Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DÉMOSIOI

DÉMOSIOI (àlvaietot). Nom sous lequel les Athéniens désignaient les esclaves qui étaient la propriété de l'État, Pour certains offices d'ordre tout à fait inférieur, les ûrcr,pottxul «pua(, dont parle Aristote2, et que les citoyens rte consentaient pas à remplir dans les États jouissant de quelque aisance, il avait fallu à Athènes, comme dans la plupart des autres cités grecques, recourir au ministère d'esclaves. La cité acquérait, comme l'eût fait un simple particulier, des hommes de condition servile et leur imposait les charges dont les citoyens ne voulaient pas, C'étaient, suivant toute vraisemblance, des esclaves publics qui formaient les équipes de balayeurs, ces xoapt~,vat placés, nous dit Démosthène sous la surveillance de certains officiers de police (twv xoapcsvwv érttatataO. Tels devaient être également les exécuteurs des hautes oeuvres, dont le contact était regardé comme impur, si bien qu'ils étaient assujettis à l'obligation de résider hors de la ville et que même on leur défendait quelquefois de pénétrer dans la cité sans y avoir été expressément appelés 6. A plus forte raison, les agents chargés d'infliger la torture ne pouvaient être que des esclaves; non seulement des citoyens, mais encore des étrangers de condition libre n'auraient jamais accepté des fonctions si répugnantes Des témoignages exprès nous apprennent que beaucoup d'autres offices, très compatibles à notre époque avec la dignité du citoyen, étaient confiés à des esclaves. Le corps chargé de maintenir le bon ordre à Athènes était exclusivement composé d'esclaves publics. Avait-on espéré que des gens de condition servile se soumettraient plus aisément que des hommes libres à la discipline rigoureuse qui doit exister parmi des agents de police ? Ce qui est certain, c'est que les trois cents archers, institués peu de temps après la bataille de Salamine r, plus tard les mille 3 ou douze cents archers 9 qui formaient une sorte de gendarmerie pour l'Attique, étaient tous esclaves. On les DENT 2 DEM appelait quelquefois To ôiat, par a.lIusion à leur armement, d'autres fois .19tEUaivtot, en souvenir du créateur du corps; mais ils portaient aussi le nom de IxéOat, parce qu'ils étaient en majorité achetés sur les marchés voisins des limites de la Thrace 70. Boeckh" estime que, pour le recrutement de ces ïxélat, il fallait en moyenne acquérir chaque année de trente à quarante hommes forts et alertes, d'une valeur de trois à quatre mines; la dépense annuelle était clone d'un talent et demi à deux talents, et, si l'on admet, avec le même auteur, une solde quotidienne de trois oboles, le budget de l'État se trouvait grevé, de ce chef, jusqu'à concurrence de trente-sept à trente-huit talents". IL est vrai qu'en temps de guerre ces aoFçôzat rendirent quelquefois de grands services en combattant avec les citoyens ". C'étaient des esclaves publics qui étaient préposés à la garde des poids et mesures étalons, déposés dans le Tholos, au Pirée, à Éleusis, et qui veillaient à la bonne fabrication des exemplaires dont pouvaient avoir besoin les magistrats ou mème les simples particuliers'''. D'autres esclaves remplissaient les fonctions de héraut, de greffier, de scribe, de comptable, etc. Entre autres propositions relatives aux armements, Démosthène exprime le voeu que des trésoriers et des esclaves publics soient chargés de la garde du trésor de guerre, qu'on surveille exactement leur administration, qu'on leur demande des comptes à eux personnellement et non pas aux généraux' 3. Le poste que l'orateur veut leur confier est bien toujours subalterne; mais il est de la plus haute importance pour l'État qu'il soit confié à une personne sûre et fidèle. En proposant de le donner à un esclave public, Démosthène montre de quelle estime jouissaient certains 9r,uétstot. Enfin, beaucoup d'ouvriers d'État, les monnayeurs, par exemple, étaient des esclaves publics 76. Dans un compte de dépenses faites sous l'archontat de Képhisophon (olymp. 112, Ir, 329/328 av. J.-C.), par les épistates d'Éleusis et les deux trésoriers des déesses, pour l'entretien, la réparation ou la construction d'édifices affectés au culte éleusinien ", on voit que dix-sept esclaves publics furent employés aux travaux. L'État dépensait pour leur nourriture trois oboles par tête et par jour i8; il pourvoyait à leur habillement, puisque le compte mentionne l'achat de dix-sept chapeaux 3tïaot) d'une valeur d'environ cinq drachmes ", et le ressemelage de dix-sept paires de chaussures, à raison de quatre drachmes par paire 20. C'était aussi l'État qui leur fournissait les outils dont ils avaient besoin, notamment les corbeilles nécessaires pour le transport des matériaux" Y avait-il à Athènes un grand nombre de ces ouvriers d'État? Quelques publicistes grecs étaient d'avis qu'une cité pouvait notablement augmenter ses ressources en acquérant des masses d'esclaves, soit pour retirer directement le profit de leur travail personnel, soit pour louer leurs services aux simples particuliers. Xénophon notamment proposait à ses concitoyens d'acheter douze cents esclaves que l'État tiendrait à la disposition des citoyens à raison de tant par jour, de façon à gagner, tous frais payés, une obole quotidienne par tête. Une partie du produit de la location serait, s'il le fallait, affectée aux be soins de l'État, tout le surplus servant à l'acquisition d'autres esclaves. En peu d'années, on arriverait à posséder six mille esclaves, rendant annuellement soixante talents; on pourrait même atteindre à dix mille, rapportant cent talents. Les preneurs, dit Xénophon, ne feront jamais défaut; il y a tant d'exploitations possibles et surtout d'exploitations minières, que le nombre des esclaves n'excédera jamais la quantité des travaux à entreprendre. D'un autre côté, beaucoup de citoyens seront heureux de se décharger sur l'État du soin de trouver des travailleurs, de les garder et de prendre des mesures pour les empêcher de fuir 22. Ce moyen d'enrichir un État, de rendre une cité plus prospère, d'accroître sa population et même d'augmenter sa force militaire, ne fut pas employé à Athènes; mais il paraît avoir été essayé à Épidamne, en Illyrie, où, s'il faut en croire Aristote, tous les travaux publics, sans exception, étaient confiés à des esclaves appartenant à l'État 22. La condition des A',u.éatot, ou au moins de quelques-uns d'entre eux, était bien meilleure que celle des esclaves appartenant aux simples particuliers.0Ceux qui étaient employés dans les administrations publiques jouissaient d'une considération relative dont nous avons déjà cité des témoignages. Leurs noms sont quelquefois gravés sur les stéles à la suite des noms des magistrats. Dans une inscription de fol. 118,3 (306/305 av. J. C.) plusieurs esclaves publics sont nommés immédiatement après l'épistate des prytanes 2''. Démosthène nous dit même que les iydawt placés près d'un magistrat qui ale maniement des deniers de l'État sont, dans une assez large mesure, chargés de contrôler sa gestion; la République comptait sur eux pour déjouer les fraudes dont le magistrat aurait pu être tenté deserendre coupable audétriment dutrésor public'". Les grammairiens nous disent que les IxtiOat habitaient des tentes dressées, à l'origine, au milieu de l'Agora et, plus tard, transportées sur l'Aréopage 2fi ; nous pourrions dire qu'ils étaient casernés. Mais les autres esclaves publics fixaient où ils le jugeaient à propos leur demeure particulière; ils avaient leur maison, leur mobilier, leur ménage". Comme les servipublici des Romains, ils jouissaient, comparés aux esclaves ordinaires, du privilège d'avoir un patrimoine. Les économies par eux faites sur le modeste traitement que la République leur attribuait dans certains cas, les menus profits qu'ils réalisaient à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions, les gains qu'ils faisaient dans leurs moments de loisir, tout cela leur restait propre. Eschine parle d'un esclave public, d'un serviteur de la République, nommé Pittalakos, qui avait beaucoup d'argent et qui, malgré l'infériorité de sa condition, menait une vie analogue à celle de beaucoup d'Athéniens de noble origine78. Dès que les esclaves publics pouvaient être propriétaires, ils pouvaient aussi avoir des procès à soutenir. Étaient-ils autorisés à plaider librement, soit comme demandeurs, soit comme défendeurs, ou devaient-ils, ainsi que les métèques, être assistés d'un patron choisi parmi les citoyens? On Iit bien, dans un discours d'Eschine, que l'esclave publie Pittalakos intente une action (iîxr,,t DEM -93DEN ).aqy«vet)u. Mais il ne faut pas attacher trop a importance à cette formule, puisqu'on la trouve également employée pour des actions intentées par des mineurs et par des femmes mariées et que cependant ces personnes étaient ou bien représentées ou bien au moins assistées par leurs xûpot 30. N'ayant pour maître qu'une personne morale, les esclaves publics n'avaient pas à craindre les mauvais traitements auxquels les esclaves des particuliers étaient exposés. Investis de la confiance de l'État comme fonctionnaires subalternes, ou bien chargés de maintenir le bon ordre dans la République, ils avaient le droit d'être dans beaucoup de cas assimilés aux hommes libres. Aussi voyons-nous qu'ils étaient admis aux cérémonies du culte et que l'État leur accordait ce dont ils avaient besoin pour y figurer honorablement. Dans l'inscription de l'olympiade 112, 4 (329,/328 av. J.-C.) que nous avons déjà citée, nous signalerons les dépenses suivantes : pour une victime que les esclaves publics ont offerte lors de la fête des Choai, 23 drachmes"; pour l'initiation de deux esclaves publics aux petits mystères, 30 drachmes". E. CAILLCMER. magistrats de Thespies en Béotie. Ces magistrats• étaient choisis exclusivement dans quelques familles nobles. qui rattachaient leur origine à Hercule, en se disant issues des sept Thespiades (enfants nés des relations d'Hercule avec les cinquante filles de Thespius) qui s'étaient établis à Thespies'. Diodore affirme que les Démouques sont restés au pouvoir presque jusqu'au temps où il écrit. Et cependant ils n'apparaissent dans aucun des faits historiques auxquels Thespies se trouva mêlée. Leur nom n'est pas même prononcé dans les divers récits de la bataille des Thermopyles où les Thespiens ne furent pas moins héroïques que les Spartiates. On ne le rencontre pas davantage dans les nombreux épisodes de la rivalité entre Thespies et Thèbes 2. Est-ce contre l'aristocratie des Démouques que le peuple de Thespies se souleva pendant la guerre du Péloponèse, en 414 av. J.-C. 3? Cette tentative de révolution ne fut pas couronnée de succès; les Thébains intervinrent, arrêtèrent quelques-uns des révoltés et forcèrent les autres à se réfugier dans l'Attique. Les tendances démocratiques d'une partie de la population thespienne s'étaient déjà, sans doute, manifestées sous forme de sympathies pour la république athénienne, puisque, dès l'année 423, Thèbes avait détruit les murailles de Thespies et avait défendu d'élever de nouvelles fortifications 4. En 378, lorsque Sparte réussit à occuper Thespies et à y établir une garnison sous la conduite de l'harmoste Sphodrias 6, y eut-il complicité des Héraclides Thespiens et des Spartiates? Quand, à la suite de la bataille de Leuctres, en 371, les Thébains décrétèrent l'anéantissement de Thespies et l'exil de tous ses habitants, que devinrent les Démouques et leurs familles' ? Au lendemain de la victoire de Chéronée (338), Philippe de Macédoine, en haine des Thébains, restaura la malheu reuse cité'. A partir de cette époque, on trouve à Thespies, comme dans la plupart des autres cités béotiennes, des décrets émanés du sénat et du peuple : eear,téoov ,ou),)j )(ai b è uo; un archonte éponyme ', un polémarque 19; mais il n'y a pas la moindre mention de l'ancienne magistrature des Démouques. Hésychius, après avoir donné l'étymologie du mot Ar,µo dot 11, ajoute : «Plusieurs cités ont eu des magistrats portant le nom de Démouques 12. )s Thespies exceptée, nous ne pouvons pas dire à quelles cités le grammairien a fait allusion. E. CAILI.EMEB.