Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DESERTOR

DESERTOR. Voy. pour les Grecs ANAUMACHIOIJ, A Rome le soldat était considéré comme déserteur lorsqu'il s'éloignait sans congé du camp ou des rangs hors de la portée de la trompette. De tout temps, le crime de désertion entraînait une peine capitale. « La mort », dit Denys d'Halicarnasse, « est le châtiment traditionnel chez les Romains pour ceux qui ont abandonné leurs rangs ou quitté leurs drapeaux' ». Si la désertion était aggravée par la fuite dans les rangs de l'ennemi, les coupables étaient condamnés au supplice infamant de la croix2, ou précipités du haut de la roche Tarpéienne après avoir été battus de verges °. Quelquefois on les laissait vivre, mais on leur coupait le poing, et ainsi mutilés, ils étaient l'exemple vivant de la sévérité de la discipline militaire'. Dans d'autres circonstances, on se bornait, après avoir fustigé le coupable, à le vendre comme esclave 5. La rigueur de la loi ne pouvait être adoucie que quand la DES -411DES désertion avait lieu en masse devant une attaque subite de l'ennemi : on la considérait alors comme une fuite ignominieuse, et le châtiment variait suivant les conditions de la lutte. Dans certains cas, il consistait dans la flétrissure (asp«TWStxi alayuo4)6; dans d'autres, les chefs étaient condamnés à mort ainsi qu'un dixième des soldats [MILITUM PoENAE], les autres subissaient la flétrissure et les corvées'. Sous l'empire, la législation militaire ne fut pas moins rigoureuse à cet égard : toutefois, les empereurs du ne et du nie siècle, malgré le soin qu'ils déployèrent dans le maintien de la discipline, admirent dans le cas de désertion un certain nombre de tempéraments et de distinctions qui adoucirent la sévérité uniforme des anciens règlements. « I1 ne faut point punir tous les déserteurs de la même manière », dit expressément le jurisconsulte Arrius Menander, un contemporain de Septime Sévère, et un des juristes dont le traité sur l'organisation militaire, De re militari, faisait loi en la matière. « Il faut tenir compte, dit-il, du temps que l'on a passé sous les drapeaux, du grade où l'on est arrivé, des circonstances qui ont précédé et accompagné la désertion, et en particulier il faut voir si le soldat a déserté seul ou s'il a fait partie de tout un groupe de réfractaires. » En temps de paix, la désertion ne comporte guère que le changement de corps ou la suppression du grade : mais en cas de récidive, la peine devient capitale; si la désertion est accompagnée d'autres délits, de vol par exemple, le délit sera assimilé à la récidive. En temps de guerre, la désertion est toujours punie d'une peine capitale, sauf quelques cas exceptionnels, par exemple si le déserteur se livre lui-même avant cinq ans, ou s'il est livré par son père; dans le premier cas, un règlement de septième série le condamnait à la déportation ; dans le second cas, Antonin le Pieux voulait qu'il fût seulement transféré dans un corps inférieur, « afin que, » disait le prince, « il ne parût pas que le fils fût offert par son père au supplice ». Des peines exceptionnelles et infamantes sont toujours réservées, comme sous la République, aux déserteurs qui fuient à l'ennemi; ils peuvent être, même s'ils sont citoyens romains, soumis à la torture et condamnés aux bêtes', La législation de la fin du ive siècle, dont nous possédons toute une série de règlements, depuis 365 jusqu'à 412, a exagéré plutôt qu'adouci la rigueur des anciennes lois : c'est qu'en effet l'empire, menacé à l'intérieur et aux frontières par l'abus des privilèges et les incursions des barbares, avait plus que jamais besoin de soldats. La peine de mort est toujours la règle, sauf si le coupable se livre lui-même. Si le déserteur résiste, il peut même ètre exécuté et tué sans aucune forme de procès. Ce qui est particulier à cette époque, ce sont des règlements d'une étonnante sévérité contre ceux qui donnent asile aux déserteurs (occultatores) : les peines qu'ils encourent varient depuis la confiscation de la moitié des biens, si le coupable appartient à un rang élevé, jusqu'à la déportation, jusqu'aux travaux forcés, même jusqu'au bûcher, si le complice du déserteur est un plébéien ou un homme de condition inférieure Au ue comme au ve siècle, le déserteur était livré au gouverneur de province, qui examinait et préparait le procès, et renvoyait le coupable avec les pièces de l'enquête par-devant le juge militaire, préfet du prétoire ou maître de la milice. On semble distinguer du desertor, soldat qui quitte son poste, le vagus, insoumis ou réfractaire qui ne répond pas à l'appel, et l'emansor, soldat envoyé en mission ou en congé, qui s'absente au delà du temps fixé, C. JULLIaN.