Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DEDICATIO

au mot CONSECRATIO, que chez les Grecs il n'y a pas de distinction apparente entre la consécration et la dédicace, si ce n'est que la première est en quelque sorte le prologue de la seconde ; mais, en Grèce, ces deux actes se confondent presque, tandis que chez les Romains ils s'accomplissent à des moments différents et n'ont pas la même portée religieuse. L'vclMeetç grecque renferme en elle seule ce que les Romains ont distingué dans la consecratio et la dedicatio; nous n'avons donc qu'à compléter ici ce qui a été dit plus haut des cérémonies grecques, en prenant l'acte dédicatoire à son complet achèvement. Aucun auteur de l'époque grecque ne nous a laissé une description du cérémonial qui accompagnait la dédicace d'un temple ou d'un édifice public. II y a là une lacune regrettable : nous aurions appris bien des détails intéressants, si quelque texte nous avait transmis le récit d'une dédicace, comme celle du Parthénon. Nous en sommes réduits à supposer que les Romains avaient dfi emprunter la plupart de leurs rites au cérémonial grec, mais nous en ignorons la différence essentielle'. Il est bien probable qu'il y avait aussi en Grèce une formule solennelle, prononcée par le prêtre ou dictée par lui au magistrat qui dédiait et qui la répétait, que la cérémonie était accompagnée de sacrifices, d'offrandes de fleurs et de bandelettes, suivie de jeux et de concours, en présence d'une grande affluence de peuple, avec la présidence des collèges de prêtres et des principaux magistrats. C'est ce qu'on peut inférer du culte public en général; mais les détails nous manquent. On peut conclure aussi de diverses inscriptions que les Grecs édictaient, à cette occasion, une lex templi ou lex declicationis, qui marquait les limites du sanctuaire, la nature de ses revenus, ses droits spéciaux, comme le droit d'asile, enfin qui réglait les sacrifices particuliers qu'on devait offrir à la divinité et qui punissait d'amendes les infractions commises contre les prescriptions adoptées 2. Outre cette loi générale, gravée sur une pierre et placée dans le monument, il y avait une inscription dédicatoire, mise en évidence dans quelque partie de l'édifice, qui relatait la date de la dédicace et les noms de ceux qui en avaient été chargés3. Quand le temple était reconstruit, on ne manquait pas de mentionner les dédicaces anciennes et certains sanctuaires en profitaient pour rappeler la haute antiquité de leur fondation première 4. Si un particulier avait tenu à honneur de faire les frais de la construction ou de la restauration de l'édifice, on en faisait une mention particulière 5. A l'époque grécoromaine, la flatterie populaire ne se contente pas de cet hommage, quand il s'agit d'un grand personnage: les Chalcidiens, sauvés par la protection de Titus Flamininus, inscrivirent sur le temple d'Apollon une dédicace à Titus et à Apollon; on lui rendit alors des 6 DED 42 DED honneurs comme à un dieu et il eut même ses prêtres Les dédicaces publiques, faites aux frais des particuliers, sont des exceptions : la règle était de choisir dans la ville certains personnages qu'on chargait spécialement de la dédicace du monument, temple, édifice ou statue, et qui portaient le titre d'ingi.s).rl r : ils correspondent aux DuovIRI et aux CURATORES qu'on voit fonctionner à Rome. Ces curateurs sont choisis parmi les magistrats comme les archontes, les stratèges, les prytanes, etc., ou bien ce sont simplement des particuliers à qui la cité fait l'honneur de les déléguer en son nome. Les frais de la dédicace sont, en général, supportés par l'état (éx 'cwv S7lµo0'f sv xprIIu«tiwv) et soldés par le 2«µ1«ç 'r jz 7to')twc9. Mais il arrive aussi qu'un particulier offre de prendre la dépense à son compte (s'x ¢iiv ilfwv), comme dans les exemples que nous avons cités ci-dessus 10. Quand il s'agissait d'un monument élevé par la cité en l'honneur d'un particulier, il arrivait parfois que le personnage honoré se chargeait lui-même des frais de la dédicace ou bien que ses parents et amis se cotisaient pour réunir l'argent nécessaire 11. Si une ville décernait une statue à un citoyen d'une autre ville, elle envoyait des épimélètes en ambassade pour convenir de l'emplacement à prendre et pour exécuter la dédicace 12 L'inscription dédicatoire mentionnait souvent les noms des magistrats en charge pour en fixer la date. Quelques textes sont datés par l'année d'un roi, d'après l'ère des olympiades ou d'autres ères, ou encore, en Syrie et en Égypte, d'après les années des empereursl3. Le monument lui-même rappelait quelquefois par sa forme ou par des détails particuliers à quelle occasion la dédicace avait été faite. On connaît la série des monuments choragiques qui ornaient à Athènes la rue des Trépieds et dont un spécimen important, le monument de Lysicrate, nous a été conservé [CHOREGIA]. Très souvent, une cité ou plusieurs cités réunies décernaient une couronne à un personnage. On sculptait alors sur le marbre une couronne en inscrivant dans l'intérieur le motif de la dédicace ou le nom des donateurs 1t ; ailleurs, c'est un relief qui représente le personnage couronné lui-même [voy. CORONA, fig. 1997, 2000, 2001 et p. 1532]. Les formules des inscriptions dédicatoires sont extrêmement variées; on en trouvera de nombreux exemples dans l'ouvrage de M. S. Reinach que nous avons souvent cité u. Les plus simples portent le nom de celui qui fait la dédicace suivi du nom de la divinité ou du personnage à qui le monument est consacré. Les circonstances de la dédicace sont parfois rappelées, une victoire dans les concours, une fonction remplie, etc., ou bien les motifs déterminants, un songe, un oracle ou un voeu [voTUM]. Les plus anciennes dédicaces sont généralement les plus brèves ; à l'époque gréco-romaine, la rédaction en devient souvent diffuse et déclamatoire 16. Les différences de rédaction permettent quelquefois, pour une série d'inscriptions de la même provenance, d'établir l'ordre chronologique des dédicaces 17. Les inscriptions funéraires sont souvent de véritables dédicaces : la cité honorait un citoyen d'importance en élevant une statue sur son tombeau ou en faisant sculpter une couronne avec la formule usitée, ésit7)xe 13. Le mort étant considéré dans la religion grecque comme une véritable divinité, les survivants lui dédiaient souvent son propre tombeau avec la formule qui servait aux dédicaces religieuses19; l'épitaphe est souvent aussi placée sous l'invocation des divinités des enfers, Oeoiç xOovfocç 2". Comment, dans les circonstances ordinaires de la vie, un particulier dédiait-il une offrande à une divinité? Nous en avons déjà dit quelques mots [CONSECRATIO, p. 1448] en montrant que la participation des ministres du temple devait être indispensable, en Grèce comme à Rome. Nous en avons la preuve par une curieuse inscription qui est gravée sur une lame de bronze et qui relate les circonstances dans lesquelles une femme a fait une offrande dans un temple de Junon°'. Cette femme remet aux servantes de la déesse, c'est-à-dire aux prêtresses, trois statères d'or: la prêtresse Mélitta se charge de faire l'offrande au nom de la suppliante ; elle s'engage à acheter un médimne d'encens et à consacrer le reste de l'argent, un duodenarium (ciuwlexaaad«), c'est-à-dire à le verser dans le trésor de la déesse. La dédicace doit se faire du vivant de celle qui offre et l'inscription se termine par une formule d'imprécation, si la prêtresse n'exécute pas l'engagement pris. On voit là que la personne dedicans était obligée de recourir à l'intermédiaire du personnel religieux pour faire ses offrandes dans le temple et qu'elle prenait ses précautions, en cas de négligence. Si le donateur est mentionné comme ayant fait la dédicace lui-même, c'est qu'il est en même temps prêtre 22 ; la dédicace est accompagnée d'un sacrifice. Quand l'objet dédié avait une valeur importante [DONARIUM], il était placé dans le sanctuaire et catalogué dans les inventaires des prêtres avec une mention indiquant le nom de l'objet, la matière, le poids, le nom du dieu à qui l'offrande est faite, l'occasion de la dédicace, la date, le nom et la nationalité du donateur23. Nous n'avons pas à entrer dans l'énumération des divers genres d'offrandes qu'on dédiait : elles sont extrêmement variées24 et feront l'objet d'un article spécial [DONARIUM]. Terminons avec la Grèce en rappelant que l'ordination du prêtre qui se vouait au service du culte portait aussi le nom d'clvaE9sacç [SACERDOS], que le même terme exprimait l'affranchissement des esclaves placé sous l'invocation d'une divinité 26 [MANUMtsslo], enfin qu'un certain genre d'inscriptions dédicatoires portent des imprécations qui vouent les personnes désignées à la vengeance des dieux II. Rome. La religion romaine, beaucoup plus formaliste que celle des Grecs, avait distingué les deux actes de la consecratio et de la dedicatio [V. CONSECRATIO, p. 1450]. Bien que les auteurs et même les textes épigraphiques emploient quelquefois ces termes comme synonymes28, on peut trouver les raisons qui les distinguent dans la litur gie. Les savants modernes sont d'accord pour établir cette différence essentielle : le prêtre consecrat et le magistral. ou le particulier dedicat; la personne civile fait l'offrande de l'objet aux dieux et la personne religieuse, intendant et représentant des dieux, en prend livraison 29. Pour parler en termes exacts, le magistratus per pontificem ou pro ponti face dedicat 30, tandis que le pontifex consecrat 3f. Enfin la consecratio, comme nous l'avons montré [CONSECRATIO, p. 1450], quand elle est prononcée par un particulier, n'a pas d'autorité légale et n'engage que luimême32 ; la dedicatio, au contraire, suppose l'accord réciproque de la personne civile et du pouvoir religieux. Nous connaissons par des détails assez précis comment on procédait, à Rome, à la dédicace d'un temple. Lorsqu'à. la suite d'un veau [voTUM] ou de toute autre circonstance, on avait décidé la construction de l'édifice, le collège des pontifes devait donner son approbation au projet et pouvait refuser son consentement, si quelque vice de forme lui paraissait faire obstacle aux rites prescrits : par exemple, en l'an 208 av. J.-C., Marcellus ayant voué, dans la guerre contre les Gaulois, un temple à l'Honneur et à la Vertu, les pontifes s'opposèrent à ce que la dédicace eût lieu sous cette forme, parce qu'il leur paraissait irrégulier de dédier un seul sanctuaire à deux divinités ; on fut obligé de construire un second temple pour la Vertu n. Il fallait aussi obtenir l'autorisation du sénat et du peuple, sous la république3°, plus tard de l'empereur 35. Une fois le projet accepté, on consacrait l'emplacement et l'on posait la première pierre [CONSECRATIO, t. I'°, p. 1450]. L'édifice achevé et le jour de la dédicace arrivé, le collège des pontifes36 assistait le magistrat choisi pour la dédicace et le pontifex maximus ou, à son défaut, un pontife 37, la tête voilée suivant le rite sacerdotal", prononçait, sans hésiter et à claire et intelligible voix39, la formule dédicatoire que le magistrat dedicans répétait, tenant des deux mains le montant de la porte (postem tenens) qu'il ne devait pas lâcher un instant L0. C'est ce qu'on appelait verba praeire, solemnia verba dicere °i, en présence de la foule du peuple convoqué à cette solennité 42. On peut croire, d'après Cicéron, que cette formule était consignée dans les livres des pontifes [LIBRI PONTIFICALES] qu'on apportait sur les lieux mêmes63; les assistants gardaient en cet instant solennel un religieux silence ". Il est certain que la cérémonie comprenait un sacrifice, au moins une offrande d'encens sur l'autel allumé" et que des prières ou des hymnes chantés nécessitaient la présence d'un joueur de flûte46. Les auteurs ne nous renseignent pas beaucoup sur la formule religieuse qu'on employait dans les dédicaces. Cicéron se contente de dire qu'il fallait indiquer qui dédiait, ce qu'on dédiait et pourquoi l'on dédiait 47. Mais il juge qu'il serait indiscret de révéler ce qui fait partie du jus absconditum des pontifes48. Tite-Live met dans la bouche de Romulus une formule religieuse qui consacre les pre mières dépouilles opimes à Jupiter Férétrien49; mais, bien qu'on y trouve en même temps la promesse de dédicace d'un temple dans des termes qui doivent reproduire une partie du texte consacré, on ne peut pas considérer le passage comme le type de la dédicace solennelle. Nous possédons heureusement des inscriptions latines qui nous font connaître exactement les termes prononcés par le magistrat dedicans et dictés par le pontife consecrans, entre autres une inscription de Salone qui relate la dédicace d'un autel à Jupiter (en l'an 137 av. J.-C., sous le règne d'Hadrien, C. Balbinus et Vibullius étant consuls) prononcée aux ides d'octobre par C. Domitius Valens, duumvir, assisté du pontife C. Jul. Severus 50. En voici le texte : 11 Juppiter Optime, Maxime, quandoque tibi hodie liant gram dabo dedicaboque, ollis legibus ollisque regionibus dabo dedicaboque, quas hic hodie palam dixero, titi infimum solum hujus arae est. Si quis hic hostia sacrum faxit, quod magmentum non protollat, itcirco tamen probe factum esto. Ceterae leges huit arae eaedem sunto quae arae Dianae sunt in Aventino monte dictae. Bisce legibus, hisce regionibus, sic uti dixi, banc tibi aras, Juppiter Optime, Maxime, do, dito dedicoque, uti sis volens propitius mihi collegisque meis, decurionibus, colonis, incolis coloniae Martiae Juliae Salonae, conjugibus liberisque nostris. » Ce texte très intéressant nous montre que la dédicace réglait en même temps les rites des sacrifices à offrir, l'étendue du terrain consacré ; il confirme les paroles de Cicéron sur les différents points qu'on y devait traiter, sur la prononciation claire et intelligible de la formule (palam). Il est vrai qu'il abrège une partie relative aux droits de l'enceinte sacrée, en la plaçant simplement sous le même régime que d'autres autels déjà établis. Cette partie, nous pouvons la compléter par d'autres inscriptions qui nous font connaître en détail la lex dedicationis qu'on gravait sur une pierre après la dédicace et qu'on plaçait sur le terrain consacré. La lex dedicationis, à laquelle les auteurs font aussi allusion 51, développait les principales dispositions brièvement énoncées dans la formule de dédicace. Par exemple, la loi du temple de Jupiter, à Furfo 52, après avoir donné la date de la dédicace, détermine l'enceinte et la situation de l'édifice, réserve le droit de vente au profit du temple des offrandes consacrées, règle les ventes et les locations des propriétés appartenant au dieu, indique l'emploi des revenus, y fait entrer les peaux des animaux sacrifiés (revenu important que les Grecs appelaient OERMATIEON), etc. Nous avons parlé du magistrat chargé de la dédicace, sans préciser son titre. En effet, il n'est pas toujours choisi dans les mêmes rangs de la hiérarchie civile. Tite-Live affirme que jusqu'en l'an 303 av. J.-C., c'était une coutume bien établie de ne confier la dédicace d'un temple qu'à un consul ou à un imperator 53. Cette annéelà, un simple édile curule, ancien greffier, né d'un père affranchi, dédia un temple à la Concorde, au grand mécontentement des patriciens, mais le peuple força le pontife à praeire verbe, malgré ses protestations. A la suite de cet incident, le sénat fit la loi Papiria qui défendait de procéder à la dédicace d'un temple ou d'un autel sans l'ordre du sénat ou de la majorité des tribuns du peuple U4. C'est grâce à cette loi que Cicéron put recouvrer la possession de sa maison que, pendant son exil, ses ennemis avaient confisquée et consacrée à la Liberté; il prouva que cette dédicace avait eu lieu de la façon la plus incorrecte et sine jussu populi" . En général, ce sont les consuls qui sont chargés de faire la dédicace d'un temple 86. Il y avait souvent contestation entre eux pour savoir à qui en reviendrait l'honneur et l'on s'en remettait à un tirage au sort57. Après la prise de Corinthe, Mummius dédia comme inperator un temple et une statue à Hercule vainqueur 89. Nous trouvons aussi d'autres magistrats que les consuls, chargés de dédicaces importantes, par exemple des censeurs n, des préteurs 60, et surtout des duumvirs 6f, Ces magistrats étaient souvent créés spécialement aedi dedicandae [nuuMVIRI]. 11 était d'usage, en effet, que le citoyen qui avait voué un temple dans une circonstance critique comme une guerre [vo'uM] fût chargé plus tard d'en faire la dédicace 62. Mais comme, à ce moment, il pouvait n'être plus en charge, on lui donnait les fonctions de duumvir pour qu'il pût représenter la cité avec honneur, car on n'aurait pu confier à un privatus un rôle si importante3. Si un délai trop long s'écoulait entre le moment du voeu et celui de la dédicace, il arrivait que l'auteur du voeu était mort et alors on confiait cette charge à son fils 64 ou bien à un collègue survivant 66 Les règles de la dédicace étaient très rigoureuses : il fallait qu'aucun incident ne vint en troubler le cérémonial 66. Si l'on déplaçait la statue de son temple, on procédait à un renouvellement de dédicace 67. César voulut recommencer à son profit la dédicace du temple du Capitole, sous prétexte qu'au moment où Catulus l'avait faite, l'édifice n'était pas encore complètement achevé 68. On se demande si, en cas d'incendie et de destruction du temple, on devait recommencer la cérémonie dédicatoire, quand l'édifice était reconstruit? Cela n'est pas probable, attendu que la consécration religieuse s'appliquait à l'emplacement même et que celui-ci restait toujours sacer, même en cas de ruine de l'édifice n, ce qui est attesté formellement par les textes de lois70. La dédicace d'un temple ou d'un édifice public était généralement suivie de jeux et de concours ou d'autres réjouissances qui terminaient la fête 7f Pour la première fois, en 491 av. J.-C., on donna à Rome des représentations dramatiques en l'honneur de la dédicace du sanctuaire consacré à la grande Mère Idéenne 72. Plusieurs inscriptions de Pompéi sont des annonces qu'on affichait à l'occasion des dédicaces d'autels ou de thermes et qui mentionnent des combats d'athlètes, des chasses, suivies de sparsiones". Les fêtes se renouvelaient au jour anniversaire de la dédicace, qui était en même temps considéré comme le dies natalis de la divinité à laquelle l'édifice était consacré 7". Ces jours de fête, pour les sanctuaires principaux de la cité, étaient inscrits dans le calendrier 73. Si le temple était reconstruit, cette circonstance ne changeait pas le jour de fête qui restait attaché à l'anniversaire de la dédicace première 76. Si parfois on voit deux jours de fête attribués au culte du même sanctuaire, c'est que, outre l'anniversaire de la dédicace, il y a certaine cérémonie commémorative qui rappelle un événement particulier, relatif à la fondation. Par exemple, l'ara Pacis Augustae dans le champ de Mars fut vouée le 4 juillet 741 (13 av. J.-C.) pour le retour de l'empereur revenant de Gaule ; elle ne fut dédiée que le 30 janvier 745 (9 av. J.-C.) et c'est ce dernier jour qui fut choisi comme dies natalis, mais on institua pour la première date une fête commémorative. De même, le temple de la Fortuna muliebris, voué le 1" décembre 266 (488 av. J.-C.), après la retraite de Coriolan et des Volsques, ne fut dédié que le 6 juillet 268 (486 av. J.-C.) et il y eut désormais deux fêtes propres à ce sanctuaire 77. En dehors de Rome, dans les cités provinciales, les inscriptions latines nous font connaître de nombreuses dédicaces de temples ou d'édifices publics, marchés, bains, thermes, théâtres, ponts, statues honorifiques, etc. Quand la dédicace se fait à une divinité, la formule mentionne, en règle générale", après le nom du dieu, les noms du donateur et des personnes qui s'unissent à lui, la cause qui a motivé la dédicace (ex jussu (dei), exresponso, ex visu, oubienexsenatus consulto, decreto decurionum, etc.), le nom même de l'objet dédié (temple, autel, statue, etc.). On mentionne accessoirement la somme dépensée et la source d'où elle provient (sua pecunia, de suo, acre publico, etc.), la date de la dédicace, la nature du lieu où le monument est élevé (solo privato, in foro novo, locus datus decreto decurionum) et les personnes qui ont pris soin de la dédicace (curante, curam agence, etc.) ". Si la dédicace est faite à un particulier, l'inscription mentionne le nom du personnage honoré avec ses titres, le nom du donateur, les motifs de la dédicace ; les formules complémentaires spécifient dans quelles conditions le monument a été élevé (ex senatus consulto, consensu consilii provinciae, decreto, etc.), si les frais ont été supportés par le trésor ou par un particulier, par qui l'emplacement a été donné, qui a pris soin de la dédicace 80. Les monuments funéraires sont souvent dédiés Dus Manibus et élevés dans les mêmes conditions que les monuments publics (ex decurionum decreto, pub lice); en ce cas la formule dédicatoire ne diffère pas de celles qui précèdent 8t ; on y ajoute seulement les phrases incidentes qui se rapportent au défunt et les prescriptions destinées à empêcher la violation de sépulture 82. A cette classe d'inscriptions se rattache l'expression encore énigmatique de « sub ascia dedicare 83 » qui se rencontre surtout en Gaule et qui a fourni matière aux interprétations les plus diverses [ASCIA, p. 465]. Un texte important de PlineB4 donne à penser que les rites mêmes de la dédicace pouvaient différer de ceux de Rome dans certaines cités provinciales. En effet, jusqu'à l'empire, un grand nombre de municipes ont gardé leurs propres lois pour se gouverner [MUN1creluM], bien qu'ils fussent soumis à l'autorité de Rome; au contraire, les colonies [coLoNIA] apportaient avec elles les traditions romaines et se conformaient aux rites religieux de la métropole 86. II pouvait donc y avoir des manières diverses de faire les dédicaces, suivant que la cérémonie avait lieu sur l'ager Romains ou sur l'ager peregrinus. Nous renvoyons encore à l'article DONARIUM pour ce qui atrait aux offrandes dédiées en grande quantité dans les temples romains. Il faut les distinguer de l'instrumentum, c'est-à-dire du mobilier qui était destiné au service propre du dieu et qui lui était consacré le jour même de la dédicace de son temple et de sa statue 86. Ce mobilier s'enrichissait ensuite de toutes les offrandes particulières, étoffes, vêtements, vaisselle, meubles, ornements, qui étaient apportés plus tard par les fidèles et dont chacune était sans doute l'objet d'une consécration particulière prononcée par le prêtre; la dédicace privée devait reproduire sous une forme plus simple et plus modeste les rites de la dédicace solennelle, prononcée au nom de la cité. Les murailles du temple étaient garnies d'ex-voto et d'objets dédiés; si l'un deux se détachait et tombait, cet accident était considéré comme de mauvais augure 87. L'empereur Auguste, dans son testament, se vante d'avoir consacré dans différents temples de Rome des offrandes pour une valeur d'environ un million de sesterces sa