Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article CREAGRA

CiIEPICULURI, Ornement de tête des femmes, connu seulement par un texte de Festus, d'après lequel le none viendrait du bruit que faisait cette coiffure quand on se remuait : « id enfin itt cepitis motu crepi.tum facit rr. L'orthographe même du mot est douteuse'. E. S CREPIDA, CPIEPt13ULA, Kps5i'niç t. Ce genre de chaussure a été porté en Grèce et en Italie; c'était une partie essentielle du costume national des Crees; tuais à Rome, il n'a été accepté que comme une mode étrangère. S'il est donc vrai que le nom de et'epide a duré plus de dix siècles, il n'est pas moins certain que pendant ce long espace de temps il a dû s'appliquer à une assez grande variété de chaussures. Aussi est-il important d'établir autant que possible une suite chronologique dans les renseignements que nous avons sur le sujet. En Grèce, le plus ancien témoignage est celui d'Hippocrate ', qui recommandait à ses contemporains de porter des chaussures « munies de plomb, assujetties extérieurement par des liens et ayant les mêmes proportions que les trépides de Chio, » II s'agit probablement d'une lourde chaussure de paysan, propre à faire de longues marelles, dans laquelle les clous de la semelle étaient remplacés par des lamelles de plomb, comme on en voit encore aux pieds des paysans dans certaines contrées de la Grèce moderne. On doit sans doute se figurer sous une forme analogue, puisqu'il s'agit d'un contemporain d'Hippocrate, la fameuse sandale d'airain (ct'epidula aerea) du philosophe Empédocle, que les flammes de l'Etna avaient rejetée 3. Au v° siècle, c'est encore sous forme de chaussure à semelles très épaisses, et de couleur blanche, que nous devons nous figurer un certain genre de trépide, s'il est vrai que Sophocle ait donné ce nom à un brodequin destiné aux acteurs : ce n'est peut-être alors qu'une variété du coTRURisUS, et elle est, en effet, définie par un autre auteur anonyme comme un ûréê ge âviptxov à semelle très élevée'. Au temps de Aénophon, les crépides sont en cuir simple, comme les i mat des cavaliers e. L'aventure d'Apelle' avec le savetier qui critiquait un de ses tableaux nous apprend en outre que dans les crépides il y avait un nombre réglementaire d'oeillets ou de boucles (an,væ) destinés évidemment à des Iacets qu'on nouait sur le pied. Chez les Macédoniens elles font partie du costume national des hommes 3, et les semelles en sont garnies de clous 9; c'est une chaussure militaire, propre à la marche, usitée encore au second siècle av. J-C. dans les armées syriennes 1i; le même détail des clous sous la semelle résulte d'un passage de Pline sur la découverte de l'aimant par un pâtre du mont Ida". Les compagnons d'Aratus, au moment de s'emparer de Sicyone, dénouèrent leurs crépides pour marcher sans bruit dans la nuit, ce qui prouve qu'il s'agit encore ici d'une chaussure à liens Dans les Syracusaines de Théocrite, on voit que la foule des hommes, qui se pressent dans les rues d'Alexandrie, sont chaussés de crepides 13. Les cavaliers thessaliens CRL 1558 -C l'Ir portaient la creoide assujettie osr une lanière de cuirrouge qui se nouait au-dessus de l e cheville i~. Pollux la définit anS.'i tomme un 9ciptlli.a air pu': ver tai;v D'un autre côté, il est certain que chez les Grecs la erépide a été parfois une chaussure de luxe et. de repos, qui par conséquent devait avoir une forme différente de la, lourde crépide des soldats ou des paysans. Déjà au vie siècle on avait considéré comme un. signe de mollesse de voir l'archonte des Crctoniatcs après la prise de Sybaris, s'habiller de pourpre, porter une couronne d'or et chausser des crcpides blanches °°. Athénée noms parle d'un poète qui, voulant faire l'élégant, s'habille d'étoffes blanches, porte une couronne d'or, « et maintenant, il met des trépides 17 (vûv li xprtrzïat), tandis qu'autrefois il avait des chaussures ordinaires (iiaoiSriipaiv). .» De même Lucien, dans les conseils ironiques adressés à l'apprenti orateur, recommande comme chaussure élégante la YLcclc 'A'eetxr'j, ordinairement portée par les femmes i2. L'épithète de o),aa,ti c qui suit semble indiquer que l'empeigne de cuir était coupée par une série d'entailles qui devaient former un réseau sous une partie du pied. En somme ces textes ne nous apprennent pas en quoi cette crépide différait de la chaussure rustique et militaire; il est possible que l'élégance fut tout entière dans la minceur de la semelle, la souplesse du cuir et la richesse des ornements. Notons le renseignement que nous donne Parthénios sur un certain Xanthos de Milet qui avait caché une grosse somme d'argent dans les trépides de ses esclaves d9. 11 est difficile de ne pas admettre ici une chaussure fermée, ou du moins munie d'une empeigne assez haute. A Rome, c'est Plaute qui le premier fait mention de cette chaussure sous le nom de crepidula, mais il faut dire que dans sa pièce elle est portée par une femme étrangère 2P. On sait que l'importation des modes grecques, qui fit invasion dans la vie privée des Romains dès le m° siècle, ne s'accomplit pas sans résistance et que la majorité des citoyens les repoussèrent longtemps comme indignes de la gravité nationale. Les ennemis de P. Scipion l'Africain, pendant qu'il était en Espagne, lui reprochèrent de se montrer en public avec le pallium et les crepidæ, c'est-à.dire avec un costume qui n'avait rien de romain ni de militaire 21. Au milieu du 1` siècle avant notre ère, Cicéron était obligé de justifier son clientRab_rius Postumus d'avoir porté le costume grec, en rappelant qu'on voyait dans le Capitole rnênue la statue de L. Scipion l'Asiatique, vêtu d'une chlamyde et chaussé de trépides u. Lui-même d'ailleurs avait blâmé sévèrement Verrés de s'être montré, lui, préteur du peuple romain, avec le costume grec et des soierie, chaussure analogue à la crépide 2' [sonna]. Sous l'Empire, la mode grecque fut adoptée par les plus hauts personnages et même par les empereurs. Tibère, renonçant au costume national, se mit à porter le pallium et les crépides 2s ; Germanicus se montrait en costume grec avec les pieds découverts n.i (pedibus intectis), c'est-à-dire avec la crepida ou. la solea; Caligula, outre la bottine militaire qui lui fit donner son surnom, avait adopté toutes sortes de chaussures grecques, entre autres le crépide 'h La préférence de Néron pour l'habillement grec est bien connue'. Plus tard Domitien assista diiepiclutus aux jeux qu'if avait institués "8. Au temps de Pline les élégants ornaient de pieri eriesleslanières (obstragala) de ces chaussures" [comma_ Fi Malgré ces exemples venus de haut, il semble lue l'esprit publie à Ruine ait toujours assez mal accueilli ces changements introduits dans le costume national ; habitué qu'if était au cvLeras qui en fermait entièrement le pied deus une espèce de bottine, ïl]ni semblait qu'un Romain avec les pieds à demi nus dans des trépides, couvert d'un simple pallium, était à moitié dévetu. Nous en avons la preuve dans l'histoire racontée par Aulu-Gelle sur le philueoplie Cautricius, contemporain d'Hadrien, qui, rencontrant dais la rue, un jour de féte, quelques-uns de ses disciples, perrsonnage, consulaires, chaussés de GriLU:AE, leur reproche d'aller ainsi, suleatospernabis vinas. Ladi,cueuioi.s'engage entre les jeunes gens sur l'emploi du terme solen. appliqué à des gallicae; mais on reconnalt que Casirieius s'est bien exprimé, attendu que le nom de salsa s'applique à tous les genres de chaussures qui couvrent seulement le plante du pied et le bas du talon, laissant le dessus du pied nu, avec un lacis de minces cordelettes, et qu'on appelle aussi d'an nom grec crepidulae. Quant à gallicae, c'est un nom nouveau qui a pris naissance au temps de Cicéron; mais, en réalité, le vrai nom est crepida ou crepidula, que les Grecs appellent xp')•aiç 30. D'après ce passage très important, nous voyons qu'à cette époque on ne faisait guère de différence entre les soLEAE, les GALLICAE et les crepidae. De plus, cette chaussure allait avec un extérieur négligé ; c'était, comme nous dirions, sortir dans la rue en pantoufles 2S, Philos-traie n'est pas éloigné de celte idée, quand il dit que les zpr,rrièss, comme les cave).in., £A«uiiix et: zéèiàs scat des chaussures de malades ou de vieillards u. Il faut cependant mettre dans une catégorie à part, comme une forte chaussure de soldats et de paysans, la crepida c rab alement empruntée aux Grecs, mais qui recouvre f't le dessus du pied au moyen d'une feuille de cuir, maintenue par des bandelettes à la façon de certaines chaussures italiennes modernes [CAisBAPINAj 82 On voit qu'en somme, avec quelques variétés inévitables de forme, la crépide a gardé les mêmes caractères chez les Grecs et chez les Romains. Nous pouvons nous la figurer, en général, comme une semelle forte de cuir, souvent munie d'une empeigne qui garantit le talon et dans laquelle sont pratiqués les œillets destinés à des liens de cuir qui couvrent le dessus du pied et qui se nouent sur la cheville on méme plus haut. Cette description, il est vrai, pourrait s'appliquer à un grand nombre de chaussures d'aspects très divers que nous voyons sur les monuments; mais parmi celles-ci, nous pouvons éliminer les formes dans lesquelles on a reconnu les BAXEAE, la CALIGA, la eaRBATIN,r, le SANDALIUM, la SOLES, etc. Reste alors un genre de chaussures, très fréquent sur les monuments, qui tient le milieu entre la solen et la earbatina. et que nous croyons être la erépide; elle est moins simple que la salez, parce qu'au lieu d'être maintenue par un ou deux liens sur le cou-de-pied, elle est attachée par un réseau de lacets qui monte jusqu'à la cheville, ou même plus haut et qu'elle possède parfois une empeigne qui CHE ---MP,.'S _-. CRE garantit le talon et le bord du pied; elle est, moins compliquée que la, carbatina, car l'empeigne ne retient pas couvrir les doigts de pied, qui restent toujours visibles. Enfin on remarquera que ce genre de chaussures est celui que les statuaires donnent de préférence aux dieux, aux héros et aux personnages illustres de la Grèce, ce qui est bien conforme au caractère essentiellement grec et national que nous avons vu attribuer par les auteurs à la trépide. Quand elle fait partie du costume d'un personnage romain, par exemple d'un empereur, on constate ordinairement, par le reste du costume, qu'il est habillé à la grecque 3`. Les spécimens grecs du ve siècle montrent la trépide sous la forme la plus simple, voisine de la solea; le pied nu reste visible dans son entier sous un réseau peu compliqué de liens qui ne s'élèvent pas plus haut que la cheville ; c'est ainsi qu'elle apparait sur les vases à figures rouges de style sévère; les doigts de pied sont simplement maintenus par une mince courroie, et le talon couvert par quelques liens qui se rattachent à la semelle (fig. 2052) au ; ailleurs même les doigts de pied restent complètement libres (fig. 2053)". On remarque des courroies de cuir rouge dans les crépides portées par Thésée sur une coupe d'Euphronios 37. La forme en est déjà plus compliquée sur le grand relief d'Eleusis, ois l'on voit le jeune Triptolème avec des crépides formées d'un réseau de lanières de cuir (7[onuuy f ég) qui maintiennent solidement tout le pied (fig. 2054) -b La plastique du Ive siècle nous fournit un document très intéressant qui est le pied même de l'Hermès de Praxitèle trouvé à Olympie ; les doigts y sont tout à fait libres ; le talon et le milieu du pied sont couverts par un lacis de lanières de cuir dont les extrémités sont assujettiesàunetrèslé gèreempeignequi court le long du pied au-dessus de la semelle (fig. 2035) se On remarquera aussi l'ornement en forme de feuille qui couvre le dessus du coude-pied ; cette languette ('ïgula) se retrouve plus tard dans un grand nombre de statues ; elle permettait de serrer fortement les bandelettes sans blesser le pi sur le marbre fi t ll mpie, ces bandelettes étaient dunes p... crépides tour ti fait analogues se vos' et dans T; Diane de Gables 4 et rie la plane à la biche du ` .uvre (fig. 2056) e1; on y voit en plus une courroie qui passe sur Les doigts de pied. Cette même chaussure avec des détails plus nu moins compliqués se retrouve dans beaucoup de statues d'tSpoilon'2. Sur les vases peints à figures rouges du Ive siècle, l trépide portée par les éphèbes grecs présente les mêmes caractères ; mais le réseau des liens est beaucoup plus serré sur le pied, et les lacets d'attache montent très haut sur la jambe, jusqu'au mollet; telle est la chaussure du berger Euphorbe tenant dans ses bras le petit OEdipr (fig. 2057) 4V; on y voit_ très nettement la courte empeigne qui garantit le talon et d'où partent de longues bandes de cuir (anse) dans les quelles s'engagent les liens qui è couvrent le pied et s' emo' leit au tour de la jambe. Cette forme est e (I extrêmement fréquente sur les peine tures de vases"; on la voit aussi sur des statues °s. Ce sont des crépides de ce genre que devaient porter le éphèbes de la frise des Panathénées sur le Parthénon 20 crepide d'op ohe quelques-uns ont le pied posé su 6 me borne et font le geste de noue les liens de leur chaussure au-dessous du mollet; ruai le détail même de la chaussure, qui devait être peint sur le marbre, dispa.ru'`e, lies lécythes blancs attiques en offrent quelques spécimens assez nets ", Nous avons vu plus haut que les crépides faisaient partie du costume national des Macédoniens, et, en effet, ce sont bien ces mèmes chaussures que nous voyons aux pieds de l'Alexandre à. cheval trouvé à Herculanum 48. Nous revenons à des `ormes plus simples avec les terre cuites grecques de lpoque alexandrine ive ; les cordons d'attache ne s'élèvent pas au-dessus de la cnevilr On rer rqr. généralement entre l'orteil et le second doigt, un ornement t,n saillie qui passait entre ces deux doigts et qui servait d'attache aux courroies liées sur le pied. C'est aussi la disposition qu'or: remar que souvent sur les statues, par _.~ exemple pour les chaussures de Dirké dans le groupe du taureau crépis, Farnèse ". Quelques petits vases de terre cuite, en forme de piedchaussé, provenant de Grèce ou d'Italie, donnent également unir rdr,r, très nette du système de courroies attachées sur le pied fig. 2058, 2059)"; on y voit mémo figurée les clous de la semelle dont parlent les auteurs )fig. 2017). CItE -1fi60 CItE Les mémos formes, avec des modifications peu importantes, se retrouvent dans les nombreuses statues de la plastique gréco-romaine que possèdent les musées d'Europe. Le' crépides sont portées par les dieux et les deeoccS , par les poètes, les philosophes et les orateurs C'est eh idcmmcnt la chaussure nationale la plus usitée chez les Grecs. Quant aux personnages romains, lorsqu'on es voit chaussés de la crépide, c'est que le reste du costume est à la grecque, comme on le voit dans plusieurs représentations d'empereurs°6; nous en donnons comme exemple le pied d'une belle statue de l'empereur Auguste qui est d'un modèle purement grec (fig. 2060 et 2061) °. Nous devons signaler moi quelques formes de chaussures que, faute (l'une dénommalion plus précise, nous rattacherons a la crépide, niais qui s'en éloignent par certains côtés. De ci' nombre, par exemple, est la chaus • ,sure (fig. 2062) de la célèbre statue qu'on appelle Jason " il est vrai l) i 1 que les doigts y restent k décou F,. so62.-r.hasss iredujoson. vert, mais de chaque côté du pied s'élève une empeigne très haute, de cuir fort. (lui enveloppe le talon et la plus grande partie du pied comme dans une chaussure fermée ; de larges liens serrés soir le cou-de-pied complètent cette ressemblance. On trouve aussi une chaussure du m'tne genre dont l'empeigne couvre meme complètement le dessus du pied en ne laissant libres que les doigts; cette forme est bien grecque, cal' elle est donnée dans la statuaire (s des divinités comme Jupiter et Esculape, à oies hommes comme Démosthène et, dans les peintures de Pompéi, à des héros mythologiques50. Mais comme elle ne répond pas très exactement à. la caractéristique de la crépide, qui est oie laisser le dessus du pied toujours ol'couvert, ce n'est qu'avec une certaine réserve que nous admettrions ces deep( formes comme oies variétés du type que nous étudions. Nous n'avons rien dit de l'emploi de la crépide chez les Étrusques, en l'absence de documents précis sur ce sujet. Nous devons dire pourtant qu'on remarque sur certaines peintures des tombes etrusques de Vulci des personnages chaussés de sandales qui laissent les pieds nus sous un réseau de lanières de cuir assez semblable à celui des crépides tIc l'époque grecque du v° ciècle En Grèce, le métier de fabricant de crépides est désigné par tin terme spécial, xprtIèoupyéc 63; de menne, à Remue,