Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

CYATHUS

CYATIJtJS, Kéatoç, xoxti7. La racine du mot est la même que dans )a, xorél et exprime l'idée de cavité, profondeur 1. C'est un vase à puiser les liquides, employé en particulier dans les banquets pour prendre le vin dans le cratère et le verser dans les coupes, usité aussi pour le dosage des préparations médicinales ; enfin il est compté parmi les mesures légales, chez les Grecs et chez les Romains. 1. Le scholiaste d'Aristophane et Pollux rangent le cyathus parmi les vases à puiser le vin, avec la COTYLÉ, l'Anys'rldnos, etc.; il faisait partie du matériel obligé du repas, même dans les demeures les plus simples . Comme on l'a dit plus haut [C0MISSATI0, p. 1373], le mélange de vin et d'eau se faisait dans les cratères, avant le repais, d'après une proportion indiquée par le maître de la maison; on se servait comme mesure du cyathus et l'on mêlait, par exemple, cinq cyathes de vin avec dix d'eau Pendant le repas [COENA], l'esclave échanson se tenait près du cratère, tenant en main le cyathus et, quand un convive demandait à boire, il remplissait le cyathus et le portait ensuite pour le verser dans la coupe°; c'est ce qu'on appelait cyat/lisso (xunolçcn) . Après le repas, pendant la COMISSATIO, on continuait à boire de la même manière; mais le maitre de la maison on le roi du festin (magister lsibendi) décidait le nombre de cyathes qu'il fallait verser dans la coupe de chaque convive. Cléomène, roi de Sparte, ne buvait pas plus de deux cyathes après son repas, ce que l'on considérait comme une preuve de grande sobriété 8; Auguste, dans toute la durée d'un banquet, ne dépassait pas le chiffre de douze cyathes °. Mais dans les festins qui dégénéraient en orgies, on buvait un nombre considérable de cyathes; sur le conseil d'Horace, les sages se tiendront au nombre de trois à la fois, mais les buveurs intrépides iront jusqu'à neuf '°. Dans une comédie de Plaute, on débute par verser dans les coupes sept cyathes ensemble"; mais ce sont des excès qui sont le prélude de querelles et de coups. On inventait toutes sortes de prétextes et d'amusements pour décider du nombre de cyathes qu'on verserait dans la coupe. « Buvons autant que tu as de doigts àune main o, dit un esclave de comédie 19. Les nombres impairs, comme trois et cinq, étaient de règle, d'après un proverbe grec; quatre était un mauvais nombre 53. On portait un toast à une personne, en buvant autant de cyathes qu'il y avait de lettres dans son nom, six pour Naevia, sept pour Ju.stina, cinq pour Lycas, etc. '4, On ne sait pas exactement si l'on buvait tous ces cyathes coup sur coup ou bien ensemble, eu vidant la coupe d'un seul trait ; cette dernière solution est pins probable. Enfin, si l'on trouvait que ce procédé était encore trop lent, on faisait remplir avec le cyathe sans compter 51, ou bien l'on mettait de côté ce vase pour puiser è même avec la coupe et les L'esclave qui faisait office d'échanson (fig. 235) s'appelait tsenxs 19, xuoOéç 88; c'était un jeune éphèbe, généralement choisi pour sa beauté et sa grâce, portant une chevelure longue et parfumée'°; le cyathe qu'il I tenait en main était son insigne particulier et, dans les inscriptions, son nom est accompagné du titre a cyato 10 Avec le même vase on faisait parfois des libations, comme celles qui étaient en usage au commencement et à la fin des banquets, en prononçant le nom do dieu ou de la personne qu'on invoquait 91. On trouve cité le xéatoç on xuéttov comme vase à par CYA 1676 furno ; il est probable que dans ce cas la forme en était un peu différente. Le cm the était un vase de métal. ové nairen4 eut de bronze parfois en métal plus précieux ou nwine en ivoire '. On le trouve mentionné dans les inventaires des temples, où l'on inscrivait les offrandes déposées pal' les fidèles C'est sans doute à cause du froid du hélai quo l'on conseillait d'appliquer le cyathus sur les meurtrissures et les contusions qu'on s'était faites, de façon à faire disparaître les bosses; mais Suidas prétend qu'on le faisait chauffer avant de l'appliquer il. La forme même de de vase a été très discutée. Platon le comique le rapproche de té àea(p, sorte d'écope n épuiser l'eau dans les bateaux28; Suidaset le scholiaste d'Aristophane le com parent à une cuillère (xaàoépnv)09 Hésychius en fait un petit réel ' en forme d'oeuf 30; Pline dit que certains oiseaux suspendent leur nid à une branche, en forme de eXat/lf'S n• Ces différentes descriptions nous donnent l'idée d'un vase de petite dimension, muni d'un manche long, ce qui est tout à fait conforme à l'aspect que présente l'ustensile en forme de grande cuillère que tient le petit serviteur place auprès de la table du banquet dans plusieurs monuments figurés Si (fig. 235 et 236). Il n'y aurait pas eu de confusion introduite dans la question, si l'on s'était borne à faire ces rapprochements. Mais on a voulu se servir de plusieurs autres textes qui, a. notre avis, ne font pas allusion à la forme, mais à l'usage du esathe, et l'on en n tiré des conclusions tout à fait contradictoires. Ainsi, Athénée définit lu xoaM(; com '(US') et, ailleurs, il dit que le xé(oLo') est Panofka et Gerhard se sont autorisés de ces passages pour attribuer à la cyathis une forme voisine de la COTYL et du cvmmum , c'est-à-dire tout à fait différents du petit \u(°e au long manche q nous décrivions pins haut; il est vrai qu'ils distinguent la eyra/lis du eyat/tus et réservent exclusivement la l'orme de cuillère (t ce dernier. Nous ferons remarquer que rien n'est moins certain que la différence admise outre la ',,Jafl et le x.(cs En outre, en lisant le passage d'Eralost?aène cité par Athénée à l'appui de sa définition du cynahium (éycèav xaueOi(feç), on s'aperçoit lle lexicographe s'est mal exprimé ; l'anecdote signifie simplement que, dans ('ci'faines maisons d'habitudes modestes, on n'avait même pas de cvathe pour puiser le vin, mais qu'on le prenait à même dans le cratère avec le xéméluv ou la cssén1. Le sens rigoureux est donc que le cymbium était un vase o dont on se servait en guise de cyathe o et non pas o qui avait la forme du eyathe s, il est probable que l'autre définition, relative è. la x'aeOi, s'explique de même. Enfin, si le scholiaste d'Aristophane appelle o'réX oéaoog le vase à puiser le vin , il n'est pas le (nains du monde démontré qu'il s'agisse 1à de deux vases identiques de forme. Il est également nécessaire (le rectifier l'opinion qui fait admettre le cyathe parmi les o vases à boire o. Si l'on veut dire simplement qu'il faisait partie du mobilier usité pour la boisson, ce n'est qu'une expression mauvaise, parce qu'elle prete à l'équivoque. Si l'on croit réellement que les anciens bivalent dans le cyathe, c'eut une erreur elle ne repose que sur l'interprétation erronée d'un passage de Juvénal" et sur une mauvaise lecture d'un vers de Martiai'°. En réalité, le cyatlie servait uniquement à puiser et à transporter le liquide du vase à mélange dans le vase (e boire ou dalle le vase à libation. On voit la façon de s'en servir dans les peintures de vases qui représentent des scènes du culte bachique ou de libations" ; le long manche était fort utile pour pénétrer JiiscluaU fond des grandes amphores 's ('leibllliclselre étroite (fig. dd37).On conserve dans tous les musées d'Europe sle ustensiles en bronze qui présentent la même forme et qui répondent parfaitement à l'usage qu'on devait faire du cyatue dans l'antiqiiité ; 1" nausée du Louvre en possède une fort belle collection, à laquelle est emprunté l'exemplaire ci-joint, dont le manche se termine par une double tête de serpent CYA 1677 C%B fig. 2238). On en voit de différentes formes et de différentes grandeurs, ce qui semble indiquer que, dans l'usage courant, ils n'avaient pas tons une epacité exactement dé terminée, comme la mesure qui portait le même nom. Les uns ont la forlue de petits cylindres; les autres s'évasent en forme de coupes plates; quelques-uns, munis d'un manche mobile, rappellent par leur forme ovoïde l'expression dont se sert ilésychius déps tlcg, en parlant des cyathes (fig. 2239)". Le manche, ordinairement vertical, est quelquefois adapté horizontalement à la panse du vase En somme, l'instrument que les Grecs ont appelé xénOsç paraît être tout à fait semblable à celui que les Romains ont nomme SIMPULUM ; il n'y n guère eu de différence entre eux, si ce n'est que le dernier mot est resté spécialement affecté au vase à puiser dont on se servait dans les cérémonies religieuses. Varron constate, en effet, que dans les banquets l'épic/tysis et le cyot/ius grecs se substituèrent bientôt au GUTTUS et au SIMPULTJM ancien des Latins, mais que l'on garda ces derniers dans les sacrifices II. Chez les Grecs, le xéalo7 ne compte comme mesure légale que pour les liquides Il représente la 864e partie du SIÉTRÉ'rfis, la 72' du Gnous, la 12° du XEVTISS, la 6° de la ('OTYLÉ, la moitié de l'oxyeAPuoN'7. Chez les Romains, il représente la 376e partie du Qt.pon SNTOL, la 288° de l'CtreA, la 6° de l'nEMINA. Il sert aussi de mesure pour les niaHères sèches et équivaut à la 192° partie du nontus et à la 6 de l'IIESnNA. Comme poids on l'évalue exactement à I 1/5 ltncia et 4 scripetle; mais dans l'usage commun, on le regarde comme égal à une once L'évaluation en mesures modernes change suivant qu'on adopte le système de Galien, de Dioscoride ou d'autres, qui donnent à la cotyle une mesure un peu différente49. Le chiffre généralement adopté pour le cyathe est 0"',01i36. C'est donc une mesure très petite; on s'en servait beaucoup pour doser les médicaments. 11 n'y avait au-dessous que la LIGULA, qui valait 1/5 eyathe et le C0CIILEAR, ou 74, de eyathe. E. POTTIER.