une anecdote racontée par Hérodote, que, dès le temps des guerres médiques, l'austérité des récompenses purement honorifiques, comme la couronne, marquait un contraste effrayant pour les Barbares entre les moeurs de la Grèce et celles de l'Asie 1G1 Mais on verra que la couronne ne resta pas longtemps ce qu'elle était à la date de cette anecdote, et que certains avantages matériels y furent de bonne heure attachés. On trouvera aux articles sur les grands jeux publics de la Grèce ce qui est relatif aux couronnes qu'on y donnait en récompense. Nous en nommerons seulement quelques-unes. Un des plus anciens monuments de la statuaire athénienne est une tête dont M. Albert Dumont a publié le dessin (fig. 1994)162. Cette tête, que les caractères de la sculpture permettent de rapporter, avec la plus grande vraisemblance, au temps de Pisistrate, est ornée II, d'une couronne où un habile botaniste, M. Decaisne, déclare avoir reconnu le feuillage du chêne : C'était apparemment le témoignage de quelque victoire remportée dans les jeux, et c'en est aujourd'hui le plus ancien témoignage sur les monuments. Le rameau destiné aux vainqueurs des Panathénées ou des jeux olympiques, était fourni par l'olivier sacré de l'Acropole [ARBORES SACRAE], ou par celui que, dans la vallée de l'Alphée, on avait entouré d'un mur protecteur et défendu contre toute injure par la menace d'une amende. On connaît l'origine fabuleuse du premier. C'est celui qu'on voit figuré sur le siège en marbre d'un agonothète, retrouvé à Athènes au théâtre de Bacchus; on yvoit aussi (4.1995; les couronnes et l'amphore destinées aux vainqueurs des jeux (voy. p. 1083). Le second, le xaaÀtarépavog Éna(a, que tous les auteurs disent avoir appartenu à la race de l'olivier sauvage ou xdrtvoc, et dont la couronne, pour abréger, est souvent nommée xdTIV0Ç 163 se liait au souve nir d'Hercule, qui passait pour l'avoir apporté des sources brumeuses de l'Ister 164, et l'avoir employé lui-même pour en tresser la couronne du vainqueur. A Délos 566, la légende disait que Thésée avait jadis célébré, pour la première fois, des jeux où les vainqueurs reçurent une branche de palmier. Les palmes de cet arbre se prêtent mieux, en effet, à être tenues à la main qu'à être roulées en couronne 166 Quant à la nature de la couronne obtenue aux jeux pythiques, il y a des incertitudes. D'après un passage des Métamorphoses d'Ovide 167, la couronne primitive de chêne y aurait été remplacée plus tard par une couronne de laurier "8; plus tard encore, par une couronne de fruits, de ceux, dit Solon, dans l'Anacharsis de Lucien169, qui étaient consacrés à Apollon. Or, le laurier et le palmier étaient les seuls de cette classe ; mais les baies du laurier ne peuvent avoir été appelées g.'ii)a; et quant aux dattes, elles ne mûrissent pas en Grèce. Ces a semblent donc être tout simplement des pommes. Lucien d'ailleurs n'est pas le seul auteur qui en parle ; après un poète de l'Anthologie f70, après Maxime de Tyr 171 et Ausone 172, Libanius précise pour nous le sens qu'on doit donner au mot, en le plaçant dans son éloge du palmier et du pommier. La couronne fut longtemps formée d'ache aux jeux isthmiques de Corinthe ; mais, plus tard, l'ache passa en usage aux rinthe prévalait l'usage du pin isthmiques. consacré à. Neptune (fig. 1996) : c'est dans le bois de pins 192 COR 1530 COR qui entourait le temple de ce dieu que les jeux de l'isthme étaient célébrés t7a. Plutarque dit que les couronnes variaient suivant les différents jeux, mais que la palme était commune à tous. Il parle de la palme qui était donnée en même temps que la couronne, et que l'on voit figurée dans la main du vainqueur ou placée à côté de lui ; on ne peut guère douter cependant que la palme n'ait quelquefois fourni des Couronnes. Aristophane, dans un passage du Plutus 575, témoigne que la couronne olympique était encore formée de feuillage vert, selon l'antique simplicité vers laquelle Platon se reportait lorsque, dans le xae livre des Lois, il proposait, pour récompenser le courage et la vertu, des couronnes de laurier et d'olivier. Pindare, il est vrai, semble dans maint endroit attester le contraire ; mais il ne faudrait pas s'exagérer l'importance de l'adjectif xpvatoç, joint souvent, chez cet auteur, à des termes tels que c-ri xvoç, Sdyvc et à),a(a, car le même adjectif s'applique chez lui à des objets qui ne peuvent avoir rien de commun, que leur prix ou leur beauté, avec ce métal précieux 176. Au temps de Pindare, le véritable prix de la couronne était dans la solennité même du concours, dans l'autorité des Hellanodices qui la décernaient et la faisaient proclamer par la voix du héraut. Le vainqueur l'emportait dans sa patrie, comme un titre d'honneur pour elle autant que pour lui-même. Il s'en parait sans doute dans la fête où sa victoire était chantée, dans la procession triomphale à laquelle s'associaient les talents de quelque grand poète et de quelque habile musicien. Souvent, il est vrai, par la suite, les couronnes ellesmêmes devinrent des récompenses pécuniaires; elles atteignaient des valeurs très élevées. Divers témoignages donnent à penser qu'il y eut une période intermédiaire, dans laquelle la récompense honorifique fut accompagnée du don d'une somme d'argent. Il y eut sans doute à cet égard des variations tenant à la rareté relative de l'argent en Grèce. Nous savons par des témoignages formels que Solon 177 restreignit ces récompenses accessoires : celle des concours olympiques à 500, celle des concours isthmiques à 100 drachmes. Une inscription trouvée sur l'acropole d'Athènes, et dont la date nous reporte au temps de Philippe ou d'Alexandre 178, atteste l'association de la couronne aux récompenses pécuniaires, dans les concours de musique institués par Périclès pour les Panathénées 579. On y voit que la récompense la plus élevée consiste en une couronne de la valeur de 1000 drachmes ; tandis que les récompenses secondaires ne consistent qu'en valeurs qui varient de 300 à 100 drachmes. La formule d'estimation est, en pareil cas, irè Sps géia, suivie du chiffre1R0. Cette valeur a fait maintes fois une partie de la récompense. En effet, quoique la fabrication de la couronne soit attestée par plusieurs exemplesl"t; quoique l'on trouve mentionnée l'autorisation formelle de porter les couronnes honorifiqueslt1; cependant il n'arrivait pas toujours que l'or coronaire passât par les mains de l'orfèvre pour venir gratifier le citoyen couronné. Une inscription de Scyros nous montre le bienfaiteur que cette ville récompense allant tout droit chez le caissier municipal, pour y toucher la somme fixée par le décret 183, à peu près comme le font les lauréats de nos concours académiques, quand ils vont toucher ce qu'on appelle leur médaille. Un décret, commenté par Ouwaro[i dans ses Recherches sur les Antiquités de la Russie, contient l'expression naïve de ce qu'on appellerait volontiers ce matérialisme de la gloire. Il y est dit, en propres termes, que le donataire « sera couronné de mille pièces d'or » 58'. La langue semble s'être altérée avec les sentiments qu'elle exprime; et le diminutif oerc,f«vtov a fini par désigner simplement une récompense qui est de 3 talents, dans le document gréco-égyptien où on la trouve mentionnée 185. La différence des concours dits a-tegavïTm ou 9u)è,PPrat et des concours dits T«),av.taiot ou «pyupizat est évidente et formelle [CERTAMINA, p. 1081, 1083]. Quand ces expressions sont rapprochées, elles s'éclairent l'une l'autre '8°. Mais le mot 84a et ses dérivés 8eµanzig et Oep.a'7C'c1ç'87 ont par eux-mèmes, quand ils sont isolés, un sens trop vague pour qu'il soit permis d'y voir précisément ou une récompense honorifique, ou une récompense pécuniaire; encore moins faut-il considérer comme un synonyme de Gl1a 188 le mot eégtç, qui désigne des concours, sur plusieurs inscriptions des villes de l'Asie mineure 189 et sur des médailles de même origine. Qu'il nous suffise de constater ce que permet de décider la grammaire éclairée par le contrôle des monuments: c'est que si le mot 8.µu, suivi d'un chiffre numérique, se lit entouré d'une couronne sur des médailles d'Aspendus 490, cela permet de considérer ces couronnes comme le témoignage d'une victoire remportée dans les jeux ouverts par les autorités municipales de cette ville, et qui y étaient désignés par le mot Oigsç. La religion était aussi associée au concours de poésie dramatique et de poésie lyrique. Le choeur, dans ses cérémonies, portait des couronnes, comme on le peut voir par les fig. 1423-1426 au mot cumuls. Ces couronnes, déjà au temps de Démosthène, n'étaient pas toujours de simple feuillage, mais d'or. Nous avons sur ce sujet, le récit, sans doute exact pour le fond, quoique passionné dans sa forme oratoire, de Démosthène lui-même, qui, violemment insulté par Midias en plein théâtre, lui reproche entre autres méfaits d'avoir été de nuit chez l'orfèvre pour y détruire les couronnes d'or préparées en vue de la représentation, aux frais de l'orateur remplissant alors les fonctions de chorège 191. De là, sans doute, il semble facile d'induire que l'on couronna, après une victoire dionysiaque, le poète auteur des paroles, ou le musicien auteur de la musique, ou l'artiste exécutant, ou l'acteur qui s'était distingué, surtout dans les premiers rôles. Les musiciens recevaient certainement des couronnes dans les concours qui leur étaient propres, comme on l'a déjà vu pour les Panathénées '92, et comme aux Pythies à Delphes, où l'on voit la couronne de laurier substituée au trépied ou aux autres prix dans la 49' olym _ r..vX lagon fondé par Néron et dans l'agon Capitolinus établi en 86 par Domitien, qui effaça le premier par son éclat, des poètes vinrent des provinces les plus éloignées disputer la couronne, que l'empereur y donnait de sa propre main [voy.p.1085]. Les jeux Capitolins sont encore rappelés sur un verre doré (fig. 1999), au ive siècle av. J.-G. On y lit le nom des jeux et on voit la couronne figurée couronnes de chêne sont y en a cinq, ce sont peut-être COR 1531 COR piade 193. Pour le poète il semble bien que l'on doive i chontat d'Euphémos. Sur un monument découvert en prendre à la lettre les termes dont se sert Athénée, quand 1862 à Athènes, au théâtre de Bacchus 190, on voit il dit 19'`, qu'Agathon fut couronné (rsiepavot ut) sous l'arsculptées (fig. 1997) seize couronnes remportées par le mème personnage, du nom de Nicoc1és, dans des fêtes diverses dont le nom est gravé à l'intérieur de chacune d'elles. Dans la couronne de lierre qui se détache au centre, on lit avec le nom des Lénées indique précisément que c'est dans le dithyrambe que le vainqueur, poète ou musicien, avait obtenu cette ré compense. II y eut aussi des couronnes pour les vainqueurs des jeux gymniques et agonistiques, introduits à Rome dans les derniers siècles de la République [cERTAMINA]. Dès le temps de la loi des xn tables, la couronne était jugée glorieuse pour le citoyen qui l'avait gagnée, qu'il eût ou non concouru en personne, et on la déposait sur son cercueil 1"; par la suite on se contenta de faire courir des cochers dans le cirque [crocus], et il faut arriver au temps des empereurs pour voir les couronnes disputées dans les jeux à Rome comme dans la Grèce. Ce ne furent pas seulement des luttes entre athlètes, ou des courses de chevaux et de chars, qui méritèrent ces couronnes ; ce furent aussi, même chez les Romains, des concours de musique de poésie et d'éloquence. On ne peut douter que le personnage que l'on voit (fig. 1998), la tète ceinte de feuillage et une couronne à la main, ne soit uu poète ou un orateur, reconnaissable au rouleau qu'il tient dans son autre main. On pourrait voir dans cette peinture de Pompéi un grec vainqueur; mais à Rome aussi, dans à côté d'un musicien; d'autres entassées près de lui; il celles des cinq divisions du concours : musique, drame, poésie latine, poésie grecque, chant et instruments. Ces jeux furent le théâtre favori de Néron qui, après avoir recueilli mille huit cents couronnes pendant son voyage en Grèce, rentra en triomphe dans sa capitale, le front ceint de la couronne d'Olympie, et tenant à la main la couronne pythique 197. A la manière dont Xiphilin, l'abréviateur de Dion Cassius 19a raconte l'appareil qui entourait une victoire remportée au cirque par ce prince, on comprend que l'empereur couronnait par cette victoire et sa propre maison et le peuple romain. C'est ce qui explique deux pas COR 1532 COR sages un peu confus de Pline i9, où il affirme que c'était la patrie des vainqueurs que l'on couronnait. Pline parle ici comme Pindare, quand il dit par exemple que la victoire d'Aristagoras avait couronné sa patrie 266 Ces couronnes, prix des athlètes vainqueurs, furent longtemps plus difficiles à obtenir, même par les plus grands services, en dehors des fêtes consacrées par la religion. Thémistocle reçut à Sparte, en même temps que le Lacédémonien Eurybiade, une couronne d'olivier toi, récompense qu'il n'avait pas obtenue à Athènes, pas plus que Miltiade, ni Aristide 202. Elle fut accordée à Périclès 203 à Thrasybule et aux autres Athéniens qui ramenèrent leurs concitoyens de Phylé 20'`. Mais par la suite elle fut prodiguée, et les couronnes d'or furent substituées au simple rameau détaché de l'olivier sacré. L'esprit d'émulation, qui animait au plus haut degré la race hellénique, s'exprime sous toutes les formes dans la vie du peuple athénien. Par exemple, pour stimuler le zèle des citoyens désignés comme triérarques, on donnait une couronne à celui d'entre eux qui avait devancé les autres et présenté le premier une galère prête à prendre la mer pour le service de l'État. Un des discours civils de Démosthène 205 a précisément pour objet de défendre un citoyen à qui cet honneur était contesté. Le zèle apporté dans l'exercice d'une fonction, l'heureux accomplissement d'une mission, toutes sortes de circonstances pouvaient motiver le don d'une couronne à titre de récompense'. On ne voit pas, il est vrai, que dans les écoles publiques le zèle des écoliers fût récompensé par l'obtention d'une couronne ; c'est à titre d'exception que l'orateur Isocrate est signalé pour avoir ainsi encouragé le talent de quelques-uns de ses élèves 207. Mais en revanche on voit dans plusieurs monuments le collège des éphèbes couronner des cosmètes en récompense du zèle que ces magistrats ont déployé et des succès qu'ils ont obtenus 2o9 Des bas reliefs accompagnent souvent les inscriptions qui doivent conserver le souvenir de l'honneur conféré. Dans celui qui est ici reproduit (fig. 2000) 209, les per sonnages qui donnent la couronne en présence d'Athéné paraissent être les personnifications du Sénat (la Boulé) et du Peuple ; d'autres y ont vu le couronnement d'Athènes par une autre cité. Bien plus, un miroir grec de bronze, publié par M. Albert Dumont, offre une représentation analogue des deux villes de Leucade et de Corinthe 210 Mais souvent il est difficile de distinguer en pareil cas et en l'absence d'une inscription, entre le simple symbole d'une alliance et celui d'un acte de reconnaissance. Les particuliers, en effet, n'avaient pas seuls droit à recevoir des couronnes ; les corporations et même les peuples y participaient en mainte occasion. Le célèbre discours de Démosthène pour Ctésiphon rappelle que les habitants de Byzance, en témoignage de reconnaissance pour le peuple athénien, lui avaient décerné une couronne. Dans une autre circonstance, c'est un décret des habitants de la Chersonèse qui honore le sénat et le peuple d'Athènes d'une couronne d'or de la valeur de soixante talents 211. Un pareil hommage pouvait être décerné par une tribu 212, par un dème 213 aussi bien que par le sénat et le peuple, et même par une corporation 21" à un simple particulier. Citons-en un exemple notable. Dans une nscription de Délos 215, le pers onnage qui reçoit des éloges et une couronne de la confédération des Nolatm-rnt est Sostratos, l'architecte célèbre qui avait construit à l'entrée du port d'Alexandrie la tour de Pharos. Cette confédération, pour s'assurer la bienveillance et la protection d'un personnage aussi puissant que Sostratos l'était en Égypte sous les Ptolémées, comme on le voit par quelques passages de Lucien 366, ne trouve rien de mieux que de le gratifier d'une couronne d'or. La même pensée amena les clients des riches Romains à orner de couronnes les portes de leurs protecteurs'. L'usage étendu à ce point de décerner des couronnes honorifiques pouvait dégénérer en abus. Il avait donc fallu déterminer en quelles circonstances et à quelles conditions serait faite la proclamation de la couronne. Un décret du peuple pouvait seul permettre qu'elle eût lieu dans le théâtre ; bien plus, quand la couronne avait été décernée par un peuple étranger, la loi athénienne voulait qu'elle fût déposée en offrande dans le Parthénon. C'étaitune précaution prise pour queles citoyens d'Athènes ne fussent pas tentés d'une vanité, d'une ambition peu patriotique. Tout ce détail nous est attesté par le discours d'Eschine contre le décret de Ctésiphon'. A Rome, la loi était non moins restrictive, et l'on s'exposait à la prison pour s'être montré en public, une couronne sur la tête 719, sans avoir droit, ne fût-ce que momentanément, à cette distinction. Le port illégal de la couronne était prohibé, comme chez nous le port illégal des décorations. Le souvenir de ces hommages et de ces témoignages honorifiques n'était pas conservé seulement dans le trésor des temples. L'image de la couronne, comme on l'a dit déjà, était souvent gravée, soit sur les monuments funé COR 1533 COR raires, soit en tête ou à la fin de l'inscription contenant le texte du décret par lequel une cité témoignait sa reconnaissance, tantôt envers une autre cité, tantôt envers un citoyen, son bienfaiteur. On trouve même quelquefois, sculptée sur le même monument, la figure de plusieurs couronnes. Une inscription de Rhodes nous montre le bienfaiteur d'une corporation honorée par elle de plusieurs couronnes à. feuillages divers, qu'il fait toutes sculpter 220 sur le monument commémoratif. Dans une inscription de la Chersonèse, un personnage important de la ville de Tyra est honoré de huit couronnes, pour autant de services différents 221. Une table de marbre, qui appartient à l'Université de Cambridge, offre l'exemple de dix-huit couronnes décernées à un seul personnage, par autant de villes ou de communautés de villes 222. On a déjà vu (fig. 1995), la représentation sur la même pierre de seize couronnes remportées par un musicien ou un poète, qui a fait graver à l'intérieur les noms des fêtes où il les a obtenues. D'ordinaire le sujet du décret honorifique et le nom de ceux qui ont décerné la couronne se trouvent gravés à. l'intérieur ou au-dessous de la figure qui la représente. La formule usuelle pour ces récompenses était 6 %oç ou bien 6 S=rµoç zut fi (30u),-Il Tôv SEiva (tt'né6'r 'nzv ou ini1zs1uev). C'était d'ailleurs la formule qui était inscrite sur la xotvtxiç de la couronne elle-même. Delà le reproche de Démosthène contre Androtion, qui avait obtenu du peuple un décret pour faire fondre et transformer en vaisselle plusieurs de ces antiques offrandes : en prétextant, contre toute vraisemblance, que les couronnes étaient à moitié détruites par la vétusté, en les remplaçant par des phiales d'or, puis en substituant son nom d'administrateur (irtµE),7gTiç) de la déesse aux noms soit des villes alliées, soit de généraux illustres, tel que Conon, il avait fait disparaître des titres de gloire que le patriotisme athénien aurait dû être jaloux de conserver. La formule de la déclaration en public qui précédait l'érection de ces monuments est ordinairement insérée en quelques. lignes au texte même du décret. Les preuves de cet usage sont si nombreuses chez les auteurs et sur les monuments, qu'il serait superflu de les énumérer ici 223. Sur un tombeau de Smyrne 22, des couronnes, à l'intérieur desquelles sont gravés les mots 0 AHMOE, commencement de la formule usuelle, sont figurées dans de petites armoires à volets battants (fig. 2001), qui étaient sans doute réellement en r---=i-.'i usage pour la conservation des couronnes. Une stèle funéraire (fig. 2002), offre à sa partie supérieure 225 une cavité en forme de couronne, creusée apparemment pour y déposer une couronne naturelle. Les couronnes étaient souvent aussi suspendues à des pierres saillantes sur les côtés des hermès et des bustes, comme on le voit ici (fig. 2003) d'après une peinture antique a2s Les manières de représenter les Couronnes dansies oeuvres d'art sont extrêmement variées. Souvent elles accompagnent des sujets dont elles précisent la significa tion. En général, on peut dire que la couronne est le signe de la faveur divine qui accompagne dans leurs entreprises les héros, lutteurs, guerriers, etc. Il suffit de considérer le grand nombre de monuments de toute espèce où est représentée la Victoire couronnant un dieu ou héros "7. Un exemple curieux est celui de ce théâtre d'automates d'Héron d'Alexandrie, où la Victoire, mue par un mécanisme secret, apparaissait portant une couronne, au-dessus de Dionysos, dont l'apothéose était célébrée 328. Dans une merveilleuse horloge décrite par Choricius, de Gaza, Hercule recevait à chaque heure, et pour chacun de ses douze travaux, une couronne qu'un aigle automatique venait lui déposer sur le front 229. Une couronne ou une bandelette sont quelquefois simplement placées auprès d'un personnage. C'est là le symbole d'une lutte, d'un combat, d'une entreprise dont l'issue fut heureuse. Il se peut même que la couronne marque seulement l'attente du résultat heureux; bien plus, elle n'est quelquefois qu'un encouragement, une excitation à vaincre dans des scènes dont l'issue funeste n'est pas douteuse, comme on le voit dans cette peinture de vaze où, avant le combat, Thétys offre une couronne à Achille, et Eos à Memnon, qui cependant doit périr'''. VI. Couronnes, récompenses militaires. Les victoires, soit sur terre, soit sur mer, étaient l'occasion de remercier les dieux par l'offrande de couronnes déposées dans e urs temples ; et quelquefois aussi ces couronnes, à Rome ou en Grèce, ont été un hommage direct de la reconnaissance des peuples envers un général vainqueur. Nous avons vu un général athénier , Conon, déposant une couronne dans le temple d'Athéné en souvenir de la victoire qu'il venait de remporter sur les ennemis de sa patrie. Un inventaire des richesses du même temple atteste le dépôt d'une couronne d'or offerte par le Lacédémonien Lysandre, qui semble bien être le vainqueur des Athéniens221 D'autre part, après la bataille de Salamine et la retraite des Perses, lorsque les Spartiates furent revenus à La COR 1534 COR cédérnone, ils décernèrent solennellement à Thémistocle une couronne d'olivier 232, de même que plus tard ils honorèrent d'une couronne d'or Brasidas qu'ils considéraient, pour ses premiers succès dans la guerre du Péloponnèse, comme le libérateur de la Grèce 233 Une couronne de laurier en or, faite de feuilles très légères et d'un caractère évidemment funéraire (fig. 2004), est adaptée à un casque de bronze provenant de la grande Grèce, actuellement au Louvre. Nous reproduisons à côté de celle-là une couronne de laurier en bronze trouvé dans un tombeau près de Naples, qui appartient aujourd'hui au Musée d'artillerie de Paris (fig. 2005). A Rome, dans les pompes triomphales, on voit des licteurs porter des couronnes, destinées à Jupiter Capitolin, par les villes récemment soumises. Ces couronnes étaient au nombre de quarante-cinq lors du triomphe de Manius Acilius Glabrio sur Antiochus et les Étoliens 234. Si dans les triomphes l'usage fut fréquent de jeter des fleurs sous les pas du général victorieux, même d'en fixer au mur de sa maison Eau, c'est que cette cérémonie était à la fois une solennité religieuse et une fête politique. L'usage avait les mêmes causes chez les Romains que chez les Grecs. On voyait des soldats couronner hâtivement de lierre et de laurier la tente du vainqueur ou ceindre eux-mêmes des couronnes 232On orna de lauriers (laureolae) jusqu'aux javelots des soldats préludant à la victoire 23, Nous retrouvons l'olivier ornant le triomphe de PaulÉmile 238. Pendant le dénombrement des chevaliers, qui tous les ans se faisait à Rome aux ides de juillet, chacun d'eux se présentait à cheval, le front ceint d'une couronne d'olivier. Il faut distinguer la couronne du triomphe de celle de l'ovatio 239: celle-ci (corona ovalis), plus modeste, fut empruntée aux rameaux du myrte, symbole de paix et d'union. Pline 240, en parlant de Postumius Tubertus qui en eut le premier l'honneur, en donne cette raison : « quoniam rem leviter sine cruore gesserat. u Cependant Aulu-Gelle 2i1, parmi les circonstances qu'il énumère, dans lesquelles l'ovation était décernée, signale les victoires contre les pirates ou les esclaves révoltés; ces dernières étaient assurément sanglantes, mais elles n'étaient pas considérées comme actes de guerre déclarée, et n'avaient pas besoin de la purification dont le laurier était l'emblème. Crassus, après sa victoire sur les esclaves fugitifs, devait triompher avec la couronne de myrte; il la rejeta et obtint un sénatusconsulte qui substituait le laurier au myrte. La signification de la corona ovalis était alors peut-être oubliée, et elle ne paraissait qu'un honneur moindre. C'est le laurier qui fut réservé au triomphe. Il est probable qu'à l'origine ses rameaux étaient regardés comme des emblèmes purificateurs qui effaçaient la trace du sang versé [ARBORES SACRAE]. Dans les pompes triomphales, quand le vainqueur montait au Capitole pour consacrer sa couronne à Jupiter [TRIOMPeus], tout se trouvait réuni, non seulement pour convier le peuple àla joie, mais encore pour honorer les dieux et le peuple romain luimème : témoin les offrandes faites aux divinités tutélaires de la Ville éternelle, ce qui n'était en réalité qu'un hommage rendu à la suprématie de Rome. On lit, en effet, plusieurs fois chez Tite-Live, qu'avant de faire alliance avec Rome, un peuple jadis ennemi commence par vouer une couronne d'or à Jupiter Capitolin. L'offrande était proportionnée à la richesse du nouvel allié. Les Latins, les Herniques, les envoyés du roi Attale n'agissent pas autrement. Dans les provinces éloignées, plutôt que d'adresser la couronne au Capitole, on abrège la distance en l'offrant au général qui commande l'armée romaine. Lorsque, à la fin de la première guerre contre Mithridate, les partisans de ce prince l'abandonnèrent, son fils Macharès envoya une couronne d'or à Lucullus 242, en sollicitant le titre d'allié des Romains. Paul-Émile, pendant son triomphe, fit porter à Rome quatre cents couronnes d'or qu'il avait reçues des villes conquises par ses armes 2'`3. Avant la première guerre Punique, les Carthaginois eux-mêmes, quand il était de leur politique d'entretenir des relations courtoises avec Rome, font déposer au Capitole une couronne d'or, en félicitation des victoires remportées par la république sur les Falisques et les Latins 244 ; et plus tard, vers l'apogée de la puissance romaine, lorsque le consul Manlius, en achevant la défaite d'Antiochus et en soumettant les hordes d'origine gauloise, eut pacifié l'Asie Mineure, les villes reconnaissantes lui adressent à l'envi des couronnes 245. On sait d'autre part que des couronnes furent quelquefois envoyées en présent avec d'autres insignes par les Romains à des rois en marque d'amitié et d'alliance. L'usage se perpétua en se transformant, et prit peu à peu un caractère fiscal. Les couronnes d'or offertes par les peuples vaincus furent considérées comme un tribut régulier. On les voit encore au bas empire exigées de Théodat au nom de Justinien2ss. Cet abus a été constaté surtout dans les provinces romaines, où il tourna en exactions trop faciles à commettre pour des chefs qui disposaient de grands commandements [AURUM cORONARTUM] ; mais il avait des racines anciennes, même en Grèce ; car, après la terminaison de la guerre du Péloponnèse, Lysandre envoyait à Sparte, en même temps que l'argent qu'il avait pris dans Athènes, des couronnes que ces alliés lui apportaient à l'envi comme consécration de sa victoire 2". On doit penser que de pareilles offrandes destinées à être réalisées n'allaient pas le plus souvent grossir les trésors des temples ; mais, comme on l'a vu, en Grèce par l'exemple de Lysandre et de Conon, à Rome par l'usage constant des triomphateurs, des couronnes y étaient dédiées par la piété des vainqueurs à la guerre aussi bien que dans les COR 1535 COR jeux. De telles habitudes eurent pour résultat d'accumuler, dans les grandes capitales du monde antique, des richesses considérables, sortes d'archives à la fois religieuses et patriotiques, qui excitèrent souvent une cupidité sacrilège. Verrès ne fut pas le seul à en donner l'exemple, suivi par les malfaiteurs que Cicéron nomme praedones religionum. Ces faits ont été assez communs pour provoquer de bonne heure un dicton populaire : o Tà des sacrilèges. » La cupidité ne fut pas le seul mobile de ces actes réprouvés par tous les hommes honnêtes : quand Néron ordonna d'enlever les couronnes consacrées pour en décorer son palais et sa chambre à coucher, et de fondre les statues des dieux', il faisait ainsi du Palatin le centre à la fois religieux et politique de l'empire, et affirmait publiquement sa volonté de s'attribuer les honneurs divins. Le droit de paraître aux fêtes couronné de laurier appartenait à tous ceux qui avaient reçu la couronne comme récompense publique 250. 11 fut permis par privilège spécial, à Pompée le premier 25', puis à Jules César et à Auguste, de porter la couronne d'or des triomphateurs, d'abord au théâtre et aux jeux252, puis sans distinction de temps, ni de lieu25s Cette couronne n'était pas encore devenue le signe de l'autorité souveraine. C'est le bandeau seul qui l'attachait que les tribuns firent arracher à la statue de César, parce qu'il ressemblait trop au bandeau royal [DIADEMA], et que celui-ci affecta toujours de refuser 256. Sur les monnaies, les empereurs paraissent constamment parés de la couronne de laurier. On y voit aussi la couronne radiée, qui alterne avec la couronne de laurier à partir de Caracalla (fig. 2006), mais que déjà Néron avait prise avant lui 250. C'était encore une manière de s'attribuer les honneurs divins ; car la cou ronne radiée, qui commence à apparaître au Ive siècle sur les monnaies des successeurs d'Alexandre, n'avait été jusqu'alors placée que sur la tète des dieux et des héros divinisés 256, quelquefois sur celle des personnes prenant part à une cérémonie de leur culte 257. Les empereurs ne ceignirent le diadème que depuis Constantin. Une autre forme de l'adulation officielle sous les empereurs, fut d'inscrire dans le cercle d'une couronne les voeux qu'on renouvelait tous les cinq ans pour la prospérité de leur règne, ce qui conduisit à désigner ces voeux Pour revenir aux couronnes, récompenses militaires, elles étaient comprises parmi les clona militaria, dont le général récompensait ses soldatsR58 ou dont les soldats honoraient leur général vainqueur. On les portait solennellement en tète du cortège qui ramenait à Rome l'armée triomphante 25s La plus éclatante de toutes ces récompenses était la plus simple, la couronne de gazon, (corona graminea), la plus rarement obtenue aussi, que méritait seul le sauveur d'une armée en péril ou d'une ville assiégée260. Dans le second cas, on la nommait obsidonialis. La simplicité de cet emblème se rattache aux plus anciennes conceptions des Romains. L'herbe représentait ici le sol conquis, d'où le proverbe a herbam do », ce qui équivalait à dire : a Je suis battu 26' » Parmi les généraux illustres qui furent honorés de la couronne de gazon, on cite Siccius Dentatus, Publias Decius Mus, Fabius Maximus, auquel elle fut décernée par le suffrage réuni du sénat et du peuple, le plus grand exemple peut-être de reconnaissance publique que nous présente toute l'histoire romaine. Sylla, qui avait aussi reçu cette couronne de son armée, après la bataille de Nola, se fit peindre couronné de cet emblème de victoire, dans sa villa de Tusculum. Auguste en fut gratifié par décision du sénat561; et d'autres empereurs après lui. On pense qu'il faut reconnaître la corona graminea sur un casque en bronze argenté, conservé à l'Antiquarium de Stuttgard et qui a dû appartenir à un officier des armées impériales (fig. 2007). Ce casque af fecte la forme de la tète humaine. P Au sommet, par derrière, on voit Fig.2007.-Couronnedegazon. une petite couronne consistant en une double torsade, liée en bas par un cordon et fixée en haut par un fleuron 28' La couronne civique (civica, a cive servato et servatore) la plus précieuse de toutes les couronnes après la précédente, était conférée à quiconque avait, de sa main, arraché à l'ennemi un citoyen romain, à condition que le sauveur fût citoyen lui-même, que le fait eût eu lieu sous les yeux du général ou lui fût attesté par le citoyen sauvé, et sur un sol conservé ou conquis. Elle fut faite d'abord du feuillage de l'yeuse, plus tard d'un rameau du chêne aesculus, l'arbre sacré de Jupiter. On la voit (page 438, fig., 536) placée sur la tète d'un centurion, dans l'effigie qui décore son tombeau 26i. Ceux qui l'avaient méritée étaient autorisés à la porter toute leur vie ; elle honorait ainsi leur personne, et mème leur famille et leur postérité. Quand le soldat décoré entrait au cirque ou au théâtre, tous les assistants devaient se lever à son approche, mème les sénateurs, près desquels il pouvait s'asseoir. Cette récompense l'exonérait des charges publiques, ainsi que son père et son aïeul 265. Coriolan en fut honoré l'un des premiers 266 ; Siccius Dentatus la mérita quatorze fois 287; M. Manlius Capitolinus six ou huit fois268. Le palais des Césars avait sa porte ornée d'une couronne de chène entre deux branches de laurier. Les lau COR 1536 COR riers devaient perpétuer les souvenirs du triomphe; la couronne de chêne celui de la clémence d Auguste 259. On voit (fig. 2008) sur une monnaie de L. Caninius Gallus 270 la porte du palais surmontée de la couronne représentée. La couronne de chêne entre les deux branches de laurier se voit aussi sur un grand nombre de monnaies24' avec la légende oB CIVES SERVATOS (fig. 2009). Elle orne le buste de plusieurs empereurs 272 La couronne murale (corona muralis) 273 était accordée par le général au guerrier qui avait, le premier, donné l'assaut à une forteresse défendue par l'ennemi : c'était le prix de l'assiégeant. Hostus Hostilius l'avait reçue, dit-on, pour la première fois, des mains mêmes de Romulus, au siège de Fidène 274. Elle fut de bonne heure en or, et elle figurait un retranchement crénelé27g, comme celle que les auteurs attribuent à Cybèle, aux villes, aux pays personnifiés, et dont on peut se faire une idée par de nombreux monuments 276. Sur une monnaie de la famille Sulpicia "7, Agrippa est représenté la tête ceinte à la 1 fois de cette couronne et de la couronne navale (fig. 2010)• Un casque trouvé en Angle terre en 1796 en offre un s autre exemple (fig. 2011). Ce Fig 2011. Couronne murale. casque, qui est en bronze, a une visière rabattue qui reproduit les traits du visage ; au-dessus du front, est figuré comme un diadème un mur crénelé et garni de tours 278. La couronne dite castrensis ou vallaris 2T", qui figurait un retranchement, était obtenue par le guerrier qui, pendant le combat, avait le premier pénétré dans le camp ennemi. Parmi ceux qui en furent honorés, on peut citer Manlius Capitolinus 2so Le dictateur Aulus Posthumius, qui s'empara du camp des Latins, près du lac Régille, décerna à celui qui avait le plus contribué à la victoire une couronne d'or faite du butin conquis (ex praeda28t). La couronne navale (corona navalis, classica ou rostrata) était décernée au guerrier qui, le premier 232 avait sauté à bord d'une galère ennemie. Les registres officiels de l'Etat (tabellae publicae) en gardaient la mémoire 233. Peu de personnes célèbres l'ont obtenue: on citeVarron, aprêsla guerre de Pompée contre les pirates; et Agrippa, après la guerre de Sicile 264. Les monnaies à l'effigie d'Agrippa offrent des types variés de la couronne navale. Les proues ou les rostres qui la caractérisent tantôt font saillie au-dessus du bandeau, comme des fleurons (fig. 2012), tantôt en haut et en Fig. 2012. _ couronne rostrale. bas, comme des feuillages allon gés ego. Sur une monnaie d'Agrippa posthume, ce sont des feuilles d'ache (fig. 2013) qui sont disposées de manière à imiter les proues des vaisseaux286. Les flatteurs, tels qu'Ovide 287, représentaient la Paix couronnée du feuillage d'Actium (frondibus actiacis); et ce furent aussi des flatteurs, sans doute, qui après l'expédition de Claude en Bretagne, l'engagèrent à fixer une couronne navale au Fig. 2013. sommet de son palais 250, à côté de la Couronne rostrale. couronne civique comme pour attester la victoire qu'il avait remportée sur l'Océan. L'usage de décerner ces récompenses militaires dura presque aussi longtemps que l'empire ; car Ammien Marcellin 289 nous les montre accordées par l'empereur Julien. En Grèce aussi, le général qui avait, le premier, cerné de sa flotte une île 290 occupée par l'ennemi et s'en était emparé recevait une couronne. De tout ce qui précède il résulte que l'usage des couronnes est étroitement lié à la religion, aux superstitions, aux moeurs publiques et privées de la société païenne. Il n'est donc pas étonnant qu'une telle coutume ait été d'abord réprouvée par les chrétiens. Aussi voyons-nous Tertullien, dans son livre spécial de Corona militis, s'appliquer à montrer avec une érudition qui semble aujourd'huipuérile, que les livres saints ne présentent aucune trace de l'emploi des couronnes, emploi uniquement justifié chez les païens par des légendes mensongères, et rattaché toujours plus ou moins directement au culte des idoles. Saint Justin et Minucius Felix ne se défendent pas de toute imitation des usages païens à cet égard'. Mais, comme il est arrivé pour tant d'autres symboles, le christianisme s'appropria peu à peu la couronne comme symbole du martyre, ou simplement comme signe d'une vie passée dans la pratique des vertus chrétiennes. Nous en avons donné quelques exemples ; mais nous n'avons pas à nous arrêter sur cette partie du sujet. Pour la coutume qui s'est perpétuée depuis les premiers temps de la république jusque sous l'empire, de COR 1537 COR placer une couronne sur la tête des captifs que l'on vendait comme esclaves après la guerre, d'où l'expression « sui) corona venire » [voy. SERVI]. Nous ne terminerons pas cet article sans rappeler que, par une métaphore gracieuse, on a comparé à des fleurs réunies en guirlande ou en couronnes les petites poèmes dont se compose une anthologie: les préfaces que Méléagre de Gardare et Philippe de Thessalonique ont mises en tète de leurs anthologies, ne sont que le développement, plus ou moins heureux, de cet emploi métaphorique du mot couronne. Euler EGGER, Dr Eue. Fousat»R. I1. CORONA, Koptoa(g. Terme d'architecture. Ce nom est donné tantôt à la corniche tout entière, soit qu'elle termine un mur à sa partie supérieure, soit qu'elle fasse saillie dans son développement à une moindre hauteur"', c'est avec cette large acception que le mot xoptov(ç parait avoir été employé par les Grecs '', tantôt à 1m membre seulement de la corniche, à savoir la large plate bande, encore appelée couronne par les architectes, qui s'avance sous le toit en faisant une forte saillie sur l'entablement 13 (fig. 2014). E. S.