Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DEKATÈ

DERATÈ, a,axdtri. 1. Le mot Dex«zr, dans une première acception, désignait, en Grèce, un impôt correspondant à la dîme de notre ancienne France, impôt payable en nature et égal à la dixième partie du produit des biens. L'usage de prélever, au profit du chef de l'État, dans les monarchies, une portion des fruits des immeubles possédés par les simples particuliers, paraît avoir été assez général dans l'antiquité'; ce fut même, suivant toute vraisemblance, la première forme de l'impôt. En Égypte, par exemple, là où les récoltes, dépendant du niveau atteint par les inondations du Nil, étaient essentiellement variables, les propriétaires se libéraient de l'impôt en remettant aux collecteurs une quote part de leurs blés et de leurs vins. H en fut de même en Grèce. D'assez bonne heure, le prélèvement parait avoir été fixé au dixième : c'est la proportion que l'on rencontre le plus fréquemment'. Pour Athènes, nous avons des témoignages se rappor tant à l'époque des Pisistratides. Une lettre apocryphe de Pisistrate à Solon, lettre rapportée dans Diogène de Laërte3, a permis à presque tous les historiens de soutenir que Pisistrate perçut la dîme des fruits des propriétés foncières de l'Attique 4; cette dîme lui fournit le moyen de subvenir aux besoins de son gouvernement, de faire face aux dépenses exigées par l'entretien de l'armée et par fiai pulsion donnée aux travaux publics, etc. Moins exigeants que leur père, les fils de Pisistrate auraient réduit l'impôt de moitié; Thucydide nous apprend, en effet, qu'ils demandaient seulement la vingtième partie des revenus 5. Nous devons toutefois reconnaître, avec NE. Grotei°, que la lettre de Pisistrate est une autorité insuffisante pour démontrer que l'impôt foncier fut deux fois plus lourd sous Pisistrate que sous ses fils. De l'aveu même des anciens', Hippias et Hipparque eurent des caprices plus coûteux et plus oppressifs pour le peuple que ceux de leur père. S'ils se bornèrent, pendant une période de•prudence et de modération, à exiger un vingtième, ce fut probablement parce que Pisistrate lui-mème s'était borné à cette proportion. A l'époque classique, presque toutes les dîmes appartenaient aux temples. Il. Quelques-unes des prestations dont bénéficiaient les sanctuaires les plus vénérés, et auxquelles les anciens ont donné le nom de dîmes (eucapïaO, étaient absolument volontaires, et les possesseurs d'immeubles, en les acquittant, obéissaient seulement aux inspirations de leur zèle religieux. Telles étaient évidemment ces âaapyal Sz-xarir,fôpot, dont parle Callimaque, que les Hyperboréens eux-mêmes envoyaient au temple de Délos'. Telle était également la dîme des fruits, l'd7cap./, que de pieux propriétaires prélevaient sur leurs récoltes pour l'offrir à Cérès, la déesse protectrice de l'agricultures. Telles étaient encore les offrandes de fruits, xa 7t iv .x7801pya(, que les habitants de Trézène faisaient à Neptune'0. Nous n'avons pas à insister sur ces dons spontanés, n'ayant rien d'obligatoire. Les dîmes juridiquement exigibles n'avaient pas toutes la mème origine. Parfois le propriétaire d'un bien libre, pour se concilier la protection d'une divinité, cédait à un temple son droit de propriété, soit en se réservant la jouissance et en offrant seulement l'abandon du dixième des fruits, soit en rachetant cette jouissance au prix d'une promesse de prestation périodique d'une portion des revenus". Le propriétaire, en apparence, aliénait son immeuble; en réalité, il consolidait son droit. Trop faible, en cas de guerre, pour se protéger lui-mème contre les dévastations des ennemis, il s'assurait, par une sorte d'imaginaria venditio, sans perdre la possession, l'inviolabilité inhérente aux domaines sacrés. C'était quelque chose d'analogue à notre ancienne « recommandation ». D'autres fois, les dîmes étaient dues en vertu de fondations régulièrement établies par les anciens propriétaires du sol. Ainsi Xénophon avait attribué la dîme des productions de ses terres au temple qu'il avait élevé en l'honneur de Diane, dans son domaine de Scillonte, à peu de distance d'Olympie 12. Une inscription, gravée sur une colonne érigée près de ce temple, rappelait en termes exprès, que tout possesseur, tout usufruitier serait, chaque année, soumis à la charge de la dîme, déclarée inhérente à l'immeuble". Une inscription, identique à l'inscription de Scillonte, a été trouvée à Ithaque : un lecteur de Xénophon a tenu sans doute à suivre l'exemple de l'histo rien grec et a fondé, dans son île, un temple doté des privilèges rapportés dans l'Anabasis ". La dîme des temples existait, dans d'autres cas, en vertu de concessions faites par les pouvoirs publics. L'histoire générale de la Grèce nous en offre, au ve siècle, un exemple mémorable. Lors de l'invasion des Perses, les Grecs s'engagèrent par serment à soumettre au paiement d'une dîme au dieu de Delphes tous ceux de leurs compatriotes qui, sans y être contraints, s'inclineraient devant les envahisseurs''. La législation particulière d'Athènes attribuait à Minerve 1° la dixième partie du butin pris sur l'ennemi 16, 2' la dîme de certaines amendes, notamment de l'amende encourue par tout propriétaire qui, en dehors des cas prévus par la loi, arrachait de son fonds des oliviers 3° enfin le dixième des biens confisqués, notamment des biens des condamnés pour trahison ou pour attentat contre la démocratie 18, III. On désignait encore, sous le nom de laxztr,, un impôt de dix pour cent que les Athéniens perçurent, à diverses époques, sur les navires qui traversaient niellespont. Xénophon paraît supposer que la taxe n'était perçue que sur les navires venant du Pont-Euxin (lx rat Hôvroo) 10, mais il est probable que le droit était également exigé des navires qui se dirigeaient vers le Pont et y importaient les vins et les huiles de la Grèce '0. C'était un véritable droit de transit, un 'taymytov ou taapaymSytnv 21, et tels sont bien les noms que les Byzantins lui donnèrent, longtemps après la chute d'Athènes, lorsqu'ils le rétablirent (Olymp. 139), pour faire face aux dépenses de leur guerre contre les Rhodiens 22. Comme la circulation à travers le Bosphore était très active et que la perception du droit n'offrait pas de grandes difficultés", la taxe de dix pour cent devait être fort productive. Il est difficile de dire à quelle époque le droit fut pour la première fois établi. On sait avec certitude que, en 411, (Olymp. 92, 2), Alcibiade fonda à. Chrysopolis, en face de Byzance, un ès:aaceuzr,ptov; ou bureau de perception du dixième, et qu'il chargea une division navale de trente vaisseaux de veiller à ce que nul ne pîlt se soustraire au paiement du droit Mais la taxe n'existait-elle pas déjà? N'est-ce pas cette taxe qui figure, sous le nom de Sexâr , dans une inscription de l'année 435 (Olymp. 86, 2)2' et les Iledespontophylaques dont parle urge autre inscription également antérieure à l'année 41127 n'étaient-ils pas des fonctionnaires préposés à la surveillance du recouvrement de cette taxe ? La bataille d' Egos-Potamos, si fatale aux Athéniens, eut pour conséquence la suppression du droit de transit. Mais il fut bientôt rétabli; nous savons, en effet, que, à Byzance, en 390, Thrasybule donna à ferme la ésxaril des navires venant du Pont-Euxin 27. Il disparut de nouveau en 387, lors de la conclusion de la paix d' Antalcidas. Cet impôt, comme beaucoup d'autres impôts athéniens, était affermé. Les fermiers et les percepteurs portent les noms de 11Xxrtavat et de èrou'rr,hroyot 28; qui rappellent leurs attributions respectives : acheteurs de l'impôt, collecteurs DEL 54 DEL de l'impôt. Les mots itE%aTEsral 29 et SEXarEdo ttç 36 conviennent aux uns et aux autres. E. CAILLEMER.