Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DEMARCHOS

DEMARCHOS [DEMOS]. dore de Sicile que les Carthaginois, défaits près d'Himéra par Gélon Ier de Syracuse, se trouvant, contre leur attente, protégés par la clémence du vainqueur, souscrivirent à toutes les conditions qu'il avait imposées, et promirent une couronne d'or à Démarète, femme de Gélon. Celle-ci, à leur prière, avait été médiatrice de la paix, et, honorée par eux d'une couronne d'or de 100 talents, elle frappa une monnaie appelée de son nom démarétion; chaque pièce était de 10 drachmes attiques et se nommait en Sicile pentécontaiitron à cause de son poids. Hésychius dit de son côté : r Démarétion, pièce frappée en Sicile sous Gélon, Démarète, son épouse, lui ayant donné ses bijoux afin d'en fabriquer une monnaie. » Enfin Pollux 3, après avoir parlé des monnaies d'or de Ptolémée, des dariques, des philippes, etc., ajoute : « Démarète, femme de Gélon, lorsque son époux, faisant la guerre aux Carthaginois, eut besoin de subsides, demanda aux femmes de lui remettre leurs bijoux et en fit battre une monnaie. » Pollux considérait le démarétion comme une monnaie d'or, et beaucoup des modernes se sont fiés à son dire. Mais ce grammairien d'Alexandrie, contemporain de Commode, ne saurait avoir la même autorité que Diodore, historien sicilien, très exact pour tout ce qui regarde sa patrie et plus rapproche du temps de Gélon. Or Diodore ne dit rien de semblable. En effet, Démarète pouvait très bien, comme le rapporte cet historien, avoir reçu une couronne de 100 talents et, avec la valeur de cette couronne, avoir fait frapper une monnaie d'argent. Le démarétion n'était certainement pas une pièce d'or. Nous connaissons les monnaies de ce métal frappées à Syracuse au temps de Gélon ; ce sont des bectés du système phénicien [DRACHMA, STATER], a.u poids de Igr,164' et avec le rapport de 15 à 1, qui existait à Syracuse entre l'or et l'argent [LIvBA], elles ne valaient que 4 drachmes attiques de ce dernier métal. Il ressort même du texte de Diodore la preuve positive que les pièces dues à Démarète étaient en argent. En se reportant à l'article LUTILe, le lecteur verra qu'au temps de Gélon l' la didrachme d'argent de poids attique se divisait à Syracuse en 10 narnmi de O e,870, équivalant chacun à une litre ou livre de bronze. Une monnaie valant 10 drachmes attiques et appelée d'après son poids («nô rot' aralgot') pentécontalitron, ne pouvait donc être qu'une monnaie d'argent cinq fois plus forte que la didrachme, c'est-à-dire une décadrachme. D'après ces observations, nous adoptons pleinement l'opinion proposée par le duc de Luynes' et approuvée par Ottfried Müller, opinion qui consiste à reconnaître le démarétion dans les décadrachmes d'argent syracusaines de poids attique et de style archaïque. Ces décadrachmes (lig.2301) portent au droit, avec la légende ITPAKollox, la tête de la nymphe Aréthuse, environnée d'une sorte de nimbe qu'entourent quatre dauphins, et ceinte d'une couronne de laurier qui, ne se rencontrant autour d'une tête de femme sur aucune autre monnaie de Syracuse, doit rappeler la couronne décernée par les Carthaginois à Démarète. Au revers est un quadrige dont les chevaux sont couronnés par une victoire volant dans les airs, et à l'exergue un lion, symbole de l'Afrique, lequel fait directement allusion aux Carthaginois. On ne connaît dans les collections modernes qu'un très petit nombre d'exemplaires de cette monnaie, mais l'émission dut en être considérable. En effet, si la couronne d'or offerte à Démarète pesait 100 des talents attiques qui étaient en usage à Syracuse, et si la valeur en avait été échangée en argent dans cette ville sur le pied du rapport de 15 à 1, elle avait produit 9 millions de drachmes, avec lesquels on avait pu frapper 900,000 demaretia. Si elle pesait 100 kikkar ou talents phéniciens de 42 kilog.,-480 grammes [sialis] et si la valeur en avait été directement payée en argent par les Carthaginois sur le pied du rapport de 1'2 et demi à 1, qui existait dans leur pays entre les deux métaux, elle avait produit 12,712,690 drachmes attiques, avec lesquelles on avait pu frapper 1,271,269 demaretia. Si enfin elle pesait 100 petits talents phéniciens de 21 kilog., 240 grammes et si la valeur en avait été payée de la manière que nous venons d'indiquer, elle avait produit 5,356,345 drachmes, avec lesquelles on avait pu frapper 635,634 et demi demaretia. Quoi qu'il en soit, la monnaie frappée par ordre de Démarète constituait une innovation qui méritait de faire époque et de porter le nom de cette reine. Jusqu'alors on n'avait nulle part fabriqué de taille monétaire aussi forte que le décadrachme. Tous les exemples que l'on en connaît sont postérieurs d'un bon nombre d'années. A Syracuse même, l'émission des décadrachmes subit une longue interruption après le règne du vainqueur d'Himéra. Elle ne recommença que sous Denys l'ancien, alors que flot issaient les graveurs Événète, Cimon et Euclide. Mais avec la réduction que Denys avait fait subir au talent de bronze [LITRA], la décadrachme, divisée toujours en 50 nummi dargent,valait 250 litrae de' bronze ou 2talents etquelque chose, et non plus 50 litrae, comme sous Gélon. F. LENORMANT. DEM 63