Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

CYBELÉ

CYBELÉ. Cette déesse phrygienne fut, d'assez bonne heure, confondue par les Grecs avec une autre déesse, peut-être aussi d'origine asiatique, qui portait le nom de I?/iéa. Ces deux divinités ont sans doute plusieurs caractères communs; mais leurs légendes ne se ressemblent pas cl leur religion ne s'est pas établie dans les mêmes contrées. II importe doue de les distinguer. Nous nous occuperons d'abord de Rhéa, qui a été connue des Grecs la première. BIIÉA. Le hotu du cette divinité et PiEi:u, et Pot'g a été rattaché, chez les anciens, à la même racine que le verbe couler. S'il faut en croire Platon , Rhéa, s' celte qui coule si, serait une divinité de l'élément liquide. Suivant d'autres, le mot Pé est une métathèse de 4cz, vieux mot° qui signifiait " la terre n. Cette explication déjà donnée par Eustathe3, adoptée par Adalbert Kuhu par Welcker°, et, tout récemment, par Buchholz , cet assezvraisemblable. Si on l'admet, Rhéa serait, par son nom même, 1113e divinité de la terre, ou la Terre personnifiée. Rhéa ne jette aucun rôle dans les poèmes homériques, où elle n'est mentionnée qu'en passant7. Sa légende est, an contraire, assez longuement développée dans la Théogonie hésiodique. Nous y apprenons que Rhéa est une Titanide, fille tin couple primordial, Ouranos et Gan . Elle a eu pour frère et elle a pour époux Cronos, avec qui elle règne sur les Titans . De leur union naissent Hestia, Déméter et l-Ièrè ; Hadès, Poséidon et Zens ° Rhéa est une CYB 1678 GYB mère féconde, mais malheureuse. Les enfants qu'elle met au monde, à peine sortis de ses entrailles, sont l'un après l'autre engloutis par leur père Cronos. Cependant, quand elle fut sur le point de donner le jour à Jupiter, elle supplia ses parents, Gœa et Ouranos, de trouver un moyen de cacher la naissance de son enfant. Ceux-ci entendent et exaucent leur fille. Ils l'envoient en Crète, à Lyctos, ou près du Dicté n; c'est l'a qu'à la faveur des ombres de la nuit, elle porte le nouveau-né, qu'elle cache dans les profondeurs d'une caverne. L'enfant est confié à Gsea, qui se charge de le nourrir et de l'élever. Rhéa revient ensuite auprès de Cronos : elle enveloppe de langes une grosse pierre et la présente à son époux qui la prend et l'engloutit aussitôt, croyant dévorer son nouveau fils u Le caractère asiatique de ce mythe est évident. Comme les anciens eux-mêmes l'avaient remarqué, la pierre avalée par Cronos est un bétyle", simulacre divin en Asie; et le récit hésiodique semble n'être qu'une forme du mythe phénicien où le dieu El, assimilé à Cronos, immole son fils ". Cronos, le dieu qui dévore des enfants, a été rapproché également de Moloch . La scène se passe en Crête ; c'est donc par la Crète sans doute que cette fable, d'origine orientale, s'est répandue en Grèce, où l'on en trouve des variantes dans les traditions populaires recueillies par Pausanias. A Méthydrion en Arcadie, on racontait que Rhéa, étant enceinte de Jupiter, était arrivée sur le mont Thaumasion où elle avait appelé à son aide, pour la défendre au besoin contre Cronos, une troupe de Géants conduits par Hopladamos. Elle avait enfanté dans un repli du mont Lycée; mais c'était sur le Thaumasion qu'elle avait trompé la voracité de Cronos, en lui faisant avaler une pierre cmmaillottéett. Le récit des gens de Mantinée est plus intéressant; il se rapporte, non à la naissance de Zeus, mais à celle de Poséidon. Quand Rhéa, disaient-ils, eut mis au monde Poséidon, elle abandonna l'enfant au milieu d'un troupeau de moutons, pour qu'il y fût nourri comme un agneau. Elle alla ensuite déclarer à Cronos qu'elle venait d'accoucher d'un cheval ' et elle lui donna à dévorer un poulain, au lieu de son fils 18. Le stratagème de Rhéa est le fait essentiel de la légende de cette divinité, D'autres faits secondaires viennent s'y ajouter. D'après des récits postérieurs à la Théogonie, Rhéa, en quittant la Crète, avait confié Jupiter enfant aux soins des Curètes ° et des nymphes Adrastée et Ida Plus tard, quand éclata la lutte des Titans contre les Olympiens, Rhéa confia sa fille Héra à Océan et à Téthys" ; elle fit élever Poséidon à Rhodes par les Telchines . Un hymne homérique nous la montre faisant partie de la société de l'Olympe, où elle réussit à ramener Déméter, qui s'en était volontairement exilée après l'enlèvement de Perséphone Rhéa, en effet, n'a pas partagé le sort de son époux. Cronos est seul plongé dans le Tartare; ou bien il règne seul", assisté de Rhadamanthe, sur les 11es des Bienheureux. Cependant le nom de Pàoi g?eO donné par Eschyle 22 à la mer Adriatique, qui s'appelait encore la mer de Cronos 26, peut faire supposer l'existence de certaines traditions qui reléguaient le couple titanique à l'occident de la Grèce. Les Orphiques d'autre part avaient essayé d'accréditer au sujet de Rhéa des opinions différentes de la croyance commune. Pour eux, Rhéa est sans doute la mère de Zeus, l'épouse de Cronos; mais elle est la fille de Protogonos (le premier-né); elle a enfanté la terre, le ciel, la mer et les vents". Ou bien, confondue avec Dêo, elle n donné le jour à Perséphone, de son union avec son fila Jupiter, qui, pour triompher d'elle, a prie la forme d'un serpent 2t• D'autre part, elle paraît se confondre, aux yeux des Orphiques, avec Cybèle". Il n'est pas étonnant que Rhéa, divinité tellurique, ait été assimilée à d'autres divinités qui avaient le même caractère. Cette assimilation, qui devint générale avec le temps, remonte au delà de l'époque de Sophocle qui, dans un choeur de Philoctète, donne à Géea, la Terre personnifiée, quelques-unes des attributions à la fois de Rhéa et de Cybèle35. Il en est résulté que le culte de Rhéa fut peu répandu en Grèce, ou y disparut de bonne heure. Au temps de Diodore, les Crétois du pays de Gnosse ne pouvaient plus montrer que les fondements d'un temple de Rhéa au milieu d'un vieux bois de cyprès °t. Pausanias ne cite qu'un naos, consacré à Cronos et à Rhéa, dans le péribole du temple de Jupiter Olympien à Athènes n Mais la religion de Rhéa paraît s'ètre conservée en Arcadie jusque sous la domination romaine, Près de Méthydrion, le sanctuaire de la déesse était une caverne située au sommet du mont Thaumasion; les prêtresses de Rhéa avaient seules le droit d'y pénétrer". Les légendes que l'on racontait près de Mantinée, sur le mont Alésion, sur le Lycée et à Phigalie n, nous autorisent à supposer l'existence d'un culte antique de Rhéa aux mêmes endroits. En dehors de l'Arcadie, on n'en trouve plus de traces31 qu'en Béotie, à Platées et à Chéronée3° ; encore est-il possible que Pausanias, à qui l'on doit ce renseignement, ait confondu Rhéa avec Cybèle. Les représentations artistiques de Rhéa paraissent avoir été peu nombreuses dans l'antiquité. Elles se rapportent toutes, d'ailleurs, au mythe de la naissance de Zeus. Sur l'une des faces de l'autel de Jupiter qui est au Musée du Capitole, on voit Rhéa assise sur le sol, le bras droit appuyé à un rocher, levant la main gauche en suppliante. CYB 1679 -. C YB Au moment d'enfanter, elle implore, dans son angoisse maternelle, flua et Ouranos n• A Tégée, sur l'autel d'Athèna Aléa, étaient figurées Rhéa et la nymphe Oinoè, tenant dans leurs mains le nouveau-lié; de chaque côté étaient groupées quatre Nymphes38, celles sans doute qui avaient assisté la mère, et qui avaient fait sa toilette après l'accouchement . Le stratagème de Rhéa, ce que les Grecs appelaient l'évt(loç iCI00 "°, avait dît être un des thèmes favoris des artistes. Quand on entrait, k Platées, dans le temple d'Hèra, on voyait la mère de Zeus présentant h Cronos la pierre emmaillottée: ce groupe, de marbre peutélique, était l'oeuvre de Praxitèle45, qui eut sans doute des imitateurs. Nous trouvons ce même sujet sur l'autel du Capitole cité plus haut' (fig. 22401. Un vase peint k figures rouges, de la collection Pourtalès nous offre également cette représentation, mais avec des détails différents. Cronos est debout au lieu d'être assis; derrière Rhéa se tiennent deux jeunes filles, dont l'une paraît cacher quelque chose dans son péplos. M. de Witte reconnaît dans ces deux jeunes filles les nymphes Ida et Adrastée: l'objet qu'Adrastée dissimule sous les plis de son péplos ne serait autre chose que le petit Jupiter. Sur une autre face de l'autel du Capitole (voy. p. 220, fig. 245), où est représenté Zens enfant allaité par la chèvre Amalthée, tandis que deux Curètes dansent la pyrrhique, quelques-uns croient reconnaître Rhéa dans la déesse ) couronne tonrelée qui assiste à cette scène. Suivant Wieseler", cette déesse est Adrastée; suivant Braun u c'est l'île de Crète personnifiée. Peut-être faut-il y voir flua assimilée hfiybèle, puisque flua, d'après le récit de la Théogonie, a été chargée de nourrir et d'élever en Crète Jupiter enfant. La légende de Rhéa a laissé aussi quelques traces sur les monnaies. Une médaille de Laodicée de Phrygie, h l'effigie de Caracalla, présente, au revers, l'image de Rhéa emportant dans ses bras le jeune Jupiter, tandis que quatre Corybantes frappent sur le tympanum. Une monnaie d'Apamée, au type de Bécius, nous montre également Rhéa emportant Zens enfant : trois Corybantes élèvent au-dessus d'elle leurs boucliers (fig. 2241). Ces représen talions témoignent de la confusion qui, kl'époque. romaine, défait produite, en Phrygie méfie, entre la déesse ïiht'ygietine et la déesse cré toise qui lui avait été identifiée. rents noms. Lieux où elle était honorée. Au témoignage des anciens, la déesse KsuX'g, qui, particulièrementen Lydie et en baie °°, s'appelait encore Ku(b'aè, devait son nom k l'une des montagnes où elle était adorée °. Mais ces monts Cvbéla (b Kéét).n 6'p), dénI ni Strabon, ni aucun autre écrivain n'indique la position géographique, n'ont peut-être jamais existé que dans l'imagination de ceux qui, les premiers, ont voulu expliquer le nom de Cybèle5t. Ce nom est probablement phrygien. Si le renseignement donné par Hésychiits est exact, le mot séétix rappelle les excavations et les antres des montagnes de la Phrygie 82. Cybèle serait donc une déesse des cavernes; ce qui s'accorde avec certains détails de son culte. Le mot Cybèle n'est d'ailleurs qu'une des nombreuses épithètes données chez les anciens à celle qui était u la grande déesse de la Phrygie o )(bpu'hs lei7 btY) , où on la connaissait encore sous le nom d'Aqdistis ou, plus exactement, Agdistis Bien que, dans les légendes que nous analyserons plus loin, Cybèle soit distinguée d'Aggdistis, l'identité de ces deux personnes divines ne parait pas douteuse '. On ignore d'ailleurs la signification de cette dernière épithète, qui n'a pas une physionomie grecque 6 En dehors de la Phrygie et dans tous les pays helléniques, Cybèle était généralement appelée la Mère des Dieuxi (Msxip teis). Cette dénomination a-t-elle pour raison unique l'assimilation de Cybèle à Rhéa? N'est-il pas probable aussi que la déesse phrygienne portait en Asie un nom que les Grecs auront traduit par le mot oo(xig? Si cette hypothèse est exacte, ce nom serait celui d Mé (Ma) qui, suivant Étienne de Byzance, était donné en Lydie (o. Rhéa-Cybèle 87. Bien que Mît ait laissé peu de traces , et que, dans les légendes phrygiennes qui nous sont parvenues, la maternité ne soit pas un des caractères de Cybèle il n'y a pas de raisons suffisantes pour écarter' ce témoignage, pas plus que pour révoquer eu doute ceux CYFI 1680 CYB qui nous montrent dans Attis un dieu surnommé Pappas, c'est-à-dire « Père o. Cybèle et Attis, sous les noms (le Mère et de Père, auraient donc composé originairement en Asie Mineure un couple divin analogue à celui de Bel et de Mylitta en Assyrie, de Baal et d'Âstarté à Sidon, d'Adad et Atarnatis k Hiérapolis, etc. Muni s'expliqueraitcomment Cybèle s'est appelée, en grec, la Mère (M'Irqp)°1, la Grande Mère (Msap M:cde , et, quand son assimilation à Rhéa fut complète, la Mère des Dieux. A ces dénominations générales se joignent souvent des épithètes qui rappellent ]es montagnes où la déesse étau adorée. Cybèle est la Mère du Dindyme (Mse'êp ovèu ou ivlag() 63. la Mère du Sipyle (Marép lilyn) °, la Mère de l'Ida ()l' •IG) 02 Ceci nous amène à rechercher quelles furent, en AsieMineure, les contrées et les villes où s'établit le culte de la Mère des Dieux. Le siège principal et le plus ancien de ce culte était la Phrygie. La Chronique de Paros range parmi les événements bien antérieurs à la guerre de Troie l'apparition de l'image de la Mère des Dieux sur les monts Cybéla n Les Bérécyntiens, tribu phrygienne, dit Strabon «, et d'une facon générale les Phrygiens, honorent Rhéa (Cybèle) et célébrent ses orgies. 'r Les Phrygiens, qui se prétendaient le peuple le plus ancien de la terre ° et qui, de temps immémorial, avaient inventé la musique de la flûte inséparable du culte de Cybèle, devaient faire remonter l'origine de ce culte à la plus haute antiquité. Le mont Dindyme, comme l'indique l'épithète de iisiuysa' appliquée à Cybèle, fut en Phrygie un des centres principaux de sa religion. Dans ce pays, l'un des sanctuaires de la déesse était une haute et vaste caverne, nommée Steunos, qu'on montrait sur les bords de la rivière Pencalas °° Cybèle était et resta, jusque sous l'empire romain, la grande di iuit nationale de la Phrygie. II est peu de monnaies de ce pays qui ne nous offrent con image. Nous savons ainsi que Cybèle était honorée a Acmonia, iEzani, Attuda, Cadi, Cérétapé, Cibyra, Cotioeum, Dionysopolis, Dokimmon, Eucarpia, Hiérapolis, Flyrgaléa, Julia, Laodicée, Métropolis, Ococléa, Prymnessos, Sala, Synnada, Tra,janopolis, etc. 08. La religion de Cybèle fut aussi de bonne heure florissante dans une ville de Galatie, restée longtemps phrygienne, et qui est aux pieds du Dindyme, Pesniuonte. Cybèle est quelquefois appelée n la déesse de Pessinonto » (fl17;v7uaTiç , ou n la Mère de Pessinonte u IIsrnana7(mo) °. C'était là qu'on montrait la pierre tombée du ciel, qui était son simulacre vénéré . Là on racontait que le roi Midas avait hs.ti non temple et institué son culte". La piété des Attales embellit ce sanctuaire dejà magnifique en y construisant un item et en y élevant des portiques en marbre blanc . Les prètt'es avaient le rang de princes et t'aient de leurs charges de gros revenus °. Même quand l'image de la déesse eut été transportée à Rome, Pestnonte ne cessa pas d'ètre, dans cette région, le centre principal dot culte de la Grands Mère. Ce culte ne paraît pas s'étre étendu du cèté de l'est, ni du cûté du sud, où l'on n'en trouve tardivement quelques traces qu'à Laodicée de Lycaoniet, à Sitlé en Pamphylie °, à Tarse et à iEgm en Cilicie Mais il s'est propagé dans la direction du nord-ouest et de l'occident. A Nicée, en Bithynie, on prétendait que la nymphe éponyme de la cité, Nicœa, était née de l'union de Sangaries et de Cybèle En Mysie, on célébrait à Cyzique, au temps d'Hérodote, des fêtes magnifiques en l'honneur de la Mère des Dieux83 : son culte remontait, disait-on, jusqu'aux Argonautes ° Cybèle portait à Cyzique l'épithète spéciale de Asèp(o'5, du nom du mont Lobrinion où était sans doute son temple 84 Une petite ville à l'ouest de Cyzique, Plakia, possédait un de ses sanctuaires les plus vénérés. Les rares monnaies de Plakia portent, au droit, la tète lourdée de Cybèle La M't'1p [D,'unoa'4 nous est également connue par deux inscriptions des environs (le Cyzique, relatives à son culte". Cybèle était encore ho norée à Proconnèsos à Milétopolis , sur la montagne Téréiè pres de Lampsaque, d'où son surnom de M'rÇz'p 'rt 89, à Abydos 90, en Troade dans la petite ville (l'Andires (M'sr'0p 'Aoorpyv's ((dl 'A3hg(V') et surtout dans la chaîne de l'Ida, dont tous les prolongements lui étaient consacrés et où l'on celébrait en son honneur des fêtes orgiastiques analogues à celles de la Phrygie". En descendant sers le sud, nous trouvons le culte de Cybèle à Lesbos, où il est attesté par les monnaies autonomes de Mitylène 24, Pergame°0, et près de Pergame, sur le mont Asporènos (M'se'qp totnpeso) ° Mais, dans cette région, le pays où elle comptait le plus grand nombre de sanctuaires était la Lydie, qui fut, après la Phrygie, le centre le plus important de son culte. Hérodote raconte que, dans l'incendie de Sardes, les Athéniens brûlèrent un temple de tt la déesse indigène Cybèbe o. Cette déesse était adorée sur le mont Sipyle, où l'on voyait son antique image, taillée dans le roc La M4tap ;oraà'5o'4 était l'une CYI3 1681 cyn des grandes divinités des Magnésiens et des Smyrnéens les traités d'alliance conclus entre ces deux peuples étaient placés sous sa protection °. Les inscriptions et les monnaies de Magnésie et de Smyrne attestent la faveur dont a joui le culte de la Mère du Sipyle pendant toute la domination romaine °°. La Mère des Dieux était encore honorée en Lydie, dans les -villes d'Acrasos, d'A pollonis, de Brio' d'Hyppa, de Thvatire 001, Son culte était également ré pandit en Ionie, te Phocée, te Clazoméne, à Métropolis qui lui doit son nom 102 et, en Carie, te Stratonicée, te l'rapézopolis et te Cnide d'où, vraisemblablement, il a gagné la Crète cl les Cyclades du sud, en particulier l'île de Théi'a °. Cette géographie nous montre que Cybèle, en Phrygie et dans tous les pays d'Asie baignés par la mer Egee, a été une divinité de premier ordre. Il importe maintenant de déterminer sa nature et ses caractères, en étudiant les légendes qui la concernent, les affinités qu'elle peut avoir avec d'autres divinités, et les pratiques de son culte. Il. Légendes de Cybèle et d'Attis. Pour comprendre les détails, souvent étranges, des mythes que nous allons exposer, il est nécessaire de savoir que les traditions phrygiennes, comme celles des autres peuples de l'Asie, supposent l'existence originaire d'une grande divinité, qui était complète dans son essence, qui réunissait en elle les deux sexes. Cet être, d'abord androgyne, s'est ensuite dédoublé il s'est décomposé en une divinité féminine et une divinité mâle, intimement associées l'une à l'autre. En Phrygie, l'androgyne et la divinité féminine s'appellent Agdistis; le dieu mâle est Attis. aimé d'Agdistis, qui n'est autre que Cybèle. Lus légendes qui proviennent de Pessinonte sont évidemment celles qui méritent le plus de créance, qui doivent titre les plus anciennes. C'est Pausanias qui nous les u transmises. Jupiter, disait-on, pendant son sommeil, féconda la terre, d'où avec le temps sortit un être divin, qui avait te ]a fois le sexe de l'homme et celui de la femme on l'appela \gdistis. Les dieux, épouvantes te la vue de ce monstre, lui coupent les parties viriles qui, jetées sur le sol, donnent naissance te un amandier. Une nymphe, la fille du fleuve Sangarios, voit les fruits de cet amandier et les met dans son sein, où ils disparaissent. Bientôt la vierge devient enceinte et met au monde un enfant qui est exposé et gardé par un bouc. Cependant l'enfant grandit et en grandissant acquiert une merveilleuse beauté, qui excite l'amour d'Agdistis. Ceux qui avaient recueilli Attis l'envoient te Pessinonte, où il doit épouser la fille du roi. Mais, au moment où se chantait l'hyménée, Agdistis fait son apparition elle égare l'esprit d'Attis qui, dans sa fureur, se coupe les parties génitales. Agdistis se repentit ensuite de ce qu'elle avait fait elle obtint de Jupiter que le corps d'Attis restât incorruptible 106. Ce récit se complète par celui qu'Arnobe a emprunté te 99 do,y. lote,'. qs'. 3137. 00 Corp. inter, gr. 3156, 3193, 3560, 3286.,;;92. 340, etc. Les monnaie, do Smyrne au type de Cybèle sont ires nombreuses. 's'oie Monnet, t. III P. 219, 030-239, 043 Waddington, Fastes des provinces asiatiques, p, 149, n' 98; p' 153, n5 102; p' 108, n' 136. Le cuite de Cybèle était associe, Smyrne, 'o celui de la double Némésis. Sur les monnaies (Mionnet, t, Iii, p. 230 droite dons figurines, qui sont tes deux Néme'is. Pour les monnaies de Magnésie do Sipyle, voir Mionnet, t. IV, p. GIn' 360, 370; p. 70, n' 350, etc.; Miutler.Wiescier, t. lisp' xx,, n' 808, tOI Mionnet, t. IV, p. I, n' 22, 03 Muet, lice, oooOoro. 1563, p' 387; Mionnet, 's, p' 24, n' 123; p. 45,n' 240; p' 33, n' 274 p. 166, u' 93(( Corp. i,sse,'. q,'. 3058. De mémo à Dioshiéron, comme ou te soit par un plomb de lu collection de la Société archéologique d'Athènes; A. Eugri, Bullet. de corimsp. bellOo, t. Viii, p' 9. 102 Mionnet, t. III, p. 182, n' 884; p' 72.73, n' 89 ci s.; Eckhel, t. II, p. 330; Mionnet, t. p, 159-161. tOi Mionnet, t. iii, p. 377, Il. t.tn écrivain, petit-être phrygien, du nom de Timothée toc, Arnobe n'a pas vu qu'Âgdistis et Cybèle, k qui il fait jouer tin rôle parallèle, ne sont qu'une seule et même personne Mais il nous apprend que la fille de atsgarios capuche Nana, la fille dot roi la, qn'.\ttis s'est emasculé sous un pin, que ce pin a été tramé par Cybèle slan', sa caverne où elle a pleuré la mort de son amant, que du sang d'Attis sont nées des violettes de pourpre : détails qui sont en rapport avec les cérémonies du culte phrygien. Arnohe ajoute (lue Jupiter, cédant aux instances d' gdtstts, lut promit, non seulement que le corps du jeune dieu ne se décomposerait jamais, mais encore que sa chevelure continuerait te pousser, et que son petit doigt serait toujours en mouvement. Cite autre version est fournie par les textes d'Ovide du philosophe Salluste 109 et de I'emporeur Julien 105, textes 1tti ne diffèrent entre eux que par quelques détails secondaires, ce qui permet de les combiner dans l'unité d'un même récit. Attis, te sa naissance, a été exposé sur les bords du fleuve Gallus et sauvé par Cybèle qui a vu grandir sa merveilleuse beauté. Bientôt la déesse s'enflamme d'amour pour l'adolescent, qu'elle comble de présents, dont elle coiffe la tète d'un bonnet semé d'étoiles Itt. Elle fait promettre te Attis de rester attaché â son service, de ne point la quitter, de ne jamais aimer une autre femme. Mats Attis fut infidèle te sa parole. [n jour, il descendit dans une caverne, où il eut commerce avec la nymphe Saitgaritis. D'après Julien, c'est le lion, l'animal familier de Cybèle, qui, te l'instigation de Coo'ybas, vint dénoncer k la déesse la faute de son amant tt3 Dans sa l'tiretu' jalouse, celle-ci fait périr sa rivale et égare l'esprit d'Attis, qui s'élance éperdu sur les pentes du Dindyme où, dans un accès de folio, il se dépouille de sa sirilité. Ii revient ensuite auprès de la Mère des Dieux, qui fait de lut son inséparable compagnon et qui le promène triomphalement asse elle sut' un quadrige attelé de lions dont il est le conducteur'. Ces derniers récits, comme on le 'soit, ne supposent pas la mort d'Attis après sa mutilation r ils concluent te une sorte d'apothéose du jeune dieu, désormais réuni à. sa divine aman-Lm Le récit de Diodore tIS, qui a pour source tin roman evhitmet'i.stp '°, ne mérite pas de fixer l'attention, Mais il faut citer la version d'Hermésianax de Colophon 1'7. D'après lui, Attis était fils de Calaos le Phrygien et impuissant de naissance. Devenu grand, il se rendit en Lydie, pour s' introduire les orgies de la Grande Mère 118, Là, il fut l'objet d'une telle vénération que Jupiter, jaloux de ses honneurs, déchaîna dans les campagnes des Lydiens un sanglier monstrueux qui détruisit tout, qui tua beaucoup d'hommes, et sous les coups duquel Attis lui-même périt. Il est évident que ce mythe lydien de la mort d'Attis se confond avec le mythe syrien de la mort d'Adonis : confusion qui u' 436: p. 356, n' 493 p. 341, u' 219, 10, Monnaies dlii r apytou ou tope de passim. t" .lu'ian. p. 169, t,, Gatt,rsi. I. cit. 115 Ibid Ce détail o de haroduit dans le mythe pour expliquer 1,., monuments qui représentaient Attis soc' un bonnet constelle. Voir pion loin, sect. V, 2. 113 Julian. In Mutin D. p. 167 liS Sailrlst. t. cit. bisou, p. 165 't, 050 d, 171 e. ttl lit, 00 'oS. 116 Diodore (59, S dit r Voilà ils falotes que ion raconte au sujet de la Mère des dieux (liez Block, Cr'/so'osé,'e, sou ls,'e et su eloeiroso, p. 606. tO Cites Pausanias, 911, 17, 9. Cf. Seisot. Niraudr. Aire, 5. __ttf Doper, t,ur.'ieo, D et,'o Syria, 15, Attis était us, Lydien auquel on attribuait la foud.siisu du cuite orgiattiqolo de C1bel eu Phrygie, eu Lydie, à Samothrace. 211 CYB 1682 CV B s'explique, si l'on songe que ces deux dieux ont entre eux d'étroits rapports. Ce n'est p à tort que dans l'hymne (1cc Pliilosop/uinena ', et dans un oracle cité par l'his torien Socrate Attis est assimilé à, Adonis'''. Si l'on excepte en effet l'émasculation d'Attis, qui n'a peut-être été imaginée que pour justifier les mutilations volontaires de ses prêtres, les légendes des deux dieux ont un fonds identique [ADONIS(. Comme Adonis, Attis est un adolescent, aimé de la grande déesse asiatique; comme lui, il meurt et il ressuscite; tous deux sont probablement l'image de la végétation terrestre et de ses vicissitudes annuelles Cette signification du dieu phrygien ressort surtout des cérémonies de sou culte, qui no' sont que la mise en scène des laits essentiels de sa légende. III. Culte de C4/hèle et d'Attis en Asie Mineure et en Grèce. Les fêtes en l'honneur de Cybèle et (l'Attis qui, à l'époque d'Auguste, se célébraient dans toute la Plorygie m, commençaient, chaque annee 122, l'équinoxe du printemps 0.4, C'était ce jour-là qu'on coupait l'arbre sacré, le loin qui était le symbole d'Attis, dont limage était attachée 12, Venaient ensuite des cérémonies qui présentaient les mêmes contrastes que celles du culte d'Adonis aux démonstrations d'une douleur éclatante succédaient les démonstrations d'une joie passionnée. Au temps de Julien, le premier acte de cette aorte de drame hieratique rappelait la douleur de Cybèle abandonnée de son amant. Les accents de la trompette"' donnaient le signal d'une scène 11e thrènes, ou les prêtres et les femmes, avec (les sanglots et des cris aigus, appelaient le dieu infidele, pleuraient sa fuite, sa disparition, sa descente dans la caverne '''. Le troisième jour rappelait l'émasculation d'AGis . Ce jour-là sans doute éclataient les transports (1C5 prêtres de Cybèle, les Galles [GALLeS2, qui repréuen tent les Corybantes, compagnons mythiques de la deesee. Les Galles, brandissant des épées 129, la chevelure au vent 120, se livraient à des danses frénetiques 131 Les hurlements sauvages qu'ils poussaient, mêles à la musique des flîttes, aux sourds roulements du ts/nopunum, au bruit éclatant (les cymbales d'airain 123, les mouvements désordonnés qu'ils imprimaient à leurs corps, les exaltaient pal' degrés jusqu'à un étal de délire, où, devenus insensibles 0 la douleur physique, ils se faisaient aux bras de profondes blesurcs 133, où quelquefois ils allaient jusqu'à se couper, à l'imitation d'Attis, les parties génitales'23. « Après cela. dit Julien, viennent des fêtes de joie, qui s'appellent lacée'30. « D'après d'autres textes, qu'il est difficile de concilier avec le témoignage de Julien, et (lui sont en rapport d'ailleurs avec la première version que nous avons citée de la légende d'ê,llis, le pin auquel on avait attaché l'image du jeune Phrygien o'tait porté en grande pompa clans le sanctuaire de la Mère des Dieux 20, Dan'ce sanctuaire il paraît y avoir eu, 'n Phrygie du moins, une sorte de crypte. où l'on descendait Attis comme en un sépulcre". Là, le pin était orné de bandelettes et couronné de violettes printanieres 136 et les femmes, près du corps du dieu, pleuraient sa mort douloureuse'. l'eut-être est-ce ii ce moment qu'il faut placer ces aasvuyîç, ces veillées sacrées qui, dès l'époque d'Hérodote, étaient, à Cyzique, inséparables du culte de Cybèle 140, Quant aux fêtes joyeuses qui suivaient et se succedaient pendant trois jours, du 25 au 27 mars nous en ignorons les détails ; il est seulement évident qu'elles célébraient l'apothéose d'Attis rendu à Cybèle. A côte de ces cérémonies publiques et populaires, Cybèle et Attis étaient, en Phrygie, l'objet d'un culte mystérieux réservé à certains inities132. On faisait remonter l'institution de ces mystères à Idos, fils de Pardanost43. Proc]us avait composé sur ce sujet un livre qui est perdu'. Mais la formule sacramentelle de l'initiation nous a été conservée. L'initie disait : « J'ai pris dans le fympanum pour manger, dans le cymbalum pour boire : j'ai porté le cet'nos ixsp'o9dpenu), j'ai pénétré dans le pastoa ; je sui, devenu tnyste d'Atlist43. o, Attis, dans ces mystères, n'était donc plus subordonné à Cybèle ; il devenait lu dieu principal 146 Les légendes qu'on y racontait différaient missi des légendes populaires. Zens, disait-on, avait fécondé Dèo (confondue avec Cybèle) en jetant dans on sein les testicules d'un bélier 1,7. Les initiés étaient astreints à des jeûnes et à des abstinences. L'usage du polisson leur 'tait interdit. Ils ne pouvaient manger la racine d'aucune plante potagère; ils ne devaient toucher ni sus grenades ni aux oranges 141 Ces mystères d' Attis et de la More de'Dieux s'introduisirent eu Grève, comme nous le verrons plus loin, mais sans sortir de l'enceinte de quelques congrégations. D'après tous les faits que nous venons d'exposer, le caractère de la déesse, si intimement associée à Attis en Phrygie, n'est i1s douteux. Cybèle n'est qu'une des formes de cette grande déesse qui, en Asie, suivant les régions où elle était honorée, portait des noms différents et était louée d'attributions diverses, mais en qui l'on adorait partout le principe féminin, source de toute vie dans la nature " Cybèle est étroitement apparentee à la Venus asiatique, qui lui était assimilée par 1cc Grecs eux-mêmes "0, et à la déesse syrienne d'Hiérapolis1'1. De même que le nom du dieu assyrien dad est quelquefois traduit en grec par Zens. ou rencontre celui d'Atergatis traduit pal' Mtjs'11 CYB 1683 CYB Mtyé)ssi '. L'animal qui accompagne toutes les représentations de Cybèle, le lion, était également inséparable d'Atergatis , de la déesse qui, (t Babylone, était associée à Bel, et de l'Anaïtis des cylindres assyro-chaldéenst65. Cybèle ne se confond point cependant avec tontes ces divinités. En Phrygie et en Lydie, die paraît avoir été surtout conçue comme la l'erre-Mère. Telle est du moins la signification que lui prètèrent de bonne heure les Grecs ' et que l'antiquité tout entière lui a attribuée '. Dans ces mêmes pays, Cybèle est une déesse protectrice des cités, corniste l'indique la couronne tourelée qui surmonte sa tête; elle est aussi une déesse bienveillante, qui opère des guérisons miracu1euses, qui protège ses adorateurs même après leur mort. Son image se rencontre fréquemment dans les nécropoles d'Eolie, en particulier dans celles (le Cymé et de Myrina'9. Des côtes d'Asie Mineure la religion de Cybèle gagna les côtes de Grèce. Peut-être fut-elle importée directement de Lydie dans le Péloponnèse; du moins les habitants de la ville laconienne d'Acri prétendaient être en possession d'une des plus antiques images de la mère du Diridyme 160 Vers le milieu du y0 siècle, au temps de Pindare, la déesse phrygienne avait un sanctuaire àThèbes, où son culte était célébré par les femmes et les jeunes filles dans les ombres de la nuit'61. Le grand poète thébain avait fait élever ce sanctuaire à ses frais, près de sa propre demeure : on y voyait une statue de la déesse, oeuvre de deux sculpteurs thébains, Aristoméde et Socrate n• A la même époque, ou quelques années plus tard, le culte de la Mère des dieux s'introduisait à Athènes, où l'on élevait, au coeur même de la cité, un temple en son honneur. Une tradition, qui renferme peut-être une part de légende, expliquait plus tard à quelle occasion les Athéniens avaient accueilli chez eux la grande divinité phrygienne. Un mètragyrte, ou prêtre de la Grande Mère, étant venu, disait-on, en Attique, pour initier les femmes aux mystères de Cybèle, fut tué par les Athéniens, qui le précipitèrent dans le barathre. Bientôt une peste se déclara. L'oracle de Delphes consulté ordonna d'expier le meurtre du métragyrte. Pour apaiser la colère de la Mère des Dieux, les Athéniens]ui élevèrent un temple, qu'ils appelèrent, de son nom, le Mbjoa 162, et y consacrèrent une statue de la déesse, oeuvre de Phidias ou de son disciple Agoracrite'06. Au temps de Périclès, la déesse phrygienne avait donc obtenu droit de cité en Attique, où elle eut plus tard un autre sanctuaire, dans le dème d'Anagyrasia"; mais elle n'avait pu faire admettre avec elle les pratiques du culte phrygien. Parmi les présages funestes qui annoncèrent le désastre (le Sicile, était celuici on vit un homme sauter tout à coup sur l'autel des douze dieux ; puis, après en avoir fait le tour, il se coupa, 18 Lucr, Il, 555-605. 125 ISsus [inscription du Métroon cite plus haut, note 105, la Mère des dieux eut qualifiée de ,15a71 uy;av. s2' jfilt/,ajl. d. JouÉ. R,'i,oocl,, CalaI. du musée jus5. de Constantinople, n' 47, la, e, d.; Bali. Cure. Ose!!, 185, p. 100.-168 Pssuson. iii, 22, 4. Dons le Péloponnèse, ils avait eu aussi nu Métreau à 01 vn,pis. Au temps de Pausanias (V, 20, b), ou n'y voyait plus limage de la déesse ce sanctuaire servait ii abriter les statu,', des empereurs romains. lOI Piud. Pplh. III, 77 sqq. PI,,, tard. Cvhbie eut, à Chéronée, un sanctuaire ou ou lui esusoerail des esclaves; Baud. de eoes'eep. hall. l'itt, p. 66-07. 107 Pausa,s. IX. 05, 3. Cf. Sehot. t'iud. ad I. cil. Ce sanctuaire, ou temps de Pausanias, n'était ouvert qu'une tais l'an. 163 Jutian. Cent. V, p. 139, u, la; Suidas et l'holiass, s. r. a0 clOrai. Cf. Gerhard. Liber dus .iJ]t,'oou es, Athea K. Caouas, Dus Meteaou la .t lise,,. .-. tl', Arriau. Pee)tsl. p. 5; Pausan. I. h, 5; avec une pierre, les parties génitales '. Ce forcené, qui était un adorateur de la Mère des Dieux, ne trouva pas d'imitateurs en Attique. La répugnance des Grecs pour de telles pratiques se marque encore par le mépris où ils tinrent toujours le compagnon phrygien tic Cybèle, Attis, le dieu mutilé. En abordant en Grèce, la déesse dut se séparer de son amant. On ne cite que deux sanctuaires grecs où Cybèle et Attis fussent réunis. ceux de Dymto et de Patr; encore ces sanctuaires sont-ils vraisemblablement d'époque romaine 167. Partout ailleurs, Attis fut repoussé, comme un barbare, comme un dieu bètard, inscrit frauduleusement sur la liste des divinités Chassé du culte public, il ne trouva de refuge qu'au sein des associations où se propageaient secrètement les religions des dieux étrangers. Au commencement de l'époque macédonienne, la société des Orgéons du Pirée célébrait, dans un lètroon qui lui était propre, le culte phrygientt9. Attis y était associé k Cybèle Une inscription des premières années du second siècle provenant des ruines du Mètroon, renferme un décret en l'honneur d'une prêtresse qui avait dressé le lit pour la double fête d'Attis (êg(pê-rzp t '4ièiim). Le lit dont il est question est sans doute le lit funéraire où était étendu le corps du dieu mort; le mot è.spêspŒ indique que la fite d'Àttis se composait de deux parties successives, que les démonstrations tic joie y suivaient, comme en Phrygie, les démonstrations de douleur 171 Cette même société des Orgéons célébrait des mystères en l'honneur des deux divinités phrygiennes. La déesse, assise sur un trône et entourée d'un cortège de femmes, assistait au drame mystique; un second trône était réservé àun autre personnage divin, qui ne peut être qu'AGis'77. Le cuite phrygien tout entier avait donc été transporté dans le Mètroon des Orgéons du Pirée. Il est peu probable qu'il faille rattacher à la religion de ce sanctuaire un autel taurobolique trouvé près d'Athènes, et où se voient, comme su!' plusieurs monuments de ce genre, l'image de Cybèle et celle d'Attis'72. Le style de ce monument et la forme des caractères épigraphiques qui y sont gravés nous reportent en effet à. la fin dit deuxième ou au début du troisième siècle de l'ère chrétienne, c'est-à-dire à l'époque où l'usage des tauroboles se répandit en Attique, comme dans les différentes parties du monde romain, Pendant longtemps, Cybèle fut donc seule l'objet d'un culte public sur certains points de la Grèce. En la détachant d'Attis, les Grecs d'ailleurs l'avaient rapprochée de quelques-uns de leurs dieux, venus d'Asie plus anciennement. Le caractère orgiastique du culte de la déesse phrygienne la mettait nécessairement en rapport avec Bacchus, s' ce parèdre, dit Pindare, de Dèmèter au fracas d'airain17" s', c'est-à-dire de Cybèle que l'on honore pal' le bruit des 117 Pausun, VII, 17, 5; 10, 3. M. Fuueert, Assoc. rei7j. p. 50, suppose quo ce culte tut introduit e,, Achaïe pur les pirates que Lampée établit comnie colons dais, la viiI,, de Dpu,o,. 168 Plut. Amal. 13. 5; Lac. Jeorauseu. 27 ; Dear. eoucit. 9. M. Max. Collignan (Mass,seu. grec, 1851, ,. 13) tait remarquer quo les nombreux et-vote h Cybèle trouvés en Grève lu représentent seule. Cf. Oiephani, Ber 500, etc. -. 169 Les inscriptions provenant dia ce Mètroon ont été publiées d'abord p. 292-290. Files ont été étudiées do nouveau tsar D. Cumparclti ducs les .duu. 5,' i'Ts,sl. os-eïvéoi. rie Bouse, 1861, p' 23-45; et e,' dernier lieu per M. Fs,,,carl (Assoc. rcliq. p. 85 et sui,'.) qui on donne le jette dans l'Appendice. -l''10 Kôhlee, J,,oee. .1 hie. II, 551; Fsueurt, op. ait, u' 8. tOi Faueurt, p. 02-05. tOi Criss résulte d'une inscription mai lue pur Pillakis 01 do,st M. Fnucart u rôlatsli le teste CYB -168't CYB cymbales. « Heureux, disent les femmes du choeur des lice 'liantes d'Euripide, celui qui, prat quant les orgies de la Crante Mère Cybèle, agite le thyrse et, couronnd de lierre, se, fait le serviteur deDionvsos'° »Plus tard Strabon assimilait les rites phrygiens à ceux du culte. de Colys et de Pendis en Thrace, et aux pratiques de la religion du Bacchus asiatique17". Cybèle fut d'ailleurs, de très bonne heure, en relation avec l'un des principaux personnages du cortège de Dionysos, avec l'an, dont le culte était associé au sien à Thèbes, au temps de Pindare. « Pan, disait le poète. est, le compagnon de la brande Mère, le chien qui la. suit S7. » Sur le bas-relief connu, consacré par Adamas aux Nymphes, on voit, en effet, Pan assis, jouant de la. syrinx, eu-dessus de la grotte où Cybèle et les Nymphes accueillent la procession des suppliants15. Il n'est, pas étonnant que la. déesse se trouva en rapport avec le Silène Marsyas, originaire, comme elle, de la :Phrygie. On attribuait à 'Marsyas l'invention des airs de flûte cons'aerés à la hère des Dieux Sur plusieurs bas-reliefs, on voit Cybèle intervenir avec d'autres divinités, auprès d'Apollon, en faveur du Silène, ou bien assister à la scène de son supplice t80. D'autres monuments, ceux qui représentent les noces de Cari mus et d'Ilarmonia, nous montrent Cybèle asriee aux milieu de toutes les autres divinités debout'"; elle fait donc partie de la société de l'Olympe. C yb_'le parait avoir ete spécialement associée à :tiennes, si toutefois il faut reconnaître Herniés dans le la'cemuaee qui, sur plusieurs bas-reliefs votifs, se tient debout, une aiguière dans la. main droite, à. côté de Clybèle''. Cet ll'rmès serait l'lle mès-Kadmilos dont le culte, à Samothrace et ailleurs, était étroitement lié à celui du groupe des divinités chthoniennes, groupe dont Cybèle, par suite lie son assimilation à Déméter, brait partie. Peut-étre, d'après la même conception, faut-il reconnaître Coré et non pas Hécate' dans la jeune fille qui, sur les mêmes monuments, est debout à. côté de Cvhèle,tenaut à la main un on deux flambeaux "«fig. '2242). Ces faits, que l'on pourrait multiplier, tendent à établir que les Grecs, en repoussant les rites phrygiens, adoptèrent an contraire facilement la personne même de la déesse phrygienne qui, pour eux, se confondait souvent avec les grandes divinités helléniques de 1a terre, avec Gaia et Déméter. IV. Culte de Cybèle et d'Attis à nome. Le culte de Cybèle s'introduisit à. Rome plus tard qu'en Grèce. Pendant la seconde guerre punique, les décemvirs découvrirent dans les livres Sibyllins un oracle qui promettait à }Tome la victoire, à la condition que la Mère de l'Ida (1i'later^ /alma) frît transportée de Pessinonte à Rome. Au meure moment, la Pythie consultée prédisait un triomphe éclatant pour le peuple. romain. Il n'y avait pas à hésiter. En l'an 205, une ambassade solennelle fut envoyée au roi Attale, qui conduisit lui-même les députés à Pessinonte, oh il remit entre leurs mains la pierre sacrée « qui aux yeux des gens du pays était la Mère des Dieux" ». Aussitôt un député prit les devants, porteur de cette bonne nouvelle; il avertissait en meure temps que, suivant le conseil du dieu de Delphes, la déesse, à son arrivée à Rome, devait être reeue par le plus honnête homme de la ville. Ce fut en 204 que le vaisseau qui portait la déesse arriva à Terracine. Publius Scipion :asica, déclaré par le sénat l'homme le plus honnête de la république, alla, avec une suite de matrones, à. la rencontre de la déesse jusqu'à. Ostie. Il monta sur le navire, reçut la pierre sacrée des mains des prêtres phrygiens et la remit aux dames romaines qui, en s'en chargeant à tour de rôle, l'apportèrent à Rome, où elle fut déposée dans le temple de la Victoire sur le Palatin 1S. Chez Ovide, ce fait est devenu une légende. Quand le vaisseau touche à Ostie, la ville entière se porte à sa rencontre, le peuple, les chevaliers, le sénat, les femmes, les jeunes filles, et parmi elles les Vestales. On essaie de faire remonter le Tibre au navire, nais il s'engrave dans le sable; il est, impossible de le remettre à Ilot. (c'est iilurs qu'une Vestale, dont la réputation était compromise, Claudia Quinta, s'avance devant tout le peuple. Elle supplie' la. déesse. de la suivre, de l.émoigner ainsi qu'elle est, pure et sans tache ; et auseil ôt, pan° un léger effort, au 'moyen de sa ceinture, elle dégage le vaisseau du banc de sable'". Claudia Quinta, qui avait rendu un tel service à la république, devint plus fard, sous le nom de. ,Yai'i.sal'eia, une sorte de déesse protectrice de la navigation du Tibre''. Le bas-relief d'un autel trouvé sur Les bords du fleuve, bas-relief consacré à, la. Mère ries Dieux et à. Navisalvia'", notas offre l'image de ce fait merveilleux (fig. 2243). Sur ce monument, comme sur les CYB -1685 CYB médailles de Faustine l'ancienne °° qui rappellent la même tradition, la Mère de l'Ida n'est pas représentée par une pierre, mais par une statue assise. Le jour où la déesse fit son entrée dans Rome fut un jour solennel. On établit un LECTISTERNIUM; on institua une fête, accompagnée de jeux, la féte des MEGALESIA, dont le nom grec rappelait celui de la Grande Déesse n, et qui se célébra ensuite tous les ans k pareille date, c'est-à-dire du 4 avril ' au 10 du même mois '°. En même temps, on commençait sur le Palatin la construction d'un temple spécialement consacré à la déesse, lequel fut inauguré treize ans après, le 1.0 avril 491 u• Le culte fut constitué, tel qu'il était en Phrygie, mais il conserva idngtemps tous les caractères d'un culte étranger. Un sénatus-consulte défendait aux citoyens romains de paraître en costume bariolé aux fêtes de la Mère des Dieux, d'y jouer de la flûte, d'y pratiquer aucun des rites de l'Asie. Dans les processions où l'on portait en grande pompe l'image de la divine Mère, le prêtre et la prêtresse étaient d'origine phrygienne '°. C'étaient ces étrangers qui parcouraient la ville, quêtant pour la Mère des Dieux [METRAGYRTES]. Ils étaient suivis d'un cortège d'eunuques [GALLUS] qui, au bruit des tambours et des cymbales, aux accents éclatants de la trompette et de la flûte, s'avançaient brandissant leurs armes s tout souillés de sang, ils bondissaient en cadence, avec des balancements de tête qui faisaient trembler leurs aigrettes menaçantes. s Sur le passage de la déesse, ses adorateurs romains s'empressaient de lui payer tribut, en jonchanLson chemin de feuilles de roses, de pièces de bronze et d'argent'''. Les Romains ne jouaient donc aucun rôle dans les cérémonies de la Mère des dieux, dont ils étaient simplement spectateurs; mais ils célébraient cette fête par des réjouissances publiques, par des jeux de scène et des jeux de cirque, par les banquets que se donnaient entre eux les patriciens et qui portaient le nom de mutitalionest°. Comme cela était arrivé en Grèce, Attis ne s'introduisit pas à Rome en même temps que Cybèle. Aucun texte ne permet de supposer que son culte fût associé dès l'abord k celui de la Mater Idaca. Seul, un denier de Céthégus, qui rappelle l'introduction du culte phrygien sous le consul ol ce nom, en 04, nous offre l'image d'Attis t; mais cette représentation peut faire allusion à la légende de Pessinonte, sans qu'il soit nécessaire de conclure à l'existence du culte do dieu phrygien à Rome dès cette époque La belle poésie de Catulle n'en est pas non plus une preuve suffisante; car ce morceau ne paraît être qu'une imitation des Alexandrins °'. C'est seulement sous l'empereur Claude qui, dit-on, fit célébrer le premier la grande fête phry gienne du mois de mars 202, que la religion ci'Attis fut définitivement associée k celle de Cybèle. C'est à partir de ce moment que le nom du jeune dieu se rencontre, à côté de celui de la déesse, sur les inscriptions, où ils se trouvent réunis dans la qualification de dii magné et de dii conservatoi'es203. Désormais, les Archigalles qui, à Rome comme dans les provinces, ne sont plus des Phrygiens, mais des citoyens romains ne se contentent pas de servir le culte de la Mère Idéenne; ils sont la représentation vivante d'Attis, dont ils portent l'image sur la poitrine . On leur donne le titre de Attis publieuo populi romani"' , La fête des Mégalésia, célébrée en avril, n'était que l'anniversaire de l'entrée k Rome de l'idole de Pessinonte, La fête du mois de mars en l'honneur de Cybèle et d'Attis fut la reproduction des cérémonies phrygiennes, transplantées k Rome. La partie essentielle de la tête durait, comme nous l'avons vu plus haut, du 2 au 7 mars. Mais ces cérémonies avaient été précédées, à la date du 15 mars, par la procession des cannop/tol'i, qui, le mot l'indique, savaiscaient tenant k la main des tiges de roseaux307. Les eaunophores étaient organisés en collèges d'hommes et en collèges de femmes u, dont le rapport avec le culte de Cybèle et d'Aths nous a été révélé par les inscriptions provenant du Mètroon d'Ostie Quelle était la signification du symbole qu'ils tenaient à. la main? Ce, symbole est certainement en relation avec la légende de Pessinonte car, parmi les représentations qui ornent une ciste mystique d'Ostie (voy. p. 4688, fig. 2249), à côté du lion de Cybèle, oie la tête de Zens Idéeti, et de la tête d'Attis, figurent des roseaux3t9. Mais il est inutile de supposer avec C. L. Visconti que ces roseaux fassent allusion à une circonstance de la légende d'Attis, qui ne nous serait pas connue par les textes Hérodien ne nous apprend-il pas que les Phrygiens célébraient jadis les fêtes de la Grande Mère sur les bords du fleuve Gallus "°? D'après Julien, Attis enfant n'a-t-il pas été exposé sur les rives de ce fleuve et sauvé des eaux par Cyhèle2t2? Les roseaux figurés sur la ciste d'Ostie et ceux que portaient à Rome les eannophores nous paraissent donc rappeler cet incident de l'enfance du dieu. Le 22 mars, Arbor ietti'at 216; c'est-à-dire que ce jourlà, le pin, symbole d'Attis, était porté en grande pompe dans le temple du Palatin °°. Comme en Phrygie, les branches de l'arbre étaient ornées de couronnes de violettes; soit tronc était entouré de bandelettes de laine, qui rappelaient celles dont la, la fille de Midas, avait enveloppé le corps d'Attis mourant de sa blessure 2t0, Le soin de porter l'arbre sacré [DaNunorIIoluA] était confié au collège des deudro p/tos'i 117, placé sous la surveillance des quindécertivirs°18. CYB 1686 CYB Le 24 mars était le o jour du sang o, celui où les Galles, dans leurs transports frénétiques, se perçaient et se déchiraient les bras °. Le 25, éclataient les joyeux transports de la fête des LAA 230 et, le 29, avait lieu la cérémonie, vraisemblablement d'origine phrygienne ', du bain de la déesse dans i'Alrnon 222 Une procession escortait jusqu'à, la rivière le char où était la pierre sacrée de Pessinonte, enchâssée d'argent, qui formait le visage de la déesse On faisait prendre un bain à l'idole et on la ramenait k Rome, où le peuple, à qui était permis ce jour-1k l'usage des masques, se livrait à mille folies joyeuses Un autre rite sacré, celui des tauroboles [TAUROBOLIUM], dont l'usage se répandit dans tout l'empire k partir des Antonins, nous montre également le culte d'Attis intimement associé k celui de la Magna Mater. Les autels tauroboliques sont consacrés à la fois aux deux divinités. Sur l'une de leurs faces sont figurés les attributs d'Attis22. Le sacrifice du taureau (tanrobolium) en l'honneur de la Mère des Dieux est toujours accompagné du cria bolium, ou sacrifice du bélier, offert k Attis. Les rites essentiels de ces cérémonies, l'enfouissement des testicules du bélier, la purification et le renouvellement de la vie parle sang ont leur raison d'être dans la fable de la mutilation d'Attis 236 A la même époque, le dieu phrygien a acquis une signification qu'il n'avait peut-être pas k l'origine. Comme les fêtes qui lui sont communes avec Cybèle commençaient k l'équinoxe du printemps et se prolongeaient les jours suivants, on en vint à penser qu'Attis était le dieu-soleil Il est o le pasteur qui mène le troupeau des astres étincelants » 230. son bonnet est semé d'étoiles ('cepwç 13Do;)t29. Quelquefois sa tête est couronnée de rayons et surmontée du croissant de la lune Le dieu est le roi des mois de l'année. De même que le dieu solaire assyrien Bel est quelquefois qualifié de « Menis magister 23, le maître de la lune o, Attis, au iv5 siècle, est appelé Menolyrannus 233.11 paraît d'ailleurs se confondre avec le dieu phrygien Mên , dont il absorbe les attributions. Le syncrétisme des derniers siècles de l'empire l'assimile également k plusieurs grands dieux, k l'Adonis syrien, kl'Adamas des mystères de Samothrace, au Corybas de Méonie, k Sabazios, k Pappas, qui est le Jupiter phrygien . Son pouvoir sans bornes s'étend à la nature entière, dont il partage l'empire avec Cybèle, mère universelle. Il devient le dieu iriaoç, « le dieu très haut» qui embrasse tout235. V. Représentations de Cybèle et d'Attis. 10 Cybèle. Les plus anciennes images de Cybèle furent des pierres non taillées. C'est sous cette forme que la déesse était adorée sur le mont Ida 236, et surtout k Pessinonte. La fameuse Cybèle de Pessinonte, transportée k Rome en 204, était une pierre de petite dimension, de couleur sombre, de forme irrégulière, avec des angles saillants 237; c'était, vraisemblablement, un aérolithe. Pindare, disait-on, ayant vu une pierre tomber du ciel pendant un orage, la consacra à la Mère des Dieux L'idole de Pessinonte, qui existait encore au temps de Théodose ooo, remontait évidemment k une haute antiquité. De bonne heure aussi, l'image de la déesse fut taillée dans le roc des montagnes d'Asie Mineure. On croit la reconnaître en Cappadoce, k BoghazKeui et k Euyuk, en Phrygie, sur les rochers qui soutiennent les remparts de Midoeon 226 Cette dernière représentation est d'un art encore malhabile, qui s'est contenté de tracer des contours et de les mettre en saillie, en creusant la pierre k une faible profondeur; le visage de la déesse n'y est indiqué que par une surface plane. L'image qu'on voit sur le mont Sipyle, à quelques heures de Magnésie, est d'un art déjà un peu plus avancé; elle se détache plus complètement de la roche, et, si endommagée qu'elle soit par l'action du temps, on y reconnait cependant une femme assise, dont les mains sont appliquées sur la poitrine Peut-être est-ce la sculpture dont parle Pausanias, celle que les Magnésiens du Sipyle prétendaient être la plus antique image de la Mère dps Dieux, et qu'ils attribuaient à Brotéas, fils de Tantale . Enfin, il est difficile de ne pas admettre, avec Gerhard, que sur quelques monnaies de Myra, l'image d'une déesse assise, placée entre les deux branches d'un arbre. soit une antique idole, peut-être un xoanon, de Cybèle Quand l'art grec représenta la Mère des Dieux, il ne fit que suivre les traditions de l'art asiatique en figurant la déesse assise sur un trône, entre deux lions. Telle était la Cybèle du Mètroon d'Athènes, oeuvre de Phidias ou d'Agoracrite151; telle encore la statue de Thèbes, consacrée par Pindare, oeuvre d'Aristomède et de Socrate 2". A Olympie, sur la table inscrustée d'or et d'ivoire oit l'on déposait les couronnes des vainqueurs, la Mère des Dieux était représentée avec d'autres divinités. Les sculptures de cette table étaient dues k Colotès, disciple de Phidias°66; il est donc naturel de supposer que l'artiste avait reproduit le type de Cybèle, tel qu'il avait été fixé par son maître. La plus belle des rares statues de la déesse qui se soient conservées jusqu'à nous, celle du lïatican257, est également une statue assise (fig. 2244). CYI3 1687 CV B Les lions qui accompagnent presque toutes les représentations de Cybèle sont d'ordinaire accroupis à droite et k gauche de son trône. Quelquefois l'un d'eux est sous les pieds mômes de la déesse, lui servant d'escabeau °. Une terre cuite d'Ionic, de la collection Sabouroif, nous fait voir un lion debout, appuyant ses pattes de devant sur les genoux de la déesse où il yy bientôt s'installer219. Sur le basrelief consacré par Aclamas Odrysès '°, comme sur quelques autres monuments votifs , on voit, en effet, un lionceau couché sur les genoux de Cybèle. Cette représentation dérive de l'Asie. Diodore nous apprend que, dans le temple de Bel, à Babylone, la déesse qu'il assimile à RhéaCybèle avait deux lions sur ses genoux L'influence de l'Asie est encore évidente dans d'autres monuments. Quelquefois la Mère des Dieux n'est pas assise sur un trône: comme I'Anaïtis des cylindres assyro-chaldéens, comme la déesse syrienne dl-l iérapo lis elle est assise sur son animal familier, le lion. C'est ainsi que l'avait représentee, au temps d'Alexandre, le peintre Nicornaque 211; c'est ainsi que nous la montrent plusieurs monnaies asiatiques de l'époque impériale, entre autres celles de Dokimon, de Pessinonte, et d'Ancyre On la voit encore assez souvent assise sur un bige ou sur un quadrige attelé de lions. Cette représentation que nous offrent des deniers de la gens Cestia et de la gent Volteia ', se multiplia sur les monnaies phrygiennes , depuis Adrien , ail temps duquel appartient la médaille ici reproduite (fig. 22151, jusqu'à Philippe l'Arabe . Nous la trouvons encore sur le bas-relief d'un autel tauriijoli;pie, daté de l'an 295 de l'ère chrétienne . Cybèle était représentée ordinairement assise. Ois la voit cependant quelquefois debout, entre deux lions qui la flattent 361, ou qu'elle caresse en touchant leurs têtes de la main. Ce dernier type est reproduit par quelques monnaies d'Attuda et d'[ucarpia, frappées, les premières sous Tra jan, les secondes nous Julia Doinna Cybèle est encore debout, quand elle est représentée, comme tlfl la voit sut' plusieurs monnaies, dans un temple,dist'le 011 tétrastyle 23, où elle reçoit les hommages de ses adorateurs 261, Les images de Cybèle se distinguent par plusieurs attributs caractéristiques. Le CALATIIUS, symbole de fécondité et d'abondance, dont la tète de la déesse est quelquefois ornée , lui est sans doute commun avec plusieurs autres divinités de l'Asie. Mais elle ne partage qu'avec Tycbé, à litre de déesse protectrice des cités, la couronne murale. ou couronne tourelée. Au sommet de cette couronne, l'al fixé. par derrière, un voile, dont les plis retombent de cime que côté des épaules, qu'ils enveloppent en partie . [u attribut qui n'appartient qu'à Cybèle est le TYStPA'suM, où quelques anciens croyaient reconnaître l'image (Li disque terrestre 26f, mais qui n'est autre chose que le tambourin, dont les sons excitaient les transports des prêtres de la Grande Mère. C'est de la main gauche que Cybèle tient d'ordinaire le ty mpanum, ou bien son coude gauche s'appuie sur cet instrument, comme sur titi bras de fauteuil3tt Dans la même main, on lui voit quelquefois une corne d'abondance 262, ou un sceptre De la droite, elle tient la patere, quelquefois une touffe d'épis mêlés de pavots. Ces derniers attributs se rencontrent surtout sur les monnaies phrygiennes de l'époque romaine 171, et sur les pierres gravées m• Quelques médailles de Smyrne, frappées sous Septime Sévère, nous montrent Cybèle portant sur la main droite deux figurines, qui sont les deux Némésis, dont le culte, k Smyrne, était peut-être alors associé au sien ns A l'époque impériale également, les images de Cybéle sont accompagnées d'attributs sicle Faux. Sut' une plaque de marbre du cabinet de Paris, la tête de RhéaCybèle est entourée d'un nimbe lumineux 271, Une pâte de verre antique du musée de Berlin nous fait voir la déesse, qui est assise sur un hou, ayant a-a droite le soleil, à sa gauche le croisPig 0140. Ctltèle. salit de la lune 211 (fig. 2246 Ces repré sentations s'expliquent par les doctrines symboliques qui avaient cours à cotte époque au sujet de Cybèle et d'Attis. 2e Attis. Qu'Attis soit seul ou en compagnie de Cybele, il st impossible di' tic pas le reconnaître, tant son type artistique est nettement déterminé. Nous ignorons ce que pouvaient être, en Phrygie, ces images d'âttis qui i'epré CYB 1688 CYB sentaient b dieu mort, et près desquelles éclataient les transports de douleur de ses adorateurs'. Mais, sur les monuments, Attis est toujours !i1iitré sous les traits d'un 1eune homme, coiffé du bonnet phrygien, tenant é. la main le perlttiii des bergers, quelquefois la syrinx ou le tympan'un. La mollesse de son attitude, la grâce alanguie et l'expression mélancolique de son visage rappellent sa triste histoire, Souvent (fig. 247) il est vêtu d'un costume collant, qui s'agrafe au bas tIn cou, pour s'ouvrir f-iM+ET ATTINI ensuite, en laissant à découvert un ventre larieernentdéveloppe . Sa culotte, fendue de côté et attachée seulement par intervalles, fait ressortir les chairs grasses et empâtées de l'eunuque. Ces derniers traits, d'un réalisme vulgaire, étaient ou peu accusés, ou tout à fait absents, sur les monuments appartenant b l'art grec, comme on le omit par le remarquable bas-relief du musée de Venise ' ; mais on les retrouve sur presque tous les monuments postérieurs, staiuef tes. ba-roliel's t-t brou,,s, e ssrupagnés de quelque5i autres détails, tels que la fleur de lotus que le dieu tiCiil parfois à la main u, ou les étoiles dont est semé son bonnet". Plus rarement, Ai tis est entièrement vêtu, et monté sur un bélier qui court", ou sur un char attelé de quatre de ces animaux 313 La plus belle des statues d'Attis qui n,us ait été conservée (fig. 48), celle du Mètroou d'Ostie flotté montre d'autres attributs. Le jeune dieu, à demi couché, dans l'attitude des figures qui ornent les ('ouvendes des sarcophages, tient à la main droite un bouquet de fleurs et de fruits, où se détachent trois épis de blé. Sa tête est coiffée d'un bonnet phrygien, dont la partie inférieure est couronnée de cinq rayons, tandis que son extrémité est ornée (ItIn croissant lunaire et surmontée de cieux épis 211, C'est Attis llenotyi'annus; c'est le dieu, solaire et lunaire ala fois, dont la puissance entretient la fécondité de la nature 206. Le buste sur lequel il appuie son coude gauche est le buste du Jupiter de l'Ida qui, ici'287, sernbte subordonné à Attis, devenu le plus grand des dieux. Sur le pavé du Mètroon d'Ostie, à côté d'autres emblèmes, tels que le scorpion, symbole solaire, le taureau qui fait allusion b la cérémonie des tauroboles, le dragon qui atteste la confusion d'Attis avec Sabazio-i à cette époque", se voit un coq285. Cet animal est également représenté (fig. 2249) sur le couvercle d'une ciste mystique trouvée dans les ruines du Mètroon2t0, et on le voit perché sur le pin qui est figuré dans le bas-relief votif daté du consulat de Tuscus et Anullinus u, Il est peu probable que le coq fasse allusion au fleuve Gallus de Phrygie22". Le coq (poilus est, chez les Romains, l'emblème d'Attis. parce iju'Attis a été le premier des Galles, serviteurs le Cybèle, parce qu'on ]e eonsids1rait comme le prototype dcl'Archigall° qui,suus l'Empire, se donne, comme nous l'avons vu, le titre de liùs populi romani. Attis joue encore un autre rôle. Sur plusieurs tombeaux. on voit le jeune dieu debout, le menton appuyé sur la main, dans une attitude de tristesse et de réflexion-33. Son image st alors celle d'une mort prématurée, peut-être aussi le symboles de l'espoir d'une résurrection. 30 Cybèle et titis ntusiie, Les monuments qui représentent Cybèle et Attis réunis se rapportent aux différentes phases de la légende de ces divinités. Sur les rochers d'Arn manlli'290, l'histoire du jeune Phrygien est très sommairenunt traitée. Dans une niche centrale, on voit Attis debout, ayant un chien b ses côtés, et tenant le pedum de la main gauche. C'est le jeune berger, encore en possession du bonheur de la vie pastorale Dans la niche de gauche, la scène change. Attis est près d'un arbre, dans l'attitude d'une personne qui fuit, ou qui veut fuir, épouvantée : il est en proie au délire qui va le porter è. se mutiler. A droite enfin, Attis est étendu mort, sur une CYB 1689 CYB couche de pierre. Aux pieds du cadavre, se tient une femme voilée, la tête baissée, dans l'accablement d'une profonde douleur; au fond du tableau, une autre femme lève les bras au ciel, avec tous les signes du désespoir 295 Peut-être faut-il reconnaître dans ces deux personnages Cybèle-Agdistis et Ia, la fille de Midas. Aucun monument ne figure Attis se mutilant296. Mais une plaque de marbre appartenant au cabinet de Paris nous fait voir la scène qui suit immédiatement cette mutilation297. Au pied d'un pin auquel sont suspendues une double flûte et une paire de cymbales, Attis est assis sur un rocher. Il détourne la tête et semble vouloir fuir, mais sans en avoir la force, car il est soutenu par un Corybante. A gauche de l'arbre, un autre Corybante exécute une danse armée, tandis qu'une jeune fille, à la tête nimbée, agite des cymbales. Cybèle assise sur un trône, la tète également entourée d'un nimbe, ayant un lion à sa gauche, assiste à la scène. Sur le premier plan, le flambeau renversé de l'autel, l'étoffe qui semble cacher quelque chose dans ses plis, le bélier qui soutient un mouton, peuvent être considérés comme autant d'allusions à l'acte qu'Attis vient d'accomplir (fig. 2250). D'après une des versions de la légende, Attis, après sa mutilation, est réuni à Cybèle qu'il ne doit plus quitter. Un bas-relief, que nous avons eu déjà l'occasion de citer 208 nous fait assister au moment où va s'opérer cette réunion. On y voit la déesse assise sur un char attelé de deux lions, et tenant dans la main droite, en signe de triomphe, une branche de laurier : elle dirige son attelage vers un pin, contre lequel s'appuie Attis, triste et les yeux baissés, comme s'il était honteux de lui-même. Sous l'empire romain, la légende de Cybèle et d'Attis était au nombre des histoires divines qui étaient représentées, ou mimées, en manière d'intermèdes, soit à l'amphithéàtre, soit au cirque "99. Plusieurs médaillons contor 11. niates, qui portent au revers des masques scéniques, nous ont conservé le souvenir de ces représentations 350 On peut y suivre les principaux actes de ce drame mythologique. Sur quelques-uns de ces médaillons, Attis est figuré seul entre deux arbres, c'est-à-dire marchant dans les buis : sa main droite tient le pedum par son extrémité et l'élève au-dessus de l'épaule, à la hauteur de la tète ; dans sa gauche est un objet de forme ovale, difficile à définir, qu'il porte à la façon d'un bouclier 301. Ailleurs, nous assistons à la scène où Cybèle fait promettre à Attis de lui rester fidèle. La déesse debout, devant Attis également debout, tient la main droite du jeune homme dans la sienne, et pose en même temps la main gauche sur l'épaule de son amant30"D'autres contorniates rappellent l'émasculation d'Attis par l'image d'un homme barbu, qui, armé d'un couteau, accomplit sur lui-même l'acte dont Attis avait donné le premier exemple 303. Quand Cybèle a reconquis son amant, « elle le promène, dit Lucien 30'", sur un char attelé de lions. » Cette scène, qu'on peut appeler « le triomphe de Cybèle et d'Attis », est également figurée par les contorniates. Sur un char qu'entrainent quatre lions au galop, Cybèle et Attis sont, tantôt debout, tantôt assis. La déesse, tourelée, tient un sceptre de la main droite et applique l'autre main sur sa poitrine. Attis, qui tient le pedum, et qui a le bras droit replié, lui aussi, sur la poitrine, est placé à la gauche et un peu en avant de la déesse, vers laquelle il tourne la tète avec amour 306 (fig. 2251). Quelquefois une femme à moitié couchée, qui symbolise sans doute la Phrygie, est sous les pieds des lions, et dans le haut on aperçoit deux signes du Zodiaque, qui varient suivant les pièces, et qui ne sont pas toujours distincts, mais parmi lesquels on reconnait cependant le signe du bélier et celui du cancer 306 (fig. 2252). Enfin d'autres monuments nous montrent Cybèle faisant partager à Attis les honneurs divins. Ce sont les médaillons avec la légende illaty'i Deûm Salulari, où l'on voit Cybèle assise sous le péristyle d'un temple, tandis qu'Attis debout touche de la main gauche le pin, qui jouait un si grand rôle dans les fêtes des deux divinités 212 Cyc 1690 cyc phrygiennes (fig. 2253); ce sont encore les monnaies, comme celles d'Anchialos, oh Cybèle est assise, une patère k la main, auprès d'Attis debout'"; c'est enfin le basrelief, déjà cité, du Musée de Venise, oui Cybèle et Attis se tiennent debout dans un temple, dont la porte entrouverte livre passage k deux femmes, qui font le geste de