Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

CRIMEN

CRIMEN. Cc mot, dérivé de cernere, en grec xss,,, signifie, dans une acception très générale, ce qui est soumis k la décision d'un juge. En effet, comme le fait remarquer le savant jurisconsulte et philologue Rein , la syllabe men ajoutée au radical cri exprime un état passif, comme dans regirnen, norneri, semen, etc. En droit criminel, crimen désigne par conséquent la cause, l'objet du procès, et le plus souvent, l'accusation, l'incrimination, sans laquelle pas de décision possible. Tel est le sens de cette expression lorsqu'on dit crintinis auctor, cririsinis delatio, doli crimen, et probare crimen . Dans d'autres textes, crimen indique le commencement de la procédure d'accusation, par exemple les mots 1NSCRIPTIO IN CRIMES, tandis qu'on réserve le terme accusatio pour désigner l'ensemble du procès . En outre, comme la base de l'accusation est une violation du droit, on a employé crt'men dans le sens d'infraction. Tous les auteurs classiques présentent une foule CRI 1569 CRI d'exemples de cette acception, et à plus forte raison le textes juridiques 4. Quelquefois le sens est douteux, c'est alors l'ensemble de la phrase qui doit indiquer si le jurisconsulte a entendu parler du délit ou de l'accusation; nous renvoyons à cet égard aux observations de Rein, dans son ouvrage déjà cité. Enfin dans une quatrième acception, crimen est pris pour l'ensemble de l'instruction, de la procédure relative à un délit, par opposition à la procédure civile [JUDICIUM Quelquefois on entend par crimen la culpabilité subjective de l'agent 0, comme synonyme de dolus, culpa, fraus; par opposition à crimen, on emploie le mot delictum, de delinquere7, c'est-à-dire, dans une acception ancienne, faute par omission ; mais ensuite toute déviation de la règle légale, toute infraction Parfois delictum n'indique qu'un fait matériel, abstraction faite de l'élément intellectuel, subjectif de l'infraction [CULPA, DOLUS, NoxA] 9. C'est pourquoi, en matière de délits privés, le mot delictum doit ètre préféré à crimen, parce que la lésion de l'intérêt privé résulte ordinairement d'un dommage matériel, dont on tient plus de compte pour l'application de la peine que de la perversité de l'agent. Quant aux mots offensa et nefas, le premier désigne une violation du droit; le second, la transgression du jus divinum. Relativement à la classification des infractions, le droit romain ne présente pas, surtout vers la fin, de système parfaitement déterminé. Seulement, dans la période républicaine, on distinguait les infractions en publiques et privées, suivant qu'elles donnaient lieu ou non à un judicium publicum, comme nous le verrons bientôt en détail. L'expression crimen s'appliquait aux premières, et delictum aux dernières. Mais plus tard, après le développement des pris l'un pour l'autre. Tous deux se distinguent des termes suivants : maleficium, qui indique tout méfait ; facinus, une action prise en bonne ou en mauvaise part ; flagitium, un acte honteux ; peccatum, un péché dans le sens moral ; probrum, fait ignominieux ; comneissum, contravention suivie de confiscation souvent °, notamment en matière fiscale ; ces divers mots appartiennent plus encore à la langue vulgaire qu'à la langue technique ; ils offrent en outre ce côté commun, qu'ils sont relatifs au point de vue objectif de l'infraction, par opposition à vitium, culpa, fraus, noxa et noxia, do lus, animus delinquendi, qui concernent plus spécialement la culpabilité ou l'imputabilité, élément intellectuel et subjectif de l'infraction. Scelus exprime, à l'un et l'autre point de vue, le plus haut degré d'immoralité, ou la violation d'un précepte juridique punie de peines très graves. Cela posé, nous devons présenter rapidement les divisions des infractions qu'admettaient en général les Romains, en nous attachant successivement à décrire les crimina ou delicta publica, privata, extraordinaria et popularia. Il faut croire que cette classification ne reposait pas II sur des bases bien nettement circonscrites, car les relations de ces quatre branches de délits donnent lieu à de grandes controverses entre les interprètes modernes ". Nous pensons, avec Rein, que le fondement de cette classification se rattachait moins à la nature du délit ou à celle de la peine, qu'à l'organisation et à la compétence du tribunal répressif, et au mode de la poursuite. Les Romains, en effet, s'étaient surtout préoccupés, dans l'établissement de ces quatre catégories, de distinguer et de séparer les tribunaux et différents modes d'accusations. Ce qui le prouve, c'est que la même infraction, le furtum, par exemple, pouvait être rangé parmi les delicta publica, ou privata, car la partie lésée pouvait le poursuivre extra ordinem, ou intenter une action privée contre le voleur ; d'un autre côté, la peine variait suivant la nature de l'action et du tribunal saisi. C'est donc une nomenclature toute pratique. 1. On appelait crimina publica`" les lésions d'un droit public ou privé, mais qui donnaient lieu originairement à une action portée devant le peuple, ou ses représentants, les commissions devenues ensuite permanentes [QuAESTIONES PERPETUAEj ; enfin, du temps de l'empire, devant les magistrats, en vertu d'une loi ou d'un sénatusconsulte i3. Au contraire, il y avait crimen extraordina7 iusn, lorsque la poursuite était soumise à un tribunal qui n'était pas organisé en vertu d'une loi 14. D'un autre côté, comme le droit d'accusation compétait à tout citoyen devant les judicia publica, ce caractère se perpétua après les changements de juridiction qui enlevèrent au peuple la compétence judiciaire ; et l'on continua de nommer crimina publica les infractions qui donnaient lieu à ce droit public d'accusation''. Plus tard, les noms survécurent par tradition à l'état de choses même qu'ils indiquaient. On trouve du reste plusieurs passages dans les textes où les mots crimen publicum, facinus publicum sont employés dans le sens indiqué 16. II. Les delicta privata 17 sont les infractions que l'on oppose aux crimina publica et qui ne donnent pas lieu à une accusation ouverte à tous les citoyens 1e. De plus, la poursuite, qui appartient à la partie lésée, ne repose pas sur une loi proprement dite, mais sur l'édit du préteur ou de l'édile, ou sur un plébiscite, par exemple celui qu'on appelle improprement la loi Aquilia. La connaissance en est portée au tribunal civil du préteur, et ils aboutissent à une peine pécuniaire dont profite la partie lésée, et souvent supérieure au dommage causé (parce que l'action est pénale ou mixte). Ces délits sont au nombre de quatre, anciennement prévus et punis ; dans les autres cas, on peut être tenu quasi ex delicto. III. Par opposition aux crimina publica, dont la répression a été organisée par une lex judicii publici, et qui sont nommés aussi legitima, on appelle cri-mina extraordinaria 19 les infractions poursuivies et punies, surtout au temps de l'empire, en dehors des lois et de la procédure ancienne, extra ordinem ou extra legem 20. En effet, on dit qu'une décision ou disposition a lieu extra ordinem, 197 lorsqu'elle se produit cont 'e lent aux. principe.; du droit commun, et notamment sous l'influence de l'usage, alors ndrme qu'une loi l'a sanctionné ensuite ;. Sous la République, on s'écarta rarement de, l'ordo C lfeionuin .'üxlicorum, si ce n'est es:'Lingers pres pour l'État. alors L' sénat r i1. L ie quaestio Aine-in", par exemple, à l'occasion des Btarcha ori du crime de Clodius, du meut tie e Csar, ou Mis s amis de Jugurtha d'après ta loi Mamilia; qu ,uehris, le sénat procédait lui morne extra ordinem, cc il le lit à l'égard des conjurés de Catilina, L'n.,v un général sur ses soldats et celui des tribunaux adrnin.is-. t :.tifs était es. dehors de l or do ''ud r o _.m (par exemple, e sénat en ce qui concernait les finances` ; il en était d; même du pouvoir des proconsuls et des gouverneurs, re' tlvement aux pirates et au : sis, Tuais sous fera_ pire, sénat et re praerectus lurent en possession de statuer .i criminel extra ondine --ans être tirés par les s existan.tes, qui per' a peu , uraly: a, les anciennes quoestiorc s perpetuae, conii'es au préteur -s. Insensiblement l'ancien ordo s'éteignit sous 1 i nd ieni;e de cette concurrence envahissante. On en vint à, ce point que les, magistrats s'arrogèrent le droit de punir les infractions venues à leur connaissance, sans aucune _forme préliminaire d'accusation, ni instruction r gulière, et mètre de eleguer cette juridiction a un tiers ^. Enfin, la révolution s'étendit même aux peines prononcées par les anciennes sois qui avaient organisé des ?udicia punira, relativement certains crimes. A cet égard, ni l'en_pereur ni. _ préfet la ville, ni même les autres magistral.: a, aient liés r le droit antérieur. lis a.tiuient la faculté d'ai . '.virer ou a ni f er la peine suivant les cir.onstanc , ce .ï n'eût irais été permis aux juges des quaestio c ae, Dés bries or_ punit extra ordznen les crrnc: de a l: irai de i'fc ou d'adultère, etc. Ainsi, juge erimhml et juta au criminel devinrent synonymes de juge et de juger , endurcie 2 , notamment par opposition à ce qui se pas. en matière civile. Seulement, il duper te de faire remarquer que les crimes prévus par les anciennes lois, .den, q» ' régis extra organe r quart a L'accusation, la procédure Ci peine, ne se nommaient _a,_ uordirn ae que sensu laie, s6. iiii. propre et striait, on réservait c roui i i° onux on prévus par les Mis anciennes, rrau7., que, nu ,a=gio lveau per ettait de punir comm immoraux et de dan eux exemple °1; id" e d'anciens délits privés, désormais .sidcres comme, cronina irrp, ^no, tBicancl, etc. s° pénalité en cette matière dériva soit d l'usage, soit ne sénatus-consultes ou arc, constitutions impériales, ou, par extension, de lois ~sannes, ad C'étaient des cri;usina niai Parmi la; crimes ,,.res, les textes mer.' rar. int cas de meurtres excusables ou involontaires, les magistrats relativement à, leurs fonctions, d'au iis contre la religion, la sorcellerie [nActa], l'affil! 'li n à des corporations prohibées [coLLLGIA rLLICITeI, le àèplacernent de bornes, la violation de sépulture, l'avortement, la t enta txve d'adultère, etc. si l~. Crimina iaopuiaria °a. Les interprètes modernes donnent ce no m à des deiîts privés, à raison desquels une action est ouverte non seulement u, la parsie lésée, mais curais ex populo spi. Mais les textes disent seulement que l a thon est popuaaris, et tend à une peine pécuniaire. Ce ;'ont donc plutôt des de icta peivate, traités d'une manière spéciale. On trouvait dans la table d'pléraclée cette formule Qui adt'_arsua ea ; ecerit, is sestertios... populo romano damnas esta sr`, et probablement aussi dans la t,ex PErerr'`nARU'l7. s5. Les actions pénales civiles ne se donnaient pas contre lus héritiers du délinquant, et ne duraient pas plus d'un an s6. Si le demandeur n'avait personnellement éprouvé aucun préjudice, la moitié de la peine appartenait à l'eaa .um, l'autre était dévolue a titre de prime au poursuivant. Lorsqu'au contraire l'action était intentée par la partie lésée, elle pouvait obtenir une réparation dépassant liai somme fixée par l'édit du préteur, En cas de coneurrence de plusieurs demandeurs non lésés, le préteur attribuait le droit de poursuite au plus habile 37. On trouve des exemples d'actions populaires dans les cas suivants altération ou destruction des édits du préteur portés à la connaissance du public au moyen d'affiches 39 ; dégradations causées aux voies publiques, aux places, aux arbres, auxagaeducs;r rntraveruon àladéfense de tenir des objets ucpendus au-dessus de la voie publique, et dont la chute peut être nuisible; dommages causés par e„Îtusuer puid set 'JeJec!um s détention d'un hoenmc libre s ; ouverture d'un 8.estamenit faite contrairement à l'édit du préteur." Cr. GUSMBEET. CR HE,'d EXIILAS'AE LIAEREI MTATIS. de Le vol de aloses appartenant à une hérédité jacente, axonduiaz adita sùareditas. fut puni au temps de l'empire par une accusation extraordinaire, enimen extraordinariutn 1 c'est;-dire étrangère aux anciens udicia pubiica. En effet., la notion de vol ne s'appliquais: qu'au cas de maniement d'ami chose t p 'laid à, m f _ 'du physiques ° ara ,'onlriur s'il s',rit d'une non encore acceptée eu d'objets hér .itaires, l'ancien droit', afin de hâter Frichtis iraerediteris qui devait prévenir l'interruption des sacra [ aerüliae, autorisait l'acquisition, même de mauvaise foi, de l'hérédité ou des corps héréditaires, par la posession prolongée, usucapie lueratiiva pro herede. Cependant un sénatusconsulte, rendu sur la proposition d'Hadrien, autorisa l'héritier â revendiquer, par une action fictive, les choses héréditaires usueapées ; et l'usucapion de l'hérédité CR0 C U O efle-nerr,e dans son ensemble avait déjà été écartée par les jurisconsultes'. Marc Aurèle alla plu' loin, et pour réprimer des abus criants, il fit voter un sénatus-consulte (Civette divi Marcs) qui introduisit une accusatio exu'ej ordinnn contre ceux qui dérobaient de objets héréditaires, ep1atio Jsaeredit,8tis, avant ou après Ie difion, mais avant la prise de possession par 1 héritier : car alors fi n'y e pas encore lieu ii l'a"tlon furti s. cIre intenté contre un c.oheritier, coproprietaire de l'hé,SclisO, sauf l'indemnité lors de l'action en partage, fesni' 'jar ertscvodae , ni contre la femme du défunt t; mais il pouvait l'être contre un beaupère, mtrrcus, ou une bellemèi e, norercat du reste, l'action exercée per l'un des cohéritiers profitait aux autres La poursuite avait lieu Ronce devant le .PIIEFPCTUS une, et en province devant le gouver7ocuc, P!sAeSr,s '. Quant b la peine, eue riait abandonnée à i'arbitrare du juge comme dans les autres ci mima extra CRD\'ALE [voy. aces, p. EI31. CRIOROLIUM [TauRoBosJueI].