Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DIANA

DIANA (Apreut;). Nous parlerons sous ce titre d'abord de la déesse grecque Artémis, puis de la déesse qui dans le monde romain fut assimilée à Artémis, de Diane. ARTLMIS. I. Naissance d'Artémis. Diverses légendes avaient cours dans l'antiquité sur la naissance d'Artémis. Les Égyptiens, d'après un texte d'Eschyle rapporté par Pausanias, croyaient que la déesse était fille de Zeus et de Déméter'. Il semble que cette version ait été parfois acceptée des Grecs eux-mêmes, si l'on veut interpréter dans ce sens les monuments où Artémis est représentée tenant une fleur à la mains et y trouver une allusion dans deux groupes célèbres d'Arcadie, l'un, œuvre de Damophon, dans le temple de Despoina, où l'on voyait Artémis debout à enté de Déméter3, l'autre, dans le temple de Déméter et de Coré SoiTetpa, où Artémis était sculptée cueillant des fleurs avec Perséphone'. Artémis a aussi passé pour ne faire qu'une avec Perséphone'. Cicéron s'est fait l'écho d'une tradition d'après laquelle Artémis aurait été la fille de Perséphone et la mère d'Éros'. Elle apparaît encore comme fille de Dionysos et d'Isis ; c'était là une autre croyance venue d'Égypte et rapportée par Hérodote 7. En Arcadie, si l'on en croit une tradition très vague, Artémis, sous le nom de DIA 131 DIA. Kallisto, aurait passé pour la fille du Pélage Lycaon$. Enfin Cicéron nous rapporte qu'on a aussi attribué la naissance de la déesse à Oupis et à Glauké; elle aurait elle-même, dans ce sens, porté le nom d'Oupis 3. C'est une légende venue des pays hyperboréens. Mais tous ces mythes, à supposer même qu'ils aient eu, à une époque très reculée et dans quelques cantons de la Grèce, une grande importance (on voit d'ailleurs que pour la plupart ils sont d'importation étrangère) se sont effacés à peu près devant celui qui fait naître Artémis de Zeus et de Léto, dans l'île de Délos. Artémis délienne, fille de Zeus et de Léto, soeur d'Apollon, est la véritable Artémis hellénique. Son culte, soit pur, soit modifié par l'adjonction d'éléments empruntés à, des cultes étrangers, a pris un développement exceptionnel, comme celui de toutes les grandes divinités du panthéon grec. Léto, séduite par Zeus et poursuivie par la colère jalouse d'Héra, ne pouvait trouver aucun asile pour faire ses couches. Errante et fugitive, elle arriva enfin dans file flottante de Délos (la brillante) qui aussitôt devint fixe, et là, au pied du mont KévOoç, sur le bord du ravin lao-mis, ou bien auprès du lac Trochoïde f6, appuyée contre un palmier ", d'autres disent contre un olivier 12, elle mit au monde deux jumeaux, d'abord une fille, Artémis, puis un fils, Apollon. C'est la pure tradition homériquej3, telle que l'ont généralement adoptée les poètes " et les mythographes 1 De là les noms de Arurtofç' °, fille de Léto, deA7)atd;" (Délienne), Cynthia", Cynthienne, de même qu'Apollon est appelé Ar;twoç, AziÀto;, Kéa ;oç ", Cynthius. L'île de Délos était quelquefois désignée sous le nom d"Optuyfa 20, la caille ou file aux cailles, mot qui est devenu une épithète d'Artémis. II. Artémis et Apollon. Réunie avec Apollon par sa naissance, Artémis s'attache à, son frère et leur histoire a bien des traits com Lo]. Il est peu de mythes concernant le dieu où la déesse n'ait aussi sa place. A peine délivrée dans file de Délos, Léto, toujours en butte à la jalousie d'Héra, est obligée de fuir de nouveau, emportant ses deux enfants dans les brase". Les légendes locales de Délos racontaient que dans l'ile même la déesse avait rencontré le serpent Python et qu'Apollon l'y avait tué 27. Mais la fable la plus accréditée est que Léto passa avec son fardeau sur le continent, quatre jours après son départ de Délos. Après avoir vainement cherché en Béotie un lieu où Apollon pût fonder son sanctuaire, elle arriva devant l'antre du dragon Python qui fut tué avec les flèches données par lléphaistos "a: Artémis est aux côtés de son frère tandis qu'il accomplit cet exploit, et mérite le nom de ItauOla comme il mérite celui de 1iûitoç. Apollon va se purifier en Thessalie et cueille le laurier sacré a" ; Apollon âmTvaïo;ouAaTivippépoçestsuivi d'Artémis Aapva(aouAntpvfa Apollon purifié revient à Delphes et s'appelle ?ai,x(vto;; Artémis l'accompagne, et dès lors elle est As),ptv(a u. L'union des deux divinités dans ce mythe du meurtre de Python et de la purification est si étroite, que, même dans les traditions purement locales qui sont comme des variantes et des additions à la version commune, le frère et la soeur ne sont pas séparés: ainsi les Sicyoniens croyaient qu'Apollon et Artémis, après avoir de concert tué le Python, s'étaient réfugiés ensemble dans leur ville 2Ÿ. Un des traits Ies plus importants du mythe d'Apollon est son séjour, ou plutôt son exil, dans les pays hyperboréens, sans doute après le meurtre de Python : Artémis fuit avec lui à travers ces sombres régions2°, et cette fable est l'origine d'un culte très particulier d'Artémis (voy. § v). Compagne fidèle d'Apollon, Artémis lance avec lui des flèches contre Tityos qui voulait faire violence à Léto70, Les traditions d'Eubée, de Panopée, de Tégyre, de Cyzique en font foi 36. Le sujet est cher aux décorateurs de vases. La figure 2346 reproduit cette scène telle qu'elle est figurée sur une petite amphore du Louvre : Apollon et Artémis, casqués, le glaive à la ceinture, criblent de flèches le géant qui fuit, et que voudrait protéger sa mère, LE, la Terre. 11er-' niés assiste à la poursuite Léto est peut-être le per sonnage fémi. nin drapé qui se trouve der mère Arté mis u. II est possible que toutes les représentations moins archaïques de la même scène aient été inspirées par le groupe célèbre de statues, don des Cnidiens, que Pausanias vit à Delphes32 : Léto, Artémis, Apollon, perçant de flèches le géant déjà renversé. Sur le trône d'Arnyclée, le même exploit des deux divinités était sculpté33. Artémis mérite donc bien le nom de Tttuoxtovoe. Elle prend aussi part à la lutte d'Apollon DIA 132 DIA contre les Géants. Ici même la légende se précise : elle dit que la déesse eut pour adversaire le géant Aigaion ou Gaion; c'est le nom qu'il porte sur une cylix à. figures rouges du musée de Berlin, où Artémis, le carquois ouvert à l'épaule, et portant deux torches, le renverse sur le sol34 Le frère et la sœur lancent ensemble leurs traits sur les Niobides 33. Artémis, dit-on, perçait de préférence les filles de Niobé; cependant, sur un grand cratère du Louvre à figures rouges (fig. 2347), elle prend une flèche dans son carquois pour tuer un jeune homme 36. ApolIon et Artémis détruisent ensemble Phlégyas et l es Phlégyens, comme en font foi plusieurs peintures de vases 37. Enfin, la lutte d'Apollon et de Marsyas, qui décore si souvent les vases, a presque toujours Artemis pour témoin; il est même fréquent de voir la déesse participer au supplice du vaincu 38. La présence d'Artémis peut d'ailleurs s'expliquer par ce fait que, comme Apollon, elle préside à. la musique (voy. p. 139). La déesse prend aussi part à la célèbre dispute du trépied entre Héraklès et Apollon, comme le prouvent plusieurs peintures de vases, entre autres celle que reproduit la figure 2348 39 : Artémis, armée d'une lance. prête main forte à son frère; on la voit aussi assister à la purification d'Oreste après le meurtre de Clytemnestre". Enfin, quelques légendes nous montrent un lien plus étroit encore entre Artémis et Apollon. Il n'est pas impossible de faire remonter jusqu'à la poésie orphique l'idée d'une union incestueuse entre le frère et la sœur. Apollon aurait fait violence à Artémis près de son propre autel, à Délos". C'est ainsi, du moins, qu'on a voulu expliquer le caractère érotique de quelques représentations d'Apollon et d'Artémis, en particulier sur un miroir étrusque". III. Artémis, divinité lunaire. Artémis était née le sixième jour du mois Thargélion, Apollon le jour suivant; c'est la date du retour du printemps, et l'on connaît les phénomènes astronomiques qui signalent cette date". On s'accorde assez à interpréter le mythe de la mort du Python comme un phénomène solaire, aussi bien que les migrations d'Apollon dans les régions hyperboréennes ; ce n'est probablement pas sans raisons qu'Artémis est, dans ces deux circonstances, associée à son frère. Mais il y a des témoignages plus précis. On admet volontiers que l'épithète d"AYydro; (messagère), qu'on lui donnait à. Syracuse, désigne Artémis comme l'aurore messagère du jour4S. Artémis était quelquefois appelée 'H zépa, `11uspac(a ; suivant Pausanias et Callimaque, il faudrait expliquer ce mot par 4uspo; (doux, qui adoucit), et reconnaître dans Artémis 'Hp.ip« la déesse qui calme la folie; mais Hésychius explique l'épithète par 3lptipa, jour; peut-être y a-t-il moins de différence qu'il ne semble entre les deux interprétations, si l'on admet que le jour dissipe dans les esprits les erreurs et les terreurs de la nuit, et que la lumière a ainsi une action bienfaisante ". On voit d'ailleurs que la lumière d'Artémis n'est pas la même que celle d'Apollon; il y a entre elles, comme il est assez naturel, la différence de la force virile à la gràce féminine : Apollon est le soleil éclatant, Artémis sera le reflet adouci de son frère, la clarté douteuse de la lune. Le culte d'Artémis lunaire a tenu une place importante dans la religion grecque et a laissé des traces très nombreuses dans la littérature et l'art. Parmi les nombreuses étymologies proposées dans l'antiquité pour expliquer le nom même d'Artémis, on remarque celle-ci : 'ApTEUt;, T71 ei)ravrl 48. Sans attacher trop d'importance à ce texte, car les étymologies anciennes, fondées sur de pures ressemblances de mots ou de simples allitérations, n'ont pas de valeur scientifique, il montre pourtant avec quelle force l'identification d'Artémis avec la lune s'était imposée. De là le culte d'Artémis dsXaaWdpo; à Phylé en Attique, et dans l'île Pholégandros 44, d'Artémis :.EAusix à Sélasie, en Laconie 48. Artémis Mouvux(a, qui avait un sanctuaire à Munychie, en Attique, est la déesse qui se montre seulement dans la nuit (couvuy(« iouvovuxia), c'est-à-dire la lune; à la date du 16 Munichion (mois attique) on lui offrait des gâ.teaux ornés de lumières qui avaient le nom et la forme de la pleine lune 49. A Messène on trouvait Artémis bwcgo'po; "o. Dans les Phéniciennes d'Euripide, Artémis est appelée Is)eva(a ", et Eschyle a parlé de. e l'astre, œil de la vierge fille de Léto "x. n Il y a plus, Artémis, qui dans les poèmes homériques est distincte de la lune divinisée sous le nom d'Hécate, ne tarde DIA I33 DIA pas à se confondre avec elle. Eschyle l'appelle à deux reprises 'A ectç'Ex«Ta 53; Euripide iExiroi, fine de Léto 5'; une inscription d'Athènes confirme l'identification la plus sttu dpcç est appliquée indifféremment à Artémis ou à HIécate ". Étienne de Byzance, mentionnant le culte d'Artémis AiOo7cia, en Lydie, dit qu'on proposait plusieurs explications de ce nom; l'une d'elles consistait à y voir la racine ailEiv, briller, parce qu'Artémis est la même divinité que 1EÀijvri, la Lune, ou qu'Hécate, laquelle porte toujours des torches'. Cette épithète était d'ailleurs assez fréquente. La confusion était si complète, qu'on nommait, à l'occasion, indistinctement Artémis ou Hécate pour désigner l'une ou l'autre de ces divinités. Ainsi Plutarque, voulant prouver que le chien est consacré à Artémis, cite ce vers d'Euripide : tu deviendras un chien, symbole d'Hécate lumineuse 38 ». Le chien, qui aboie à la lune, lui était naturellement consacré. Les lunatiques étaient indifféremment appelés ®.E),r,vdG)dyrot ou AFEµtadt).r,Toi 8'. On sait qu'Apollon portait le surnom d"'Exacoç; il faut évidemment rapprocher de cette épithète le nom d'Artémis `Ex«Ta. C'est un nouveau lien que nous constatons entre le frère et la soeur. Artémis lunaire est très souvent figurée. On la reconnaît à ses ailes, qui symbolisent la course de l'astre à travers la nuit, ou à ses attributs, la torche et le croissant, qui s'expliquent d'eux-mêmes. Nous verrons que les déesses asiatiques de qui l'Artémis hellénique tire, sinon son origine, du moins quelques-uns de ses principaux caractères, ]'Artémis persique en particulier (voy. p. 152), ont très souvent des ailes. On sait que sur le coffre de Kypsélos Artémis avait des ailes ". M. Homolle a trouvé à Délos une oeuvre très ancienne des sculpteurs chiotes Mikkiadès et Archermos; c'est une femme vêtue d'une longue tunique, coiffée d'un diadème, et qui porte des ailes aux épaules et aux talons; elle parait agenouillée, mais elle court; le bras gauche tombant est appuyé sur la hanche, le bras droit se portait en avant et se repliait à partir du coude, avec la main grande ouverte (fig. 2349). M. Homolle y reconnaît Artémis fig. C'est elle aussi que décrit M. Froehner, d'après un vase G2, et M. Heuzey a. signalé une terre-cuite du Louvre qui est une Artémis ailée 63. Enfin, nous reproduisons,d'après un vase, une Artémis ailée , sans doute Artémis A'(Ycacç, qui court en portant deux torches 631 (fig. 2350). II est assez délicat de discerner parmi les représentations de divinités portant des torches, si l'on a sous les yeux Artémis lunaire, Artémis chasseresse, Hécate, ou Séléné, ou Coré, ou d'autres encore. C'est probablement la première qu'il faut reconnaître, sur une jolie pierre gravée, dans la figure d'une jeune femme qui s'avance pieds nus, une courte torche à la main droite, et relevant de la main gauche sa robe traînante e6, et dans la jeune femme assise, portant deux torches, qui se voit sur un vase auprès d'Apollon citharède 6"; sur une hydrie de Vulci elle est désignée par son nom (fig. 2351) fil. Pausanias parle d'une statue de bronze, oeuvre de Strongylion, que reproduit sans doute un coin de Pagae (fig. 2352) ; on y voyait la déesse sous une édicule, dans l'attitude de la course, portant de chaque main une torche allumée ". H serait trop long d'énumérer tous les monuments où Artémis est désignée par un croissant, seul ou accompagnant d'autres attributs 68. Signalons seulement (fig. 2353) le bas-relief curieux d'un autel d'Artémis, au musée du Louvre; entre deux têtes de jeunes gens accompagnés chacun d'une torche et d'un astre, et personnifiant les étoiles qui se lèvent et les étoiles qui se couchent, appuyé sur une tète d'Okéanos, le décorateur a sculpté un buste d'Artémis; à chacune des épaules de la déesse s'adapte très gracieusement la corne d'un croissant placé derrière'". C'est la méme disposition que nous retrouverons sur une monnaie d'Amphipolis, à l'effigie d'Artémis Tauropolos (voy. la fig. 237) 7S. Quelquefois, au lieu du croissant, Artémis porte une couronne radiée 72. Les anciens n'avaient pas manqué de remarquer la corrélation qui existe entre les phases de la lune et les accidents mensuels auxquels est soumis le sexe des femmes, et leur influence sur les divers phénomènes de la fécondation et de l'accouchement. Aussi, de la conception d'Artémis IEAr'ivn ou 'llxâtn à celle d'Artémis Ao;t£ia, aide et protectrice des femmes en mal d'enfant, n'y avait-il qu'un pas facile à faire, et c'est de cette manière qu'il faut, en effet, expliquer le rôle d'Artémis accoucheuse, bien que les Grecs aient imaginé d'autres explications mythiques. Ils prétendaient par exemple que lorsque Latone eut mis au monde Artémis, celle-ci aida sa mère à accoucher d'Apollon 73. Callimaque modifie quelque peu cette version : Artémis, dans l'hymne qui la concerne, déclare à Zeus son père qu'elle ira rarement dans les villes des hommes, seulement alors que les femmes, dans les douleurs de l'enfantement, l'appelleront à leur secours; les Moires lui ont confié ce soin dès sa naissance, parce que sa mère n'a souffert ni en la portant, ni en accouchant d'elle, mais l'a mise au monde sans douleur 71. Les épithètes qui se rapportent à cette fonction sont nombreuses et fréquentes ; outre Aox(a etAoxda 76 (de ),ox£uw, accoucher), on trouve EiXoxo;7G, 'ilauXox£(a77 (qui donne un accouchement facile ou rapide), Moycctdxo;78 (de udyo5i douleur, et t(xtw, engendrer), b ow iva79 (a(t;w? ,àu(;). Les femmes grosses l'invoquaient80 et, après leur délivrance, avaient l'habitude de remercier la déesse par des présents, surtout des vêtements, des sandales, des ceintures", des boucles de cheveux st. Athéna, dans l'lphigénie en Tauride d'Euripide, institue Iphigénie clédouque d'Artémis Brauronia, dont le sanctuaire devra s'élever sur l'Acropole, et lui dit qu'elle possédera les vêtements que les femmes, après leurs couches, iront déposer dans le temple 83. Ces offrandes avaient fait donner à Artémis le surnom de Le rôle que nous voyons ici dévolu à Artémis était aussi, comme on sait, celui d'une divinité spéciale, EiàcfAuta, ou même d'un groupe de divinités connues, comme les Moires' sous un nom générique, les Ilithyes [ILITHYA]. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que la confusion entre ces divinités et Artémis ait été faite. De nombreuses peintures de vases représentent la naissance d'Athéné ; il est rare que parmi les divinités présentes ne figure pas Eileithyia; mais une fois au moins on voit Artémis prendre la place d'Eileithyia ; elle n'est du reste désignée par aucun attribut spécial, elle porte seulement un grand arc 85. En Béotie, on trouve le mot EDA£(Outa devenu épithète d'Artémis. Artémis EUEfeuta était honorée, et cela depuis une époque très reculée, à Chéronée 80, Thespies Tanagra 88, Orchomène 80, Conone 0°. Il s'est même produit ce fait curieux que les Ilithyes sont devenues, dans une inscription de Chéronée, les 'Apelatle;0f, et ces déesses reçoivent l'épithète de «douces» ('AptEit.taty rpâxt;). C'est de même qu'llorace dit « lenis Iiitllrla » 92. On trouve aussi dans une épigramme tll(vwv t,,st),(xoo "AptgUt; (Artémis qui rend doux l'enfantement) 93 Ce mot de Nctàfxo; rappelle que dans les èérémonies célébrées en l'honneur d'Artémis Brauronia, lorsque les jeunes filles se consacraient à la déesse, elles commen çaient par et7cogEAfaa£9Oxt 11711o OEdv et que des prètres d'Artémis sont appelés par Eschyle a£Ataaovo cot 94. Pindare a dit 7rpui »vtly 'EAEuetû 95. Éleutho (qui délivre) est évidemment une épithète d'Artémis Ilithye. Un accouchement sans douleurs est d'ailleurs ce que toutes les femmes demandent à Artémis, ce dont elles la remercient.: on trouve constamment des expressions comme 7tpl7Eïx "APtEµt;, etc. 96. Dans une épigramme une femme reproche à Artémis de l'avoir abandonnée pour s'occuper de ses chiens 9". Elle était aussi invoquée par les femmes stériles98. L'influence de la lune, et par conséquent celle d'Artémis, n'est contestable ni sur la naissance des êtres animés, ni sur la germination et la croissance des plantes. Artémis préside à la multiplication des animaux, comme à celle de l'homme ; mais il semble que la protection accordée aux bêtes domestiques ou sauvages, d'après les légendes et les récits des poètes, ait été de préférence rapportée par les Grecs à la déesse de la chasse, dont nous parlerons plus loin. Ici, nous montrerons seulement qu'Artémis est bien la déesse de la force végétative : Artémis, est-il dit, dans un hymne orphique, fait germer de terre les beaux et bons fruits ; c'est le développement de l'épithète Ilokleota 99. Catulle 106, qui, comme tous les poètes latins, oubliant les origines italiques de la déesse Diane, la confond avec Artémis et lui attribue toutes les fonctions de la déesse hellénique (son autorité, par suite, est ici égale à celle d'un écrivain grec), dit formellement : « C'est toi qui, parcourant et divisant la route annuelle des mois, emplis de riches moissons les toits rustiques du laboureur. » Dès les temps homériques Artémis apparaît avec ce caractère. Dans l'Iliade elle s'irrite contre Oineus, qui ne lui a pas consacré les prémices ((follet«) de ses récoltes, et lance sur ses champs un sanglier qui les ravage 90t. On lui DIA 435 DIA fait des offrandes en l'invoquant comme protectrice des champs, d'où elle chassera les voleurs fQ'. Un grand nombre de statues et de sanctuaires de la déesse étaient dans les champs, en plein air, par exemple Artémis Kapuârtç, de Caryae, en Laconie 103. On a même prétendu que cette Artémis était proprement un noyer; c'est abuser sans doute d'une similitude de mots. De même l'Artémis Keôpe«rte d'Orchomène n'était peut-être pas un cèdre, mais tenait son nom du cèdre où était fichée sa statue de bois i°'. Il est certain du moins que l'Artémis Yôrcetpa, de Bceae en Laconie, était un myrte. On rendait un culte, sous ce nom, à un myrte à l'abri duquel s'était caché un lièvre envoyé par Artémis pour montrer à Beeos l'emplacement où il devait fonder la ville qui porta son nom f0'. Certains arbres lui étaient particulièrement consacrés ; le laurier, comme il est naturel, puisqu'elle est soeur d'Apollon, lui valut le nom deAatpva(a, ou Aaxvi«, par exemple à Hypsa, en Laconie i°'; Horace lui voue un pin qui dominait sa villa 107. Nous avons déjà signalé (p. 130, note 2) un fragment de coupe à relief trouvé à l'acropole d'Athènes, où Artémis, de style archaïque, tient une fleur à la main (lig. 2354)1". Cet exemple est loin d'être unique. Nous citerons plusieurs peintures de vases 403, une entre autres où la déesse porte d'une main une fleur, de l'autre un sceptre fleuronné 110 On sait que le sceptre fleuronné est souvent l'attribut des dieux et des rois ; mais il semble bien que la fleur, dans la main d'Artémis, désigne particulièrement la protectrice des plantes. Nous avons vu qu'on peut aussi songer à expliquer cet attribut par les rapports de la déesse avec Déméter et Coré 1l1. Notons enfin qu'à Cnide on honorait Artémis 'Iaxus0orpépos, qui fait croître les jacinthes ; mais ce culte se rattachait sans doute à un mythe local". IV. Artémis, déesse de l'élément humide. Sur la fécondité du sol, sur la croissance des plantes, l'eau surtout a une heureuse influence; il ne faut pas s'étonner qu'Artémis ait aussi pouvoir sur cet élément. Elle aime à avoir des sources près de ses sanctuaires ou de ses statues, pur exemple à Aulis 113, à Corinthe 114, à Derrhion 1 ' dans le Taygète, à Mothone f72 en Messénie ; elle est plus particulièrement la déesse des sources thermales, et porte les noms de Ospu(e, Ocpua(a, à Lesbos, à Cyzique 17. Elle règne sur les fleuves et mérite le nom de norap-(a que les Latins ont traduit par amnium domina"' ; elle est, en particulier, la déesse de l'Alphée sous le nom de 'A),l,3ta(a, 'A),,petwsia ou 'At,p.toûva719; il s'ensuit que les poissons lui sont quelquefois consacrés et qu'elle les protège ; sur une monnaie de Syracuse, la tète d'Artémis est entourée de poissonsf°0. Il ne faut pas oublier, d'ailleurs, que, comme Apollon, elle accepte l'épithète de ae?,if,tvla,' non seulement à Delphes, mais à Athènes l". En Arcadie, à Phigalie, on confondait avec Artémis, dit Pausanias, la déesse Eurynome, Evpuoés, fille de l'Océan, dont. l'idole était moitié femme et moitié poisson, et qui certainement personnifiait dans cette contrée les forces de la nature 1t4. Plus encore que les sources et les eaux courantes, Artémis aime les étangs et les marécages, peut-être parce qu'ils attirent et retiennent un abondant gibier. Elle avait un sanctuaire près du marais Stymphale; les fameux oiseaux de Stymphale lui étaient consacrés et l'on en voyait représentés en bois ou en plâtre dans le temple même où elle était vénérée sous le nom de IruuIilÀ(« 123 Artémis 1apwvia, à 'l'roezène, avait un temple en plein marécage, sur le bord de la mer 13'0; Sicyone rendait des honneurs à Artémis AtuvaimS°'; enfin le culte fameux du Limnaion 1"', sur les confins de la Messénie et de la Laconie, au lieu appelé Aiuvat, les marais, s'était répandu à Sparte 127, à Messène 138, à Epidaure Liméra, à Tégée 129, à Patras fl90 ; l'épithète de la déesse était AIico e7. C'est elle que Gerhard a voulu reconnaître dans une idole peinte sur le vase de Midias 131; on a trouvé une cymbale votive avec dédicace à son nom 134. Il est probable qu'Artémis 'Eut« ou 'H),cfa (palustris) était une divinité de même nature 133. V. ÂrtémisTaurique. -A la conception d'Artémis lunaire se rattache bien certainement le culte d'Artémis Taurique. Nous avons vu qu'Artélnis séjourna dans les pays hyperboréens avec Apollon et que l'on a essayé d'interpréter cette migration par des phénomènes solaires. La déesse hellénique Artémis s'étant de bonne heure identifiée à quelque divinité lunaire de ces pays peu définis à l'origine qu'on appelait la Thrace, la Scythie, et d'un nom plus vague encore, les régions hyperboréennes, les Grecs cherchèrent à rattacher à quelqu'une de leurs légendes l'existence d'un culte d'Artémis dans ces pays lointains, et en particulier dans la Chersonèse taurique. La version la plus acceptée disait qu'Agamemnon s'étant décidé à sacrifier sa fille Iphigénie à Artémis, qui retenait l'expédition des Grecs contre Troie au rivage d'Aulis, la déesse substitua à la jeune tille une autre victime et l'emporta dans son temple de Tauride pour en faire une prêtresse privilégiée. Cette scène a été maintes fois représentée; une peinture de Pompéi l35 est pour nous particulièrement intéressante, car elle nous montre une image d'Artémis Taurique. C'est une idole debout sur une colonne, coitfee d'un modius, une torche dans chaque main, ayant deux chiens assis à sa droite et à sa gauche. Dans la nue, on voit une autre Artémis bien différente de la première, vêtue d'une tunique et d'un voile flottant, la tète ornée d'une couronne dentelée ou radiée, l'arc à la main gauche (fig. `?355). Quelquefois, c'est sous la forme d'un Palladium, c'est-à-dire d'une stèle quadrangulaire surmontée d'un buste casqué et d'un bouclier, qu'est représentée l'idole taurique136. Une loi terrible voulait que tout étranger naufragé sur cette côte inhospitalière fût immolé à. la déesse; Iphigénie était chargée du sacrifice. Mais Oreste, aidé de Pylade, vint délivrer sa soeur de ce cruel sacerdoce et réussit à enlever avec elle l'idole de la déesse qu'il rapporta en Grèce. Cet acte, qui aurait pu passer pour sacrilège, avait eu du reste l'approbation de la déesse elle-même. Ainsi introduit en Grèce, le culte d'Artémis Taurique devait s'y répandre et s'y développer. Plusieurs villes se disputaient l'honneur de posséder l'idole dérobée par Oreste. Les Athéniens reconnaissaient l'Artémis Taurique dans la déesse qu'ils honoraient à l'Acropole sous le nom d'Artémis Bpauptov(a la6 et au dème d'Halie Araphénidès sous le nom d'Artémis Taupor6noç f37. Ils croyaient formellement que l'antique statue transportée du dème de Brauron à l'Acropole était l'Artémis Taurique ; Euripide et Callimaque, au contraire, penchent pour Halae Araphénidés; seulement Euripide, pour concilier les deux versions, fait d'Iphigénie la première prêtresse d'Artémis Brauronia. Pausanias semble admettre que les Athéniens n'avaient gardé qu'une copie de l'ancienne idole; l'original aurait été porté à Laodicée de Syrie ; de fait, on voit ce type reproduit sur des monnaies de cette ville 138. Les hiéropes d'Athènes célébraient une fête quinquennale en l'honneur de la déesse ; elle consistait en sacrifices 1" qui n'étaient pas sans doute sanglants comme ceux que prescrit Artémis à Iphigénie quittant la Tauride, dans le drame d'Euripide 140 mais ils devaient garder quelque chose de leur origine barbare. Ces cérémonies étaient différentes de celle de 1'xpxteu7t; par laquelle les jeunes filles se consacraient à Artémis Brauronia avant de se marier'". Un village de Laconie, appelé I,itnnaion, disputait à Athènes l'honneur de posséder la véritable Artémis Taurique. II y avait là un temple très important consacré à Artémis Orthia, qui, selon les traditions locales, n'était autre qu'Artémis Taurique 1'2. Pausanias penche en sa faveur pour cette raison que les Lacédémoniens reconnaissaient Oreste pour leur roi et qu'il avait dû plutôt donner l'idole à ses sujets qu'a des étrangers. Le nom d"OpoEtt ou '09'haa(n 11x3 venait de ce que l'idole avait été trouvée au milieu de buissons qui la tenaient droite. Ces buissons étaient une sorte de vigne sauvage appelée ),ûyoç, d'où le nom de Au1'oéiaµa donné quelquefois à Artémis Orthia144. Des légendes sanglantes couraient sur la déesse: ceux qui la trouvèrent furent frappés de démence ; les habitants de Limnaion, ceux de Cynosures, de Mésoa et de Pitana, parmi lesquels une rixe s'éleva pendant un sacrifice, s'entretuèrent et tous les survivants furent emportés par une maladie. Pour apaiser Artémis, il fallut instituer des sacrifices humains. Lycurgue les réduisit à une flagellation des jeunes garçons [mAMASTIGOSts] en présence de l'antique statue, que portait la prêtresse, et dont le poids devenait énorme si les exécuteurs épargnaient quelque patient 110. Les jeunes filles laconiennes dansaient en choeur dans le temple140; c'est, disait-on, au milieu d'une fête de ce genre qu'Hélène avait été enlevée. Après la flagellation avait lieu une procession appelée lydienne, .xo uoc; Aulàu 17 Ce nom a son intérêt dans un culte que les Asiatiques, nous allons le voir, ont voulu s'approprier. Quelques mythologues veulent d'ailleurs reconnaître des éléments orgiastiques dans les légendes et les fêtes d'Artémis Orthia 1''8. Le nom lui-même ferait allusion à des cérémonies phalliques ; les noms des Laconiens qui avaient trouvé l'idole étaient Astrabakos et Alopékos (phallus et renard), fils d'Irbos (hircus? bouc) ; la op.7cii Aulwv aurait été une phallophorie. Plusieurs inscriptions provenant du temple de Limnaion sont gravées sur des stèles surmontées d'un fronton où se détache un croissant. Ainsi est confirmé, aussi bien que par la démence d'Astrabakos et d'Alopékos, le caractère lunaire que l'origine hyperboréenne de la déesse faisait déjà prévoir 1a9. Le culte d'Artémis Orthia s'était répandu dans la Grèce ; il y avait près d'Argos, sur le sommet du mont Lyconé, un temple qui lui était consacré, avec des statues dues à Polyclète f50. A Byzance son nom était Orthosia "1. IL est très probable qu'Artémis 'A7 u ol.:vr„ pendue à Condylea en Arcadie, d'où le nom de Condyléatis, déesse dont le culte tout barbare consistait en flagellations d'enfants en présence de l'idole, était proche parente d'Artémis Orthosia 122. Il faut très probablement rapprocher d'Artémis Orthia ou Lygodesma l'Artémis (Iaxe)è et; (de pxxe),oç, faisceau de branches) qui était adorée en Sicile et clans l'Italie méri dionale. On trouve aussi le nom de Fascelina '3. En Arcadie, à Aléa, était un sanctuaire d'Artémis 'EfEa(a; les femmes de cette ville s'imposaient une flagellation, comme les jeunes gens à Limnaion; cette fête annuelle portait le nom de IxtpEia; il est probable que Pausanias se trompe en disant que cette cérémonie était célébrée en l'honneur de Dionysos'. S'il fallait en croire les Cappadociens de Cataonie, l'antique xoanon d'Artémis Taurique n'aurait été la possession ni des Athéniens ni des Laconiens; Iphigénie et Oreste l'auraient transporté, non pas en Europe, mais en Asie, dans la ville de Comanaf55. Pausanias rapporte une autre tradition, dont on s'occupait môme en Grèce : le xoanon de Tauride, pris aux Athéniens pendant les guerres Médiques, aurait été transporté de Brauron à Suse, et donné par Séleucus à Laodicée de Syrie, après avoir été la propriété des Lydiens. Pausanias signale aussi les prétentions des Cappadociens'''. Enfin, à Castabala, près de Tyane, Strabon mentionne le culte d'Artémis Ilepaaia ; les prêtresses de la déesse marchaient, Biton, pieds nus sur des charbons sans se brûler. On disait aussi qu'Artémis Elepecix était l'Artémis Taurique apportée par Oreste et sa soeur; le nom de Ilepaata s'expliquait justement par le voyage de l'idole, lia 'rô aépuOEv xopttabvlvai17. Strabon ne manque pas, non plus, de mentionner les rapports du culte d'Artémis Taurique avec la Diane d'Aricia (voy. p. 154). En Chersonèse, en Thrace, et dans quelques îles, Artémis portait simplement le nom de IlapOÉvoc, vierge, et son temple s'appelait IIapeévinu 108 ; des monnaies de Chersonèse montrent à côté de l'image d'Artémis un monogramme qui peut-être signifie [Icte0 voc 159. Mais le plus souvent une épithète est jointe au nom de la déesse: outre Tauptxr'11" Taupw "' ~xu0(a "3 mots assez rares, on trouve Tauporrao;; c'était la désignation officielle d'Artémis à llalm Araphenidès, à Amphipolis tn, où on la trouve encore mentionnée sous les noms d'Ai0ostiri et Bpxupwv(aflü'u; à Samos, où son culte était venu de la petite île d'Icaria 1", dans laquelle se trouvait un temple appelé Taupono?,wv; à Androsf°°; près de Magnésie du Sipyle f°7 et à Mylasa, en Carie'''. Le nom de la Tauride explique facilement que l'on en soit venu à établir une relation entre le taureau et Arté mis Taurique, comme si elle avait émigré de Tauride montée sur un taureau. Des monuments figurés, par exemple, une monnaie d'argent de Macédoine (fig. 2356), la montrent assise sur un taureau galopant /68; on la désigne sous les Mais elle n'en garde pas moins ses attributs de déesse lunaire, comme les torches. Sur une monnaie d'Amphipolis, au droit, on voit une tête d'Artémis avec un croissant derrière les épaales, et en exergue Ill. TATPOIIOAOC ; au revers, Artémis debout, coiffée du polos et portant une torche d'une main, un épieu de l'autre "' (fig. 2357). C'est l'Artémis Taurique hellénisée, et gardant pourtant la marque de son origine, comme sur le diptyque de Sens, où on la voit s'é levant au-dessus des eaux et entourée de figures qui précisent la personniffca tien de la divinité lunaire et de la divinité de l'élément humide, qui donne la fécondité. Quelquefois aussi la déesse, portant une torche, est debout sur un char que traînent des taureaux i3. Le nom très vague de HapOevo;, donné à la déesse Taurique, laissait beaucoup de latitude aux confusions et aux assimilations. Hésiode racontait dans les °H otut qu'Iphigénie n'avait pas été immolée à Aulis, ruais qu'Artémis, après l'avoir sauvée, lui avait donné la divinité avec le nom d'Hécate. Hérodote rapporte aussi que les habitants de la Tauride immolaient des victimes humaines à une divinité vierge qui n'était autre que la fille d'Agamernnon17°. Et de fait, en Grèce même, Iphigénie était adorée comme une déesse; elle avait un sanctuaire à Mégare 176; à oEgire en Achaïe, dans un temple d'Artémis, il y avait une très vieille statue d'Iphigénie, à qui l'on admettait que le temple avait été consacré à l'origine 17', Dès lors la confusion entre Iphigénie et Artémis était facile à faire ; le nom d"Lytyiveux devint une épithète de la déesse; Artémis 'IgtysvEia était adorée à Hermione 177, Enfin Hésychins identifie Artémis Artémis porte assez fréquemment le nom d'O?;rtc 'art; f7°. Ce mot n'est autre chose que le nom d'une des trois vierges hyperboréennes qui accompagnèrent Artémis et Apollon à leur retour des régions du Nord, et dont le tombeau se trouvait, selon la légende, clans l'île de Délos 10, Suivant le scholiaste de Callimaque, ce mot viendrait de è ti tat tI (secourir) et désignerait Artémis protectrice des femmes en couches; on retrouve donc la divinité lunaire dans Artémis Oiirstc, comme on la retrouve dans Artémis 'Exaépyr„ qui lance au Ioin ses rayons, et dans Artémis Aohs, qui délivre les femmes, `E, uépygg e) Aorçoi étant les noms des deux autres vierges hyperboréennes. Quelquefois l'une d'elles est remplacée par °Apyv) (la rapide, ou la brillante) ; ce nom, qui deyient aussi parfois une épithète d'Artémis, convient aussi bien que Ies autres à une divinité identifiée avec Hécate 181. On appelait ountyyeg les invocations adressées à Artémis Oû7tt;; cette déesse avait un culte à'l'reezène; elle y était encore adorée sous le nom d'Artémis Auxeia, et les traditions de ce temple se rattachaient aussi à l'histoire de la famille d'Agamemnon (purification d'Oreste)15), L'existence du culte d'Artémis 03'a u.; à Sparte est plus douteuse, mais s'expliquerait comme le culte lacanien d'Artémis Orthia 183. Nous avons vu d'ailleurs 1s que Oü7cts était quelquefois considérée comme la mère ou comme la nourrice d'Artémis 196 ; elle a été aussi confondue avec Némésisfn. Enfin, sans que la confusion ait jamais été faite que virtuellement, il semble hors de doute, de l'aveu même des anciens, que deux divinités thraces, Bevéç et Xpler, avaient exactement la même nature et recevaient le même culte qu'Artémis Taurique. BENllls était une divinité lunaire 986 Hérodote l'assimilait à Artémis, et sur des rochers, à Philippes en Macédoine, elle est représentée, selon M. Heuzey, sous la forme d'Artémis chasseresse 187 ; mais au siècle de Périclès elle avait un temple spécial près d'Athènes, non loin d'Artémis Mouvuxix Hésychius lui donne l'épithète de 6é).oyzor, à deux lances, et semble indiquer qu'il l'identifie à Artémis chasseresse f89; c'est elle sans doute que désigne Callimaque, lorsqu'il montre Artémis chassant pour la première fois sur l'lUmus "0. On sait que le centre du culte de Bendis était à Lemnos, île par où les religions du Nord passèrent généralement pour arriver en Grèce'''. C'est elle que Galien appelle Diane Lemnienne 992 On lui sacrifiait des jeunes filles. C'est à Lemnos que s'était surtout développé le culte de Xpucrt, la déesse d'or 193, autre divinité de la lumière, peut-être aussi lunaire 19"' qui aimait le sang des jeunes filles, et qui, suivant certaines légendes, appartenait au cycle mytholo gique d'Agamemnon, comme fille de ce roi et de la troyenne Chryséis 198. L'idole de Chrysé, dont on a des représentations (fig. 2358) 13C, a été identifiée, non sans quelque apparence de raison, avec l'Artémis Taurique et avec Bendis 1e7 VI. Artémis en rapport avec Apollon. Artémis est donc avant tout une divinité de la lumière, plus particulièrement une déesse lunaire, et par là s'expliquent un grand nombre des attributions que nous lui avons reconnues. Mais à cette essence lumineuse, qu'elle lient pour ainsi dire d'Apollon, ne se bornent pas les rapports du frère et de la soeur. Dans la plupart des villes où l'on rendait un culte à l'une des deux divinités, on rendait un culte à l'autre; dans presque tous les temples d'Apollon se trouvait une statue de sa soeur ; dans presque tous les temples d'Artémis, une statue d'Apollon. Sans sortir de la Grèce, et pour ne citer que les exemples les plus importants, l'Artémision était un des principaux sanctuaires de Délos S9e, et les fouilles faites dans cette île ont singulièrement enrichi la série des représentations figurées de la déesse. Outre l'Artémis ailée de Mikkiadès et Archermos reproduite plus haut (fig. 2349), il faut signaler l'Artémis très archaïque en forme de planche (fig. 2359), si impor tante aussi pour l'étude des origines de la sculpture grecque f°9= Nous ferons remarquer combien cette idole ressemble à l'idole d'Artémis iv ycril'en d'une métope du Parthénon (voy. plus loin; fig. 2368), Les fouilles n'ont pas encore donné une série de statues permettant d'établir les transitions entre ce xoanon et la statue reproduite par la figure 2360, d'un style beaucoup plus récent, bien que très antique encore 500.Des statues de même type, presque identiques, se sont trouvées en grand nombre à Délos (la plus belle, déterrée par nous en 1883, est encore inédite). Il est probable que les trous qui se remarquent en travers de la poitrine et vers les épaules servaient à fixer des attributs en métal, peut-être des attributs de chasse, baudrier ou carquois. Ce type, qui n'est pas du reste spécial à Artémis, fut sans doute adopté avec faveur par les sculpteurs grecs et très souvent reproduit. Lorsque le goût d'imiter les oeuvres archaïques régna dans le monde gréco-romain, c'est celui-là qu'on choisit de préférence, comme terme moyen, également éloigné de la raideur des xoana et de la grâce trop souple des écoles de décadence. Il est facile de reconnaître la ressemblance des Artémis de Délos avec l'Artémis archaïsante de Naples (fig. 2361) 201. A Delphes, comme à Délos, le temple était décoré des sta tues d'Apollon, d'Artémis et de Latone ; les images de la déesse étaient nombreuses dans l'intérieur même du sanctuaire 202; à Cirrha, près de Delphes, Apollon, Artémis et Latone avaient un temple commun 203; dans le temple d'Apollon àAmyclée se trouvait une statue fameuse d'Artémis Ara " 1; ; à Sparte on avait consacré un même temple à Apollon Kapveiot., à Artémis 'Il'(s c n7 , et à Ilithye203 Enfin, il ne faut pas oublier qu'àAthènes, dans les fêtes des Thargélies 20s9 on associait Artémis à son frère; les nombreuses épithètes, communes à l'un et à l'autre, attestent avec beaucoup de force qu'on les confondait volontiers dans un même culte. Artémis est quelquefois considérée, non plus seulement comme la soeur, mais comme la prêtresse d'Apollon. Artémis `Iépssa avait un temple près d'Haemonix en Arcadie 207, et il faut rapprocher ce nom de nombreuses peintures de vases. Tantôt (fig. 2362), Artémis, le carquois sur l'épaule, l'arc et les flèches dans la main gauche, se tient en face de son frère et élève sa main droite à la hauteur de sa bouche, en signe d'adoration 209 ; tantôt elle verse au dieu le contenu d'une oenochoé, et Apollon tend une patère 209; d'autres fois Artémis couronne Apollon 210 Artémis emprunte à son frère le pouvoir de rendre des oracles. Non seulement, comme nous l'avons vu, elle prend le nom de Hotf , mais à Delphes même elle est quelquefois désignée comme la Sibylle Delphique, g(eu).a do)ry(s 21. Artémis Sarpédonia, en Cilicie, avait un oracle212; fatidique aussi dans l'île d'Icaros (golfe Persique), elle était adorée sous le nom de 'l'aupoao)as "3. A Adrastée, elle avait un oracle commun avec Apollon 214. Comme Apollon, Artémis est la déesse de la musique. Sous le nom d" Tp.Y(a, elle préside aux chants ; elle avait un temple en Arcadie, entre Orchomène et Mantinée, sur le mont Anchisia 215. L'hymne homérique à Aphrodite montre déjà le goût de la déesse pour ce plaisir. La représentation d'Artémis `T cslet est très fréquente. Une monnaie d'or de Syracuse fl porte au droit une tète d'Apollon laurée et, dans le champ, une lyre; au revers, une tête d'Artémis avec un carquois et une lyre '2216. Du reste, Artémis Hymnia paraît rarement seule, comme sur le vase d'où est tirée la figure 2363217; sur la coupe de Sosias, elle s'avance, portant la lyre, entre Hermès et Héraclès; Apollon n'est pas représenté, mais la déesse est désignée par son nom écrit auprès d'elle et par la biche qui la suit 218. D'ordinaire elle accompagne Apollon qui joue de la cithare; tantôt, comme sur les monuments appelés choragiques ou delphiques, l'arc sur l'épaule, une torche à la main gauche, elle se contente de faire cortège au musicien (fig. 2364) 219; tantôt au contraire elle tient elle-mème la lyre l" et porte le costume de cithariste 229 (fig. 2365). Sur un miroir, on voit même Artémis tenant deux flûtes, tandis qu'Apollon porte la lyre 222, mais c'est un fait exceptionnel. Artémis X€),ut(s avait un temple à Sparte 273. Apollon joue de la lyre surtout pour conduire le choeur des Muses, et par mi elles est Terpsichore, qui préside à la danse. Artémis aime aussi ce plaisir, et s'y livre fréquemment avec les Nymphes ses compagnes, avec les Gràces, les Heures. Harmonie, Hébé, Aphrodite, quelquefois aussi avec de simples jeunes filles on , et c'est aussi par des danses que maintes fois les jeunes filles lui témoignaient leur dévotion, par exemple à Sparte (Artémis Knouâ. 'n) 225. En Élide, elle porte le surnom de Kopldxu, parce que les habitants dansaient en son honneur le cordace, souvenir de celui que les premiers habitants de ce pays, les compagnons de Pélops, avaient apporté de la `région asiatique du Sipyle, leur patrie 226 Apollon est quelquefois un dieu cruel et destructeur; ses traits ont renversé des monstres et des géants, et Artémis s'est associée à ces exécutions(voy. p. 131-132); pour sa part, elle a souvent tiré une vengeance sanglante de ceux qui l'avaient insultée, elle ou les siens. De plus, même sans avoir été outragée, Artémis est quelquefois considérée comme une divinité fatale. Dans Homère, elle donne aux femmes une mort rapide; mais cette mort est pour ainsi dire regardée comme un bienfait, car elle délivre les victimes DIA 40 DIA de maux pires que la mort227. C'est à ce titre, sans doute, qu'Artémis est représentée sur une stèle funéraire de Cons tantinople 228 (fig. 2366) et l'on peut rappeler à cette occasion, entre autres sarcophages, celui où l'on voit Diane -avec Apollon perçant de ses flèches les Niobides 2". Il arrive que sur les sarcophages l'autel seul de la déesse indique ce rôle fun èbre ; il est reconnaissable au bois de cerf I fiché contre la h -paroi ( voyez lÎr'KA?n f ~ r t. le p. 168, /~j\f I Ac FI (V Souvent Arte ~Rmis apparaît au milieu des dïvi nites inferna les; ses rapports avec Hécate suffiraient d'ailleurs à explaquer sa présence. Mais Apollon est aussi un dieu guérisseur23f; de même Artémis capable de donner la mort sait aussi protéger la saute des mortels. Dans l'Iliade, elle aide Apollon et Latone à guérir Énée blessé 232 Dans une épigramme un aveugle la remercie de lui avoir rendu la vue "2; dans une autre l'empereur Philippe, probablement, lui rend grâces d'avoir écarté de lui une maladie cruelle 234. On invoquait à Caryiu, en Laconie, et à Syracuse, Arté mis AGat comme déesse des guérisons 23". Artémis Data, à Lindos, à Délos, à Milet, comme Apollon OÙ'Ato;, joual: le même rôle 236. En particulier Artémis guérissait les maladies comme déesse des eaux thermales; à Mytilène, les thermes étaient placés sous l'invocation d'Artémis o=pu(a237, et comme elle passait pour apporter un grand soulagement aux malades, on ajoutait à son nom celui d'Eé xoo;, « qui écoute favorablement ». Il ne faut pas oublier qu'Apollon, à Olympie, portait l'épithète de eiputoç. A Cyzique, on vénérait Artémis eopg.a(a, et elle est quelque part désignée spécialement comme la déesse à qui sont consacrées toutes les sources chaudes 238. Les anciens attachaient tant d'importance à ce rôle secourable d'Artémis que l'on donnait quelquefois, selon Strabon, du nom même d'Artémis l'étymologie suivante : Toî; àpTEuéaç 7COtEiv (parce qu'elle rend les hommes bien portants 239). Artémis est donc bien, comme Apollon, une divinité méritant le nom d'AIEçlxaxoç, qui détourne le mal. Elle est aussi'Ale(uopoç, comme son frère, c'est-à-dire qu'elle détourne le mal moral, le malheur 2''0. Artémis qui, comme divinité lunaire, frappait les hommes de folie, guérit aussi de la folie. Sous le nom de Aua(a elle rend la raison aux filles de Prcetus que Mélampus a conduites dans son temple arcadien de Lusi ; il y avait d'ailleurs à Lusi une source chaude 241. Cette scène est peut-être représentée sur un vase où l'on voit Artémis Lusia sous la forme d'une idole archaïque, debout, les jambes réunies, les bras collés au corps; elle est coiffée d'un modius et tient de la main gauche une lance, de la droite un objet assez indistinct (une courte torche ou une fleur) 292 (fig. 2367); on explique quelquefois par ce rôle les épithètes d'`Hglpa(a, `Hgipa (voy. p. 132). Nous avons vu qu'elle assiste avec Apollon à la purification d'Oreste. Dans la dispute du trépied delphique, entre Apollon et Héraclès, on la voit jouer un rôle de médiatrice, qui peut aussi s'expliquer par sa nature douce et bienfaisante 213 déesse de la beauté,comme Aphrodite, mais elle est belle. Aphrodite est l'idéal de la beauté tendre et voluptueuse, Artémis celui de la beauté virginale, ayant quelque chose de robuste et de nerveux, comme il sied à une chasseresse, habitante des forêts et des montagnes.Apollon passait pour l'idéal de la beauté virile des jeunes gens 2"; Artémis est la plus belle des vierges, xoe?ddu' z ^reapo035, )Coupdv xa),),(u'r 740, et la plus belle des nymphes ses compagnes 246, ou tout simplement belle, xx),« 2", très belle, xa,1Ws 248. Elle est de haute taille et imposante par sa beauté'. Callimaque a signalé ses yeux (Eôi rtç) 200, Homère sa belle chevelure, eû7cn4xs1coç361; Hippolyte, dans Euripide, lui offre des fleurs pour couronner ses cheveux d'or; elle est appelée dans les Phéniciennes « fille de Zeus, aux boucles d'or », A(os épvos ypuaeoedrtputov 252.On conçoit que la déesse tienne à sa beauté ; aussi ne veut-elle pas qu'on rivalise avec elle, témoin la fille de Mérope, T9tavls, qu'elle chassa de son choeur et changea en biche aux cornes d'or pour ce motif 253 Surtout, pour conserver la beauté de ses formes, il faut qu'Artémis reste vierge. Aussi la virginité d'Artémis est-elle un de ses caractères les plus frappants et le plus souvent célébrés. Non seulement elle est xoûp, xophl (à Argos), et a«pOe'voç, sûaalpOevos2", mais elle est jalouse de sa virginité, qu'elle souhaite de garder éternellement "'.Elle est yvsj 256, comme Apollon était yvdç257. Sans doute la pureté d'Apollon lui vient de son caractère de dieu solaire; il est pur comme la lumière est pure; Artémis de même, mais le caractère de pureté virginale tient plus de place dans la nature d'Artémis que dans celle de son frère. Elle est la vierge inviolable et inviolée, 7cepl€voç Sgxis, «là« Sgrptx258, malgré toutes les entreprises des dieux et des mortels. On racontait en Élide, à Letrini, qu'Alpheios, personnification de l'Alphée, épris d'Artémis et ne pouvant par ses présents ni ses prières la décider à l'épouser, voulut l'y contraindre par la force. Artémis, qui depuis s'appela dans cette région 'eut«, s'enfuit et se cacha parmi les nymphes 250. Une peinture de vase montre Artémis se défendant contre le géant Otos qui veut lui faire violence, selon une légende de l'Odyssée. Otos est sans doute un des Aloïdes 260. Artémis dut aussi résister à Orion : ce héros, d'abord compagnon de chasse de la déesse, voulut la posséder de force, mais il fut piqué par un scorpion et mourut 265. La légende d'Actéon, bien qu'assez récente, doit être aussi mentionnée ; quelquefois on raconte simplement qu'Actéon vit Artémis se baignant dans la source Parthénios, et que cette indiscrétion lui attira sa fâcheuse métamorphose en cerf; mais d'autres traditions rapportent qu'il avait épié la déesse afin de lui faire violence [ACTAEON] 262 Signalons enfin un mythe moins connu d'Arcadie, recueilli par Pausanias 262: un héros qui donna son nom à un fleuve, Bouphagos, fils de Japet, fut percé des flèches d'Artémis, sur le mont Pholoé, pour un attentat de même nature. Nous avons vu ailleurs que si, d'après un mythe obscur, Apollon réussit à posséder sa soeur, c'est en la violant, et l'origine de ce mythe est trop incertaine pour qu'on s'y arrête'''. Quant au mythe relatif aux amours de la déesse lunaire avec le bel Endymion 46o, il est d'origine récente et ne peut suffire à altérer la nature essentiellement chaste d'Artémis. C'est du reste sous la forme spéciale de Séléné que la déesse devient amoureuse d'Endymion [ENDYMION]. Artémis est, comme il est naturel, aussi soucieuse de la pureté des autres que de la sienne. Elle est appelée aapUvos eiSoht 266. Nous avons vu qu'elle prend part au châtiment infligé par Apollon à Tityos, coupable de tentative de rapt sur Latone 267. Sur une peinture de vase qui représente cette scène, on voit dessiné à côté d'Artémis ce mot caractéristique qui la désigne, AILOS, la Pudeur268. Une forme particulière du mythe d'Orion est qu'il fut tué par Artémis pour avoir fait violence à la nymphe Oli'mt260. Chromion, violée, fut vengée par Artémis Hégémoné (`Hyagdvr;) à Tégée 270. En revanche, la déesse garde les plus terribles châtiments à toutes les vierges qui cèdent à l'amour, surtout aux nymphes qu'elle protège ou qui composent son cortège. Une nymphe d'Arcadie, fille de Lycaon, appelée tantôt Callisto, tantôt Hélicé, se livra à Zeus; Artémis connaissant le crime, changea la malheureuse en ourse ; ce fut la mère d'Arcas. Zeus, plus tard, l'enleva au ciel et en fit une des étoiles de la Grande-Ourse'. Artémis Tpcxnxpia 242, en Achaïe, exige que sa prêtresse Comoetho et le jeune Mélampos son amant, qui avait possédé celle-ci de plein gré au pied même de ses autels, lui soient immolés, et que le sacrifice annuel d'un jeune homme et d'une jeune fille continue à expier le sacrilège, Plusieurs peintures de vases, où l'on voit Artémis perçant une jeune fille de ses flèches, peuvent se rapporter à la déesse vierge273. Tous les jeunes gens, toutes Ies jeunes filles qui se font une vertu de leur chasteté, lui sont chers; on connaît la célèbre légende d'Hippolyte, fils de l'Amazone Antiope, qui s'était consacré à la déesse, avait juré de résister toujours à l'amour pour se vouer entièrement à la chasse et au culte de la plus chaste divinité, et qui mourut victime de sa chasteté même. Hippolyte était ainsi devenu le type de la pureté, et les jeunes gens et les jeunes filles, avant leur mariage, offraient à sa statue des guirlandes de fleurs, comme il en avait lui-même offert à Artémis 270. Les Amazones mêmes [AMAZONES], auxquelles se rattache Hippolyte, étaient sans doute, à l'origine, des prêtresses d'Artémis ; elles faisaient voeu de chasteté, sinon de virginité275. Du reste Artémis exigeait, le plus souvent, que ses prêtresses fussent des vierges; lorsqu'elles se mariaient, elles perdaient leur charge276. La virginité, la chasteté d'Artémis était d'ailleurs, dans l'esprit des Grecs, un caractère tellement essentiel de la déesse, qu'ils s'efforçaient d'expliquer par lui le nom même d'Artémis. Ce serait le même mot qu'âpt€ur,;. Platon semble accepter cette étymologie 27'. Vlll. Artémis protectrice des fiancées et des femmes mariées. Cependant Artémis tolère l'amour et le protège même, mais c'est l'amour que le mariage légitime. Il n'y a pas là contradiction. Artémis aime tous les jeunes gens; certes, elle garde une prédilection pour ceux qui font voeu de chasteté ; mais il n'est pas naturel que tous les jeunes gens et toutes les les jeunes filles fassent un voeu semblable. Au moment du mariage la déesse ne leur refusera pas sa protection. Dans quelques temples les prêtresses pouvaient se marier à la condition de renoncer alors à la prêtrise. A Athènes, les jeunes fiancées, momentanément transformées, par fiction, en ourses, ipztot, se consacraient à la déesse par la cérémonie de Picpoul'« 276; elles lui offraient en ex-voto leurs parures DIA 1 42 --DIA virginales, des boucles de cheveux, leurs jouets, poupées, osselets, etc. 270, et moyennant ces dévotions, elle prési dait aux oerémo lr nies du mariage. ~_,`ne d On a cru recolle r-i'\,d ras is, naître cette cerc ~1~ i munie dans une /~(~ il ly~i~~ s scène figurée sur ~,~ une métope du /~ 'wi ~4 w ~l Parthénon 290 ( fig. 2368) ' deux jeunes filles debout de chaque côté d'une idole qui ressemble beaucoup au xoanon de Délos (plushautfig.2359) paraissent radorer ou l'orner. Si l'identification est exacte, cette idole est Artémis Chitoné. Il faut rapprocher de ce xoanon l'idole d'Artémis présidant au mariage d'Io 21 (fig. 2369), d'après un vase. Io est assise au pied d'unxoanonqui porte un arc et un flambeau. Chez les Béotiens et les Loeriens, les fiancés faisaient avant leurs noces des sacrifices à Artémis l1 tort cet quelque ~, fois appelé Itou ~' htoq; les jeunes gens lui consacraient leurs cheveux et leur barbe avant de se marier [APOLLO]. C'est donc probablement aussi à Artémis KoupotpdCoq qu'un jeune homme, dans une épigramme de l'Anthologie, fait l'offrande de sa barbe °83. Dès lors il nous semble qu'il faut considérer Artémis Eoupotpdpnq, non comme une déesse nourrice, comme la protectrice des enfants qui naissent, mais des vierges nubiles, comme Artémis (brIAitetpa , à Élis, qui avait un temple près du gymnase, était la protectrice des éphèbes 23é. Phèdre méme, dans I ilippolyte d'Euripide, lui adresse cette invocation : « ~éo7ectvce yuuvaaiarv t71v ir7eo xpdzmv, déesse des gymnases où piaffent les chevaux 2" ». En Messénie, à Coroné, on rendait un culte à Artémis Ilatèotpdpo; 096 Du reste le rôle de déesse nourrice appartient aussi, sans conteste, aArtéinis. Artémis KopuOaXA(a237, mot qui s'explique peut-être par xupota)a(« (xoûpil, jeune fille, O2)ô i, fleurir), avait en Laconie des fêtes appelées TITuaxiots (fêtes des nourrices), pendant lesquelles les nourrices lui consacraient les enfants mâles; on lui immolait des cochons de lait, et il ne faut pas oublier que cet animal est réservé aux divinités mères, à Déméter par exemple. On appelait xopu0a),(atptat des femmes qui composaient un choeur en l'honneur d'Artémis I(opuOaaai« 298 Dans une épigramme, une mère, invoquant Artémis pour son nouveau-né, l'appelle adtvta xoupcadoq 289. C'est comme déesse nourrice qu'Artémis donne aux jeunes enfants une heureuse croissance, la.ijxoq 200. On pourrait peut-être rattacher à ce rôle celui de protectrice des femmes en couches ; mais nous croyons que la confusion d'Artémis avec Ilithye exige qu'on explique cette dernière attribution par la nature lunaire de la déesse. Dans tous les cas, il nous semble que l'épithète de Auei tsvoc 291 (qui délie la ceinture), s'applique mieux aux fonctions que nous venons de signaler qu'à celles d'Artémis Aoye(a ou EIàEllui«. IX. Artémis chasseresse. Parmi toutes ses attributions, Artémis semble avoir une préférence marquée pour la chasse. Dans les poèmes homériques, quel que soit du reste l'acte qu'elIe accomplit, elle reçoit une épithète qui fait allusion à sa nature de chasseresse, Elle s'appelle 'Aypotépri (de è pa, proie); il est fait allusion à ses flèches par l'épithète très fréquente de ioyE'atp«, a qui aime les flèches » 202, à son arc, qui est tout en or 292, par les mots toFiopdpoq 29« t0 dttq 290, et peut-être par le mot ;vpuert),dx«to; 236 Si l'on admet, avec Hésychius et des commentateurs, que le mot •i',`naxxon signifie le roseau flexible dont on peut faire un arc et des flèches 287. Les bruits de la chasse lui valent le nom de xeXatvr 298. Elle chasse dans les montagnes 299, sur les sommets battus des vents", dans les bois 301, les bêtes sauvages, et en particulier les chevreuils, les cerfs et les biches 202, d'où les noms d'Ekam6d)o;, `E)Xoeévo;, 'EAapta(«, € etixT'ivoq, Or,popdvo;, e9fpoexd';To; 303. Le culte d'Artémis '.Aypotépri ou tlypocépa était très répandu dans le monde grec. En Attique, on cite le sanctuaire d'Agroe; c'est là, suivant la tradition, qu'Artémis avaitchassé pour la première fois en venant de Délos. Une statue y représentaitla déesse armée d'un arceoa Elle avait aussi un temple à Mégare 360 et les monnaies de cette ville la reproduisent en chasseresse (fig. 2370). A Olympie, devant les portes du Prytanéion, Artémis'AypoTép« avait un autel366; on l'honorait d'un DIA 143 DIA culte à Mégalopolis en Arcadie 307, à iEgire en Achaïe 308, à Syracuse 309, et à Cyrène 3t0. Quelquefois, dans les sanctuaires locaux, le nom général d'AypoT€pa se précise. Artémis est adorée spécialement comme 'E)a.pt,Fd),oç (qui frappe les cerfs) à Patmos 31, comme 'Eaa frlèdaoç ou 'El aetela, à Hyampolis, de Phocide, où l'on célébrait en son honneur la grande fête des 'Eaa•r,Pdata318. On trouve Artémis 'E)salata en Élide 313 Le nom des mois 'Eaapleoafwv en Attique, et 'Eè«ytoç en Élide, confirme l'importance de ces cultes 31', La figure 2371 reproduit la peinture d'une amphore où Artémis, vêtue d'un chiton flottant et sans manches, tient de la main gauche une biche blanche tachetée d'or, et de la main droite levée un flambeau ou un faisceau de dards 373. Artémis chasseresse ne fait d'ailleurs que suivre l'exemple de son frère Apollon, comme presque toujours; le temple de Mégare mentionné plus haut était aussi dédié à Apollon 'Aypaio. On connaît Apollon'A^(pEtiç, Apollon 'AypeuTâç 3t0. La littérature et l'art, d'accord avec la religion, ont suivi ou développé cette conception. Dans l'hymne à Artémis, Callimaque, érudit et raffiné, qui connaissait toutes les traditions mythologiques et toutes les croyances religieuses, et qui s'attachait par goût aux plus anciennes, appelle tout d'abord Artémis la déesse chasseresse, qui « aime les arcs et les poursuites des lièvres 317 n. A peine née, Artémis monte sur les genoux de Zeus, son père, et lui demande avant tout des flèches et un arc, un carquois et tout un vêtement de chasse : une tunique frangée tombant jusqu'aux genoux et des endromides, pour qu'elle puisse poursuivre les bêtes sauvages. Elle veut en outre soixante jeunes Océanides pour lui faire cortège, et vingt nymphes Amnisides qui soigneront ses endromides et ses chiens rapides, lorsqu'elle sera fatiguée de frapper les lynx et les cerfs 318. Plus loin, le poète lui donne l'épithète d"E),).oGvoç, tueuse de faons 319. Callimaque est d'accord avec Homère et avec tous les poètes de l'époque classique. Sophocle fait invoquer Artémis (qui poursuit les cerfs mouchetés, aux pieds rapides) 320: il l'appelle 'E),xv,,éé?,oç 321 et Ruvaté; (qui conduit les chiens) 322. Euripide la désigne en ces termes : oépxv;x Tôç@wv g.1Ssoua0t 323; il lui applique les épithètes ordinaires, comme OrpoxaÔvo 328. Théognis et Aristophane lui donnent les noms de Ors poxrésoç, Orpopâvr, 323 Les noms d"Exaépya, `Exa'rgdaoç, qui lance de loin 323, d Au xlx 327, qui lance des traits, correspondant aux noms d'Apollon `Exaépyoç, `Exat-e(Da ç, ''Eswc ç, 'A1trxioç, 'A ITwp, se rapportent naturellement à la divinité chasseresse. Artémis s'attaquait aussi aux bêtes plus dangereuses, les loups, par exemple. II y avait à Trcezène un temple d'Artémis Aussis, construit par Hippolyte 228 ; le nom de Auxoâ'tç, donné à Artémis dans la ville de Lycoa, en Arcadie, où elle avait un temple, se rattache à la même racine Sas Apollon aimait aussi cette chasse et s'appelait Auxxio;, Aécttoç, Aéxtoç, Auxoxxéooç, Auxoip?og, Auxospsêç n0. Artémis ne redoutait pas même les lions et Ies panthères : à Olympie, sur le coffret de Kypsélos, elle était représentée tenant de la main droite une panthère, de la gauche un lion 331. Nous verrons plus loin qu'une divinité orientale s'étant confondue avec l'Artémis hellénique, il en est résulté un type très particulier souvent représenté par les monuments grecs; nous reproduisons (fig. 2372), choisie parmi beaucoup d'autres, une Artémis tenant un lion par la queue"; mais d'ordinaire, comme par exemple sur le vase François 363 et sur la plaque d'Olympie, la déesse tient de chaque main, par le cou ou la patte, des animaux féroces qui semblent résister et se débattre (voy. page 153). C'est parce qu'il avait tué un lion terrible du Cythéron qu'Alkathous construisit à Mégare un temple d'Artémis 331. Sur un vase (fig. 2373) la déesse est représentée enveloppée d'une peau de lion dont la tête forme casque 338. Enfin dans le temple de Despoina, en Arcadie, une statue d'Artémis en costume de chasse tenait d'une main deux dragons'. C'est pour lutter contre de tels animaux qu'Artémis change souvent, comme on le constate sur les monuments figurés, l'arc et les flèches DIA 1 4 DIA contre la lance ou l'épieu 337, et par exception, contre la hache 338. Les chiens sont les compagnons nécessaires d'Artémis chasseresse ; nous avons vu dans l'hymne de Callimaque qu'elle parle d'abord à son père de ses chiens rapides'39. De même qu'Héphaistos et les Cyclopes, dans l'île de Lipari, lui avaient forgé un arc et des flèches, le dieu Pan, en Arcadie, lui donne deux chiens à demi blancs, trois chiens aux oreilles pendantes, un tacheté, trois animaux propres à combattre les lions, et dix chiennes rapides pour chasser les faons, les lièvres et tout le menu gibier 3e0. Une épigramme de l'Anthologie lui attribue aussi des chiennes 3if. Le chien accompagne fréquemment Artémis sur les monuments figurés 352, Lorsque la déesse voulait faire un présent, elle choisissait quelquefois un chien; c'est ainsi qu'elle en offre un à Procris, la fille d'Érechtheus 3'`3 Enfin, nous avons vu qu'on lui donnait quelquefois le nom de KuvaYd; 34''. Parmi les nymphes qui formaient le cortège de la chasseresse, quelques-unes, nous l'avons vu, étaient chargées de soigner ces chiens. Mais ces jeunes filles prenaient avant tout part aux expéditions et chassaient avec Artémis. Une peinture de vase représente cinq jeunes filles armées pour la chasse et suivant Artémis reconnaissable au croissant qui surmonte sa tête 3'`6. Comme nous l'avons signalé, Artémis aime surtout à chasser sur les montagnes; elle se complaît aux expéditions nocturnes, aussi la voit-on souvent munie d'une torche et quelquefois de deux torches (fig. 2352, 2373, 2381), ce qui lui vaut le nom d' AN. iaupct; 3`6. Euripide la désigne en ces termes : « Chasseresse, qui secoues dans la nuit ta torche lumineuse347 ». Mais, alors qu'on étudie les monuments figurés, il ne faut pas toujours regarder les torches que porte Artémis comme des attributs de chasse, ni les épithètes qui font allusion à ces torches comme se rapportant à sa nature de chasseresse, car il ne faut pas oublier qu'Artémis est une divinité de la lumière, et l'on verra plus loin que les torches sont aussi pour elle une arme de guerre. Lorsque l'arc, le carquois, l'épieu et la torche lui sont donnés simultanément, alors seulement peut-ètre faut-il regarder la torche comme un attribut de chasse 348 Artémis protégea quelques chasseurs privilégiés; il est raconté dans l'Iliade qu'elle avait instruit elle-même Scamandrios, fils de Strophios, hardi chasseur qui tomba sous les coups de Ménélas 349 Une légende faisait d'Orion le compagnon d'Artémis en Crète avant son attentat contre la déesse 359 ; en Crète aussi, la nymphe Britomartis lui était particulièrement chère à cause de sa passion pour la chasse 351. Hélicé, fille de Lycaon, l'une des Arctoi, dont nous avons relaté la métamorphose, s'était aussi jointe à Artémis par amour de la chasse 352. La vierge Daphné, fille d'Amycla, avait pour la poursuite des fauves un goût passionné qui l'entraînait à travers tout le Péloponèse ; Artémis la chérissait beaucoup et faisait qu'elle lançait toutes ses flèches à coup sûr 353. En retour, les chasseurs invoquaient la déesse avant la chasse"i et, après la chasse, lui consacraient une part de leur butin ; les textes et les monuments en font foi, notamment de nombreuses épigrammes : Lycormas, par exemple, offre à la vierge chasseresse la peau et les cornes d'une biche prise auprès du Ladon et du fleuve Érymanthe 305. Souvent aussi c'était leur arc, leurs flèches, leur carquois dont les chasseurs heureux faisaient don à la déesse 366. Ces ex-voto portaient les noms de 7tpoxtiypta, prémices du butin, 7tptord),et«, âxpoeivte. Un grand nombre de monuments représentent des arbres sacrés et des idoles rustiques d'Artémis auxquels sont attachées des offrandes de ce genre (fig. 2374) 357. II n'est pas étonnant que l'attention d'Artémis s'étende aussi sur le gibier. Sa nature de déesse de la lumière et de protectrice de la vie végétale, sa nature de déesse courotrophe, secourable aux femmes en couches et aux enfants, explique d'ailleurs facilement les soins qu'elle prend des animaux. C'est le gibier qu'elle protège avant tout, et proprement les bêtes fauves, comme l'attestent ses noms de Kvayia300, Kvaxalrta(a359, Kvaxtârtç360 L'épithète `Hutp«ala, que nous avons vue expliquée différemment351, peut signifier qu'elle adoucit et apprivoise les bêtes sauvages. De fait, un jeune animal, ordinairement un faon ou une biche apprivoisée, qui l'accompagne ou qu'elle porte quelquefois, dans ses bras, sert très souvent à la désigner dans les monuments figurés. Le type le plus célèbre d'Artémis à la biche est la Diane de Versailles figurée plus loin (fig. 2377), dont les variantes sont très nombreuses 382. On connaît la légende de la biche Cérynite, aux cornes d'or, qu'Héraklès, après une longue poursuite, atteignit et prit vivante près du Ladon; elle est celui de la statue Fig. 2377. Artémis chasseresse qu'on appelle la Diane de Ver sailles (fig. 2377). La déesse, court-vêtue, les jambes nues depuis les genoux et les bras nus, la taille serrée pour être 19 lumineuse plutôt qu'Artémis chasseresse? Callimaque donne àla déesse un attelage de quatre biches et un char d'or376; les rênes des biches sont aussi d'or; de Ià l'épithète fré DIA 145 DIA fut épargnée grâce à l'intervention d'Artémis, à qui elle appartenait 3". A Hyampolis, où l'on célébrait en l'honneur d'Artémis la fête des 'EXeyyieé);ce 3", elle protégeait si bien les animaux qui lui étaient consacrés qu'ils devenaient plus gras que tous les autres et n'étaient jamais malades'''. Il y avait en Ionie, près de Colophon, une île vouée àArtémis, oùles biches allaient à la nage, pour mettre bas, sûres de la protection de la déesse366. Agamemnon, à Aulis, a le malheur de tuer une chèvre consacrée à Artémis : cela suffit pour que la déesse retienne la flotte grecque au port jusqu'au jour. où le roi des rois sacrifiera sa fille Iphigénie comme victime expiatoire36'. Enfin, nous pouvons rappeler ici la célèbre histoire du sanglier de Calydon, racontée par Homère. Méprisée par le roi OEnée, Artémis déchaîna par vengeance ce monstre sur le pays des Curètes, où il fut tué par Méléagre. Pour venger cette mort d'un animal qui lui était cher, la déesse excita une grande et tumultueuse guerre entre les Étoliens et les Curètes qui se disputèrent la tête et la dépouille velue du sanglier 36s En général, elle protégeait les animaux farouches aussi bien que les plus timides, comme en fait foi un curieux passage de l'Agamemnon d'Eschyle 369. Artémis mérite donc bien le nom de atvta A)pmv que lui donne Homère 376. A la fête des LAPHMA, célébrée à Patras en l'honneur d'Artémis Laphria, on brûlait des animaux de toute espèce, oiseaux comestibles, sangliers, cerfs, faons, louveteaux, oursons, loups etours37t. Mais il semble difficile d'admettre, comme on l'a fait, que l'on voulût ainsi re connaître la protection qu'Artémis accordait aux animaux; c'est bien plutôt à la déesse de la chasse que s'adressait ce sacrifice "2. Artémis paraît quelquefois (fig. 2375) portée par un cerf ou une biche, qui sont ses montures ordinaires373. Si une fois on la voit assise sur un griffon 374, c'est sans doute par analogie avec Apollon qui revenait des pays hyperboréens porté par un animal de ce genre [voy. t. I", p. 311]. Elle est encore assez fréquemment représentée debout sur un char que traînent des biches ou des cerfs, par exemple (fig. 237G) dans un des bas-reliefs de la frise du temple d'Apollon à Phigalie37J. Peut-être même faudraitil reconnaître dans les deux figures 2375 et 2376 Artémis Ill. quente de Xpucrvto; (aux rênes d'or 377). Dans un hymne homérique, par exception, Artémis est portée sur un char d'or attelé de chevaux 378. Du reste, on sait qu'elle protégeait volontiers les chevaux. On la trouve associée à Poseidon, avec le nom d"I7r7ciia379. L'épithète `I7caocoa (salut des chevaux) lui est appliquée par Pindare 380. On l'honorait sous le nom d'Eépinaa à Phénéos36t. La tradition racontait que le temple de cette ville avait été construit en son honneur par Ulysse, qui avait, grâce à la protection de la déesse, retrouvé ses cavales perdues. Au culte d'Artémis, à Phénéos, était joint celui de Poseidon°I7titwç; il est possible que le nom d'Eèpircrca, dans cette ville, n'ait pas eu de signification très précise. La légende serait née du besoin d'expliquer le mot, que le voisinage de Poseidon°In tio; explique pour nous suffisamment. Du reste, Il y a des représentations d'Artémis montée sur un cheval (une monnaie de Phère3d2, et une monnaie de Patras 383), ainsi que d'Artémis traînée dans un char attelé de chevaux 364. C'est surtout Artémis Agrotéra que représentent les monuments figurés. De môme qu'Homère et les autres poètes, quelle que soit l'action de la déesse, la désignent comme chasseresse, de même il est rare que les artistes grecs, quand ils sculptent ou dessinent Artémis, ne lui donnent pas un attribut de chasse. Le type le plus connu d'Artémis phrygien, depuis le bonnet jusqu'aux sandales, qu'a revètu Artémis 3"8 Artémis chasseresse est armée de l'arc, de l'épieu ou du javelot, et porte souvent un carquois, dont le haut dépasse derrière son épaule. La nébride complète très souvent, d'une façon heureuse, l'accoutrement de la déesse 3"9. Cependant ce type ne fut pas adopté par tous les artistes et, dans beaucoup de figures qui représentent Artémis dans l'action et dans le mouvement même de la chasse, elle parait vêtue d'une longue tunique à larges plis flottant ou tombant sur ses pieds. L'Artémis du palais Colonna, celle de Dresde (ci-après fig. 2384), celle de Munich trouvée à Gabies (fig. 2399) et d'autres peuvent être citées comme exemples". X. Artémis Crétoise. -Les Crétois rendaient un culte à une déesse nommée BRITOMARTIS391, c'est-à-dire, probablement, « la douce vierge ». Britomartis, d'après les mythologues, était proprement une divinité lunaire, protectrice des chasseurs et des pécheurs, sans doute parce que la lune favorise les chasses et les pèches nocturnes, grande chasseresse elle-même. Comme elle avait un temple sur un haut promontoire appelé itxttivvatov, elle portait l'épithète de i(rruvva, ou itxrévveeta, qui souvent sert seule à la désigner. Britomartis aimait la solitude des montagnes et des bois et voulait rester vierge, ce qui DIA 146 DIA plus agile, les pieds nerveux tenus par de légères sandales, les cheveux relevés en chignon, grande et svelte, marche rapidement, la main droite au carquois, l'arc à la main gauche. tandis qu'un jeune cerf court à ses côtés. Ce type est celui qu'avaient adopté et fixé les sculpteurs du Ive siècle. Les représentations en sont innombrables : statues, basreliefs, figurines de terre cuite, vases peints, monnaies, miroirs, pierres gravées, montrent avec complaisance, aux plus belles époques de l'art grec, la déesse ainsi équipée3"5. On pourrait l'appeler Artémis Amazone, et c'est à la conception de l'Artémis Amazone qu'ont abouti, croyonsnous, les nombreuses représentations plus anciennes d'Artémis tirant de l'arc (fig. 2378 à 2380)3" . mais il est à remarquer qu'Artémis, à cette époque plus reculée, n'a pas encore le chiton court, mais au contraire de longs vêtements flottants et formés d'étoffes brodées qui rappellent peut-être les origines orientales de la déesse'"' ; la haute tiare et la décoration de la tunique sont de style asiatique. Dans la figure 2380 prise sur ian vase oit est peint le supplice de Marsyas, c'est un véritable costume s'explique par ce fait qu'elle était une nymphe de Gortyne. Une telle divinité avait trop de rapport avec l'Artémis hellénique pour tarder à se confondre avec elle. Selon certains auteurs, Britomartis ou Dictynna n'aurait été qu'une nymphe du cortège d'Artémis, très aimée de la déesse 391; mais il est certain qu'il y a eu entre la déesse et la nymphe une confusion complète. Les noms de Britomartis 393 et de Dictynna 394 sont devenus des épithètes d'Artémis; le dernier se rencontre le plus fréquemment, et même il est assez ordinaire de rencontrer le mot i:xruvva employé seul pour désigner Artémis. Euripide appelle même Dictynna « fille de Léto »'95. On en est arrivé à appliquer le nom de Dictynna à des divinités confondues elles-mêmes avec Artémis, par exemple Hécate 396 et Artérnis Taurique 397. Lorsque Artémis est nommée Dictynna par les Grecs, c'est la chasseresse qui est invoquée. En effet, pour expliquer le mot i(xruvva, on avait imaginé plusieurs légendes; dans l'une, la nymphe Britomartis, poursuivie à travers les montagnes de Crète par Minos, échappait au ravisseur en se précipitant dans la mer; des pêcheurs la recueillaient dans leurs filets (S(x'ru;), et elle méritait ainsi d'être appelée déesse aux filets, i(z.ruvva, tandis que le promontoire d'où elle avait plongé dans la mer devenait le itxtûvvxtov 398. Une autre tradition portait que Britomartis, tandis qu'elle chassait, DIA 147 DIA s'était prise elle-même dans des filets, et qu'elle fut sauvée par Artémis à qui elle éleva, par reconnaissance, un temple sur un mont qui prit dès lors le nom de Atxrvvv«tov, du nom d'Artémis Aixruvv« 399. Plutarque dit qu'il y avait des temples et des autels d'Artémis Dictynna dans presque toutes les parties de la Grèce 400. On trouve signalé son culte sur un promontoire, au bord de la mer, près de Gythion, à Sparte 40f et en Phocide, entre Anticyre et Ambrossos 402, Suivant une légende 403, les pècheurs qui recueillirent Britomartis, après son saut dans leurs filets, voulurent lui faire violence; la déesse disparut à leurs yeux et se réfugia dans les bois de Ille d'Égine "°4, où elle fut adorée sous le nom d"A9oai« (grt àroàv~; iyésaTo). 'Apal« doit être sans aucun doute assimilée à Artémis Aiytv«i«, qui avait aussi un temple à Sparte. Il est fort probable que le culte d'Artémis 'Ieso,pia, dans cette même ville, et dans le sanctuaire proche du cap Ténare, n'était autre que celui de Britomartis 405 Antoninus Liberalis établit la même assimilation entre Britomartis Dictynna et Artémis Laphria; le culte de la déesse crétoise serait passé de son île d'origine à Céphallonie, et de là sur le continent406 Pausanias reconnait bien dans Laphria une divinité étrangère, mais il la fait venir de Phocide. Un des principaux sanctuaires de Dictynna, en Crète, était celui de Cydonia; il n'est donc pas surprenant de trouver la mention d'une Artémis Iiuda3vtci; dont l'image est reproduite sur les monnaies de cette ville (fig. 2381) "7. XI. Artémis guerrière et pacifique. La chasse est l'image de la guerre; Artémis est aussi une divinité guerrière, On la voit armée de l'arc, de la lance ou de torches allumées i°B, à. côté des autres déesses, dans la guerre contre les Géants. Dans l'Iliade, elle prend part aux combats comme les autres Olympiens. Dans (Œdipe à Colone, le choeur supplie Apollon chasseur et Artémis de venir en aide aux guerriers qui poursuivaient Créon, ravisseur d'Ismène et d'Antigone. La déesse est appelée dans cette circonstance « celle qui poursuit les rapides cerfs mouchetés e, et ces mots indiquent bien que le rôle guerrier d'Artémis dérive de son rôle de chasseresse 4Q°. D'ailleurs, dans ces vers, il s'agit d'une embuscade, presque d'un affût. Dans les Phéniciennes d'Euripide 4E0, Antigone demande qu'Artémis tue d'une flèche Parthénopée, fils d'Atalante, qui marchait contre la ville de Thèbes. Artémis 4AypoTEp«, d'Agrae, en Attique, n'était pas seulement une chasseresse; le 6 du mois Boédromion, pendant les fêtes anniversaires de la bataille de Marathon, les Athéniens lui sacrifiaient cinq cents chèvres [AGROTEBAS THYSIA] le polémarque était chargé du sacrifice 412. On avait élevé un sanctuaire à Artémis Ellaitsia, glorieuse, avec le butin pris aux Perses à la même bataille 41°. A l'occasion de la bataille de Leuctres, on avait consacré à la même déesse, à Thèbes, une statue, oeuvre de Scopas 414. Artémis Mari, victorieuse, est jointe, dans une inscription, à Apollon Palatin 415 Une épigramme témoigne de la consécration d'un bouclier à Artémis, qui, dans ce cas, ne pouvait être considérée que comme divinité guerrière Du reste, plusieurs monuments, entre autres une monnaie d'argent de Bithynie, du règne de Nicomède Ier(fig.2382),représententArtérnis avec un bouclier et une épée 417. Elle est debout tenant le bouclier et la lance sur des bronzes impériaux frappés à Lacédémone et à Laodicée de Syrie (fig. 2383) "1, casquée sur une monnaie des Magnètes de Thessalie 4", et ces attributs guerriers lui ont été dévolus dès une haute antiquité, comme on l'a vu par la figure 2346. Cela nous conduit à admettre comme possible l'identification proposée de certaines idoles en forme de gaines, surmontées d'un torse de déesse casquée et portant un bouclier rond, avec Artémis plutôt qu'avec Athéné 429 Les contraires naissent des contraires; aussi ne faut-il pas s'étonner de voir Artémis devenir une déesse pacifique, car de la guerre sort la paix. Artémis 'Aerp«re(« était honorée à Pyrrichos, en Laconie. La tradition locale prétendait que la déesse avait arrêté là une invasion des Amazones421. Sans doute il faut rapprocher de cette légende la tradition de Mégare où l'on prétendait qu'Artémis Iévretpu avait trompé et dérouté les Perses alors qu'ils voulaient rejoindre à Thèbes leur chef Mardonios 422, Une statue, oeuvre de Strongylion, consacrait ce souvenir à Mégare; une statue d'airain toute semblable (voy. page 133, fig. 2352) rappelait le même fait à Pagee, sur la frontière de Béotie 423. C'est dans un sens analogue qu'il faut entendre le surnom de 2wrCxu ,ii qu'Artémis porte sur une monnaie de Syracuse. On peut aussi rattacher au même ordre de faits et expliquer comme des représentations d'Artémis 10lrFtp«, d'autres images où l'on voit la déesse, le carquois sur l'épaule, tenant l'arc ou une autre arme, en long vêtement flottant ou tombant sur ses Fig. 2385. Artémis Laphria, DIA -948 DIA pieds414; l'expression douce dont son visage est ordinairement empreint convient mieux encore à la divinité secourable qu'à la guerrière ou à la chasseresse. Telles sont les statues conservées aux musées du Vatican, de Dresde (fig. 2384), etc. "a. XII. Artémis protectrice des villes. Artémis apparaît souvent comme fondatrice ou protectrice des villes, caractère qui lui est du reste commun avec toutes les divinités helléniques, et en particulier avec Apollon. Une longue série d'épithètes se rapporte à ces attributions. Dans l'hymne de Callimaque, la déesse demande à Zeus une seule ville, car elle veut aller rarement dans les cités. Zeus, plus généreux, lui en donne trente, avec un grand nombre d'îles. EIle mérite donc les épithètes de Holib roAtç et HoAu.cilnOaoç 426. Il semble qu'il y ait là contradiction entre la nature errante de la chasseresse et les faits. Mais il ne faut pas. comme on le fait quelquefois, vouloir établir un lien logique entre toutes les attributions diverses d'une même divinité. Artémis, qui aime avant tout les campagnes où abonde le gibier, avait aussi des adeptes dans les villes. Ces dévots, par un sentiment bien naturel, attribuaient à leur idole tous les pouvoirs et lui demandaient avant tout de les protéger et de protéger leurs cités; obtenir ses bienfaits est le premier souci des habitants; ils lui rapportent tout ce qui leur arrive d'heureux et la regardent comme l'inspiratrice de toutes leurs entreprises. C'est ainsi que les habitants de Beem, en Laconie, prétendaient qu'Artémis avait désigné l'emplacement où ils devaient bâtir leur ville 427. Les noms d''Apriyért; 428, ` 1ms:i ) 423, Ha°epô3a 430, Harpttyirt; 43t, Ho)tnld7o; 432, doivent faire allusion à des croyances de même nature. Les épithètes F,târeq:%, rma(noAtç, 'EÀalOEpa, que nous avons déjà rencontrées, peuvent indiquer, non plus la fondation des villes, mais la protection accordée aux villes dans des circonstances difficiles. Il est enfin toute une suite de noms qui marquent les soins plus généraux donnés aux cités. Artémis HpoauXala avait à Éleusis un sanctuaire en avant des portes du grand temple de Déméter qu'elle semblait protéger ainsi que toute la ville "a. Il faut en rapprocher Artémis 'Eniexono; qui protégea un temple, l'Aristarchéion, à Élis, contre le voleur Sambikos 434. Artémis Hpoara7;1p(a défendait l'entrée d'Halicarnasse ; elle portait aussi le nom de HpéIpouo; 435. Il faut joindre à ces épithètes celle de iO oûy,oç, sous laquelle on la trouve aussi invoquée `i3G. A Athènes, le prêtre d'Artémis 'EvirupytS(a avait un siège au théâtre de Dionysos; c'est sans aucun doute la même divinité qu'Hécate'ElemopytSia (dressée sur une tour) 437. Voici maintenant des attributions plus spéciales : Artémis 'A70paix préside aux marchés 438 ; Artémis riais Éniaxono;, comme Apollon AyutEu'ç, veillait à la sûreté des rues "9, et peut-être Artémis 'Ea'riaç à celle du foyer 410. Artémis 424 Müller-Wieseler, Denkm. pl. av, 162, 162 a; irez, 167, 174 B; Clarac, Musée, pi. 286, n° 1.2(6 ; 561, n° 1196; 562 13, no 1209 ; 569, no 1203 A; 564, n° 1207; 564 A, n' 1214 B ; 568, n° 4209 B ; 569, no 1213, 1214 A; 571, no 1220 ; 574, no 1231 ; Arch. Zeit. 1880, ph 17. Comp, la téte d'Artémis avec l'inscription E9TEIPA sur une mounnie de Syracuse, Specimen of are». Coins of mag. Greec., pl. evs Guigniaut, Nam. aliquot. Sic. Naples, 1825) ; cf. Mitscherlich, De Diana Sospita, G5tt. Progr. 4841; Rouiller, Ausführl. Lexik. p. 575. Vogt. une terre-cuite de la collection Bammeville (Catalag. de vente, 1881, no 105) avec l'inscription E9TEIPA au revers. _ 435 Becker, August. Il, pl. 45; Mus. Pio. Cl. 1, 29; Clarac, ph 360, no 1214 A; Annali, 1833, p. 255. 426 Callim. Hymn. in Art. 33, 225. 427 Paus. III, 22, 12. 428 Aristoph. Lysist. 644 et Schol. ; cf. Wood, Ephesos, Insc. gr. Theat. I, col. 1, 1. 47.-429 Pans. III, 14, 6 ; VIII, 37, 1 et 47, 6; Callim. Hymn. in Art.827; Polyaen. V 111.52.43o Paus. Il, 9, 6, déesse représentée sous la forme d'une colonne.431 Corp. 'EvtiSta ou EivoSe,, était la protectrice des voyageurs 54! ; on lui consacrait des chapeaux, symboles du voyage (iTAov, 6Soucop(7^,s n oXov). Mais il y a plus: Artémis ne se contente pas de cette protection matérielle. Sous le nom d' Ayopxfa, elle inspire les orateurs : « elle trône glorieusement dans le cercle de l'agora », dit Sophocle 442. Thémistocle fonda à Athènes le culte d'Artémis 'Aptaroegar , déesse des bons conseils; ce nom devient quelquefois simplement Bouloin i43. Le nom de Hat06,, persuasion, que prenait Artémis à Argos, bien qu'il s'explique par un mythe local, se rattache pourtant aux noms précédents 444 Il serait long et inutile d'énumérer toutes les villes qui honoraient Artémis en donnant leur nom à la déesse, toutes celles où elle méritait vraiment, comme à Ephèse, le nom de HoorroOpov(a 445. Mais il est nécessaire de montrer que la déesse avait des préférences pour les villes situées dans les montagnes, sur le bord de la mer et dans les îles. D'après une étymologie qu'il est difficile d'accepter, car elle s'accorde peu avec l'ensemble des caractères qui distinguent Artémis, le nom même d'Artémis viendrait de ce qu'elle a créé le monde parfait « 8'ct tzprta xat 'EÂEta xal 01vtlu17t Ino(7')aE TG( xar xtiap.ov I,avt:éaa 446. » Mais elle ne parait nulle part ailleurs comme divinité créatrice, et même l'épithète de youaâxo;, qu'on lui trouve appliquée, ne doit pas être prise dans un sens trop large. Artémis a une prédilection marquée d'abord pour les montagnes et les villes situées sur les hauteurs. C'est peut-être à son goût pour la chasse dans les montagnes qu'elle doit ses noms d"OpEtr(;447 et d"OpE;AoZ3)448. Mais le nom d"Axp(a, à Argos, lui était donné parce qu'elle avait sur le mont appelé 'Axpov un temple fondé suivant la tradition par Mélampus après la purification des Prcet.ides 449. L'Artémis Orthia de Laconie avait près de la même ville un sanctuaire sur le mont Lyconé 45°; dans la même région, près d'Épidaure, se trouvait sur un sommet le temple d'Artémis Kopupix 451. En Arcadie, il y avait sur l'Artémision, sommet de la chaîne du Ménale, un sanctuaire d'Artémis Oivoâ-rt; 452; près d'Orchomène, à mi-flanc d'une montagne, un temple d'Artémis `ïp.via 463. Sur le mont Cnacalos, on vénérait Artémis Kvaxalr,a(a 464, près de Caphyo; sur le mont Crathis, près de Phénéos, Artémis Hupmv(a. Ce nom venait de ce que les Argiens allaient chercher dans ce temple du feu pour le porter à Lerne 455. A l'Acropole de Patras on conservait une statue d'Artémis Laphria (fig. 2385), oeuvre de Meniechmus et de Soidas de Naupacte, qu'Auguste avait enlevée, pour la donner à Patras, de la montagne de Calydon 456. Artémis 'laampla ou'l pa régnait sur le mont 'Iaatbptov , en Laconie 4a7. En Asie Mineure, Artémis était particulièrement honorée sur le Tmolus (Ar frise. gr. 1444. 432 Apoll. Rhod. Argon. 1, 312. 433 Paus. 1, 38, 6. 434 plut. Griech. Myth. 338, 6 g. 437 Corp. insc. ait. 268 ; cf. Pans. II, 30, 2. 438 Paus. V, 15. 4. 439 Callim. Hymn. Art. 38 ; Anthol. Pal. VI, 266. 440 Corp. insc. ,qr. -442 Soph. Oed. tyr. 161. 443 Plut. Them. 22; Corp. insci att. I, n" 112, 113; Plut. De Herod. malign. 869 D. 444 Paus. II, 21, 1. 445 Paus. X, 38, 8. 445 Etym. Magn. s.v. 'Agup.iv. 447 Polyb. XXXII, 25, 11. -448 Ammian. XXII, 8. -449 Hesych. a. v. 'Asela, üs?ov, t.psGL, 450 Paus. II, 24, 5; Le Bas et Foucart, Inscript. du Pélopon. 162 b, 162 c, 162 d ; la forme locale du nom était Bo?cia. 441 Paus. II, 28, 2; Steph. Byte. s. v. 482 Steph. Byz. et Hesych. s. v.; Callim. Hymn. Art. 224; Eurip. Herc. far. 379.-453 Paus. VIII, 5, t1; 13, 1. 454 Paus. VIII, 23, 3. 455 Pans. VIII, 15, 9. 456 Paus. VII, 18, 9 et 10; Imhoof-Blnmer et PereyGardner, Nam. Comm. on Paus. p. 77, pl. °, 6-10. 451 0. Müller, Bottier, 1, 374, I1, 50; Steph. Byz. a. v. 'Iss0 sv; Pans. III, 12. 8; 14, 2; 25, 4. témis Tuw7,ta) 458, sur le Sipyle (Artémis Kocââxa) 459, etc. Les villes maritimes où Artémis avait un culte sont aussi en très grand nombre ; citons en Grèce Munychie, l'un des ports d'Athènes'GD; Troezène, où l'un des premiers rois du pays, Saron, avait élevé un temple à Artémis ..apwvtç ou Ixpwvta, près de la mer, au milieu des marécages 46' ; Naupacte, où elle portait le nom d'Alrw),tç, Étolienne 462, Mothone en Messénie 463, etc. Le nom d'Artémis 'Axzaia, déesse des côtes, qu'il faut rapprocher de celui d'Artémis IIapaka à Chypre 484, indique bien ce goût particulier pour la mer. Mais, de plus, Artémis a la garde spéciale des ports. Elle s'appelle Atg.evdaxonoç, ntNtevâaaty É7ctaxo7roç, «I«t)opu.ta-retpa, AL dev 'rsç 465. Il s'ensuit naturellement qu'elle protège les navigateurs. A Rhodes, elle est Evaopt«, qui donne les bonnes traversées 466, à Siphnos 'ExèzTr,pxç, qui donne les bons débarquements "7; à Pagasae on l'adorait sous le nom de NsloaedoÇ, salut des vaisseaux L68. Sur des monnaies de Démétrias, ville des Magnètes, fondée par Démétrius Poliorcète, Artémis, l'arc à la main, est debout sur la proue d'un navire 469. Si elle est irritée, elle peut retenir les flottes au rivage, comme celle d'Agamemnon à Aulis, où le roi, du reste, lui avait élevé un temple et des autels 470. Des monnaies de Leucade (fig. 2386) portent l'effigie d'Artémis debout, ayant un croissant sur la tète, une biche à ses pieds, derrière elle une colonne surmontée d'un DIA 149 -DIA oiseau, et tenant de la droite un aplustre ; Artémis Mounychia, de Phygéla, a la tête ornée d'une proue, sur une monnaie de cette ville 47'. Zeus, dans l'hymne de Callimaque, donne à sa fille beaucoup d'îles, où elle aura des autels et des bois sacrés. De fait elle avait un culte dans un grand nombre des Cyclades et des Sporades, à Délos (Artémis ®r,)stttç, 'Opruyta, KuvO(a) 479, à Céos 473, Siphnos 474 (Artémis 'Ex€arrp(a), Léros 475 (IIap9évoç), Patmos"76 (E)aps éé)os, l'au0(a), Théra477, Astypalaaa 418 (Mzal a(z) ; Anaphé G70 (LàTatpa), en Crète C90 (clixTUVya); à Rhodes et dans la petite île d'Icaria qui lui était consacrée tout entière 48t, ainsi que la petite fie de Doliché 462, en face de la côte lycienne, et un îlot proche de Colophon 403, à Samos (ArtémisTaup5;cAoç, Kn7rporpyoç, 'IgeFurir, Xratée) 484, à Lesbos (Artémis espµ(x) 485; à Lemnos (Artémis 'fauptxr), à Andros 486 (Tauoo7eé)oç), en Eubée, à Aulis, à Amarynthos 487 (Artémis 'AuapuvOia, peut-être la même qu'Artémis 'Au«pyain, en Attique), et au nord de l'île (Artémis Pipoaeyf a) i88, à Egine (Artémis 'Axai«, Alytveta) 489, XIII. Artémis d'Lphèse. Nous avons étudié les diverses attributions et les différents caractères de l'Artémis hellénique sans nous poser aucune question sur l'origine même d'Artémis ; ces attributions, ces caractères, nous les avons constatés et dénombrés sans nous dé Rh. 1, 570. 469 Mionnet, III, 143, 599. -470 Pans. 1, 43, 1 ; IX, 19, 6; Strab. XIV, mander si la déesse ne les a pas empruntés à des divinités étrangères. Les rapports étroits d'Artémis avec quelques divinités orientales semblent ne laisser aucun doute à cet égard. Mais il est arrivé qu'après avoir emprunté, sans doute, quelques-uns de ses caractères essentiels à des divinités asiatiques, Artémis à son tour, et à une époque bien postérieure, leur a donné quelques-uns de ses traits helléniques : un contact s'est établi de nouveau entre la Grèce et l'Asie, mais dans un sens inverse, et les Asiatiques ont assimilé certaines de leurs déesses avec la déesse hellénique qui, en quelque sorte, descendait d'elles. Actuellement, selon l'heureuse expression de M. lieuzey 496, nous pouvons surtout nous rendre compte de cette « action en retour », c'est-à-dire de l'influence que le culte hellénique, depuis longtemps oublieux de ses origines, a exercée sur les cultes d'Asie. La religion a subi les mêmes lois, est passée par les mêmes étapes que les arts plastiques, et l'Artémis d'Ephèse, par exemple, ou l'Artémis persique, nous sont connues surtout et doivent être étudiées comme les descendantes, non comme les ancêtres de l'Artémis grecque. Le temple de la divinité adorée à Éphèse sous le nom d'Artémis était un des sanctuaires les plus fameux de l'antiquité grecque. La nature de cette déesse, le culte qui lui était rendu, sont si différents de la nature et du culte de l'Artémis hellénique, qu'on est forcé d'admettre qu'Artémis a remplacé à Éphèse une divinité asiatique plus ancienne, et ce fait est du reste prouvé par la persistance de certains éléments tout à fait étrangers à la conception de l'Artémis hellénique, et qu'il est assez facile d'isoler. Dans le culte de l'Artémis hellénique, malgré les rapports et même la confusion de la déesse avec Ilithye, malgré son caractère de déesse mère et ses rapports avec Déméter et Dionysos, Artémis est restée avant tout une divinité chaste. Or, dans le culte de l'Artémis éphésienne, on trouve surtout des éléments orgiastiques. On connaît assez bien la composition du personnel de prêtres et d'hiéropes qui desservaient le temple; quelques-uns ont des noms purement helléniques, et l'on peut retrouver ces fonctionnaires dans presque tous les temples de la Grèce. Mais il en était d'autres dont le caractère, comme le nom, sont purement orientaux. Sous les ordres du grand prêtre, de l'â.p-oépeuç, était placé tout un collège de prêtres appelés Mégabyzes, Meyd.êv ot ou Meya).dds ot491. Ces prêtres, dont le nom est sans doute persique, étaient des eunuques. L'un d'eux était spécialement nommé 111«oç. Il faut probablement voir dans ces Mégabyzes les successeurs des prêtres de la déesse primitivement adorée à Éphèse. L'hypothèse la plus vraisemblable est qu'Artémis d'Éphèse était à l'origine la Grande Mère des dieux, dont le culte était si répandu dans toute l'Asie antérieure, depuis la Perse jusqu'à la Phrygie, ou bien quelque divinité du même cycle. Artémis d'Ephèse est appelée quelquefois µeycl),ri, la grande, 432, 4i seyicrr, 0eà °Aptetl.tç493, 'EceÉaou âvaaca431, dénominations qui rappellent d'assez près celles qu'on donne DIA 150 DIA à la Mère des dieux. Un texte important, aussi bien que l'existence et le nom des prêtres eunuques MEVâesi,'ot, met en lumière le caractère orgiastique de l'Artémis d'Éphèse : elle est invoquée dans un hymne comme « gatvitSs, Ou«S«, moteûéa, ),uea«Sa, ménade, bacchante, prophétesse, frénétique495.» Strabon, qui parle longuement du culte éphésien, raconte que la congrégation des Curètes célébrait des festins et « accomplissait des sacrifices mystiques u en l'honneur de la déesse 495. On sait toutes les indécisions qui existent au sujet des Curètes [cunErEs] ; mais leur origine phrygienne, leur confusion fréquente avec les Coryhantes, Cabines, etc., leur importance dans les mythes et les cultes hellénisés de l'Asie 497, le rôle qu'ils jouent dans le cas qui nous occupe, le collège éphésien qui porte leur nom, sont un argument assez fort en faveur de notre hypothèse. Ajoutons que d'après une vieille tradition dont l'érudit Callimaque s'est fait l'écho, la première idole de la déesse aurait été dressée au pied d'un chêne par les Amazones guerrières49'; or, si l'on admet que le mot Amazone signifie femme au sein coupé (â privatif, gati;, sein) a99, n'y a-t-il pas un rapprochement à faire entrecette mutilation des Amazones et celle des Mégabyzes? Elles ne s'expliquent l'une et l'autre que par la dévotion à une divinité orgiaque. D'autres arguments peuvent être tirés de l'étude des monuments figurés. Strabon raconte qu'il y avait à Éphèse plusieurs temples, les uns très anciens, les autres plus récents ; dans les premiers il y avait, de son temps encore, d'antiques statues qu'il appelle des riava50° Aucune image exacte de ces idoles de bois ne nous est parvenue, mais il est facile de se les représenter d'après les statues plus modernes qui nous restent (fig. 2387), ou d'après celles qui sont représentées sur les monnaies (fig. 2388) : toutes affectent un type essentiellement différent des statues de l'Artémis hellénique D'abord, toute la partie inférieure du corps est enfermée, depuis la taille, dans une gaine cylindrique qui rappelle le fût d'une colonne; le torse n'a pas non plus un aspect humain : il est couvert d'un grand nombre de mamelles (Artémis Hokugac,to;)5°2; les bras se détachent du corps et les deux mains ne tiennent aucun objet, mais quelques statues antiques représentées sur d'autres monuments, sur des monnaies ou des pierres gravées, montrent que tantôt elles étaient soutenues par de longues tiges ou bâtons60' dont une extrémité était posée sur le socle, près des pieds, tantôt des bandelettes qui, selon Hésychius, s'appelaient des xar,'i'èt 504 et qui probablement ont valu à la déesse l'épithète de HokuOl nvoçsos. La tète est coiffée d'un haut modius; tantôt un voile s'adapte derrière le modius et tombe sur les épaules en affectant une forme de disque, comme une auréole; tantôt le voile est remplacé par un véritable disque ; une sorte d'égide couvre le haut du torse, depuis le cou jusqu'à la première ligne de mamelles. Enfin, fait très remarquable, la surface de la gaine est divisée en compartiments où se détachent en relief des animaux symboliques, lions ailés, taureaux ailés, béliers, griffons, abeilles ; d'autres animaux de même nature grimpent le long des bras; d'autres occupent jusqu'au champ du disque, autour de la tête. Tout ce symbolisme montre une divinité de la nature, personnifiant surtout les forces vitales et nourricières de la terre. Vouloir pénétrer plus avant et désigner catégoriquement la divinité orientale qui est devenue l'Artémis d'Ephèse, comme on a tenté de le faire, semble fort téméraire. Cherchons seulement quels éléments helléniques sont venus s'ajouter à ces éléments orientaux. Lorsque, sous Tibère, le sénat romain voulut restreindre le droit d'asile des temples dont les villes abusaient pour assurer l'impunité à une foule de criminels, les Éphésiens vinrent, les premiers de tous les Grecs, demander qu'on fit exception pour eux, parce que, contrairement à la tradition reçue, c'était à Ephèse, le sixième jour du mois Thargélion 50°, dans le bois d'Ortygia, sur le bord du fleuve Cenchrios, sous un olivier qui existait encore, que Latone avait enfanté Apollon et Artémis 507. La même légende est rapportée par Strabon508. C'est le mythe hellénique purement et simplement transporté en Asie. Le fleuve Kenchrios correspond à l'Inopos de Délos, l'olivier au palmier, le bois d'Ortygia à l'île même de Délos. On sait d'ailleurs que Délos a porté le nom d'Ortygia, île des cailles, et peut-être la confusion des deux légendes tientelle à cette simple homonymie. Quoi qu'il en soit, cette tradition, qui n'était pas la seule (nous avons vu que la fondation du culte est attribuée quelquefois aux Amazones), était accréditée depuis longtemps, comme le disaient les Éphésiens au sénat romain. Elle l'était certainement au Iv° siècle, puisque Strabon signale dans les temples récents d'Éphêse des oeuvres de Scopas : Latone portant un sceptre, et Ortygia (devenue la nourrice d'Apollon et d'Artémis) tenant de chaque main un petit enfant". L'autel, ajoute Strabon, était couvert d'oeuvres de Praxitèle et de Thrason 590, qui certainement considéraient Artémis comme une divinité héllénique. Du reste, à cette époque, le type lui-même de la déesse telle que la représentaient les statues s'est modifié dans le sens hellénique. DIA 151 -DIA La forme typique du xoanon subsiste ; on ne pouvait oublier complètement que l'idole primitive était tombée du ciel, envoyée par les dieux eux-mêmes, ho rTéç, et Artémis demeure la déesse Ilo4taaToç et IIo)uOvaavoç. On emploie le bois et le marbre, ou des marbres polychromes, ou le bronze et le marbre 511 comme dans l'antique statue, mais elle devient la divinité chasseresse et à ses côtés on place une ou quelquefois deux biches 512; des coins d'Éphèse portent aussi la biche seule comme symbole 5i3 Comme l'Artémis hellénique, l'Artémis Ephesia devient une divinité lunaire : le voile qui entourait la tête du xoanon, comme une gloire, devient véritablement l'astre des nuits. Peut-être Artémis ne fait-elle ici que rendre ce qu'elle a emprunté, du moins faut-il remarquer que, dans l'analyse que nous avons faite pour retrouver les éléments asiatiques de l'Artémis d'Éphèse, nous n'avons rien noté qui indiquât une nature lunaire. Dans le champ d'une pierre gravée où est représentée Artémis Ephésienne avec les deux biches, on voit le soleil à gauche et un croissant de lune à droite o14. Dans une liste d'ex-voto trouvée à Éphèse, il est fait mention d'une Artémis Aaunaa.tr,o poç en argent 615. Les inscriptions d'époque romaine appellent la déesse Kpr,a(a (I)asazdpo; 5i6, indiquant en même temps que la première confusion avec la déesse de la lumière, une seconde confusion simultanée avec l'Artémis de Crète, Britomartis ou Diktynna (p. 146). Sur les monnaies d'Éphèse on voit souvent le soleil ou les étoiles, ou la torche d'Artémis 517. Le caractère de protectrice des villes, que nous avons noté chez l'Artémis hellénique, est nettement marqué par la transformation du modius oriental, dont était coiffé le soanon, en couronne de tours comme celle qui semble en Grèce réservée à Déméter, à Rome et à Cybèle 519. Artémis passait d'ailleurs, dans certaines légendes, pour avoir fondé I■lphèse, et portait le nom d"Ap.,mértç 519. Une statue de la déesse, placée aux portes d'Éphèse, semblait défendre la ville; on l'appelait : gEyd) Ot ïApTEU.tç npl ndAtt,i 5 0. Sa protection s'étend surtout, comme celle de l'Artémis hellénique, sur les villes maritimes. Éphèse est près de la mer et jointe à la mer par des bassins et des canaux importants. Un collège de prêtres mentionné dans une inscription porte le nom de vauGaTOÛvtcç5". Selon Callimaque, la plus ancienne prêtresse de la déesse est une Océanide, Hippo 522 ; des oiseaux de mer lui sont consacrés; une légende faisait jouer un rôle important à un poisson dans la fondation de la ville et du sanctuaire d'Éphèse Fr23. Chacun de ces points a été mis tour à tour en lumière par les mythologues qui ont voulu voir dans l'Artémis d'Éphèse tantôt une divinité purement lunaire, tantôt une divinité des eaux et des marais, ou qui ont cherché à établir un parallélisme absolu entre le culte éphésien et les cultes helléniques. C'est là une exagération, mais il est certain qu'à part les noms que nous avons cités et quelques points du rituel, le culte d'Artémis 'E; Ea(a est, à partir de l'époque classique, surtout hellénique Le prêtre principal portait le nom d'archiprêtre, «pytépau; et sa charge était l'archiprêtrise, pjit0poaSvr, 525 II dirigeait de nombreux collèges de prêtres et de prêtresses chargés de fonctions spéciales. Outre les Mégabyzes, dont nous avons parlé (p. 149), nous connaissons les g.EAA1€pat, prêtresses novices, les t?pat, prêtresses, les 7tapicpat, ou prétresses honoraires 526, les tEponoiot 5z7. On trouve énumérées toutes les charges particulières exercées lors des fêtes par des desservants spéciaux : les €aTtâTOpoç, chargés des festins religieux, avaient dans l'enceinte du temple une habitation réservée, lleTlutdptov 522; ces prêtres, suivant Pausanias, portaient le nom d' Eec vtç; suivant l'Etymologicusn Magnum, c'était le roi qui portait le nom d''Eaa'sv, « â7tô µETap paç Toû g.EAtaaôiv aa(AEwç, o (métaphore tirée du roi des abeilles). Mais il faut plutôt s'en rapporter à Pausanias, car on trouve le mot au pluriel dans des inscriptions. Les magistrats qu'il désigne semblent avoir une charge municipale; ils inscrivent les proxènes dans les tribus à mesure qu'on crée des proxènes ; ils sont aussi chargés de sacrifices à Artémis 529. Le nom est très probablement d'origine persique. Citons encore les EntOug.t é pot ou encenseurs 53Ô, les pettes sacrés 532, les npeicoAot, OEonpdnot, serviteurs de la déesse533, les vEwxdpot, ou balayeurs des temples, chargés probablement de fonctions plus élevées que celles qu'indique leur nom 534 [NEOCOtUS], les vEonoiot, qui avaient l'administration civile et financière des temples et quelquefois, comme les Essènes, inscrivaient les proxènes dans les tribus 535 ; les lapol f7ri POot étaient ainsi que les ipéAaxot539 des cavaliers préposés à la garde du temple; les xoagaiTa)paç et les x.oaunTEipat veillaient à la garde-robe de la déesse et habillaient la statue aux jours de fète J37 ; cette charge était ou porteurs de sceptres, ne semblent pas avoir joué un rôle très important. Enfin, on entretenait, pour les fêtes, un grand nombre d'officiers ou de prêtres secondaires, ou même de baladins, comme les âxptTOGo(Tat ou âxpoéâcat 532, les acrobates, et les eto),oyoi, théologiens, les anou1auna( 550 joueurs de flûte. Il est très probable que les prêtres d'origine et de nom oriental eux-mêmes ne ressemblaient plus, au moment de la grande faveur du temple d'Éphèse, à ce qu'ils étaient au début ; c'est ce que l'on peut inférer d'un passage de Strabon à propos des Mégabyzes 541. On sait qu'un mois tout entier, nommé Artémision 552, était consacré aux cérémonies et aux fêtes en l'honneur de la déesse. Pendant ce mois, on proclamait une trêve sacrée, eApTEi2.talaxp(etç 543 Quelques sacrifices mystiques, quelques cérémonies qui ne se trouvent pas dans le culte d'Artémis hellénique, comme de grands banquets, comme la procession des Mégabyzes 57.4, s'effacent devant l'importance et la splendeur des grands jeux célébrés àl'Artémision blaient de tous points aux grandes panégyries de la Grèce. DIA --152 DIA La double nature orientale et hellénique de la déesse éphésienne fit que son influence s'étendit àla fois sur l'Asie Mineure et sur tout le bassin de la Méditerranée, partout où abordaient les flottes et le commerce des Grecs. A Marseille, au témoignage de Strabon, il y avait un 'Etéatov ou temple d'Artémis Ephesia. Le culte avait été apporté par les Phocéens ; suivant la tradition, l'idole venait directement du temple d'Éphèse ois. Strabon mentionne aussi un sanctuaire d'Artémis Ephesia dans une île des bouches du Rhône "6. Sur le promontoire de la côte d'Espagne appelé 'HiAEpoexo7cstov, se trouvait aussi un Artémision ou Dianium très célèbre, dont les navigateurs se servaient comme de point de repère'''. Enfin, à Rome même, sur l'Aventin, Strabon signale un xoanon d'Artémis en tout semblable à celui de Marseille 648. Une figurine de bronze, trouvée à Bordeaux et rappelant par son attitude une divinité qui se trouve sur un grand nombre de stèles découvertes à Marseille, et qu'on s'est accordé à regarder comme une Artémis sinon éphésienne, du moins orientale, permet peut-être de croire, ce qui n'aurait rien de surprenant, que le culte d'Artémis d'Ephèse s'est étendu jusqu'à Bordeaux549. Nous croyons cependant, malgré de fortes autorités, que l'attitude de la figurine en question est trop différente de l'attitude de l'Artémis d'Ephèse pour qu'on puisse insister sur ce rapprochement 600. C'est bien au contraire à l'Artémis éphésienne que ressemble une statue du musée d'Avignon, provenant de Marseille, dans laquelle on a récemment voulu reconnaître, à tort selon nous, Artémis Diktynna oJ1, XIV. Artémis Anaïtis, Persique, etc. Si les origines d'Artémis 'Es la sont assez difficiles à préciser, il n'en est pas de mème pour tout un cycle de divinités asiatiques avec lesquelles on a plus tard confondu, comme elle, l'Artémis hellénique. On a remarqué que les étrangers avaient deux procédés bien distincts pour assimiler leurs divinités locales avec les divinités helléniques. Le premier consistait à rapprocher la divinité locale de la divinité hellénique dont la nature et le caractère avaient le plus de rapport avec elle, et à donner à la première le nom de la seconde; dans l'autre cas, on donnait à la divinité locale le nom de la divinité grecque qui s'en rapprochait le plus ; seulement le nom particulier du dieu devenait une épithète à forme grecque qui lui restait attachée après l'assimilation. C'est ce qui est arrivé pour une déesse persique que l'on trouve adorée en Asie et en Grèce sous le nom d'Artémis 'An tvtç. Le nom persique est Anahîta. Le culte d'Anahita, d'après Bérose, fut importé par Artaxercès Il chez les Perses, d'abord dans les trois capitales, Babylone, Suse et Ecbatane 6"°' ; plus tard elle eut des autels à Persépolis, Bactres, Damas (Y) et Sardes, Anahîta est avant tout une divinité des eaux, mais aussi, comme la déesse d'Ephèse, elle symbolise la fécondité de la nature, elle préside à la multiplication de la race humaine, comme des troupeaux et de tous les animaux 553, Ce caractère nette ment déterminé et les rites franchement orgiastiques du culte d'Anahita, beaucoup mieux conservés que les rites primitifs du culte d'Éphèse, ont fait que les asiatiques ont quelque peu hésité dans l'identification de cette déesse avec une divinité du panthéon hellénique. Quelques auteurs la confondent avec Aphrodite, d'autres au contraire avec Artémis. Un certain nombre d'inscriptions prouve que cette dernière confusion était la plus fréquente 5J'' Pausanias"' relate même que les Lydiens, chez qui le culte hellénisé d'Anahîta était particulièrement développé, avaient imaginé une légende qui identifiait leur Artémis Anaïtis avec l'Artémis Taurique : Oreste et Iphigénie auraient transporté, non pas à Brauron, en Attique (Artémis Brauronia), ni en Laconie (Artémis Orthia), mais en Lydie, où l'on aurait changé l'épithète Taupuuii en 'Ava('ctç, l'idole enlevée au temple de Tauride. C'était Ià un mythe forgé à plaisir, car le culte d'Artémis Anaïtis, culte oriental et orgiastique par excellence, n'a pas de rapport avec le culte hyperboréen, barbare et sanglant, de la déesse taurique.Cependant il est curieux de voir qu'en Asie Mineure, surtout dans les provinces occidentales, la croyance à l'identité d'Artémis Taurique et d'Anaïtis a amené une modification dans la forme de ce dernier nom; on le trouve écrit Tava(ç 6d5 ; peut-être d'ailleurs faut-il expliquer par le mot 'l'ava(ç, forme dialectale ou corrompue d'Anaïtis, le rapprochement entre Anaïtis et l'Artémis Taurique. A côté d'Artémis Anaïtis on trouve aussi Artémis Nâva: la déesse Nanaï; dont le culte était ancien à Suse et en Babylonie peut être la même qu'Anahîta. On a trouvé au Pirée un ex-voto avec dédicace à Artémis Nana'''. C'est peut-être Artémis Anaïtis qu'il faut reconnaitre sur une monnaie d'Agathoclès (Ili° siècle ap. J.-C.). Sur le revers, Zeus debout tient dans la main droite une Artémis tricéphale qui lève une torche d'un bras et tient de l'autre une lance macédonienne'''. Elle est souvent représentée par des terres-cuites 5J9. L'Artémis Persique, Hspetxaa ou Hs a(at, dont le culte est signalé en Lydie par Pausanias 560, est très probablement, comme on l'a déjà dit, la même qu'Artémis Anaïtis. Des représentations de cette déesse ont été reconnues sur divers monuments antiques ; ils sont des plus intéressants. La déesse y apparaît presque toujours avec des ailes, mais non pas peut-être dans les images les plus anciennes 661. Sa nature de divinité nourricière, présidant à la fécondité des êtresvivants,est nettement déterminée par le cortège d'animaux' qui ne la quitte pas. D'ordinaire elle tient par les pattes de derrière ou par le cou deux petits lions suspendus contre elle, comme dans des terres-cuites trouvées en Italie 562. Quelquefois les lions sont remplacés par des cygnes ou des bouquetins; l'applique de bronze d'un vase trouvé à Grækwyl, en Suisse (fig. 2386), la représente debout, ayant sur la tête un oiseau, à droite et à gauche des serpents dont le corps s'allongeait au-dessus des ailes et s'adaptait à l'embou par une patte de derrière, un petit lion. Citons encore une représentation grecque d'Artémis Persique sur le vase bylonien. chure du vase. Sur chacun d'eux un lion est accroupi, la déesse tient d'une main un lièvre, la tète en bas, de l'autre un autre lièvre, mais la tête en haut; deux lions sont accroupis à ses pieds, à droite et à gauche, et la touchent d'une de leurs pattes levée 563. Une autre ~., représentation des plus intéressantes se trouve sur un fragment de col de vase archaïque provenant de Théra 56' (fig. 2390), ois Artémis Persique est très reconnaissable à ses ailes et au lion passant qu'elle tient d'une main par la tête, de l'autre par la queue (comparez la fig. 2372); dans le champ se trouvent des ornements géométriques de style oriental, comme la croix gammée. Ce vase , de fabrication grecque, prouve que le type d'Artémis Persique a dû arriver en Grèce par les îles, ce qui est confirmé par la découverte à Délos de l'Artémis ailée de Mikkiadès et Archermos (voy. p. 433). Cette statue a tout à fait le type et l'attitude d'Artémis Persique figurée sur les monuments publiés par Gerhard. Il en est de même de l'Artémis archaïque qui forme le pendant d'un collier d'or provenant de Camiros'65 (voy. t. I°°, p. 789, fig. 935). En Grèce même, on a retrouvé des représentations d'Artémis Persique, par exemple sur une brique estampée recueillie à Mycènes 566, où la déesse, comme sur certains cylindres babyloniens, tient par le col, de chaque main, un grand oiseau ressemblant à une oie, et surtout sur une plaque de bronze à reliefs (fig. 2391) provenant des fouilles d'Olympie 527. La plaque est divisée en quatre parties : sur une première ligne on voit trois oiseaux; sur une seconde deux griffons ailés, de style oriental, affrontés; sur une troisième bande, un peu plus large, un homme courant et poursuivant un Centaure qui fuit en se retournant; enfin, audessous de ces trois tableaux, dans un quatrième plus grand du double, Artémis, dont le corps est de face et la figure de profil, munie d'ailes recoquillées, tient de chaque main, III. Francois 565. Enfin un curieux cylindre babylonico-persique, dont le style est très récent (fig. 2392), montre que les Orientaux acceptè rent très facilement l'assimilation d'Artémis et d'une de leurs déesses locales, Anaïtis ou toute autre, dont la nature avait avec la première quelque rapport, et que l'influence hellénique modifia à son tour le type oriental. En effet, on voit sur ce cylindre Artémis en costume persique, longue robe flottante et très ornée, et haut diadème, mitre ou modius; elle est debout sur un lion couché ; elle porte un arc, un carquois et des flèches : 1 derrière elle est un palmier et, au-dessus de sa tète, une étoile 669. On reconnaît tous les traits de l'Artémis hellénique, divinité de la lumière et de la chasse, et le souvenir du mythe qui la faisait naître au pied d'un palmier. Il est très probable que l'Artémis ailée du coffre de Kypsélos, dont les ailes avaient si fort embarrassé Pausanias'i0, n'était autre chose que l'Artémis Persique légèrement modifiée. Elle tenait d'une main une panthère, de l'autre un lion. Enfin il est vraisemblable d'admettre que les diverses divinités adorées en Asie Mineure sous le nom d'Artémis ne sont que des personnifications locales de la même divinité persique ou de la déesse d'Éphèse. Artémis AeuxoLpufvr "«aux sourcils d'argent) qui avait un temple magnifique à Leucophrys, près de Magnésie du Méandre, temple dont une frise a été transportée en partie au musée du Louvre, était sans doute la même qu'Artémis d'Éphèse ; elle avait aussi un sanctuaire à Milet 57' ; son culte était ancien en Crète 173 et en Phrygie'''. Callima -20 que semble l'avoir désignée sous le nom de ;teplmos xép~, vierge qui donne la vie 5i5. A Athènes 576, Artémis Leucophryéné avait une statue d'airain consacrée par les fils de Thémistocle ; il s'en trouvait aussi une à Amyclée, oeuvre de Bathyclès, sculpteur magnésien. Sur les monnaies de Magnésie elle est représentée absolument comme Artémis d'Éphèse (fig. 2393) 577. L'Artémis de Pergae, en Pamphylie, Artémis Ilepya(a, avait une grande réputation à cause de son oracle; elle était représentée sous la forme d'une pierre conique (fig. 2394) qu'on prétendait tombée du ciel 578 et desservie par un prêtre suprême nommé â vie et par des prêtres mendiants; son temple avait droit d'asile, comme celui d'Éphèse. Elle était aussi vénérée à Halicarnasse 579, à Lindos et dans toute la Pamphylie SBe. Artémis KoXortvrj561 avait un temple près du lac Gygæos, dans la ville qui prit plus tard le nom de Koloé, aujourd'hui Roula, centre commercial important au nord de Sardes dans un district montagneux, où les inscriptions montrent la persistance singulière des cultes orientaux. Dans ce sanctuaire, selon Strabon, avaient lieu des danses où des corbeilles (ou des singes suivant la lecture qu'on adopte du texte, qui est en cet endroit défectueux) jouaient un rôle important. En Lydie on adorait Artémis Tµo3A(a n2; les jeunes filles formaient en son honneur des choeurs de danses. De la région du Sipyle était originaire le culte d'Artémis Kopl xa que nous avons déjà signalé en Élide ; les danses qui avaient valu cette épithète à Artémis avaient été transportées d'Asie, selon Pausanias,par les compagnons de Pélops 583. A Thyatire, on honorait Artémis Bopetrryve6; à Bargylia (Carie), Artémis Muslisç na; en Mysie, Artémis'AQeuprvs 585 Le caractère orgiastique de ces cultes donne beaucoup de force à l'assimilation que nous avons proposée de tolites ces divinités asiatiques avec l'Artémis Persique. DIANA. Comme certaines divinités asiatiques prétèrent quelques traits de leur nature à l'Artémis hellénique, comme à son tour Artémis absorba plus tard certaines divinités d'Asie, de même, au contact de la Grèce et de l'Italie, il se fit une assimilation rapide entre Artémis et Diane, divinité italique ; mais la confusion a été si complète, l'influence grecque si décisive, qu'il est bien difficile de retrouver dans la déesse hellénisée les caractères originaux de la Diane primitive. Si l'on en croit les grammairiens, il faut reconnaître dans le mot Diana la même racine di qui se trouve dans le mot àtéç, génitif de Zeés, dans les mots latins deus, dies, divas, Jovis (Djovis), Diespiter, dies. Diana ne serait que la forme féminine de Djanus (Janus) et désignerait une divinité féminine de la lumière, la Lune, comme Janus en désigne une forme masculine, le Soleil. C'est l'opinion acceptée par Preller 587. Selon d'autres, Diane est simplement la déesse du « jour pur 588 ». Cicéron disait : « Diana dicta quia noctu quasi diem effaceret589 » ; mais on sait ce que valent les étymologies anciennes. Il ne semble pas, d'ailleurs, que ce que l'on connaît des plus anciens cultes de Diane en Italie, hors de Rome et à Rome, s'accorde bien avec les hypothèses de la philologie. Varron ne dit pas quelle était la nature de la Diane Sabine dont le roi Tatius transporta, avec quelques autres, le culte à Rome099; nous n'avons pas de renseignements plus précis sur la Diane qui avait un sanctuaire à Anagnia, dans le pays des Herniques 591, Mais dans ces temples principaux Diane apparaît plutôt comme une divinité de la nature, en particulier des montagnes et des bois : on a retrouvé des traces 592 de son sanctuaire, célébré par Horace 593, sur les flancs du mont Algide ; le mont Corné, près de Tusculum, lui fut aussi consacré dès une très haute antiquité. Le temple de Diane Aricina, le plus important comme le plus fameux, était situé dans la partie la plus boisée des monts Albains, à gauche de la route qui descend d'Aride '9'; on l'appelait Nenaus SD', la forêt, et ce nom est resté au petit lac de Némi, où se mirait la déesse 596. C'est par induction seulement que nous pouvons dire que, dès l'origine, le culte de Diane Aricine était un culte barbare, car les légendes qui s'y rattachent ne nous sont parvenues que fortement hellénisées. Strabon rapporte une tradition qui rapprochait Diane Aricine d'Artémis Tauropole 597; c'est qu'un sanglant usage, noté aussi par Ovide 598, voulait que pour obtenir le sacerdoce du temple d'Aride, on tuât le prêtre en exercice; aussi ce prêtre restait-il toujours en armes, prêt à se défendre contre toutes les surprises. Mais ce qui contribue à rendre plus obscure encore l'intelligence de ce culte, c'est qu'il y était joint le culte de Virbius [vmBtusl. Virbius, à l'origine, était-il une divinité italique, personnifiant le Soleil 599? Toujours est-il que suivant une tradition accréditée depuis longtemps, acceptée par Virgile et Ovide, on reconnaissait en lui le héros grec Hippolyte : Hippolyte, déchiré par ses chevaux, fut ressuscité par Prion et par Diane, et la déesse le cacha dans ses bois impénétrables d'Aricie, lui donnant le nom de Virbius, pour qu'il fût méconnaissable, même à ses chevaux; du reste, aucun cheval ne pouvait pénétrer dans le domaine sacré. Hippolyte devint ainsi un des dieux secondairesa'o. Le nom de Virbius rappelle celui terre-cuite d'une autre de même provenance qui se trouve au musée de Capoue, représentant une femme ailée, vêtue d'une tunique à petits plis, de style archaique et tenant par DIA 155 -DIA des Vires, nymphes des bocages verdoyants, compagnes et servantes de Diane 6°' ; le nom et le culte de la Nymphe Egérie, la conseillère de Numa, se rattachent aussi aux noms et aux cultes de Diane et de Virbius, puisque la nymphe était elle-même une divinité des eaux et des bois 6°2 Mais les divers éléments de la religion d'Aride n'en sont pas moins fort disparates, et les cérémonies mêmes qu'on y célébrait ne sont pas très claires. Les femmes surtout invoquaient Diane Aricine et, leurs voeux exaucés, venaient de Rome, la nuit, portant des torches, consacrer des offrandes603. Diane d'Aricie était d'ailleurs tout naturellement devenue une Diane chasseresse ; aux Ides d'août, sa plus grande fète, alors que le lac reflétait l'éclat des torches, Stace nous dit qu'elle récompensait ses meilleurs chiens, fourbissait ses flèches, laissant une trêve aux bêtes farouches 604. On voit par cette analyse que rien ne semble autoriser à reconnaître une déesse de la lumière dans la déesse d'Aricie, la Diane italique dont le culte réunissait très anciennement autour d'un foyer commun les peuples Latins. Il passait pour avoir été fondé par Manius Egerius de Tusculum, leur dictateur fio5 Diane Tifatina, dont la religion était aussi fort prospère en Campanie, n'est pas non plus une divinité d'essence lumineuse. Elle règne dans une forêt60B, sur le mont Tifata, près de Capoue. Tifata, selon Festus, est le synonyme d'ilicata, un bois d'yeuses 607. Le temple était très fréquenté, comme en font foi les inscriptions, sous l'Empire et aussi sous la République; on sait que Sylla, qui avait battu C. Norbanus près du mont Tifata, témoigna sa reconnaissance à la déesse qui l'avait protégé par le don de vastes domaines, de champs et de sources d'eaux salutaires. Des inscriptions sur la porte du temple et dans le temple rappelaient cette générosité 600. Diane Tifatina fut peut-être à l'origine une déesse locale ou nationale des Campaniens, mais nous ne la connaissons qu'hellénisée. On a retrouvé l'emplacement du sanctuaire, qu'occupe maintenant l'église des Bénédictins, S. Angelo, de Formies; les inscriptions, assez nombreuses et de basse époque, s'adressent à Diane chasseresse 600 Une peinture à fresque du lite siècle, trouvée en 1877, conservée au musée de Capoue, montre la déesse debout, en costume de chasse, ayant près d'elle une biche 610. Des antéfixes de terre-cuite la représentent, selon F. Lenormant, « comme unejeune femme, déesse ou amazone, couverte de vêtements si collants qu'elle semble quelquefois nue, chaussée de bottines, les cheveux longs et tombant épars sur les épaules. Elle a derrière les épaules un carquois retenu par un baudrier qui passe obliquement sur sa poitrine. Sa main gauche tient un arc, et la droite la bride du cheval lancé au galop sur lequel elle est assise du côté du montoir; au-dessous du cheval est figurée une oie » (fig. 2395)6i1.Cette oie °' indique sans doute que Diane Tifatina, de même qu'Artémis, protégeait le gibier et les animaux en général, et ce détail permet de rapprocher cette les pattes de devant deux lions ou panthères qui retournent latête613. Nous avons vu que l'Artémis Persique tient souvent, non seulement des quadrupèdes, mais des oiseaux à long col, des cygnes ou des oies. A Rome même, Diane avait plusieurs temples d'importance inégale. Une simple mention nous fait connaître le temple du Vicus CyprinsG1'. Du sanctuaire situé dans le Vicus Patricius, entre le Viminal et l'Esquilin, nous savons seulement que les hommes en étaient exclus, parce que, disait la légende, un homme voulut faire violence dans le sanctuaire même à une femme et fut déchiré par les chiens de la déesseR9'. Ces chiens étaient-ils consacrés à la divinité lunaire ou à la chasseresse? Un troisième temple, sur le Cceliolus, était très vaste et très vénéré il fut restauré par L. Pison °t0 ; c'était aussi un sanctuaire des familles latines qui y célébraient leurs gentilicia à date fixe, c'est-à-dire aux ides d'août, comme sur le mont Corné à Aride et sur l'Aventin (anniversarii, dit Cieéron6f7). Le même caractère est plus marqué encore dans le culte de la Diane de l'Aventin, Diana zn Aventino, qui était le plus important; elle présidait, à l'origine, à une confédération de peuples latins et protégeait la ville de Rome qui en devenait la capitale. Les historiens 610 s'accordent à faire honneur à la politique de Servius Tullius de cette fondation. Le temple de l'Aventin fut bâti à frais communs par Rome et ses alliés; il devait être un lieu de refuge: chaque année les peuples associés s'y rassembleraient pour leurs sacrifices privés et publics et pour le commerce ; toutes discussions entre quelques-uns d'entre eux seraient soumises à l'arbitrage des autres. La loi de fondation (lex arae Dianac in Aventino 619), gravée sur l'airain, existait encore au temps d'Auguste ; elle fut vue par Denys d'Halicarnasse. Tite-Live paraît dire que le culte fut réglé sur celui d'Artémis Éphésienne, dont la renommée était grande 626 L'idole de la déesse ressemblait du reste à l'idole d'Éphèse 62t. La Diane qu'on voit au revers d'un denier d'Hostilius Sasernafi22, debout, les jambes rapprochées comme dans une gaine, coiffée d'une haute couronne ou d'un calathus, une lance à la main, un cerf courant auprès d'elle, en donne peut-être l'idée (fig. 2396). Les grandes fêtes de Diane de I'Aventin 623 étaient fixées aux ides d'août, anniversaire de la fondation du temple, comme celles de Diane Aricine ; elles étaient célébrées surtout par les esclaves, hommes et femmes, sans doute parce que Servius Tullius, esclave de naissance, avait reçu ce jourlà la liberté, et qu'on donnait en cet honneur congé aux esclaves, peut-être aussi par suite d'un rapprochement entre le mot qui signifie esclave en latin, serves, et le nom du cerf, cervus, consacré à Diane 824. A ces fêtes aussi, les femmes, esclaves ou libres, se lavaient la tête et se purifiaient62G. C'est peut-être le lieu de signaler ici le collège des adorateurs de Diane et d'Antinoüs, dont on a retrouvé les actes à Lanuvium, car il était composé de petites gens, et en particulier d'affranchis et d'esclaves; ce collège se constitua sous Hadrien, en 136. Diane fut choisie comme protectrice des associés, sans doute parce que de tout temps, à Rome, elle avait été invoquée par les esclaves, et aussi parce que, absolument hellénisée depuis plusieurs siècles, elle avait pris comme Artémis un caractère funéraire. On sait que les adorateurs de Diane et d'Antinoüs s'associaient pour assurer leurs funérailles 626. Ainsi Diane Aventinensis, si l'on s'en rapporte à. l'histoire de la fondation de son temple, était une divinité d'origine orientale et surtout une divinité politique; nulle part nous ne trouvons la déesse de la lumière. Lors du grand lectisterne de 399, Diane est associée à Latone et à Apollon [LECTISTEHNIUM] 6"; la religion officielle admettait donc dès ce moment l'identification complète de Diane avec Artémis. La littérature accepta facilement cette confusion, ou plutôt elle la favorisa. Toujours est-il qu'au siècle d'Auguste les poètes, comme les prêtres, ne mettent aucune différence entre les deux déesses. Catulle avait chanté Diane, fille de Latone et de Jupiter, née à Délos; déesse des jeunes garçons et des jeunes filles; reine des montagnes et des fleuves; secourable aux femmes en couches, comme Ilithya, sous le nom de Lucina; Lune, reflet du soleil, comme Séléné, sous le nom de Trivia; Lune favorable aux fruits de la terre; Diane, enfin, protectrice du peuple Romain fiON. C'est bien la même déesse grecque, à qui Auguste 629 donne une place à côté de son frère, Apollon Palatin, sous le nom de Diane Victrix, la même qu'invoque le chant séculaire d'Horace, chant destiné à une grande fête religieuse officielle. Ces litanies sont celles d'Artémis : Diane soeur d'Apollon; Diane chasseresse, reine des forêts ; Ilithya, ou Lucine, ou Genitalis (le nom même est indifféremment grec ou latin); Diane Lune; c'est la déesse aux trois formes, comme il dit ailleurs830. Il suffit de signaler cette identification; sauf dans les Fastes d'Ovide, où le poète cherche à rajeunir la religion etla mythologie nationales, elle est partout complète, et pour toujours, depuis l'Énéide de Virgile jusqu'au poème cynégétique de Gratins Faliscus 631 Comme la littérature, l'art ne connaît qu'Artémis. Les peintres et les sculpteurs, grecs pour la plupart, n'avaient aucune raison de modifier les types de cette déesse qu'avaient inventés les peintres et les sculpteurs de leur patrie, et qu'acceptaient très simplement les Romains. En première ligne vient Diane chasseresse, en costume d'amazone, telle que l'avaient conçue Scopas, Praxitèle et Timothée, caractérisée par ses armes, l'arc et le carquois, DIA 157 DIA par le chien, ou la biche 632. Sur deux cistes gravées de Préneste du ni' et du ne siècle av. J.-C., monuments de l'art italien, mais où l'art grec a mis son empreinte, la déesse est représentée en chasseresse, l'arc à la main; sur l'une des deux cistes on lit à côté d'elle le nom latin Diana (fig. 23971; sur l'autre, elle tient dans sa main droite un jeune porc 633 (fig. 2398). Un remarquable miroir de la collection Castellani 634 offre l'image de Diane, désignée cette fois par son nom grec, ADTVMES (à rebours). Dans sa main gauche elle a une fleur; de la droite elle saisit le bois d'un cerf sur lequel elle est assise; à. côté court un autre cerf; un troisième, plus petit, et un faon paissent dans le bois où la scène est placée (fig. 2399). Au revers de deniers romains dont la face porte la tête de Rome ou celle de Junon, on voit Diane debout sur un char attelé de deux cerfs 635 Les statues mêmes qui avaient dans les sanctuaires de Diane la place importante n'ont pas de trait qui les distingue de l'Artémis grecque. Citons deux statues de Diane trouvées à. Gabies; l'une d'elles, actuellement à. Munich, que caractérisent ses longs vêtements, son voile, sa couronne, le jeune faon que la déesse tient d'une main, tandis que l'autre était sans doute armée de l'arc, était certainement une image destinée à un temple636 (fig. 2400); ensuite, de nombreuses représentations de Diane Luci£ère 637, et enfin de Diane Trimorphe, triformis 838, tripler 639, trivia 640 identifiée aHÉCATE. Quand on étudie la série des représentations de Diane, dans l'ouvrage de Clarac par exemple, il est très difficile de dire lesquelles sont grecques, lesquelles sont romaines, ou pour mieux dire gréco-romaines641. P.PARIS.