Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DAMNUM INFECTUM

DAMNUM INFECTUM

DAMNUM INFECTU11'. Le droit romain obligeait, conformément à l'équité, le propriétaire d'un immeuble à ne rien faire qui pût nuire au voisin, ou à réparer le dommage que son fait lui aurait causé. Mais le propriétaire pouvait se soustraire aux dommages-intérêts en faisant l'abandon de l'objet qui avait causé le préjudice ; ainsi, sa maison entraînait-elle en tombant la chute de celle du voisin, les principes généraux lui auraient permis de se libérer en abandonnant les matériaux, qui n'avaient qu'une valeur illusoire. Mais la législation avait de bonne heure prévu ce cas, en permettant à celui que menaçait un dommage imminent (darnnuln infectum, id est damnum nondum factum, quod futurum verenzur t ), de prendre ses précautions à l'avance. Il est question du dommage imminent dans la loi des xu Tables', mais on ignore par quelles dispositions elle le prévenait. On sait seulement par Gaius qu'après que les actions de loi eurent été supprimées par la loi Aebutia et les deux lois Julia, elle restèrent encore en vigueur dans le cas qui nous occupe. On ignore de quelle façon on y procédait; mais Gaius ajoute que, de son temps et pour le dommage imminent, « personne ne veut plus employer l'action de la loi, et qu'on préfère obliger son adversaire par la stipulation proposée dans l'édit du prêteur ». La législation prétorienne remonte d'ailleurs plus haut que Gaius, car il en est déjà question dans Cicéron 4. Le plaignant citait son adversaire rente de Meursius, Graeeid feriata, p. 80, et de Raoul Rochette, Mém. de numis dériver knq,ia de 4G 's; il s'agirait d'une fête du peuple personnifié ; mais 85µo; a Dine. p. 52 Lindemann; cf. Placid. Gl. p. 451.; Gloss. Labh, s. v. Damium. t Ma DAM 22 DAM devant le préteur qui lui faisait d'abord prêter serment que la plainte était sérieuse (non calumnioe causa se postulare) 5 et enjoignait à l'adversaire, au moyen d'un décret, de s'engager par stipulation à réparer le dommage, s'il avait lieu, et de fournir en outre caution pour cela. L'adversaire s'y refusant, d'autres décrets du préteur 6 envoyaient le plaignant en possession de l'édifice dangereux; si l'adversaire s'opposait encore à la prise de possession, le préteur donnait alors au plaignant l'action damni infecti, qui obligeait l'adversaire récalcitrant à fournir tout de suite les dommages-intérêts, comme si le mal qu'on craignait fût déjà arrivé. Les mêmes dispositions s'appliquaient aux cas où l'on creusait trop près de l'édifice appartenant au voisin, où un arbre agité par le vent étendait ses rameaux sur la propriété mitoyenne, etc. Mais cette législation avait surtout en vue les édifices voisins les uns des autres et elle semble indiquer, à toutes les périodes de l'histoire de Rome, un état de construction assez misérable, où il n'était pas rare de voir des murs et des maisons tomber en ruines sans qu'on prît souci de les réparer. Juvénal constate de son temps le même état de choses La tenue des édifices en état constant de réparation est une habitude tout occidentale et moderne; mais peut-être la législation que nous venons de décrire a-t-elle contribué à l'amener. F. BAUDRY.