Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article CURRUS

CURRUS, °Asgcm, uippos, char. -Le mot latin cuns'os, comme le mot grec éps. a un sens très étendu. L'un et l'autre désignent des véhicules de toute espèce, ceux qui sont destinés aux travaux de ià campagne ou au transport des fardeaux, comme le PLAUSTRUM, le CARRIJS ou le SABRACuM, aussi bien que les voitures destinées à porter les personnes, voitures légères et d'allure rapide, comme le CISIIIM, voitures plus lourdes à deux et à quatre roues, couvertes ou non couvertes [CABPENTIJM, RHEDA, cARRUCA, P1LENTUM], chars de triomphe ou chars de cérémonie sur lesquels on plaçait les images et les symboles des divinités [TENSA]. Il est parlé dans des articles spéciaux des diverses sortes de chars qui se distinguent par des caractères et des emplois bien définis. Il ne sera question dans celui-ci que du char léger à deux roues, découvert et fermé par devant, sur lequel on se tenait debout pour la course ou pour le combat. 1. Avant les Grecs et les Romains, les Égyptiens, les Assyriens et d'autres peuples de l'Orient en ont connu l'usage. C'est dans les monuments de l'Égypte qu'on en rencontre les plus anciennes représentations, et il est facile de reconnaître que le char égyptien a la même Cod. Theod. De c,orio,io, VI, 10. 'O C. 5, 4, 15 Cod. Theod. De co,'ioo. VI, 49. _12 Libasiu,, ii, Jolioa. ,nop. nec. p. 294, 295, édit. Moreili; r. 36 Cod. Tl,eo,t. XVI, 2. 13 C. t C. Theod. h. t. et c. 6 Cod. Jast. De cor. XII, 23; San,,!. 59, Besuoosorn,s. Bethmann-Hollweg, Cieitproccoo, 2' éd. Bonn, 1846, III, Leipzig, 1864, i, p.140 et,.; Bseking, Notilio digesilal,,m, Bonn, 1993, I, p. 246, 277; II, 44, 300, 999; Modv,g, Ve,'faossons, li, p.744, Leipzig, 1881; Am. Thierry, Die,,,,'Leipzig, 1512, p.102, 257, 53i; Walter, Geech, des rôm. ilechto, S'éd., Bonn, 1800, Geechiehle de, ,'oeo,isc5eo Poei,eeoeno, 2' cd. Berlin, 1575, p' 92. 93 et,., p. 155. la forme générale du char assyrien et phénicien. La caisse très basse est portée par des roues à quatre rayons; on ne distingue ni le timon, ni aucun détail de l'attelage. Ces représentations nous seraient d'un faible secours, si nous ne pouvions les rapprocher d'une part des chars orientaux dont il a été précédemment question, de l'autre de ceux qu'on voit peints sur les plus anciens vases à figures. Ceux-ci doivent nous aider à comprendre les descriptions homériques; car, si les chars de guerre n'étaient plus en usage dans la Grèce dans le temps où ces vases furent fabriqués, ils l'étaient encore en Asie et dans File de Cypre 10. Les peintres pouvaient les connaître; ils trouvaient d'ailleurs plus près d'eux des modèles dans les chars de course qu'ils avaient fréquemment sous les CUR 1634 CUR construction et se compose des mêmes pièces que le char grec. Il est monté sur deux roues légères, ouvert par derrière, fermé par devant et souvent aussi sur les côtés. Quelquefois les parois latérales sont échancrées ou même sont remplacées par de simples barres coudées formant appui, comme on en voit aux chars grecs qui sont figurés plus loin. La caisse où se tiennent les combattants dépasse à peine la hauteur de leurs genoux. Elle est visiblement faite d'ais de bois assemblés et consolidés ou ornés au moyen de placage et de clous de métal'. Le char encore aujourd'hui conservé au musée égyptien de Florence (fig. 2198) 2 et ceux qui sont peints et sculptés avec une netteté parfaite sur les monuments en donnent l'idée la plus exacte. On voit aussi sur ces monuments les chars des Khétas, avec qui les Égyptiens furent en guerre sous le règne de Ramsès II; ils diffèrent peu des précédents. La paroi latérale est pleine et s'abaisse, en décrivant une courbe, du haut de la paroi antérieure au plancher Les chars dont les Assyriens se servaient soit à la guerre, soit à la chasse, diffèrent davantage de ceux des Grecs. Ils consistent en une grande caisse carrée dont les panneaux de côté ne s'abaissent pas d'avant en arrière comme ceux dont on vient de parler; les roues sont ordinaire ment très hautes, le plus souvent à huit rais, avec des jantes très massives. Quatre combattants y peuvent trouver place (fig. 2199). Un cheval. est placé de chaque côté du timon et ordinairement un troisième s'y trouve joint, qui n'est attelé au char que par un trait. On voit aussi des chars de guerre représentés sur des ouvrages de travail phénicien, tels que les coupes d'argent trouvées à Palestrine et à Cervetri 8 et une de celles de Dali, de l'île de Cypre, au musée du Louvre, sur des terres-cuites, des ivoires etc. Leur forme se rapproche quelquefois de celle du char égyptien ; plus habituellement elle rappelle celle du char assyrien, que l'on retrouve encore dans des monuments cypriotes, sarcophages terres cuites, vases peints 8. L'usage du char de guerre a dîi passer de l'Asie dans le Péloponnèse dès avant l'invasion dorienne, car on en trouve la représentation grossière, mais encore assez claire sur des stèles sculptées (fig. 2200 et 2201) découvertes dans l'enceinte de l'antique acropole de Mycènes 9. On y reconnaît CU1 1635 (UR yeux; et en effet, dans les peintures, les uns ne diffèrent pas des autres. II. Les mots àpus (cttrrtis) ou, au pluriel, 81 pgs'rm, et i.os désignent l'ensemble du char, tandis que (ppo; s'applique plus spécialement à la caisse dans laquelle se tiennent ceux qu'il doit porter fl; toutefois Homère et après lui les autres poètes ont employé ces termes plus d'une fois l'un pour l'autre. Cette caisse était posée sur deux roues (-rpéot, zéz)vce, reine) réunies par un essieu et très écartées de la caisse n, disposition nécessaire pour donner une suffisante stabilité à des chars extrêmement légers qui devaient passer sur le champ de bataille par dessus des monceaux d'armes et de cadavres u• Grâce à sa légèreté, les guerriers qui y montaient se transportaient rapidement d'un point à un autre; s'ils descendaient pour combattre ou pour rallier leurs troupes, les chars restaient à portée, prêts à les ramener tu Les stèles de Mycènes et les vases peints nous offrent comme type ordinaire pour le char de guerre la roue à quatre dii, baculi), plus rarement à six ou à huit,. Homère et le scoliaste de Pindare parlent cependant, pour les chars des dieux, de roues à huit rais (eéx),',e êxxsgs)t5. Ces rais sont fixés d'un côté à un moyeu, de l'autre à des jantes, anciennement réunies et consolidées par des ligatures n (voy. fig. 2209). On n'employait pas pour les chars de guerre et de course les roues leines [TYMPANUM] qui eussent été trop lourdes; elles étaient éservées aux voitures de charge [PLAUSTRUM] ou aux chariots stinés au transport de personnes assises ou couchées; ux-ci sont aussi quelquefois munis de roues qui ont, au neu de rais disposés en étoile autour du moyeu, des barres transversales se croisant à angle droit . La circonférence de la roue" (1-rut, oè'bis) est formée de jantes (Mais, ào-rp) adaptées l'une à l'autre à l'aide de tenons (.(xiivaç) et renforcées à l'extérieur par des bandes de fer ou d'airain (i £u,rov, tls Lt(sts'rps, xzvOo(, canthus). Ces bandes sont très apparentes dans les bas-reliefs assyriens, où on les voit fixées par des clous à fortes têtes °. Le moyeu était appelé par les Grecs gvs, otvtxf;, aipty, en latin modiolus 90; d'autres noms en désignaient plus particulièrement certaines parties vàavzI s, à2.1s61Jseviu ou Oolpa, le ruban du moyeu ou bande de métal formant l'anneau intérieur qui enserre les rais 25; Pollux indique aussi les termes âvnpoov, ypvov, 'harpon, comme les noms de l'anneau intérieur qui tourne autour de l'axe, c'est-à-dire de la boîte à graisse; la pièce qui retient l'essieu dans le moyeu est appelée upulésta, iodéoào; et obex Elle était elle-même traversée par une clavette (ig'ho)voénç) . On voit dans la figure 2202, représentant sous ses deux faces un chapeau de roue perfectionné, trouvé près de Luxembourg v, l'exemple d'une clavette glissant dans une gaine, quand on voulait la retirer, et qui cependant ne peut s'échapper à cause de sa courbure. Chez Homère, les roues du char d'Héra ont des jantes d'or et des bandes d'airain; les moyeux sont d'argent L'essieu ([(ov, axis) était de bois de hêtre, de frêne ou d'orme 27. Les chars des dieux seuls, chez Homère, en ont un de méaao' ta] : celui d'Héra a lin essieu de fer, celui de Poseidon un essieu d'airain 28, Cette pièce devait être forte, ayant à soutenir le poids de la caisse et celui des guerriers. Les extrémités amincies, ou fusées, se nommaient zv6at ferrements qui la garnis Sur l'axe était posée la caisse du chatou le Lpsç proprement dit 32, consistant en une charpente ('hvoç, in&noes017)33 faite de pièces de bois assemblées, unies par des tenons et des chevilles et couvertes d'un plancher carré ou à demi elliptique, mais toujours coupé droit à l'arrière par où l'on entrait (itoipvu) '. Sur les côtés et sur le (levant s'élevaient des panneaux (irI'ht'Ppeç, pippxgu, 'rcltov) 35. On paraît s'être toujours préoccupé d'en diminuer le poids. Tantôt les panneaux étaient faits d'un treillis d'osier ou de bois léger (d'où l'expression ufppo iux)[czsç Ou ; 50); des bandes de cuir ou de métal entre-croisées pouvaient remplir le même office37 e tels sont les chars figurés sur les vases d'Athènes du plus ancien style. Dans la figure 2203 le devant seul paraît ainsi garni 38, mais sur d'autres vases de même provenance toute la caisse est construite de pareille façon. C'est ce qu'on voit aussi dans des peintures de vases archaïques trouvés ailleurs (fig. 2204) CUR 1636 CUl et dans un bas-relief de terre cuite de la collection de Luynes''' provenant de l'Italie méridionale, d'un temps plus récent, mais encore très ancien, où l'on peut reconnaître la reproduction d'un type du vie siècle (fig. 2205). On allégeait les peanneaux formés d'ais solides en les évidant par place, comme on peut le remarquer sur beaucoup de vases à figures noires42 (dans les peintures de ces vases, les détails techniques sont en général plus naïvement et plus fidèlement observés que dans celles d'un art plus avancé); ou bien la caisse du char réduite à de très petites dimensions ne montait pas à mi-jambe de ceux qui le conduisaient 'i3, mais elle était surmontée d'une rampe ou appui de bois recourbé " : c'est l'antyx (âaTu,)'«3 nom quelquefois donné au char tout entier. L'antyx r~ A peut en taire tout le tour (fig. 2204, 2206, 2207) i5 ou présenter des appuis séparés sur le devant et sur les côtés. Cette der nière disposition, qu'on peut observer dans le bas-relief cité plus haut de la collection de Luynes (fig. 2205) et dans d'autres monuments, fait comprendre le motâv-ruyaç au plu riel, quelquefois employé par Homère 47, et la double antyx qu'il attribue au char de Héra 48. Le vase de Mélos reproduit plus haut (fig. 2204) offre, d'autre part, l'exemple d'une rampe continue, soutenue sur les côtés par des panneaux pleins alternant avec des vides. On retrouve l'une et l'autre disposition dans les monuments d'un âge postérieur. Ordinairement le char n'est pas allongé comme dans la peinture qui vient d'être rappelée et la caisse, offrant seulement place à deux personnes, dépasse à peine dans sa longueur ou n'atteint même pas le diamètre des roues. L'antyx n'a besoin alors de s'appuyer que sur des montants plus légers, comme on le voit dans les figures 2206, 2207, 2249; les exemples en sont très nombreux `9. La caisse se réduit souvent aux proportions d'un simple tablier qui protège par devant ceux qui sont montés dans le char, avec une barre d'appui horizontale sur le devant (xarrâvy) et deux autres recourbées en anses sur les côtés (xarrâvaxaç) 50; ou même ces dernières sont entièrement. supprimées : la figure 2208, qui en offre un exemple 5t, est aussi remarquable par la richesse des ornements, probablement en métal plaqué, qui décorent la caisse. Cet emploi du métal est fort ancien; il servait déjà en Asie à la construction et à l'ornement des chars"; on le rencontre de bonne heure en Grèce et en Italie. C VII C U R 1637 I]omère mentionne l'or, l'argent, l'étain, le cuivre comme etsnt ainsi mis en oeuvre '. On peut voir dans ce Die tionnaire (p. 786, fig. 930) un fragment de placage en bronze provenant d'un char étrusque dont les restes ont été trouvés près de Pérouse °". Sur les vases grecs on rencontre fréquemment des chars ornés de fleurons, de palmettes, de rinceaux, de figures d'hommes ou d'animaux des panthères décorent ici le char de Vénus trame par des amours. On voit une colombe sur la paroi d'un autre char auquel des génies ailés sont atteles °' Le timon (a1.zé, telno), fait de bois, et nécessairement d'un bois très résistant ° était assemblé d'une manière fixe avec la caisse du char. Non seulement dans les plus anciens monuments, comme ceux qui ont été reproduits (fig.2203-ùà05)',mais dans de beaucoup plus récentuspeinturcs et même dans des vases à figures rouges , on soit un timon faisant corps avec le plancher du char, comme les limons de nos charre( tes, et qui en semble le prolongement. Il s'emboîte quelquefois dans l'essieu tout à fait à l'arrière, lorsque les roues s'y trouvent placées comme dans beaucoup de chars assyriens n. Souvent il paraît indépendant et passe au-dessus des roues, qui ont leur axe qrdinairement au milieu du char; ou bien il est fixé à l'avant de la caisse, et l'on peut remarquer dans quelques peintures, à l'endroit où il s'en détache, des ligatures semblables à celles qui sont destinées à donner aux raïs des roues, à l'essieu ou à d'autres parties du char, plus de solidité Il ne paraît pas, à en juger par les monuments, que le timon ait été d'abord, en Grèce, soutenu par deux jambages formant la fourche, moyen qui fut usité par la suite, pour l'appuyer à l'essieu. Les Grecs appelaient ce support o'qz ou et htoavé'r, et les latins ft.oxa 61 On le voit apparaître assez tard dans les monuments où le char présente de face laisse voir ce détail. On le distingue net tement cric un vase à figures noires de la collection de Luynes (fig. 2210 mais l'archaïsme affecté de la peinture ne doit pas faire illusion un ne (couve rien de semblable, ni dans la peinture d'un vase plus ancien de la même collection fig. diOtl ", ni dans la métope connue du temple de Sélinonte, qui est du vie siècle °, ni dans un bas-relief en terre cuite, à peu près du même temps, conservé au courent des jésuites de Palernte Le timon, très large à son extrémité inférieure et quelquefois termine par une double volute 00 va en s'amincissant jusqu'à l'endroit où Suuttunus teino c'est en ce point, le plus faible, qu'il était (e plus sujet à se briser. Plus tard, au contraire, la fourche est souvent représentée à la base d'un timon de diamètre à peu près égal d'un bout à l'autre (fig. 2210) ", et l'on remarque fréquemment aussi, à la partie antérieure, des barres ou tenons pareils qui le relient aujoug (bg. j5) 7t ce sont probablement ces fourchons placés à la tête que Hésychius appelle itsopov ; mais il les nomme aussi aro(piyyc7. Comme ceux etc la hase, ce qui a fait confondre les deux sortes de support par des commentateurs qui n'avaient pas d'exemples sous les yeux n Le timon fortement incliné, jusqu'à former un angle de 45 degrés lorsqu'il n'est pas coudé près de son emmanchement 73(fig. 203), plus souvent droit ou ne décrivant qu'une courbe peu sensible, se relève brusquement à son extrémité (pdsi és) 70, Dans quelques monuments archaï cun 1638 CUR cilles, comme le vase de Mélos (fig. 2204) et le bas-relief de la collection de Luynes (fig.2205), cette extrémité se contourne etse termine en tète de grifton ou de quelque autre animal Par la suite on retrouve, dans les monuments étrusques, puis dans les oeuvres de la sculpture gréco-romaine, des timons tuut droits, k tête d'oiseau, de cheval, de bélier, etc. (voy. fig. 2211, 2224°°; mais, en général, dans les peintures des vases, source principale de renseignements suries anciens chars grecs, on ne voit aucun ornement semblable dans celles qui montrent le char de face, la courbure même du timon est supprimée par l'effet de la perspective; dans celles où il est vu de profil, on aperçoit au-dessus du garrot des chevaux, et souvent assez en arrière de l'encolure, une partie de harnais, formant un amas confus au premier aspect, dans lequel on peut distinguer cependant plusieurs pièces premièrement un objet arrondi ayant l'apparence, tantôt d'un bourrelet ou d'un coussin, tantôt d'un anneau ; puis plusieurs tiges ou piquets, droits ou inclinés. L'un d'eux, plus haut et plus fort, ne peut être que l'extrémité du timon (.réa) relevée et, comme on l'a déjà vu plus haut (fig. 2203), reliée au char au moyeu dune corde ou d'une courroie, dont le bout va joindre le bord supérieur de i'antyx. Cette attache, dans la plupart des peintures, parait d'une rigidité telle qu'on a pu la prendre pour une barre de métal ou de bois; mais on ne saurait s'y tromper en voyant comment elle s'enroule à une de ses extrémités et parfois aux deux; sur un vase17 on voit même le noeud qui la retient k l'antyx. Elle ne se confond pas avec les rênes que tient le conducteur jamais on ne la voit dans ses mains. On peut remarquer que le timon est relié au char de la même manière dans les bas-reliefs assyriens. Dans les monuments égyptiens aussi le timon est lié à l'antyx par une courroie qui ne s'attache pas k sa tête, mais assez près de sa base. C'était un moyen de soutenir le timon, de répartir sur deux points l'effort de la traction opérée à l'aide du joug et d'empêcher l'un et l'autre de peser trop lourdement sur les chevaux. Les autres parties du harnais visibles dans les peintures, au-dessus des chevaux, appartiennent au joug et au collier, comme il nous reste k l'expliquer. Au dernier chant de l'Iliade 78, Homère donne sur la manière de lier le joug au timon des détails précis; les fils de Priam préparent le char qui doit conduire leur père k la tente d'Achille. Après avoir posé le joug sur le timon k son extrémité °, ils l'assujettissent au moyen d'une cheville (i'Tfisp), par-dessus laquelle ils mettent un anneau (xpixog) et ensuite, trois fois ils croisent la courroie (uy êngoa) qui doit lier le joug autour de l'gpzÀg placé k son centre, et chaque fois font repasser les bouts en dessous en les repliant. L'êjopcùaéç du joug peut être un bouton tel qu'on en voit à cet endroit dans les représentations de chars assyriens et égyptiens; mais ce mot s'entendra aussi bien de tout point saillant autour duquel le noeud peut être formé. On ne l'aperçoit pas dans la plupart des monuments, de date assez peu ancienne, où le noeud qui lie le joug est distinctement représenté (fig. 2210) 80; encore moins y doiton chercher l'anneau dont parle Homère, dont la place même est ordinairement cachée. On pourrait croire que la haute tige, dans laquelle nous avons reconnu le bout relevé du timon (fig. 2203-2205), est la cheville (êuuup) °, nommée par Homère, autour de laquelle doit s'enlacer' le sa(dôEal..toq, et l'on expliquerait la longueur de neuf coudées (/sm,162) donnée k celui-ci, en admettant que les bouts du çUélf1Lf;, après qu'il avait été tourné plusieurs fois autour du joug et du timon, étaient ramenés jusqu'à l'antyx. Mais on remarquera que, dans ces peintures, l'attache qui entoure le haut de cette prétendue cheville ne descend pas jusqu'à l'endroit où elle devrait unir le joug au timon. Et d'ailleurs il est clair que le çayéêrugoç aurait servi, en ce cas, comme un trait pour tirer le char; mais on voit au contraire, chez Homère, que les chevaux, qui étaient attelés au timon au moyen du joug, n'étaient retenus par aucun autre lien, et que si le timon venait à se briser, ils s'échappaient en emportant le joug, le char demeurant immobile". Le char étrusque votif (voy. plus bas fig. 2223) conservé au Vatican 83 a encore sa cheville de bronze, ornée au sommet d'un masque de gorgone; elle est plantée dans le timon qu'elle traverse; le joug est absent. Il ne doit être ici question du joug [JUGUM] et des harnais [HABENAN, FatoNuM] que pour faire comprendre la place et la fonction de ces accessoires du char dans des représentations où elles se confondent aisément avec d'autres. Ici encore la comparaison avec les monuments de l'Egypte bien que la place où ils sont fixés, tantôt près de , CUR 1639 CUR ou de l'Asie qui ont précédé ceux des Grecs peut aider à comprendre ce qui dans ces derniers serait obscur ou incomplet. Le joug, anciennement, portait assez haut sur le cou des chevaux, comme on le voit par les descriptions d'Homère 84 ; lorsqu'ils baissent la tête, la crinière retombe par dessus, des deux côtés. On peut remarquer qu'il est placé de même dans les monuments orientaux et aussi dans quelques-uns de ceux qui ont été trouvés en Italie 8s On peut seulement conjecturer, d'après les vases et basreliefs les plus anciens (fig. 2204, 2205) où le char est vu de côté, qu'il en fut ainsi pour les Grecs. Plus tard, sur les vases, le joug, aussi bien que la tête du timon, paraissent reportés plus en arrière. Le joug est tantôt arqué de manière à emboîter le cou des animaux 86, tantôt entièrement droit", ou seulement relevé ou abaissé à ses extrémités, qui se replient et se contournent comme des cornes". C'est ce qu'on voit très bien dans un bronze 89 provenant des fouilles d'Olympie (fig. 2212; comp. fig. 2199, 2215, 2216, 2219, 2220), qui représente un conducteur debout sur son char dont il ne reste que l'antyx, le timon et le joug recourbé. Ces cornes du joug ont quelquefois, comme l'avant du timon dans les bas-reliefs égyptiens et assyriens, la forme du chénisque ou col de cygne, ou sont ornées de la tête de quelque autre animai. Chez les Grecs, cette partie du joug garda le nom de âxpo-avisaoc 90. Cette courbure du joug empêchait les rênes de s'échapper à droite ou à gauche ; d'autres arrêts les maintenaient plus exactement dans la direction qu'elles devaient garder; c'est ce qu'Homère désigne par le nom dit Pollux), et Eustathe explique le rnot, en disant que ce sont des anneaux par où passent les guides 9f. Ce pouvaient être de simples fiches plantées en fourche ( fig. 2213), de chaque côté du timon, au-dessus de la barre droite du joug 5a; mais on voit aussi dans les monuments des anneaux dont la largeur varie aussi la tête du timon, au-dessus des montants (SlxpoIv) qui lui servent d'ap pui 93 (fig. 2210), tantôt aux deux bouts du joug (fig.2214,2215)B6 tantôt à un point intermédiaire entre le milieu et les extrémités, par exemple dans la figure 2216 9ô. Celle-ci montre en même temps comment un joug droit s'adaptait au cou des chevaux au moyen d'un joug courbé de dessous (subjuga) 9a, qui l'emboîtait et formait avec les courroies tinctes au premier abord, les laissent voir que ramassées et de profil. C'esttoujours, on le remarquera, au-dessus des chevaux du milieu que ces pièces apparaissent; la haute tige qui est l'extrémité du timon doit les séparer en effet, et les cornes du joug ou les coussinets ne touchent pas les CUR 16s0 -CUR du poitrail ()(érawa) 07 un collier complet (çeéy)re °B. Sur un vase de Vulet 90 dont la peinture est reproduite (fig. 2217), des boules ou des an neaux sont placés au sommet des tiges qui se dressent au-dessus d'une sorte de bourrelet, comme, dans nos attelages, les anneaux des guides surmontant le collier rembourré des chevaux. La peinture ne laisse pas douter que celles-ci n'eussent le rnême office. On possède encore des débris de la garniture de quelques colliers munis d'an neaux du temps de l'empire romain. Celui qui est représenté (fig. 2218) a été trouvé sur l'emplacement de l'ancien Blariacum, aujourd'hui Blerick, clans le Limbourg De grandes précautions étaient certainement prises pour ne pas blesser le garrot des chevaux. On peut supposer que cette sorte de pelote que l'on observe dans la peinture quivient d'être citée et dans tant d'autres401 est collier ou un cous sinet tel qu'en portent encore les chevaux de trait. Sur quelques vases où l'opération même de l'attelage est représentée 102, et toujours à peu près de la même manière (fig. 2219), les deux chevaux timoniers sont déjà en place, un troi sième que l'on amène est encore en arrière, de façon qu'il ne cache pas le harnais comme dans la plupart des peintures, et l'on peut remarquer, au mème endroit que sur le vase de Vulci, un épais bourrelet qui pourrait bien être la bordure d'une sellette ou d'un coussinet. Cette destination est encore mieux marquée sur des vases comme celui du Louvre d'où est tirée la figure 2220, non seulement par le dessin qui accuse la forme, mais par la couleur rouge violacée qui se détache des figures qui sont noires. Il est donc possible' jusqu'àun certainpoint, en s'aidant des monuments où l'attelage se présente de face et dans son développement, ou qui, lorsqu'il est vu de côté, permettent cependant de distinguer nettement quelques détails, de reconnaître des parties du joug et du collier dans les pièces du harnais que l'on aperçoit au-dessus des chevaux, etqui paraissent si indis_ quand les peintures de vases ne entrer dans des détails qui seront mieux placés ailleurs, au sujet de l'attelage,ilestcependarlt nécessaire de dire ici que les chevaux des biges, ou chars à deux chevaux, ne tiraient qu'au moyen du joug lié au timon; ils n'étaient pas attelés par des traits s'attachant au char. Aussi, lorsque dans l'Iliade le timon d'un char vient à se briser, les deux chevaux continuent à courir encore liés par le joug et le char demeure immobile 103; ailleurs 10'', si c'est le, joug qui se derrière, servant comme chez les Grecs, soit aux concurrents qui se disputaient les prix dans les jeux, soit aux guerriers; non pas, il est vrai, dans le combat, car aucun témoignage ne prouve que les anciens peuples de l'Ita lie aient con .n battu c e cette 1 CU13 1641 -CUI rompt, chacun des chevaux va de son côté et le char s'arréte encore; il n'est pas renversé, comme il n'eût pas manqué d'arriver si les chevaux, attelés par des traits, l'avaient tiré en sens différents. Chez Homère, l'attelage à deux chevaux est le cas ordinaire; le poète parle aussi de chars attelés d'un seul cheva110J et enfin d'un troisième cheval courant à côté des autres106; celuici était lié à son voisin par des brides attachées au harnais de tête ou à la corne du joug,mais non au char lui-mème. Dans les figures qui représentent des quadriges vus de face, on trouve la rnème disposition. Il n'est pas douteux toutefois que, dès le temps où furent peints les vases d'où elles sont tirées, les chevaux de volée ne fussent attelés au char chacun par un trait; on voit distinctement, dans la plupart des vases à figures noires, ce trait qui passe entre le cheval de volée et le timonnier auprès duquel il est placé et va se rattacher à l'antyx 107. On peut remarquer au char étrus que conservé au Vatican, de chaque côté de la caisse audessus de l'essieu, des barres destinées à attacher les traits (fig. 2221, 2224). Les chevaux ainsi attelés sont nommés chez Homère stui;ijopt 108, plus tard us ceint 70x, o-Et00 funales 11x, funa rü17a. Ces noms indiquent bien leur fonction. III. Les monuments étrusques nous montrent différentes sortes de chars, et parmi eux le char à deux roues, ouvert par manière, et si l'on rencontre chez eux l'imagedeehars de combat, ce n'est que dans la représentation des fables de la Grèce; mais ils se servaient de pareils chars pour le triom ~r phequisuivait la victoire. Les chars de course, sou vent figurés 11", ne diffèrent pas de ceux des Grecs, et il est inutile de les décrire. Les chars de cérémonie sur lesquels ont été figurés des dieux ou des vainqueurs triomphants, plus grands, plus massifs, plus ornés aussi, se rapprochent par leur forme de celui qui a été reproduit (fig. 2217) d'après une amphore de Vulci; tel est, sauf pour les dimensions réduites dans un dessin de convention, celui qu'on voit (fig. 2222), d'après un bas-relief11G. La Victoire qui accompagne le personnage debout sur le quadrige, les musiciens qui le précèdent et les figures qui lui font cortège déterminent le caractère de la scène. C'est aussi un triomphe qui est représenté sur la ciste gravée d'où est tirée la figure 2223116 mais un triomphe différent, pareil à celui que célébrait, sur le mont Albain, le Romain victorieux à qui il n'était pas permis de monter au Capitole n'est pas le vainqueur qui est monté sur le char, mais quelqu'un de sa suite, qui sert de conducteur, tandis que le général, tenant un sceptre et couronné de lauriers, procède au sacrifice. Le char sans antyges est plus haut, moins allongé que ceux qui ont été figurés précédemment. Le char de bronze déjà Il. 20G CUR 1642 -CUR cité, du musée du Vatican (fig. 2224), est aussi le modèle réduit d'un char de triomphe qui avait été vraisemblablement consacré dans un temple. Il est aussi dépourvu d'an tyges, la caisse est haute, arrondie par devant, le contour des parois latérales indique la place de deux personnes pouvant se tenir debout l'une derrière l'autre. C'est sans doute sur un char semblable, resplendissant d'or, d'ivoire, de pierres précieuses 117, que montait, à Rome, le vainqueur à qui étaient décernés les honneurs du triomphe, tandis qu'un esclave public debout derrière lui soutenait au-dessus de sa tête la couronne de Jupiter Capitolin (Voy. CONSUL, p. 1473). Celui qu'on vient de voir a quelque chose de la forme d'une tour, qui était, suivant un historien 118, celle du char triomphal romain. Cette forme est bien plus accusée sur certaines monnaies"' où le triomphateur est représenté dans un char haut et à peu près complètement circulaire (fig. 2225, 2226); mais on retrouve sur les médailles 720, avec l'image du char circulaire et fermé, celle de chars ouverts par derrière, et assez larges pour contenir plusieurs per Le magistrat qui présidait aux jeux conduisait dans la pompe du cirque un char Pour les chars en usage dans les courses, nous renvoyons à ce qui a été dit et aux monuments qui ont été figurés à l'article meus. Ces chars, destinés à porter une seule personne, n'étaient ni très larges ni très profonds, comme on en peut juger par les monuments où les propor tions sont le mieux gardées et les détails le plus distincts (fig. 2227)121. Mais ils paraissent moins légers dans les basreliefs romains que ceux des Grecs. Ils étaient le plus souvent dépourvus d'antyges122 ; leur forme s'éloigne peu de celle du char représenté à la figure 2216 et semble en dériver, mais au lieu de se développer en hauteur et de se fermer sur les côtés comme le char de triomphe, celui des cochers du cirque n'était élevé que sur le devant et largement ouvert, avec des roues basses placées très en arrière. Tous les chars dont il a été question jusqu'ici, quel que soit le nombre de che vaux attelés, sont des chars à un seul timon. Les anciens ont aussi connu les voitures à deux timons 123 ou à brancards. Il semblerait méme, d'après une tradition recueillie par Isidore de Séville 126, que ces voitures fussent les plus anciennes : Clisthène de Sicyone aurait le premier imaginé, pour les attelages à quatre chevaux, de supprimer le double timon et le double joug jusque-là en usage et de ne lier au joug que les deux chevaux du milieu. Si ce Clisthène est, comme on l'a cru, le tyran de Sicyone qui fut contemporain de Solon, cette tradition s'accorde mal avec les observations que l'on peut tirer de la lecture d'Homère. On ne voit apparaître que tardivement les voitures à brancards, dans les peintures de Pompéi et d'Herculanum 125, où la fantaisie a attelé des dragons, des oiseaux, etc., à des chars pareils à ceux dont il a été parlé dans cet article, et sur les sarcophages romains, oit l'on voit, comme dans celui de Cornélius Statius 726, au Louvre (fig. 2228), des enfants conduisant de petits chars de course attelés d'animaux familiers. Sur une coupe de verre dont M. de Rossi a publié récem ment le dessin ''-7, sont représentées, au dessous des figures d'un préfet de l'annone et de sa famille, un tableau de l'approvisionnement de Rome. Les charretiers y amènent les denrées. On ne voit pas les charrettes, nais seulement un cheval attelé à chacune d'elles au moyen d'un brancard. Les voitures légères de transport étaient construites de la mème manière, comme on peut le voir au mot cIsIuM. Nous ne parlerons pas des chars armés de faux, qui C U R 1643 CUR furent en usage chez les peuples orientaux, mais qua n'employèrent jamais ni les Grecs ni les Romains'''.