Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DECOCTOR

DECOCTOR. Le débiteur en état de déconfiture ou d'insolvabilité, par son fait, recevait, en droit romain, le nom de decoctor, qui s'appliquait aussi au commerçant banqueroutier '. Dans le langage vulgaire, tout homme dissipateur ou ruiné était également appelé decoctor (de decoquere, réduire par la cuisson ou, au figuré, manger son bien). On ne pouvait admettre comme caution légale ou judiciaire quiconque decoxerat. L'opinion publique 2 frappait en outre le decoctor d'une certaine flétrissure, et jadis il s'exposait à une nota censoria [CENSOR]. Aux termes de la loi Roscia, il était exclu du théâtre, ou du moins relégué à certaines places peu honorables'. Au témoignage de Spartien, Hadrien aurait même ordonné de fouetter ignominieusement les banqueroutiers dans l'amphithéâtre et de les renvoyer ensuite'. La loi Julia Municipalis, vulgairement connue sous le nom de Tabula Heraclensis, excluait, comme infâmes, de la curie 5 ceux qui, après avoir déclaré leur insolvabilité ou fait un pacte avec leurs créanciers, avaient plus tard faussement affirmé par serment leur solvabilité (bonam copiamjurare). Rappelons, en outre, que le débiteur dont les biens avaient été vendus en constitution de Valentinien, Théodose et Arcadius édicta la peine du fouet (plumbatarum ictibus) contre le décurion qui avait dissipé les fonds de la cité, decoctor pecuniae pub licae', Les changeurs ou argentiers qui faisaient banqueroute étaient dits fora cedere 8, parce qu'on fermait leur boutique ordinairement placée sur le forum [ARGENTARII, nummularii]. On nommait aussi decoctor le tabularius, susceptor ou arcarius, qui avait commis quelque exaction dans la levée des impôts. Il était incapable de gérer désormais cet office'. Souvent, à la mort d'un débiteur qui decoxerat ou mourait insolvable, un héritier institué par lui s'entendait, avant l'adition d'hérédité, avec les créanciers de la succession10 afin d'éviter au défunt la honte de mourir ab intestat et la flétrissure de I'emptio bonorum sous son nom. L'héritier faisait avec eux un pacte de remise pour partie des dettes héréditaires, pactum de non petendo. On avait déjà admis une espèce de concordat où la majorité des créanciers faisait la loi à la minorité et même aux créanciers privilégiés, comme le Ftscus, en vertu d'un rescrit d'Antonin le Pieux ", mais non aux créanciers avec hypothèque [PR1vILEG1uM, PIGNUS]. Suivant un rescrit de Marc-Aurèle 12, la matière fut réorganisée; tout traité particulier étant interdit, tous les créanciers durent se réunir pour délibérer. En cas de désaccord sur les conditions de l'arrangement, le préteur, d'après l'avis de la majorité en somme i3, rendait un décret qui statuait sur les conditions accordées à l'héritier et liait même les absents. Rappelons, en outre, que, dans certains cas, un débiteur malheureux et de bonne foi pouvait obtenir la BONOBUM CESSIO.