DARICUS, OuFstxiit, sous-entendu az«zr;p. Tel est le nom que les Grecs donnaient à la monnaie d'or royale des Perses, monnaie de forme allongée et irrégulière, portant au droit la figure du roi en costume d'archer et au revers un carré creux (fig. 2292). C'est à ce type que faisait allusion Agésilas, rappelé d'Asie à Sparte par la guerre entre les Athéniens et les Lacédémo
niens, lorsqu'il disait que 30,000 archers envoyés par le Grand Roi à Athènes l'avaient chassé de l'Asie 1.
La darique d'or était exactement du même poids que le statère attique. Harpocration, Pollux et Héron d'Alexandrie l'attestent, et leur rapport est confirmé par les nombreux monuments de cette espèce qui sont parvenus jusqu'à nous, lesquels pèsent tous environ 8ge,576. La monnaie d'argent royale des Perses était taillée sur un autre poids, puisque l'unité en était, d'après le témoignage des monuments eux-mêmes, la drachme babylonienne de 5g°,500. Mais, ainsi que la judicieusement remarqué M. Vasquez Queypo
cette différence de poids était calculée pour produire un rapport exact de valeur; car, avec la proportion treizième qui existait entre la valeur de l'argent et celle de l'or dans l'empire des Achéménides [MONETA], une darique d'or au poids du statère attique correspondait à 20 drachmes d'argent de poids babylonien [DRACHMA, s1CLUs].
Les émissions de monnaies d'or faites par les rois de Perse ont presque toutes consisté en dariques simples. Cependant il existe dans les collections quelques doubles dariques, fort rares, frappées toutes sous Artaxerxe Longue-Main °, et quelques demi-dariques 4, encore plus rares, fabriquées également à la même époque.
Il est souvent question des dariques chez les écrivains grecs 5, qui tous vantent avec raison la belle qualité du métal et l'exactitude du poids de ces pièces. Les témoignages littéraires et les inscriptions e prouvent qu'entre l'époque des guerres Médiques et le règne d'Alexandre cette monnaie formait une notable partie de la masse de
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circulation métallique en Grèce et en Asie Mineure. C'était, en effet, surtout pour le commerce extérieur et pour les provinces occidentales de leur empire que les Perses frappaient leurs monnaies. On voit par le rapport formel de Strabon que l'usage n'en entra jamais complètement dans leurs moeurs. « Les Perses, dit ce géographe d'après Polycritus, conservent en vaisselle la plus grande partie de l'or et de l'argent, et n'en réservent que fort peu pour la monnaie ; le premier emploi de ces métaux leur semble plus approprié à des présents et plus commode pour la conservation dans les trésors; quant à la monnaie, ils en proportionnent l'émission a.ux dépenses, et n'en frappent qu'au fur et à mesure des besoins. » Le rapport des espèces monnayées au reste des métaux précieux qu'Alexandre trouva, selon Diodore 8, dans le trésor des rois de Perse à Suse, confirme l'assertion de Strabon : il y'avait plus de quarante mille talents d'or et d'argent non frappés, tandis que les dariques d'or ne s'élevaient qu'à neuf mille talents. L'énoncé de Diodore rectifie ici celui de Plutarque suivant lequel Alexandre aurait trouvé à Suse plus de quarante mille talents d'argent monnayé. On voit, au contraire, par ce que rapporte Hérodote 'o de Pythias le Lydien qui, du temps de l'expédition de Xerxès, possédait en espèces 4 millions de dariques, combien la monnaie des Perses était multipliée dans la patrie de Crésus. Les armées dirigées vers la Grèce emportaient aussi des sommes immenses destinées à séduire les citoyens les plus importants des différentes républiques, et cet emploi des richesses du Grand Roi continua d'être un de ceux qui nécessitèrent, sous les différents règnes, les plus importantes émissions monétaires.
La plupart des dariques d'or qui nous sont parvenues au travers des siècles ont dû être frappées sous les règnes de Darius, fils d'Hystaspe et de Xerxès, sous lesquels la fabrication semble en avoir été ininterrompue, tandis que les successeurs de ces princes n'ont émis de pièces de ce genre qu'à des occasions exceptionnelles. Le nom de aapetxôs aTxrtip vient de ce que le fils d'Hystaspe fut le premier à faire frapper des monnaies d'or au sagittaire, ainsi que nous l'apprend Hérodote 11, dont le témoignage est pleinement confirmé par les monuments. Suidas dit bien, il est vrai, que les dariques furent ainsi nommées, non d'après le père de Xerxès, mais d'après un Darius plus ancien. Mais dans l'histoire de Perse nous ne rencontrons pas de Darius avant le fils d'Hystaspe et le début du monnayage des sagittaires n'est certainement pas antérieur à ce prince. La tradition conservée par Suidas devait probablement son origine à l'existence d'un monnayage persan antérieur à Darius. Nous avons encore quelques pièces d'or et d'argent de ce monnayage, dont le siège dut ètre en Lydie sous Cyrus et Cambyse, et qui forme la continuation de celui des rois indigènes n (fig. 2293). Les pièces en question sont déjà dans l'or du poids des dariques, et dans l'argent du poids de la drachme babylonienne. Mais au lieu d'avoir pour type la figure du roi en archer,
elles portent deux tètes de lion et de taureau affrontées. Le lion et le taureau constituent le type des monnaies qu'on a appelées, du nom du roi Crésus, des créséides.
Le taux de la darique d'or ne resta pas invariablement fixé au poids originaire de 86r,576, mais il s'abaissa dans la décadence de la monarchie achéménide. Les doubles dariques du commencement du règne d'Artaxerxès LongueMain pèsent 16gr,700 et celle de l'an 22 du même prince 166r,50013, ce qui donne une darique simple, d'abord de 86e,350 puis de 86r,250, inférieures, l'une de 226 centigrammes et l'autre de 326 centigrammes, au taux premier. Il est vrai que dans les dernières lueurs de prospérité dont jouit l'empire de Cyrus, au moment où il allait disparaître, la monnaie fut ramenée à son poids normal. Il existe une darique, évidemment frappée dans les premières années de Darius Codoman, laquelle est de 86r,570 f4.
Toutes les fois que les auteurs anciens ou les textes épigraphiques mentionnent les dariques, ils parlent uniquement de monnaies d'or. Plutarque est le seul écrivain qui se serve de l'expression de dariques d'argent 14; encore est-ce par catachrèse, en étendant aux pièces d'argent le nom des pièces d'or, dans un passage qui ne peut avoir aucune autorité numismatique. C'est donc d'une manière tout à fait abusive, et sans justification dans les textes anciens, que les érudits modernes ont appliqué le nom de darique, non seulement à l'or royal des Perses, mais encore aux pièces d'argent marquées du type du sagittaire qui ont le poids d'une drachme babylonienne de 5gr,500. Ces dernières monnaies s'appelaient chez les Perses et chez les Grecs des sicles [sicLus], nom que fournissent Xénophon, Hésychius, Photius et les inscriptions d'Athènes, et que l'on aurait dû leur conserver.
Les numismatistes contemporains ont attribué également ce nom de dariques à d'autres monnaies d'argent des rois de Perse, de dimensions et de types très divers, dont les unes ont pour unité la drachme babylonienne ou sicle de 5gr,500, d'autres la drachme phénicienne de 3°',540, d'autres enfin la drachme asiatique de 380,250.
Ces pièces se divisent en cinq séries principales dont les types sur les plus grosses monnaies sont : Ire série : Le roi dans son char; ry. Muraille crénelée; 2' série : Tête d'Hercule ;.g. Galère ; 3' série : Figure de Dagon tenant un dauphin ; g. Galère et hippocampe ; 4' série : Le roi dans son char; g. Galère sur les flots;. 5e série : Le roi monté sur l'hippocampe, ou bien un dauphin; g. Chouette avec le fouet et le crochet f6. Elles ont été frappées à des époques très diverses, qui se répartissent dans toute la durée de la monarchie persane, et dans des contrées différentes les unes des autres, la Ira série probablement en Egypte, la 4' pour la solde des équipages de la flotte, les 2a, 3e et 5e dans les villes de la Phénicie, une autre série encore dans l'île de Cypre. Jamais dans l'antiquité ces pièces ne se sont appelées dariques. Une telle application du nom exclusivement réservé aux sagittaires d'or de même poids que le statère attique est souverainement impropre et nous espérons qu'elle finira par
disparaître de la science. F. LENOBMANT.