Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

CURATORES ALVEI TIBERIS ET RIPARUM ET CLOACARUM URBIS

CURATORES ALVE! TIBERIS ET RIPARUM ET CLOACARUM URBIS. Une des principales attributions des magistrats chargés de surveiller le cours du Tibre consistait è déterminer, de chaque côté du fleuve, le terrain appartenant à la rive. Cette opération se faisait, sur une partie ou sur la totalité du cours, clans l'intérieur de la ville, à des époques indéterminées, quand des circonstances particulières l'exigeaient par exemple, une inondation, un éboulement, un empiètement des riverains, la nécessite de renouveler les bornes, etc. Après avoir déterminé, de chaque côté du fleuve, la largeur du terrain appartenant k la rive, les magistrats plantaient, de distance en distance, et k l'extrême limite de ce terrain, des cippes en pierre. Soir chacun de ces cippes etait gravée une, inscription mentionnant les noms et le titre spécial des magistrats, l'autorité de laquelle ils tenaient leur pouvoir, la longueur de la rive déterminée depuis le cippe le pins proche. Oit a retrouvé et oit consente dans les musées de home un certain nombre de ces cippes ; d'antres, aujourd'hui perdus, sont connus par des copies anciennes. L'examen de ces monuments et d'un très petit nombre d'autres textes épigraphiques suffira pour nous faire connaitre l'organisation impériale de la clora alvci l'ibenis, et les différentes modifications qu'elle a subies. Nous allons exposer rapidement les délimitations de la rive connues par les inscriptions; nous en déduirons ensuite les faits propres à nous renseigner sur cette partie de l'administration romaine. En l'année 700 = 34 av. J.-C.), les censeurs M. Yalenus Messala et P. Servihius Isaunicus delimitèrent tes rives du Tibre, ex sertatsos consulto t Cette opération parait avoir eu pour cause l'inondation qui, suivant Dion, dévasta Rome la même année 2 En 746 (=8 av. J.-C.), bis consuls de l'année, C. Asinius CatIns et C. Marcius Censorinus, délimitèrent les rives du Tibre ; comme les censeurs, ils le firent ex sestatcis consulta'. L'année suivante, Auguste fit lui-même une nouvelle délimitation, ou acheva celle qu'avaient commencée les consuls de l'année 746. Comme eux, il agit en vertu d'un sénatus-consulte6. C'est k ce CUR 1624 CUR fait que se rapporte le passage de Suétone d'après lequel Auguste aurait cherché à prévenir les inondations en élargissant et en nettoyant le lit du Tibre, depuis longtemps rempli de décombres 5. En l'an de Rome 768 (15 ap. J.-C.) le `fibre déborda de nouveau; des tremblements de terre et des orages ajoutèrent encore à la violence des eaux qui renversèrent, des maisons et firent de nombreuses victimes 5. Tibère décida que, désormais, une commission composée de cinq sénateurs désignés par le sort aviserait aux moyens d'empêcher l'eau du Tibre d'être trop abondante en hiver et trop basse en été et en surveillerait le cours7. Ce furent les premiers curateurs; ils s'appelèrent : curatores riparum et alvei Tiberis s. L'inondation avait renversé ou entraîné une partie des cippes posés par les consuls de l'an 746. Le premier soin des nouveaux curateurs fut de les relever ou de les remplacer ; en mémoire de ce travail, ils firent graver audessous de l'inscription primitive la formule suivante . curatores riparum qui priori fuerunt ex senatus consulto restitueront°. Un cippe '0 nous a conservé les noms des membres d'une de ces commissions qui fit une rectification de la rive entre les années 15 et 24 ap..1.-C. t'. Elle avait pour président C. Vibius Rufus. En 826 (= 73 ap. J.-C.), sous le règne de Vespasien, les rives du fleuve furent de nouveau déterminées. L'inscription gravée sur les cippes ne fait plus mention que d'un seul curateur agissant ex auctoritate imperatoris Caesaris Vespasiani Au,qusli consens 12. Tous les cippes appartenant aux délimitations ultérieures porteront désormais le nom d'un seul curateur agissant ex auctoritate prineipis. L'année suivante il y eut une nouvelle délimitation. Le cippe qui nous la fait connaître porte une inscription semblable à la précédente, sauf le nom du curateur ". Pendant les années 101 ta à 10315, le curateur Julius Ferox rectifia la rive en vertu de l'autorité de l'empereur Trajan ; il ajouta à sa charge celle de curator cloacarum, que ses successeurs conservèrent aussi loin qu'on peut suivre l'institution, c'est-à-dire jusqu'au v° siècle. Son titre complet est ainsi formulé : Curator alvei et riparum Tiberis et cloacarum Urbis t 5. En l'année 874 (= 121), le curateur L. Messins Rusticus rectifia les rives du fleuve ex auctoritate Kadriani'7. En 914 (=161), les empereurs MarcAurèle et Verus terntinos vetustate collapsos exaltaverunt et restituerunt.... curante A. Platorio Nepote Calpurniano, curatore alvei Tiberis et riparum et cloacarum Urbis " Enfin un cippe mentionne une restauration semblable opérée par les empereurs Dioclétien et Maximien 19 Les cippes plantés à différentes époques sur la rive du fleuve nous permettent donc de suivre l'histoire de l'administration du Tibre jusqu'au temps de Dioclétien et de Maximien. De ce résumé historique on peut tirer les conclusions suivantes, qui demandent à être expliquées et quelquefois complétées par d'autres textes : 1° Après l'abolition de la censure Auguste abandonna d'abord aux consuls, puis retint la partie des attributions censoriales relatives à l'administration du Tibre. 2° Sous Tibère, en l'an de Home 768, la cura Tiberis fut confiée à une commission de cinq sénateurs désignés par le sort ; l'un d'entre eux était consulaire et avait la présidence de la commission 20. Nous avons vu que, d'après le récit de Dion, cette mesure fut décidée à la suite d'une grande inondation. 'facile, de son côté, après avoir raconté cette même inondation, ajoute que L. Arruntius et Ateius Capito furent chargés (le prendre les mesures nécessaires pour prévenir le retour de semblables calamités 21. Comment concilier ces deux affirmations qui semblent contradictoires? Ateius Capito était à ce moment curator aquarum; on peut supposer, avec les éditeurs du Corpus92, que, cette année-là, deux commissions furent nommées : l'une était présidée par le curator aquarum ; l'autre, composée des cinq sénateurs, aurait été présidée par L. Arruntius. On s'explique, en effet, que pour réparer les désastres causés par une inondation si violente, une entente ait été nécessaire entre l'administration du Tibre et celle des eaux, qui avaient nécessairement plus d'un point de contact. Il est d'ailleurs assez naturel que, dans une crise semblable, l'empereur ait pensé à faire appel aux connaissances techniques d'Ateius Capito, qui avait composé un ouvrage spécial sur le service des eaux 23. 3° La commission créée par Tibère ne paraît pas lui avoir survécu. En effet, sur les cippes de l'année 826, et sur tous ceux des époques postérieures, la commission des cinq sénateurs est remplacée par un curateur unique. L'administration du Tibre fut-elle réellement, à dater de cette époque, confiée à un seul magistrat ? La commission subsista-t-elle au contraire, le nom de son président figurant seul sur les cippes, à l'exclusion des autres curateurs ses collegues ? La question reste douteuse Une inscription du règne de Claude mentionne, il est vrai, plusieurs curatores alvei Tiberis. En effet, on y voit figurer un personnage qui, entre autres titres, porte celui de praefectus curatorum alvei Tiberis". Mais ce titre ne se rapporte pas à l'administration urbaine. Le personnage qui en est revêtu appartient à l'ordre équestre et ne peut pas avoir été le chef hiérarchique de cinq sénateurs dont l'un consulaire. II s'agit ici évidemment de fonctionnaires spéciaux, nommés par l'empereur Claude au moment où il fit exécuter à l'embouchure du Tibre, à Ostie, des travaux considérables 26. On en doit dire autant d'un procurator ad ripas Tiberis, également chevalier, et de la même époque 27. Nous ne rencontrerons donc désormais sur les cippes du Tibre que le nom d'un seul curator alvei Tiberis. S'il avait des collègues, ils étaient hiérarchiquement sous son autorité et peuvent être comparés aux deux adjutores du curator aquarum. 4° Sous le règne de Trajan, l'administration des égouts fut réunie à celle du Tibre. Les égouts se déversaient dans le fleuve. Il y avait donc contact inévitable, et parfois, probablement, conflit entre les chefs de ces services, autrefois tous deux entre les mains du censeur. Il est naturel qu'on les ait de nouveau réunis. 5° Les cippes érigés sous Dioclétien et sous Maximien témoignent qu'à la fin du troisième siècle, le magistrat CUR 1625 CUR placé à la tête de l'administration du Tibre et des égouts portait encore le titre de curator. Peu après, ce titre fut modifié ; vers le tnilieu du quatrième siècle, Q. Flavius Egnatius Lollianus s'appelle consulavis alcei I'iéeris et cloacarum 28. Un peu plus tard encore, au commencement du cinquième siècle, le titre officiel est cornes riparune et alvei Ti écris et cloacao-urn . Ces changements se rencontrent dans les autres branches de l'administration romaine, entre autres dans le service des eaux, dont le chef s'appela aussi curator, puis consularis, et enfin cornes 6° Les curatores du Tibre, institués par Tibère, agissaient en vertu d'un sénatus-consulte; ils suivaient en cela l'exemple des censeurs, des consuls et d'Auguste lui-même. A dater du règne de Vespasien ils tiennent leurs pouvoirs de l'autorité impériale 20 Leur rang et leur compétence étaient égaux à ceux des curatores aquarurn; comme eux ils étaient consulat'es; ils avaient le pouvoir de délimiter la rive, et aussi la compétence pour juger les procès issus de ces délimitations 51 Le siège de l'administration du Tibre et des égouts s'appelait stalio aleei Tiberis et cloacaruns. On pourrait le conclure par analogie avec la statio aquarium qui nous est connue par Frontin 32 [CURA AQUARUM] ; mais une inscription nous a conservé le nom en entier . li n'est pas permis de douter que l'administration du Tibre et des égouts n'ait eu, à son service, toute une bureaucratie et un nombre considérable d'ouvriers de différents métiers, esclaves publics ou impériaux. On a trouvé à Tarragone, en Espagne, l'épitaphe d'un affranchi impérial qui avait été employé dans les bureaux de la statio alvei Tiberis, avec le titre de coin nsentariensis (Is'bis albei Tiberis Une inscription de Rome mentionnant un tabularius ripae Tiberis est considérée comme fausse par M. Otto Ilirschfeld Nous savons par un texte de Pline que l'entretien des égouts était adjugé à un fermier qui s'appelait redemptor cloacarusn. Quand Scaurus construisit son palais sur le Palatin, le redernptor lui fit donner caution pour le dommage que pourrait causer aux égouts le transport des colonnes énormes destinées à orner le vestibule On employait pour le curage des égouts les condamnés les plus misérables ; une ordonnance impériale défendait aux particuliers de recueillir, sans en avoir obtenu l'autorisation, les eaux tombantes, c'est-à-dire celles qui s'écoulaient des fontaines et des châteaux d'eau, afin qu'elles pussent être employées au nettoyage des égouts 30 [CLOACA,