Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DIONYSIA

DIONYSIA (~lovuaca.). Les Dionysies ou fêtes de Dionysos ont existé dans tous les lieux où le dieu a été honoré, c'est-à-dire dans tout le monde grec. On sait que la religion de Dionysos [sAecnus], originaire de la Thrace, dont il était une des principales divinités, fut transportée par les tribus méridionales de ce pays dans la région du Parnasse et de l'Hélicon. De là elle se répandit, d'abord chez les races éoliennes et ioniennes, qui l'admirent plus facilement, puis chez les Achéens et les Doriens, où elle eut à triompher d'une hostilité plus vive. Un travail mystérieux d'association, d'un côté avec Zeus et Apollon, de l'autre avec Déméter et Cora, amena Dionysos à s'établir glorieusement à Delphes même, le grand sanctuaire dorien, puis en Attique, vers le commencement de la période la plus brillante d'Athènes. Par suite de progrès plus ou moins anciens et de nature diverse, son culte fut en honneur, pendant toute la durée des temps helléniques, dans le Péloponnèse, vers l'est, dans les îles de la mer Égée et sur les côtes de l'Asie Mineure, vers l'ouest, en Sicile et dans le sud de l'Italie, d'où il s'étendit jusqu'en Étrurie et jusqu'à Rome. Dans la multiplicité des aspects de Dionysos il y en a deux principaux qui déterminent le caractère de ses fêtes : c'est un dieu des mystères et un dieu de la campagne. II peut être les deux à la fois, et l'on ne doit jamais oublier ses rapports originels et persistants avec la vigne et avec le vin; mais une preuve que la distinction est très ancienne, c'est que dans Homère le côté agraire est presque compietement effacé, tandis que le seul passage explicite où il soit question de Dionysos le présente au milieu de la célébration d'un culte enthousiaste'. C'est ce culte qui paraît remonter le plus haut; c'est lui surtout que les Thraces semblent avoir apporté du Pangée et de l'Olympe dans l'intérieur de la Grèce. En Thessalie on ne trouve guère à le signaler que sur un point de l'Achaie Phthiotique. Diodore2 parle des rites orgiastiques célébrés par les nourrices du dieu sur le mont Drios. Mais en Béotie les fêtes sombres et exaltées de Dionysos se multiplient. A Orchomène se célèbrent les Agrionies [AGStoNIA], fètes d'un caractère primitivement sauvage et sanguinaire, en rapport avec une légende des filles de Minyas analogue à celle d'Agavé et de Penthée. Encore au temps de Plutarque un prêtre poursuivait l'épée à la main les femmes de la race des Minyades et pouvait tuer celle qu'il réussissait à saisir 3. Il y avait aussi des Agrionies à Thèbes à Argos, et probablement encore dans d'autres villes. Une fête mystique célébrée par les femmes à Tanagre s'en rapprochait'. Des victimes humaines avaient de même été sacrifiées au dieu, au moins à l'origine, à Potniae en Béotie à Pa.trae' dans la Péloponnèse, dans les îles de Chios, de Lesbos, de Ténédos, de Crète Ce sont les triétérides thébaines [TIIÉTÉRIDES] qui dans les traditions religieuses et littéraires de l'antiquité représentent principalement le culte orgiastique de Dionysos'. Elles se célébraient dans les replis du Cithéron, surtout pendant la nuit, à la clarté des torches. Les femmes seules y prenaient part; couronnées de lierre, revètues de nébrides, la chevelure flottante, agitant des thyrses et frappant sur des tambours, elles se livraient à des danses et à une agitation furieuse sur la montagne, en invoquant le dieu à grands cris. La poésie et l'art ont souvent traité, en l'embellissant et avec une liberté croissante, un sujet si favorable aux effets plastiques. Dans le bas-relief qui est ici reproduit (fig. 2419)10 on voit des Ménades dansant; plusieurs d'entre elles tiennent dans leurs mains des couteaux et des animaux qu'elles ont mis en pièces ; celle qui est au milieu dans la gravure parait être l'imitation d'une oeuvre célèbre de Scopas 11, qui donna à ce type sa plus belle expression; les autres femmes, dans le basrelief, portent des couronnes et des thyrses et conservent une certaine gravité dans leur vêtement et leur attitude, qui contraste avec les mouvements désordonnés des bacchantes dans la plupart des scènes semblables représentées par la sculpture et par la peinture [MAENADES, Les actes les plus saints et les plus secrets de ces fêtes enthousiastes s'accomplissaient la nuit". C'était vers le solstice d'hiver 13, pendant les nuits les plus longues et les plus froides de l'année. On y faisait des sacrifices avec des rites particuliers, auxquels servaient divers objets mystiques. Nous ne pouvons déterminer ces différents points avec précision. Indépendamment de l'insuffisance des témoignages, ces cultes mystiques de Dionysos ont varié suivant les lieux et les temps ; ici plus sauvages, là plus adoucis, ils ont subi l'influence des religions voisines ou analogues, par exemple de CYBÈLE, de SABAZIOS, de ZAGSEUS, le dieu crétois adopté par l'orphisme. Ce qui paraît vraisemblable, c'est que ces rites divers se rap 231 ) t ll t % t \1,\ ' '! L',:„' D10 portaient à deux idées mystiques principales, qui ellesmêmes relevaient d'une idée commune. Dionysos était considéré comme le dieu de la nature, de la végétation, pendant sa période annuelle de mort, c'est-à-dire pendant l'hiver : il la représentait dans sa souffrance et dans sa mort, il mourait, il disparaissait lui-même. Les rites étaient en partie la reproduction des différentes légendes. Le récit le plus explicite est donné par un écrivain chrétien du Ive siècle, Julius Firmicus Maternus ". Il est intéressant d'y voir combien la mythologie orphique avait pénétré dans les triétérides crétoises. On y représentait la mort de Bacchus enfant. On arrachait avec les dents la chair d'un taureau vivant; on remplissait de lamentations furieuses la solitude des forêts; on portait en procession la ciste où Pallas avait caché le coeur de son frère déchiré par les Titans; on imitait avec le son des flirtes et des cymbales celui des jouets qui leur avait servi à tromper le jeune dieu. Le Dionysos thébain d'Euripide déchire des boucs et mange leur chair crue t°. C'est l'omophagie telle que nous la montre la peinture d'un vase de l'ancienne collection Blacas, actuellement au Musée Britannique (fig. 2420)t6. On y voit Dionysos, debout devant un autel, D10 tenant dans ses deux mains les morceaux d'un faon lacéré ; il est entouré de Satyres et de Ménades. Il y a à distinguer les traditions barbares ou mythologiques, conservées dans certaines contrées ou recueillies par les poètes, des rites imitatifs accomplis aux temps historiques dans la Grèce civilisée. Cependant les transports faisaient réellement partie de toutes ces fêtes. Les femmes, à qui la célébration en était exclusivement confiée, étaient les Bacchantes, héritières des anciennes Ménades, les Thyiades, comme on les nommait à Delphes, les Lénées, nom d'origine arcadienne; mots qui expriment tous clairement, sauf le dernier, le caractère d'emportement violent et d'enthousiasme du culte qu'elles rendaient. Le dieu luimême, auquel s'adressent leurs invocations passionnées, c'est Bacchus, Baccheus, Baccheios, Bacchios, c'est-à-dire le dieu des transports. Plusieurs points importants paraissent bien établis, surtout par les études de A. Rapp i7. Au moins dans la Grèce propre, dont il faut distinguer la Macédoine et l'Épire, les Thyiades étaient en nombre restreint, désignées dans les différentes villes pour cet emploi, réunies en collège ou formant une théorie d'où les vierges étaient exclues; enfin, d'après les témoignages historiques qu'il faut bien séparer des fictions de la poésie et de l'art, l'enthousiasme des Bacchantes était beaucoup plus réglé qu'on ne le suppose communément. Les Bacchantes en Macédoine s'appelaient Clodones et _Mitnallones, en Thrace Bassarides. Chez elles la fureur bachique atteignait le dernier degré. Au témoignage de Plutarque te, toutes les femmes de ces pays en étaient possédées, et Olympias, la mère d'Alexandre, se distinguait entre toutes par sa passion. Au milieu des évolutions des thiases qu'elle organisait, on voyait sortir du lierre et des vans mystiques de grands serpents apprivoisés qui s'enroulaient autour des thyrses et des couronnes. Dans la Grèce propre, avec les triétérides thébaines, les plus célèbres étaient celles de Delphes. Elles ont été souvent chantées par les poètes 19. La troupe des Thyiades, composée de femmes d'Athènes et de Delphes, parcourait avec des torches la région du Parnasse voisine de la grotte Corycienne, souvent dans la neige, pendant les nuits glacées d'hiver. Elles appelaient à grands cris Bacchus enfant, porté dans le van mystique, et elles imploraient son réveil 20, c'est-à-dire le réveil de la nature endormie et morte. A Delphes même, le collège des Purs (°Oetoi) offrait me sacrifice au tombeau de Bacchus, qui était dans le temple d'Apollon. A ce moment, sans doute, retentissait le dithyrambe, le chant de Dionysos, qui dans ce partage du culte entre les deux divinités remplaçait, nous dit-on 2t, le péan pendant les trois mois Les triétérides dionysiaques étaient célébrées dans beaucoup de villes grecques 22. Il semble naturel de supposer qu'elles existaient partout où un culte enthousiaste et sombre du dieu nous est indiqué par des rites et par des noms particuliers. Ainsi, pour le Péloponnèse, les noms de Baccheios à Sicyone et à Corinthe, de Nyctélios à Mégare, de Mélanaigis à Hermione, sous lesquels Dionysos était honoré, sont par eux-mêmes significatifs. Il en est de même de la fête très importante des i'hyia en Élide, où les femmes appelaient le dieu-taureau qui précipite sa marche furieuse 23, de la fête nommée Shiéria qui se célébrait à Aléa, en Arcadie, et qui comprenait parmi ses rites une flagellation de femmes 24, de la fête nocturne célébrée à Pallène, en Achaïe, en l'honneur de Dionysos Lainpter 25, Argos, qui était, avec l'Élide, le principal siège du culte enthousiaste de Bacchus dans le Péloponnèse, célébrait des agrionies, où ta légende remplaçait les trois Minyades d'Orchomène par les trois Proetides et attribuait au devin DIO 232 D10 Mélampus un rôle capital. La même ville consacrait encore à Dionysos deux autres fêtes qui paraissent avoir été orgiastiques. L'une, à l'embouchure de l'Érasinus, portait le nom caractéristique de Tyrbé 26; l'autre, près de Lerne, marquait fortement dans ses rîtes et ses symboles, dans des mystères où se trouve aussi la trace des rapports du (lieu avec la grande déesse d'Éleusis 27, le caractère de Bacchus, considéré comme dieu de la vie animale et végétale. C'est ce qu'exprimaient des rites phalliques en rapport avec l'obscène légende de Prosymnos et un genre particulier d'invocation adressé à Dionysos Bougées. Les Argiens l'appelaient au son des trompettes; ils l'invitaient à sortir des marais de Lerne, des eaux sans fond, où ils avaient précipité une brebis noire pour fléchir Hadès Pylaochos, le gardien de la porte des enfers 28. Sparte ellemême admit le culte orgiastique de Bacchus, si l'on en croit le témoignage de Virgile", et le Taygète vit les transports des vierges lacédémoniennes. On ne peut oublier dans la liste des fêtes dionysiaques celles qui se célébraient à Delphes tous les neuf ans et qui portaient les noms d'nÉRoïs et de CHARILA 30. Peut-être faudrait-il y joindre les HALOA, célébrées à Éleusis et probablement ailleurs, qui, d'après A. Mommsen, avaient trait à la seconde naissance de Bacchus. Ce savant pense même 31 que ce nom a été communément donné en Attique, et par extension dans d'autres pays grecs, aux triétérides. Toutes ces fêtes étaient des formes mystiques des Dionysies. Les énumérer toutes, si nous étions en état de le faire, ce serait suivre dans une grande partie de son développement la religion de Bacchus. On les retrouverait dans les îles de la mer Égée, où partout la culture de la vigne était florissante; particulièrement à Naxos, grand centre dionysiaque, célèbre par la légende d'Ariane, une des patries prétendues du dithyrambe, où l'on mentionne une statue de Dionysos Baccheus en bois de vigne 3t, et à Rhodes, où Dionysos Thyonidas était honoré avec des rites phalliques dans des fêtes brillantes". En Asie Mineure elles s'unirent avec les cultes mystiques de Mysie, de Bithynie, de Phrygie et de Lydie. De même, dans l'ouest, le culte mystique de Dionysos dut se propager en suivant le mouvement de la colonisation. Il pénétra ainsi à Corcyre, en Sicile, dans l'Italie méridionale, en Campanie, en Étrurie, et jusqu'à Rome, où ses excès furent réprimés par le sénatus-consulte sur les Bacchanales rendu en l'année 186 av. J.-C. [RACCHANALIA]. Aux fêtes enthousiastes de Dionysos Baccheios se liait et s'opposait à la fois le culte de Dionysos Lysios, le dieu qui délivre, soulage et calme. Ce nom, qu'on a quelquefois entendu dans un sens politique ou moral 32, avait une signification religieuse : il exprimait la délivrance de la fureur dionysiaque, l'apaisement des âmes qui en étaient possédées. A Thèbes, le temple de Dionysos Lysios, élevé près des portes Proetides, ne s'ouvrait qu'une fois par an 3S. De Thèbes, son culte s'était transporté à Phlionte, à Sicyone, où il donnait lieu à une procession nocturne 36, et à Corinthe. Le même sens paraît devoir être attribué aux noms bleilichios à Naxos, Saûtès à Trézène et à Lerne, Éleu théreus à Eleuthères, Eeeuthéros à Platée et Ëpéleuthéros à Naupacte. La légende du Dionysos Éleuthéreus, c'est-àdire simplement du Dionysos d'Éleuthères, est significative. Le dieu apparaît revêtu d'une peau de chèvre noire (Mélanaigis) aux filles d'Éleuther n. Elles se moquent de ce costume et il les punit en les livrant à un égarement qui ne prend fin que lorsque leur père, obéissant à un oracle d'Apollon, a fait accepter le culte de Dionysos Mélanaigis et accompli des rites de purification. Bacchus apaise donc, par le ministère de son prêtre, les transports furieux qu'il a excités. Eleuthères, situé dans un défilé du Cithéron, était le siège d'un culte enthousiaste de Dionysos, où le symbole phallique était admis 38, et qui se terminait sans doute par une cérémonie de purification dans le sanctuaire du dieu libérateur. Ce culte de Dionysos Éleuthéreus mérite une attention particulière à cause de ses rapports avec le théâtre athénien à son origine. Dionysos, dieu de la vie, préside à la végétation; il est particulièrement le dieu de la vigne et du vin. Cette conception entra pour beaucoup dans la pensée et dans les rites de ses fêtes orgiastiques; mais il était naturel qu'elle eût son expression particulière dans des fêtes agraires, nullement sombres, au contraire joyeuses, en rapport avec la culture de la vigne et la fabrication du vin. Ces fêtes, célébrées à la campagne, pénétrèrent aussi dans les villes. Il y avait des fêtes du vin, nommées Théodaisia39, à Mitylène; on y distribuait du vin dans un banquet. Il y en avait à Andros, où le vin coulait d'une source merveilleuse t9, à Cyrène ", en Crète 4d. La dorienne mais voluptueuse Tarente était, nous dit Platon''', tout entière ivre pendant les Dionysies. A Mycone, une inscription" prescrit pour le douzième jour du mois Lénaeon un sacrifice à Dionysos Lénéen. La fête argienne appelée Tyrbé, qui a été mentionnée plus haut comme ayant peut-être un caractère orgiastique, justifierait encore mieux son nom, si on l'expliquait par le bruit et les danses folles de ceux qui célébraient la fête du vin". La partie la plus caractéristique de ces fêtes, rurales ou urbaines, qui avaient lieu dans presque toute la Grèce, consistait en phallophories, c'est-à-dire en processions où l'on portait le phallus, symbole de la force productrice. A la campagne, le cortège joyeux, formé des yavvq'7xt et réunissant toute la famille, hommes et femmes, maîtres et DIO 233 DIO esclaves Y6, s'avançait vers l'autel ou le temple de Dionysos (fig. 2421). Des jeunes filles [0ANÉPIIORAE] portaient sur leur tête dans des corbeilles les ustensiles du sacrifice et des gâteaux pour les offrandes; on apportait aussi des vases pleins de vin, des paniers de figues, des pommes; on conduisait la victime, un bouc. La marche était accompagnée par les chants phalliques en l'honneur de Phalès, le gai et licencieux compagnon de Dionysos, personnification du phallus. Il faut se figurer, en outre, des bouffonneries de toute sorte, favorisées par des déguisements et des costumes, des plaisanteries tirées de la fête, des échanges de railleries entre les acteurs et les spectateurs. Ainsi était reproduit d'une manière grotesque le thiase de la mythologie [TnlAsus], c'est-à-dire la troupe des suivants de Bacchus, satyres, ménades, etc. (fig. 2422) 47. Il ne faut pas douter que les sujets bachiques représentés sur un si grand nombre de monuments, où l'on voit des satyres, des silènes, des nymphes, des ménades, etc., ne rappellent ce qui se passait en réalité dans les Dionysies. Les auteurs nous apprennent que ceux qui prenaient part aux fêtes revêtaient tous ces déguisements u. Ces bouffonneries grossières, phallophories, danses et chants licencieux, n'ont jamais cessé de faire partie du culte attique dont elles sont une partie essentielle 4B. Après le banquet, suite naturelle du sacrifice, le cortège revenait, excité par le vin, plus hardi et plus agressif. C'était proprement le cômos. Les phallophories pénétrèrent dans les villes. Elles existaient dans un grand nombre d'entre elles au temps d'Aristote'0. C'est d'un développement des chants phalliques et du cômos, suscité par la licence d'une révolution démocratique vers la 45e olympiade, que naquirent à Mégare les premières ébauches de la comédie grecque 3f. Susarion passait pour les avoir transportées vers la 50e olympiade dans le dème attique d'Icaria [coMOEDtA]. Une autre ville dorienne, Sicyone, était célèbre par l'éclat de ses phallophories. Un témoignage explicite s3 les montre en possession du théâtre au nie siècle, dans un temps où le drame avait achevé son développement. On y voit décrit le custume des phallophories et des ithyphalles avec la marche de la fête ; on y trouve des chants traditionnels, et le souvenir du Tôthasmos, c'est-à-dire de ces apostrophes mordantes et souvent obscènes adressées aux III. spectateurs, dont l'ancienne comédie attique avait conservé aussi la tradition. Sicyone n'avait pas obtenu une moindre célébrité par l'importance qu'y avait prise dans les fètes de Bacchus le dithyrambe, le chant particulièrement consacré à ce dieu [DITHYRAMBUS, THAGOEDIA]. Hérodote' 3 nous fait connaître à la fois le caractère dramatique que le dithyrambe avait déjà avant la tyrannie de Clisthène au vie siècle, et la passion qu'excitaient ces sortes de représentations, qui formaient sans doute dès ce temps la partie principale de la fête. Il nous apprend aussi que le dieu admit au partage de son culte un héros, d'abord Adraste l'argien, puis le thébain Mélanippos. Enfin Hérodote désigne les choeurs cycliques du dithyrambe par le nom de tragiques, qui nous reporte en même temps au dithyrambe d'Arion et à la tragédie. Avec Sicyone, il faut rappeler, comme sièges de fêtes brillantes où l'on chantait des dithyrambes, Naxos, Thèbes, Corinthe, qui se disputaient l'honneur d'avoir inventé ce genre de poésie. A Corinthe avaient été exécutés les dithyrambes d'Arion ; au nom de cette ville il est naturel de joindre celui de Phlionte, qui lui était unie ainsi qu'à Sicyone par le rapport des cultes dionysiaques et qui fut la patrie de Pratinas, célèbre par ses drames satyriques. DIONYSIES ATTIQUES. De toutes les fêtes de Dionysos, les plus importantes, de beaucoup, furent les fêtes athéniennes. Leur développement coïncide avec celui de la puissance d'Athènes; elles furent le témoignage le plus éclatant de sa prospérité et de sa grandeur politique, et c'est grâce à elles que les oeuvres qui ont fait sa gloire poétique purent se produire. Cependant le dieu ne fut pas admis de bonne heure dans la cité, et il dut se contenter, pendant longtemps, des humbles fêtes de la campagne. Les dèmes de la Diacrie, particulièrement favorables à la culture de la vigne et voisins de la Béotie (Sémachidae, Icaria, Phlya, Oenoé, Marathon, etc.), reçurent d'abord le nouveau culte et se distinguèrent, surtout les deux premiers, par leurs fêtes. Une légende''` qui fait de Sémachos l'hôte de Dionysos, sous le règne d'Amphictyon, et où le dieu fait cadeau de la nébride aux filles de celui-ci, qui deviennent les prêtresses du nouveau culte, autorise à penser que les triété rides orgiastiques pénétrèrent très anciennement dans le dème de Sémachidae. Sans doute aussi ce dème fournit un contingent à la troupe des thyiades athéniennes envoyées au Parnasse. Icaria avait une légende analogue à celle de Sémachidae43. De mème, dans une très halite antiquité, sous le règne de Pandion, Dionysos, arrivant en Attique, avait pour hôte l'éponyme du dème, Icarios, et reconnaissait son hospitalité par un présent. De mème aussi à ce présent est attachée l'idée de rites et de fureurs orgiastiques. Le meurtre d'Icarios par les bergers ivres, la mort d'Érigone qui cherche son père et se pend de désespoir quand la chienne Maira lui a montré le cadavre, l'égarement des jeunes filles qui vont elles-mêmes se pendre dans le bois, enfin le sacrifice et la fête expiatoire prescrits par l'oracle d'Apollon, tous ces détails de la légende éveillent l'idée de cultes analogues à ceux de Dionysos Baccheus et de Dio 30 DI0 -23'rDIO nysos Lysios, bien que ces noms ne figurent pas dans les témoignages des auteurs, Aux fêtes d'Icaria, un rite symbolique de purification consistait à suspendre aux branches des arbres, en souvenir du genre de mort des jeunes filles, des poupées qui se balançaient. C'est ce qu'on appelait ATOHA. Les oscu,:.A chez les Latins étaient la reproduction de cette coutume. C'était de même une image mythique ou un symbole de la vigne suspendue aux arbres. Peutêtre chantait-on dans ces cérémonies l'filétis, le chant de l'errante, c'est-à-dire le chant sur Érigone errant à la recherche de son père. il semble probable cependant que dans les fêtes d'Icaria, l'expression de la joie fut dominante. Entre autres divertissements, les vignerons dansaient sur des outres gonl'Ides d'air et enduites d'huile. C'était l'ascolias7nos, dont l'origine était attribuée à Icarios [ASxor.IA] 66. L'importance des Dionysies d'Icaria s'accrut encore lorsque Susarion y eut apporté, vers la 50e olympiade, la farce mégarienne. Quelques années après, l'icarien Thespis tirait du dithyrambe les premiers essais du drame tragique. Ainsi ce dème, qui réunissait les deux aspects des fêtes de Dionysos, eut le double honneur d'attacher son nom à l'apparition de la comédie en Attique et à la naissance de la tragédie. Ces joyeuses fêtes de la campagne s'appelaient THÉOINIA Meofvta), fêtes du dieu du vin". Elles prirent le nom de petites Dionysies, lorsque les grandes Dionysies eurent été instituées à Athènes. On en attribue l'introduction au roi Amphietyon, contemporain d'Érechthée", Elles existaient dans beaucoup de dèmes, même dans ceux où la culture de la vigne rie paraît pas avoir été bien florissante. Ainsi l'on se figure difficilement des vignobles dans le dc.me de Collyte, qui n'était qu'un fauhoirg d'Athènes. Il faut bien cependant qu'il ait eu ses DionG ies, puisque n'est lu que l'orateur Eschine jouait dans sa jeunesse les pièces de Sophocle et fournissait à Démosthène l'occasion de l'appeler (X'nomaus de campagne. On ne donnait dans les dèrnes que des pièces qui avaient été représentées à la ville. H est question aussi de représentations à Phlyese9, il. Salamine 60, à Éleusis à Aixoné n et ailleurs, où leur existence est attestée par des inscriptions ou par des restes de théétres. Celles du Pirée 63, grâce à son importance et à sa proximité, en vinrent à rivaliser avec celles d'Athènes. On dit qu'Euripide y donna des pièces 64. Les Dionysies du Pirée devinrent des bites officielles soutenues par l'État. Des actes publics les mentionnent dans leur ordre, avant les Lenéennes67 Les éphèbes, comme des inscriptions d'époque postérieure en font foi, portèrent des offrandes et sacrifièrent au Dionysos du Pirée comme au dieu de la ville. L'omission des Lénéennes dans la suite de fêtes donnée par une inscription66 a fait supposer" que la fête athénienne avait pu alors être éclipsée par la fête du Pirée. Les Dionysies de la campagne et les Dionysies du Pirée avaient lieu en Posidéon 68. Le démarque dans chaque dème présida toujours aux premières. C'étaient des fêtes d'hiver, où l'on goûtait, sur le lieu de production, le vin nouveau déjà fermenté. Parmi les fêtes locales, une place particulière doit être réservée aux Brauronies. La divinité principale de Brauron était Artémis; mais après que la statue d'Artémis Brauronienne eut été enlevée par les Perses et son sanctuaire transporté dans l'acropole d'Athènes, le culte d'Artémis déclina à Brauron, et celui de Dionysos, qui était alors dans toute sa force d'expansion, s'y substitua, au moins en grande partie 69. La fête se célébrait, à une date que nous ignorons, tous les cinq ans. Athènes y envoyait une députation sacrée et la faisait rentrer dans l'administration des Hieropes [mêluoPEs] Y0. Elle se distinguait par son caractère licencieux. Des hommes ivres y enlevaient des courtisanes''; souvenir très dénaturé sans doute d'un rite du culte d'Artémis et du fait, raconté par Hérodote", qui y avait donné lieu. On y célébrait des jeux, parmi lesquels il y avait un concours de rapsodes [HHAtutoxlx] n. Oscho hories Oc oml ra C'était une fête brillante qui se célébrait dans les premiers jours de Pyanepsion et par laquelle on préludait aux vendanges. Son nom venait de ce qu'on y portait en procession des pampres garnis de grappes (êsjat ou dcyooç). Thésée, disait-on, l'avait instituée à son retour de Crète, et Ariane était associée à Dionysos dans cet hommage d'un genre particulier. Cependant c'était Athéna Skiras, protectrice des oliviers, qui occupait avec le dieu la place principale dans la fête. Son temple était à Phalère; c'est au port de Phalère, le plus rapproché d'Athènes, que Thésée avait abordé. Nous avons sur les Ose'hophories un certain nombre de renseignements qu'on a pu rapprocher et interpréter de manière à essayer de rétablir l'ensemble des cérémonies". Chacune des dix tribus de Clisthènes choisissait deux éphèbes appartenant aux meilleures familles et ayant leurs pères et leurs mères, dignes, par conséquent, d'après les idées grecques, de représenter la cité. C'étaient les oschophores, au nombre de vingt. Ils représentaient les enfants que Thésée avait emmenés en Crète et qu'il avait rendus, contre toute espérance, à leurs parents. D'après la légende, l'envoi destiné au Minotaure devait se composer de sept garçons et de sept filles, mais Thésée avait augmenté de deux le nombre des premiers, en les habillant en femmes. C'est en souvenir de cette ruse, que deux éphèbes portaient des costumes féminins. D'après le texte de Plutarque, il semble que seuls ils étaient, à proprement parler, les oschophores. Seuls ils portaient les ceps garnis de grappes; ils s'avançaient les premiers et étaient suivis par sept compagnons, les sept garçons traditionnels. Si l'on suppose qu'un huitième faisait le rôle du héraut que Thésée avait envoyé à la ville porter la nouvelle du retour et qui était revenu vers lui sans couronne sur la tête, à cause de la mort d'Égée, mais son sceptre tout orné de feuillage, à cause de l'heureux retour des enfants, on complète le nombre de dix, ce qui fait la moitié des oschophores. On arrivera au chiffre total, si l'on admet qu'ils se divisaient en deux troupes, dont chacune remplissait les dix rôles qui viennent d'être indiqués. Dans la procession figuraient encore les dei/anaphores, nom donné aux mères des vingt épi-nitres. Elles portaient des vivres qui leur étaient destinés, en souvenir des mères qui avaient accompagné jusqu'au ri DIO 235 D l O nage les enfants emmenés par Thésée et leur avaient porté des provisions. La procession s'avancait en chantant les chants oschophoriques et se rendait du temple de Dionysos à Athènes, probablement le vieux temple de Limnae, au temple d'Athéna Skiras à Phalère. Pendant ce long trajet, il y avait des courses; les éphèbes luttaient deux à deux, et chacun des dix vainqueurs obtenait pour prix le droit de goûter d'une boisson composée de vin, d'huile, de miel, de farine et de fromage 1°, les cinq produits principaux. Les ceps de vigne étaient déposés dans l'Oschophorion, et des cérémonies que nous ne connaissons pas se célébraient dans l'intérieur du temple. Elles s'appelaient Skira. Ce nom s'étendait peut-être à toute la fête. Il y avait sans doute un banquet fait avec les vivres fournis par les deipnophores, et peut-être le retour s'accomplissait-il sous la forme libre du cômos. A. Mommsen suppose" avec vraisemblance, d'après quelques indications, que, de même qu'on portait à Athéna le cep garni de grappes, attribut de Dionysos, de même on rapportait à Apollon, dieu des Pyanepsies, le rameau d'olivier entrelacé de laine (ripEaitirvYl), attribut d'Athéna Skiras. Le retour des oschophores de Phalère à Athènes figurait celui de Thésée accompagné des enfants. Arrivé dans la ville, le héros avait, rendu les derniers devoirs à son père Égée : il y avait des rites funèbres et un banquet, le banquet de Thésée, qu'organisaient les Phytalides et auquel les oschophores prenaient part ainsi que les deipnophores. Soit dans les cérémonies de la ville, soit plutôt dans celles qui avaient eu lieu dans le temple d'Athéna, la libation était accompa gnée de cris de douleur et de joie (raE),EÛ, là, ioé), en sou venir de la mort d'Égée et de l'heureux retour des enfants 78, Dans un calendrier liturgique, dont les figures sont disposées en frise, découvert à Athènes79, le mois Pyanepsion est, caractérisé par un homme qui tient une branche de vigne avec ses grappes et qui foule le raisin; il est placé entre un jeune garcon q uiporte l'eiresioné et une femme chargée d'une corbeille, sans doute une deipnophore (fig. 2i23). Les trois grandes fêtes de Dionysos à Athènes étaient les Anthestéries, les Lénéennes et les Grandes Dionysies. Les deux premières, plus anciennes, avaient le caractère le plus religieux. ANTHESTÉIIES. Thucydide e° dit que les Anthestéries sont les plus anciennes Dionysies ; par rapport, sans doute, aux deux autres grandes fêtes urbaines. Le culte de Dionysos s'est introduit en Attique par les dèmes, et la tra dition suivant laquelle Pégasos apporta la statue du dieu d'Éleuthères dans le temple de Limnae et Apollon imposa aux Athéniens le culte de la nouvelle divinité, éveille l'idée de fêtes antérieures à l'organisation des Anthestéries, où le Bacchus Éleuthérien joue un rôle important. 11 n'en est pas moins vrai qu'un caractère d'antiquité est fortement marqué dans les Anthestéries par la double nature de la fête, gaie et brillante comme il convient à la fête des fleurs, mais aussi mystérieuse et triste. Les jours pendant lesquels elle se célébrait étaient néfastes (utaoxl, àotsfp~~E,) ; on fermait les temples et certains rites s'adressaient aux morts. Sous ces formes s'exprimait un sentiment profond, inc émotion, une crainte en présence du double mystère de la nature renaissante et de la fermentation du vin accomplie. 11 fallait conjurer la colère des puissantes divinités qui présidaient à ces grands faits. Il fallait aussi s'associer aux épreuves de certaines d'entre elles et à leur étrange destinée. Cette religion complexe comprenait beaucoup d'idées qu'il est difficile d'analyser avec précision. Les plus anciennes avaient pu s'effacer dans l'esprit des Athéniens eux-mêmes. D'autres étaient venues les remplacer ou les modifier, par le mouvement des croyances, par l'action du temps et des changements politiques. Les Anthestéries duraient trois jours, du 11 au 13 du mois Anthestérion, qui leur devait son nom. Chacun de ces jours avait un nom particulier : la pithoigia (IL9otyïd.), les chocs (Xoocl, les chaires La PITHOIGIA, c'est-à-dire l'ouverture des vases où se conserve le vin ea. -Le travail de la fermentation est assez avancé pour que l'on commence à boire. C'est une fête pour toute la famille. Tous sont admis au sacrifice; les enfants, à partir de l'àge de trois ans, y assistent, couronnés de fleurs" : tous, ce jour-là, et sans doute aussi les deux jours suivants, ont leur part des présents nouveaux du dieu, de l'abondance, de la joie, de la liberté qu'il dispense. Les esclaves eux-mêmes n'en sont pas exclus: de là le proverbe : « Dehors, Cariens (c'est-à-dire esclaves)! les Anthestéries sont finies eb. » Il semble, en effet, que le lendemain des Anthestéries soit la date où recommencent les travaux des champs, et aussi des travaux d'un autre genre, puisque c'était le moment où se payaient les honoraires des sophistes". Eux-mêmes ils avaient l'habitude d'inviter Ieurs amis pendant ce temps de vacances, sans doute le second jour. La Pithoigia était par nature une fète domestique, primitivement célébrée à la campagne près des lieux de production de la vigne". Elle était devenue aussi une fête urbaine et une fête publique. L'archonte-roi y présidait, comme au reste des Anthestéries 87, dont elle était, en quelque sorte, la préparation. Il se tenait à la ville un marché, où se vendaient le vin nouveau apporté de la campagne, les vases en terre qui devaient servir pour les Choés et pour les Chytres, et d'autres ustensiles 8s. D'oit la présence d'agoranomes, attestée par une inscription de l'époque impériale 89. C'était (les chariots qui avaient transporté ces différentes marchandises que partaient les D10 -236-Dl0 plaisanteries libres et les quolibets grossiers dont il est Il est difficile de dire à quel jour des fêtes il faut rapporter les représentations que l'on rencontre sur un assez grand nombre de vases peints. Dans quelques-uns on voit des femmes occupées à puiser dans des cratères ou des amphores du vin qu'elles versent dans des vases à boire. Ces vases servant de cratères sont placés sur une table devant une image grossière de Bacchus, consistant en un pilier ou un pieu enveloppé d'une draperie, avec un masque et une barbe; d'autres fernmes, prêtresses ou ménades, apportent des offrandes ou dansenitat en agnt des thyrses, des flambeaux et des instruments de musique (fig. 2424) 91. Dans ces peintures on retrouve sans doute même forme primitive et rustique; il est figuré comme un beau jeune homme imberbe, ordinairement nu; devant lui est placé un cratère dans lequel une prêtresse verse le vin avec une patère, au lieu de puiser et de remplir d'autres vases, comme dans les peintures précédemment citées. C'est sans doute le mélange du vin avec l'eau, qui se faisait pour la première fois le jour de laPithoigia9'. Une de ces peintures ici reproduite (fig. 2'4251" montre, avec le mélange du vin en présence de Dionysos et des ménades dansant au son des cymbales et des tambourins, le sacrifice d'un bouc sur un autel devant l'image archaïque de Dionysos barbu, et sur une table adossée à. l'autel sont apportées les offrandes non sanglantes. Enfin une ménade tient un flambeau au-dessus de la tête d'un personnage assis un souvenir des rites des Dionysies agraires, qui s'accomplissaient soit au jour de la Pithoigia, soit dans celui des Choës32. Dans d'autres peintures93 le dieu n'a plus la dans une attitude qui, dans l'art ancien, caractérise ordinairement la douleur : c'est la lustration par le feu, et le masque (oscilletm) suspendu auprès du même groupe DIO 237 DIO rappelle la lustration par l'air également usitée dans les rites bachiques [LUSTRATIO, AIORA, OSCILLA] n. Les rites expiatoires sont mis ici en connexité avec les fêtes du vin, comme ils l'étaient réellement aux Anthestéries. Les Choës et les Chytres étaient des jours néfastes" en même temps que des jours de réjouissance. Les cnous. C'était le jour le plus important. Le nom s'employait pour désigner toute la fête. Si les Chytres prêtent peut-être à la même observation, le fait est certain pour les Choës; et cette confusion ajoute à la difficulté que l'on éprouve à répartir exactement dans les trois jours les détails transmis par les témoignages anciens. Il y avait sur l'origine de la fête des Choës une antique légende conservée par Phanodème". Le roi Démophon, voulant donner l'hospitalité au parricide Oreste, sans cependant l'admettre aux cérémonies sacrées ni aux libations avant le jugement de l'aréopage, institua à cet effet un banquet d'une espèce particulière. II fit fermer les temples, ordonna de placer près de chaque convive un grand pot de vin (;t6(z) et proposa pour prix un gâteau, destiné à celui qui aurait bu tout son vin le premier. Après le banquet, les buveurs, ayant été sous le même toit qu'Oreste, ne pouvaient pas pénétrer dans le temple pour y déposer les couronnes qui avaient ceint leurs têtes ; mais chacun devait mettre la sienne autour de son pot et la porter dans l'enceinte sacrée du temple de Limnae pour la remettre à la prêtresse. Ensuite il offrait au dieu en libation ce qui était resté au fond du vase. C'est ce retour des buveurs qui est représenté sur un petit chous athénien (fig. 2426) : on les voit portant leurs pots couronnés de lierre; le personnage principal est désigné par le nom de Ks ivio2 ; celui qui le soutient porte le nom de NEANIAE; devant eux est ❑AIAN, qui les éclaire avec un flambeau ". Euripide n'a pas manqué d'introduire ces souvenirs dans son Iphigénie en Tauride f00 et de décrire les rites de ce banquet d'Oreste. Si l'on tient sa description pour exacte, les convives buvaient en silence et isolés, chacun à sa table. Cette lutte de buveurs était présidée par l'archonte-roi lui-même 161. Chacun apportait ses provisions et son pot de vin. Ce n'en était pas moins une fête publique, à laquelle l'État subvenait par une distribution d'argent 102, et que dirigeait le prêtre de Dionysos. Le héraut proclamait ]e commencement, la trompette donnait le signal, et la lutte avait lieu. a Écoutez, peuple, dit le héraut d'Aristophane : selon la coutume des ancêtres, buvez les pots au son de la trompette... A Les juges décidaient et le vainqueur recevait de l'archonte-roi une outre de vin. Phanodème 103 indique pour prix un gâteau. L'outre de vin a-t-elle été, à une époque quelconque, disputée par une sorte d'ascoliasmos? C'est ce qu'affirme Suidas Bien qu'un pareil divertissement ne s'accorde guère avec le caractère du rite primitif, il semble que le banquet ait été l'occasion d'amusements et de fantaisies joyeuses inspirées par le vin. Ce banquet public des Choës avait lieu dans le Lénaeon. A. Mommsen s'efforce de prouver que c'était dans le théâtre même de Bacchus. Il y avait en outre des banquets particuliers, que préféra sans doute, avec le temps, la partie la plus distinguée de la société athénienne. On invitait ses amis pour fêter avec eux le retour du printemps'03. Les enfants jouaient un rôle important dans cette partie des Anthestéries. Tous ceux qui avaient plus de trois ans étaient couronnés de fleurs et recevaient des cadeaux de leurs proches, aaâczxrx 7rlaot, des terres cuites en forme de petits chariots et de poupées, des gâteaux, etc. f06 On trouve des allusions à cette fête sur un grand nombre de petits vases attiques dont la forme est précisément celle du tatous. Les enfants s'y livrent à toutes sortes de jeux et portent de petites cenochoés, qui sont elles-mêmes ornées d'une couronne, peutêtre par allusion au rite institué par Démophon, (l'après la légende que nous rapportions plus haut 107. La peinture d'un de ces petits vases a été reproduite plus haut (fig. 2126) ; un autre, au musée du Louvre, paraît offrir (fig. 2427) sous une forme enfantine la reproduction de Centrée triomphale du char de Dionysos encadré dans des pampres et des feuillages, qui constituait un des actes principaux de la fête des Choës 108. Quel était le sens de ce banquet des Choës? \Velcker 700 remarque ingénieusement que, dans la légende de la fondation, le rôle du fils d'Agamemnon est un élément postiche. Oreste, Orestès, c'est le montagnard, le berger, le vigneron qui habite les parties hautes du pays et que les nobles n'admettent qu'avec peine à la communauté du culte dans la cité; c'est Dionysos lui-même, le dieu des vignerons et des bergers. Le banquet des coupes marque donc un premier degré dans l'admission de Dionysos aux honneurs rendus officiellement par l'État. Il est à remarquer que le souvenir de l'admission de Dionysos dans la cité avait l f) --23 8 -010 contribua' aussi à' l'organisation des Apatii es [APATFUiA. Son admission complète était la pensée fondamentale de l'autre grande cérémonie de la tête des Cimes, le mariage de Dionysos 10. Bien qu'ici en particulier il ne soit pas Facile de retrouver et de distinguer les éléments prirnilik et les conceptions diverses, il est clair que l'on tétait surtout la réception solennelle du dieu dans la cité. L'antique statue en bois i`éarnov) de Dionysos Éieathéreus était tirée du vieux temple de Litnn re et transportée dans un petit temple du Céramique, extérieur. C'est de là qu'elle partait pour faire son entrée dans la ville et revenir au temple de I irnnae, où elle était censée être introduite pour 1a première fois. Elle s'avançait en grande pompe, suivant les rites de la cérémonie nuptiale, portée sur un chair, accompagnée d'un brillant cortège. A côté d'elle était assise la femme de l'archonte-roi, qui figurait l'épouse. Que représentait la femme de l'archonte-roi, la reine? `vans doute la cité. Sous le régime démocratique, l'ai honte-roi, par une sorte d'héritage de la monarchie, li d. , certaines cérémonies religieuses traditionnelle; et les accomplissait au nom de l'État. C'était aussi au nom de l'État que la reine accomplissait les rites des Anthestéries; l'auteur du discours contre Néère le répète aisée insistance1'' Personnifiant la ville et le pays, elle s'unissait au dieu de la fertilité, au dieu du vin, au dieu cieuthérien qui agite et calme les 'tmesC'est la forme du contrat qu'Athènes conclut avec Dionysos pour l'ansée qui ire renouvelle. Les explications mythologiques doivent édite rejetées ou 'Lises tout à fait en seconde ligne. On a supposé que la reine. représentait Ariane t'' e qui ne paraît pas admissible, O. Müller X13 pense que l'épouse de Dionysos est Coré, remontant du monde infernal et ranimant la nature. On ne peut affirmer que cette conception soit complètement étrangère aux Anthestéries. L'union des deux divinités de la végétation à la fête du printemps parait en soi une idée naturelle, et nous savons que Dionysos avait un rôle dans les mystères d'Agrae, dont la célébration était très voisine de celle des Anthestéries et dont la fille de Déméter était la déesse principale. Cependant ce qui parait dominer dans la partie symbolique et mystérieuse des Anthestéries, organisées connue elles l'ont été sans doute vers la fin du vie siècle et le commencement du v , c'est la théogonie orphique, où Perséphoné est, non pas l'épouse, mais la mère de Dionysos-Zagreus, comme A. Mommsen l' a re marqué. Un. témoignage nous apprend qu'à l'époque impériale, il est .rai, la récitation des poèmes orphiques accompagnait au théâtre des danseurs qui représentaient des Heures, des Nymphes, des Bacchantes. Mais l'orphisme parait dans les rites principaux qui sont accomplis, aux meilleurs temps d'Athènes, par la reine et par les (tétai-es (yspapa(), Ce dernier nom désigne quatorze femmes qui assistent la reine dans ses fonctions religieuses. Elles ont été choisies par l'archonte--roi La reine, avec le ministère du héraut sacré, leur fait piéter dans le vieux temple de Limnac un serment dont la formule est conservée sur une antique stèle qui se dresse près de l'autel. La main sur la corbeille qui lui servira pour les offrandes, chacune jure qu'elle est. pure et chaste et s'engage à. célébrer, selon la coutume tics aneètres, régulièrement aux temps fixés, les Théogtiies et les Iobaechies, c'est-à.-dire les rites qui se rapportent à la seconde naissance et à la glorification de Bacchus dans la tête de feus en _M eimactérion et dans les grands mystères f5f. Aux Anthestéries, les Gérares accomplissent avec la reine des cérémonies mystérieuses dans l'intérieur du temple, qui ne s'ouvre dans toute l'année que pendant cette fête; elles en accomplissent aussi d'autres au dehors, qui se rapportent, comme les premières, à la mort de Bacchus : elles sacrifient à quatorze autels, dressés sans doute en souvenir des quatorze morceaux du corps de Zagreus que s'étaient partages, en le déchirant, les sept Titans et leurs sept soeurs 117Ces cérémonies extérieures, et sans doute aussi celles de l'intérieur du temple, avaient lieu le 13 Anthestérion, dernier jour de la fête, jour des Cht/lres. Les curifias devaient leurs noms à une espèce de vase de terre, analogue à nos marmites [CIIYTRA[, qui servait à la cuisson des aliments. Elles succédaient immédiatement au banquet du jour précédent, qui probablement avait lieu le soir. Aristophane parle du Minos aviné des saintes Cliques i18 : ce cômos servait, sans doute de conclusion au banquet, qui se prolongeait pendant toute la nuit. Mais les Chytres avaient surtout un caractère funèbre. Suivant la légende inventée pour expliquer le nom de la fête et le rite caractéristique 110, après le déluge de Deucalion, les survivants avaient offert à Hermès infernal le reste de leurs provisions cuit dans un vase de terre (yéps). De là l'usage, au, jour anniversaire, de faire cuire clans des marmites des semences de toute sorte, qu'on offrait exclusivement à Hermès infernal et à Dionysos et dont personne ne goûtait. Ce rite, accompli dans toutes les maisons, se complétait par l'avnnopnoRIA, fête funèbre en l'honneur des victimes du déluge f", C'était sans doute particulièrement ce jour-là. qu'on croyait que les anses des morts remontaient des enfers 122. En outre on élevait quatorze autels : c'était la cérémonie appelée ,Hidrysis (n'puot;) et les tiérares y offraient à Dionysos les sacrifices funèbres dont il a été déjà question, Elles étaient elles-mêmes quatorze et représentaient les sept Titans et les sept Titanides qui avaient surpris et de (' Bacchus enfant. Ainsi Dionysos avait remplace les morts en général et les puissances infernales qui présidaient à la fois à la paix des morts et à la fécondité de la terre •, c'était sa mort qu'on pleurait, et c'était la théologie orphique qui était mise en action dans les cérémonies du culte. Le jour des Chytres, avait aussi lieu ce qu'on appelait le Périschainis;na (aeptezoivtspx) : on entourait d'une corde les temples, qui restaient fermés. C'était, paraît-il 120, la coutume pour les jours néfastes. Elle devait s'étendre aux trois jours des Anthestéries Les détails manquent pour reconstituer complètement et suivant ordre des cérémonies la fête ries Chytres. On voit par le ton de la lettre de Ménandre dans Aleiphron12b et par certaines expressions que l'on rencontre ailleurs i2G, DI0 239 1)10 que c'était une licite solennelle, où il y avait beaucoup pour le spectacle, et qui intéressait vivement les Athéniens. Les thesmothètes y figuraient couronnés de lierre' Y exécutait-on des dithyrambes? Cette opinion a été soutenue"; mais elle ne s'appuie sur aucune preuve. Le texte d'Aristophanejl2 qui est invoqué comme argument mentionne un cômos et non un dithyrambe. La discussion est plus autorisée au sujet des concours des Chytres (yvrpivot â•fcives), dont il est question dans Philochorus 16 et dans l'auteur de la Vie des dix orateurs 131. 11 est dit par ce dernier que Lycurgue fit rétablir par une loi le concours au sujet des comédiens, qui était tombé en désuétude aussi poète comique, et, comme l'auteur ajoute que les concours avaient lieu dans le théàtre, on en a conclu qu'il s'agissait de représentations de comédies. Une phrase dans Diogène de Laërte 132 attribue aux Chytres et aux Panathénées des représentations dramatiques ; mais elle est généralement considérée comme apocryphe. En réalité il s'agit d'un concours entre des acteurs comiques 133. Il semble, d'après les derniers mots de la phrase de la vie de Lycurgue, qui sont très obscurs, que les vainqueurs étaient désignés pour prendre part aux représentations des Grandes Dionysies, qui avaient lieu le mois suivant. Cette dernière féte, il est vrai, est d'origine plus récente que les Anthestéries ; mais il résulterait seulement de cette observation que le concours entre les acteurs comiques n'avait pas existé primitivement, et qu'on l'aurait institué au temps où la comédie devint florissante. Un fait mentionné par Pollux 13. paraît se rapporter à ce genre de lutte préliminaire. Comme il a été indiqué plus haut, le Bacchus des Chytres était en relation avec les Petits Mystères, les mystères d'Agrae [ELEUSINIA] qui se célébraient dans le mois Anthestérion 135 et fêtaient le retour de Coré sur la terre. Un auteur 736 appelle les Petits Mystères « une représentation de la destinée de Bacchus ». Sans doute il s'agissait de sa seconde génération. Neuf mois après, le 20 Maimactérion, aux fêtes mystérieuses de Zeus Maimactès, sa seconde naissance avait eu lieu, le vin doux s'était déjà transformé par la fermentation, les souffrances du dieu avaient pris fin, et bientôt allaient venir les réjouissances des Dionysies rurales. Les Anthestéries, fête nationale attique et ionienne, se célébraient sur plusieurs poifits occupés par les Ioniens ou soumis à l'influence athénienne. L'existence en est attestée à Téos, à Cyzique, à Marseille. Thémistocle institua à Magnésie un sacrifice en l'honneur de Dionysos Chaopotes et la célébration de la fête des Choés 737. Un banquet analogue à celui des Choés fut magnifiquement organisé à Alexandrie, par la reine Arsinoé, sous le règne de Ptolémée Philadelphe 13". LÉNÉENSES (A7jvata). Les Lénéennes, par leur origine et par leur nature, paraissent avoir été en rapport étroit avec les Dionysies de la campagne. Elles en furent à la fois un développement et une conclusion. Après que les fêtes locales du vin avaient eu lieu dans les dèmes, une fête générale réunissait dans le Lénaeon les habitants de la campagne à ceux de la ville. On a vu que quelquesunes de ces fêtes particulières des dèmes avaient une légende : les Lénéennes, d'institution plus récente, n'en avaient pas; mais il importe de constater qu'elles avaient conservé le double caractère de ces fêtes, où la gaieté, qui dominait dans toutes, admettait, au moins dans certaines, un élément enthousiaste et pathétique. Les Lénéennes formaient une fête distincte de toutes les autres où l'on honorait Bacchus. C'est ce qui a été bien établi par Boeckh'", On ne doit les confondre ni avec les Anthestéries ils ni métne avec les Dionysies champêtres"' ; on ne doit pas non plus les faire entrer dans un système qui réunirait les Dionysies champêtres, les Lénéennes et les Anthestéries''. Tandis que les Dionysies champêtres se célébraient au mois de Posidéon, les Lénéennes avaient lieu en Gamélion 143, vers le solstice d'hiver. La date du mois est incertaine. Elles commençaient probablement le 20, suivant l'opinion de Boeckh. Le 19 avait lieu une cérémonie qui consistait à couronner de lierre l'image de Dionysos (xtrrè. si AtovaTau) tu, et qu'il est naturel de rapprocher de la fête. De même le 20 Boédi~omion, dans les Éleusinies, était le jour consacré à Bacchus. Il est vrai qu'une inscription 145 mentionne au 21 Gamélien une vente publique qui coïnciderait avec les représentations dramatiques des Lénéennes. Mais, d'après d'autres inscriptionsdes séances du Conseil et de l'Assemblée auraient coïncidé avec les date; préférées par A. Mommsen, soit 8-13, soit I1-14, et la difficulté ne parait pas moindre. Nous sommes encore moins renseignés sur l'origine des Lénéennes que sur leur date. D'un mot d'Apollodore conservé dans Étienne de Byzance', on devrait conclure qu'il y avait un dème des Lénéens. Les Lénéennes auraient donc été primitivement la fête particulière des Leneens. Mais l'existence de ce dème est plus que douteuse. Les Lénéennes signifient la fête célébrée dans le Lénaeon, comme le prouvent les locutions que l'on rencontre sou Ar,va(yi ),z7i1uevoç; éai Arlvaimn âyôro; bd Ar,ss(y ". Le Lénaeon était, nous dit-on 149, une grande enceinte; elle faisait partie de Limnae, quartier primitivement suburbain, où était le plus ancien temple de Dionysos, et rentrait dans le domaine du dieu. D'où vient le nom de Lénaeon? L'explication la plus répanduefJO, celle qui parait avoir eu cours dans l'antiquité classique, le fait venir du mot qui signifie pressoir (;rv6s)1o1. Dionysos Lénaeos est considéré généralement comme dieu du pressoir ; c'est ainsi que l'entendait Virgile dans l'invocation qui commence la seconde Géorgique : « Huc pater, o Lenaee,... is et où il s'agit des vendanges. Une scholie des Acftarniens (v. 202) indique, comme ori DIO 240 DIO gine du nom du Lénaeon, le fait qu'on aurait établi dans cet endroit le premier pressoir. Boeckh en fait le fondement d'une hypothèse152. Les Lénéennes auraient été une fête instituée en commémoration de l'établissement du premier pressoir. On y pressait du raisin conservé, et l'excellent vin doux qui en sortait était offert en prix aux poètes. Cette liqueur était une boisson des dieux, de l'ambroisie : de là le nom donné aussi à la fête elle-même, 'i poa(s. Le choix du lieu pour ce premier pressoir pouvait avoir été déterminé par l'abondance de l'eau qui se trouvait dans cette région de Limnae, l'eau étant indispensable pour la fabrication du vin. 0. Jahn'" pense que les Lénéennes doivent avoir été l'occasion d'une sorte de mise en scène de l'opération du pressoir. Il se fonde sur le grand nombre de monuments où on la voit représentéef''. A. Mommsenf5o pense, de son côté, qu'il peut bien y avoir eu sur l'emplacement du Lénaeon un pressoir commun ou public, qui serait devenu naturellement un centre de réunion pour la fête du dieu, appelée, pour cette raison, la fête près du pressoir, la fête du lieu où il était, la fête du Lénaeon; ou plutôt, prenant le mot ),rvdc dans le sens de cuve et invoquant une certaine analogie avec les usages des Grecs modernes, il supposerait volontiers qu'il y avait eu là une grande cuve commune qui, après avoir servi aux vendanges, aurait conservé une certaine quantité de vin doux laissée par les propriétaires de vignes. Au bout de trois ou quatre mois environ, ce vin modifié par la fermentation aurait été bu dans une tête, la fête de la cuve. Cette fête ayant pris plus d'importance, la quantité de vin conservée dans la cuve serait devenue insuffisante pour ceux qui y prenaient part, il aurait fallu en faire venir du dehors sur des chariots, et c'est ainsi que se serait établie, à l'imitation des Anthestéries, cette coutume d'échanger du haut des chariots des plaisanteries et des brocards166. Ainsi, par l'effet du vin fermenté, s'expliquerait l'ivresse inséparable de l'idée d'une fête bachique primitive; ainsi s'expliquerait aussi comment les bacchantes elles-mêmes sont désignées par le nom de Lénées (Aiwat). A. Mommsen sent lui-même que ces explications ont un caractère trop particulier pour rendre compte de ce mot de Lénaeon, employé comme nom de mois sur tant de points de la Grèce. Il faudrait trouver une raison genérale, fournie par un fait commun à tous les lieux où l'on fait du vin. Partout on emploie le pressoir; mais comment a-t-on pu tirer du pressoir le nom d'un mois où, depuis longtemps, on a fini de presser la vendange? Cette objection disparaîtrait, si l'on admettait l'étymologie proposée par 0. Ribbeck157 qui dérive le mot Lénées (Aiwat, arlviç) d'une racine signifiant saisir, et pense que ce nom est l'appellation précise des ménades poursuivant et saisissant les bêtes sauvages qu'elles déchirent. Les Lénéennes seraient donc la fête des Lénées, et il résulterait de leur nom qu'au moins à l'origine l'enthousiasme y dominait. Mais cela ne paraît pas s'accorder avec ce que nous savons de la fête aux temps historiques. Les Lénéennes furent sans doute le résultat d'un travail complexe qui rapprocha et confondit les idées et les mots, par des causes et des influences qui nous échappent; sans doute aussi elles ne s'organisèrent complètement que sous Pisistrate. C'est pendant sa seconde tyrannie qu'elles prirent un accroissement considérable par l'introduction des représentations tragiques, en 536 av. J.-C. (01. 61) i58. Un fait qu'il importe de remarquer d'abord dans la constitution des Lénéennes, c'est qu'elles réunissaient les deux caractères du culte de Dionysos, la gaieté et l'enthousiasme sombre. La procession, puis plus tard la comédie et, en général, une bonne partie de la célébration lui donnaient le premier caractère. Le second aussi, bien que la fête ne fût en rien mystérieuse, y était fortement imprimé. Elle n'est cependant pas tout à fait sans relation avec les mystères mêmes. Dionysos Lénéen est associé, à Myconos, avec Zeus Chthonios et Gè Chthonié 159. Ce sont les épimélètes des mystères qui, à Athènes, s'occupent de l'achat des victimes pour les fètes des LénéennesiG0. Le caractère enthousiaste pouvait venir primitivement de ces Lénées dont il a été question plus haut et qu'il parait difficile de séparer complètement de l'idée des Lénéennes. Il vint sans doute par transmission des dèmes où se célébraient les Dionysies rurales et principalement d'Icaria, où le dithyrambe s'était particulièrement développé et où venaient de se produire les premiers essais tragiques de Thespis. On exécutait aux Lénéennes des dithyrambes, et il est à croire que, chantés au coeur de l'hiver, ils avaient, comme ceux de Delphes, un caractère plus pathétique que ceux des grandes Dionysies ou des Thargélies, chantés au printemps. C'est là qu'on représenta à Athènes les premières tragédies. Il y a enfin ce point capital que Dionysos Éleuthéreus, dont le caractère a été indiqué plus haut, était le dieu des Lénéennes, qu'elles se célébraient chez lui et que son prêtre occupait au théâtre la place d'honneur. Au côté plus particulièrement religieux des Lénéennes se rapporte encore le fait qu'elles étaient du ressort de l'archonteroi. Il les dirigeait avec l'assistance des épimélètesiG1. La durée de la fête est incertaine. A. Mommsen lui attribue au moins quatre jours, sur lesquels il en réserve trois pour les représentations dramatiques, par analogie avec les grandes Dionysies. Le nombre paraît avoir varié suivant les temps. Il semble que dans la période qui précède l'institution de cette dernière fête et pendant une bonne partie du ve siècle, deux jours aient dû suffire pour les représentations dramatiques. La durée des concours a varié comme le nombre des pièces présentées16'. C'est ce qu'indiquent des inscriptions, malheureusement peu nombreuses et mutilées, sans permettre de résoudre la question avec précision. Le nom d'ambrosia était-il appliqué à la fête tout entière ou au moins à un des jours dont elle se composait, comme l'admet Preller'G8? Les scholies d'Hésiode164, sur lesquelles il se fonde, ne parlent que d'une fête célébrée dans le mois Lénaeon, et rien ne prouve qu'il s'agisse de l'Attique. Les Lénéennes se composaient d'une procession, d'un sacrificef65, de concours dithyrambiques et dramatiques. La procession avait lieu probablement le premier jour ainsi que le sacrifice. Elle se faisait dans l'intérieur du Lénaeon. C'est sans doute la gaieté qui y dominait. Peutêtre, après le sacrifice, prenait-elle un caractère bachique qui la transformait en cômos, quoique nous n'ayons aucun DIO 24.1 D10 renseignement sur ce point. Peut-être aussi était-ce alors qu'étaient lancées du haut des chariots les plaisanteries autorisées par l'usage. Le vainqueur au concours dithyrambique recevait, indépendamment du prix, une couronne de lierre 166 comme les vainqueurs des concours dramatiques. Les représentations dramatiques consistèrent d'abord seulement en tragédies et en drames satyriques. La comédie n'était pas encore admise dans la ville. C'est sans doute pour cela que, dans l'ordre officiel qui nous est donné dans la loi d'EvégorosfG7, la tragédie précède la comédie aux Lénéennes, tandis que le contraire a lieu aux Grandes Dionysies. La tragédie est donc en rapport direct d'origine avec la première de ces fêtes : elle y parut pour la première fois, et elle n'aurait pas eu d'autre occasion de se produire pendant la longue période qui s'étend depuis le début de Thespis en 536 jusqu'après les guerres Médiques, si l'on admettait que les Grandes Dionysies n'ont été instituées qu'après cette dernière date f 68. Cependant l'examen des didascalies, des documents qui s'y rapportent et des inscriptions, amène M. A. Müller à remarquer que la fête des Lénéennes, éclipsée par sa brillante rivale, semble avoir été aussitôt dépossédée des représentations tragiques jusque vers la fin du v° siècle. Il est plus prudent de conclure avec Madvig f 69 que pendant cette période on n'y aurait pas donné de tragédies nouvelles. Agathon, d'après Athénée 10, remporta aux Lénéennes sous l'archontat d'Euphémos (417-6) la victoire dont il est question dans le Banquet de Platon. Aux tragédies s'étaient ajoutées les comédies, également représentées aux deux fètes, depuis qu'à une époque inconnue, mais antérieure à 458, date d'une victoire de Magnés, elles avaient obtenu l'entrée de la ville et étaient passées sous la direction de l'État. Si l'on ajoute foi à divers renseignements qui ne paraissent pas dignes d'une entière confiance, les tragédies des Lénéennes se donnèrent d'abord sur un échafaud construit dans l'ancienne agora, au sud-ouest de l'acropole, tout près du Lénaeon"'. Sous les Pisistratides, quand on construisit une nouvelle agora au Céramique et que la vie se retira de l'ancienne, les échafaudages de spectacle furent transportés dans le Lénaeon lui-même 12. Tout près de l'enceinte sacrée (7ar,aiov 'roi; ispoû) aurait été le peuplier noir, où l'on grimpait, dit-on, quand on n'avait pas de place pour voir le spectacle. Le théâtre en bois, élevé pour chaque représentation au Lénaeon, s'écroula en 478 (01. 70, 1) pendant une représentation où concouraient Pratinas, Eschyle et Choerilos13. On en construisit un en pierre, tout à côté du Lénaeon, sur la pente du rocher de l'Acropole. C'est le théâtre de Bacchus, achevé seulement sous l'administration de l'orateur Lycurgue, orné de nouvelles décorations au commencement de l'empire , dont les restes considérables ont été complètement dégagés par les fouilles de 1862 [TIEATRUM]. la moins religieuse des fêtes de Dionysos, en ce sens qu'elle laisse moins de place aux sentiments violents ou profonds excités par le dieu, et qu'elle a moins de racines 111. dans le passé. Aucune légende religieuse ne s'y rattache. Mais c'est la plus brillante de toutes ces fètes. Elle ne le cède pas aux Éleusinies, la grande fête mystérieuse, ni aux Panathénées, la grande fête de la cité : elle représente particulièrement l'éclat de la prospérité athénienne. C'est le premier magistrat de l'État, l'archonte éponyme, qui en a la haute direction. Son institution est de date récente. On l'a fait descendre jusqu'au temps de Cimon, et cette opinion a été récemment adoptée par A. Müller "'a Il est probable qu'elle remonte plus haut, jusqu'à Pisistrate "' ou au moins aux Pisistratides. C'est le temps des grandes innovations religieuses, surtout au profit du culte de Bacchus en Attique. En l'absence de toute preuve directe, il n'est pas indifférent de remarquer que les dithyrambes des Dionysies urbaines ont sans doute existé avant l'expulsion des Perses. Le fragment de la pièce composée par Simonide en l'honneur des victoires dithyrambiques de la tribu Acamantide paraît se rapporter à des dithyrambes du printemps, c'est-à-dire exécutés aux grandes Dionysies. Or Simonide avait lutté avec Lasus d'Hermione, dont le nom nous reporte au vie siècle. La longue vie du premier de ces poètes s'étend, il est vrai, jusque vers 469; ce qui ne permet pas de fixer avec certitude la date de son dithyrambe avant la seconde guerre Médique. Il est cependant assez naturel de supposer que la tradition de ces dithyrambes du printemps, qui répondaient si bien à des idées essentielles de la religion de Bacchus, remonte plus haut, et jusqu'à Lasus, qui inaugura à Athènes les concours dithyrambiques [DITDYRAMBUS]. Mais, si la fondation des Dionysies du printemps date de la fin du vie siècle, elles ne prirent leur importance qu'au moment où s'établit l'hégémonie d'Athènes. Alors la puissante république les transforma et en fit la plus magnifique occasion d'étaler le spectacle de sa grandeur devant les alliés qui apportaient à ce moment leurs tributs. Les grandes Dionysies se célébraient probablement dans la première moitié d'Élaphébolion. Leurs limites sont marquées par deux fètes, les Asclépiéia, dont nous avons la date précise, le 8 Elaphébolion 116, et les Pandia, dont la date est incertaine, mais qui paraissent, au moins dans la pensée première de la fète, avoir dû coïncider avec la pleine lune et s'être placées vers le milieu du mois. Cependant il n'est pas facile de déterminer exactement la durée des grandes Dionysies. Si l'on met les Pandia juste à la pleine lune, c'est-à-dire au 14, on tombe sur la date positivement assignée par Thucydide 177 à une assemblée importante, celle où fut ratifiée la trêve de 423, conclue avec les Lacédémoniens pendant la guerre du Péloponnèse, et de prime abord il n'est guère vraisemblable que les deux faits aient eu lieu le même jour. Cette objection n'arrête pas A. Mommsenf78, et il pense que la ratification du traité se fit dans l'assemblée qui se tenait régulièrement après les Pandiaf79. Le sacrifice avait lieu d'abord, puis lepeuplese réunissaitau théâtre. A. Mommsen ne tient pas plus de compte d'une autre objection. D'après un texte de loi cité dans la Midienne 160, l'assemblée se tenait le lendemain des Pandia : il regarde, après d'autres, cette pièce comme une interpolation ; mais comme 31 D10 242 D10 il n'y a pas d'ailleurs de raison qui autorise à en nier l'authenticité, il vaut mieux accepter ce témoignage jusqu'à nouvel ordre. Faut-il admettre pour cela que, l'assemblée se tenant le 14, les Pandia se célébraient le 13 et que les Dionysies se terminaient le 12 ? Mais voici une nouvelle difficulté : du 9 au 12 il n'y a que quatre jours, et cet espace est insuffisant. Les représentations dramatiques ne peuvent pas prendre moins de trois jours, les trois derniers; il faudrait donc que dans le premier eussent trouvé place tous les autres actes de la fête, la procession, le concours dithyrambique et le cômos; ce qui parait beaucoup, même en calculant la longueur des jours, qui était plus grande aux Dionysies qu'aux Lénéennes, et en tenant compte de ce fait qu'une des cérémonies s'accomplissait pendant les premières heures de la nuit à la clarté des torches. De plus, un texte de Plaute 'S1 attribue six jours aux Dionysies, et si l'on comprend dans le nombrele 8 Élaphébolion, où avait lieu, avec les Asclépiéia, le Proagon, espèce dintroduction à la fête dionysiaque, on n'arrive encore qu'au chiffre de cinq. Enfin, comme on le verra plus loin, trois jours n'auraient pas suffi pour les représentations dramatiques. Il en fallait quatre. Par conséquent, les fêtes, en y comprenant les Asclépiéia, duraient du 8 au 14; les Pandia se célébraient le 15 et l'assemblée régulière se tenait le 16. L'assemblée que Thucydide place le 14 et qui avait un objet tout particulier était une assemblée extraordinaire. Resterait à expliquer comment le peuple put être convoqué en assemblée le dernier jour des concours dramatiques. Ce serait un point particulier de la question générale sur la manière dont la vie politique pouvait continuer malgré les fêtes; ce qui était indispensable, surtout en temps de guerre. De nouvelles découvertes épigraphiques aideront peut-être à dissiper ces obscurités. Les différentes parties des grandes Dionysies viennent d'être énumérées : le proagon, la procession, le concours dithyrambique, le cômos, les représentations dramatiques. Proagon(IIpoé. v).-Après la célébration des Asclépiéia où nous savons seulement qu'on chantait un péan 182 et rlu'on faisait au nom de l'Etat un sacrifice en I'honneur d'Esculape A39, sans doute pour demander la santé de la cité au moment où l'année se renouvelait avec l'arrivée du printemps, la foule se rendait au Proagon. Qu'était-ce que le Proagon? On a tenté diverses explications 184. Le document le plus explicite est une scholie d'Eschine 1" où il est dit que, quelques jours avant les grandes Dionysies, avaient lieu dans l'Odéon un concours des tragédiens et une exhibition des pièces qu'ils devaient paraissaient sans masques et sans costumes. Ces renseignements ont besoin d'être contrôlés et interprétés. Ils renferment d'abord, semble-t-ii, une inexactitude : le Proagon, à moins de reculer la date des Pandia et d'admettre que l'assemblée où fut conclue la trêve de 423 se tint un jour de représentations dramatiques, doit se placer la veille des Dionysies proprement dites, et non quelques jours auparavant. Maintenant qu'est-ce qui est indiqué par les mots xév et i-stôatrtç? De quel genre de concours et d'exhibition peut-il être question ? Evidemment on ne doit songer à une répétition, ni de toutes les pièces destinées aux représentations, ce qui est matériellement impossible en un seul jour, ni d'une pièce de chaque trilogie, ce qui, pour Eschyle, eût détruit en grande partie l'intérêt dramatique, d'autant plus que les costumes et l'illusion scénique étaient supprimés. Il n'est pas vraisemblable non plus que le public ait eu à juger, non pas la valeur dramatique de représentations tronquées, mais le talent, le débit, le chant des acteurs et des choreutes dans une espèce d'épreuve préliminaire. L'explication la plus plausible est donnée par Rhode tes Le Proagon, premier acte de la fête, qui précédait l'Agon, le concours tragique, et lui servait d'introduction, était à la fois une annonce des pièces qui devaient être jouées, et une présentation au public de chaque troupe tragique et de chaque poète. C'était une annonce (âss'(jsMa), une proclamation du titre des tragédies et du nom des poètes, qui devait se renouveler plus simplement au théâtre 187. A l'Odéon, le poète, ses acteurs et son choeur s'avançaient devant le public, revêtus, non de costumes de théâtre, mais d'habits de fête, et la tête couronnée 1". Il cherchait à se concilier ainsi la faveur se ses juges; de là le sens figuré que prend le mot r.'poayav 133. C'est dans ce genre d'exhibition, qui faisait l'objet principal du Proagon, que parut Sophocle après la mort d'Euripide 190, et qu'Agathon eut l'occasion de montrer en face du public cette intrépidité dont Socrate le félicite dans le Banquet de Platon "1. Alb. Müller pense que le Proagon avait lieu dans l'ancien Odéon, et non dans l'édifice construit par Périclès, dont la forme circulaire se serait moins prêtée au genre de spectacle qu'on offrait au public. C'était une fête importante, qui demandait les soins de l'agonothète et pouvait être pour lui, quand il avait réussi, un titre à la reconnaissance publique, comme en témoigne une inscription du commencement du ire siècle av. J.-C. 192. Cette inscription et une phrase de Platon i9' montrent qu'il y avait d'autres proagons que celui des Dionysies. Il y en avait sans doute avant les Lénéennes; il devait aussi y en avoir avant les Panathénées, car il semble que dans la pensée de Platon il s'agisse surtout des concours gymniques, et les deux fêtes dionysiaques n'avaient que des concours musicaux, au sens grec, c'est-à-dire de musique et de poésie. Procession (IIog.mi), La procession des Dionysies paraît avoir été une reproduction partielle de celle des Anthestéries. De même la statue de Dionysos Él.euthéreus était tirée d'un temple de Lirnnae et transportée à un autre sanctuaire du dieu voisin de l'Académie. De là il revenait en grande pompe au Lénaeon pour présider à sa fête. La procession était magnifique; toute la cité, les prêtres, les'magistrats, les chevaliers, les citoyens, rangés par tribus, les éphèbes, y prenaient part. On y voyait des canéphores, portant dans des corbeilles d'or des prémices de toute sorte 153 ; elles étaient choisies parmi les vierges d'Athènes par l'archonte éponyme 190. Les offrandes précieuses envoyées par les alliés et les colonies, des objets d'or, les nombreuses victimes fournies par l'État 197 pour le sacrifice, défilaient dans le cortège. Des inscrip 1)i0 tions 198 mentionnent un beau taureau et une phiale d or offerts par les éphèbes S'autorisant sans doute d'une phrase de Plutarque 199, Mommsen suppose qu'après le cortège officiel et régulièrement ordonné, venait à pied ou en voiture une foule bigarrée, avec des masques et des costumes. Mais il n'est pas certain que Plutarque parle des grandes Dionysies. Il y avait dans la marche de la procession des évolutions et des haltes auprès de différents autels ou édifices sacrés ; particulièrement sur l'agora, où des choeurs dansaient près de l'autel des douze dieux200. La plus importante de ces haltes, peut-être au point d'arrivée, avait lieu près d'un autel à feu, sur Ia. plate-forme duquel se dressait la statue de Dionysos. C'est lui sans doute qu'on sacrifiait les victimes, avec un hymne et des prières. C'était une des cérémonies les plus importantes de la fête, à en juger par les termes d'Alciphron dans la lettre qu'il prête à Ménandre d01. M. Foucart, dans son interprétation de la loi d'Evégoros 202, le seul document qui nous donne l'ordre des actes accomplis dans les grandes Dionysies, place l'autel, non pas dans le Lénaeon, mais à l'Académie, et suppose que l'hymne était chanté par les enfants, qui sont mentionnés sans aucune explication dans la loi. Cette dernière hypothèse semble autorisée par une inscription trouvée dans les ruines du théâtre de Dionysos à Athènes 20a qu'explique un rapprochement avec deux inscriptions de Stratonicée et de Téos 201. Mais il est peut-être plus naturel de rapporter la mention des enfants à l'exécution des dithyrambes. Il semble aussi qu'il vaut mieux mettre l'autel au Lénaeon20', car des témoignages nous apprennent que les éphèbes partaient de l'autel après avoir sacrifié leur victime, pour transporter le dieu au théâtre. le soir. à la clarté des torches". C'était un acte distinct de la procession et qu'on se représente mieux accompli tout entier dans le voisinage du théâtre. La statue qui figurait dans ces diverses cérémonies était consacrée au Dionysos d'Éleuthères. Mais il yen avait deux dans ce cas, toutes deux à Limnae, chacune dans son temple : quelle était celle que l'on choisissait? A. Mommsen dit avec vraisemblance que ce ne pouvait être l'antique idole en bois, le xoanon, qui était dans le plus vieux temple, puisqu'il nous est positivement affirmé que ce temple ne s'ouvrait qu'une fois par an, aux Anthestéries. C'était donc l'autre statue, faite en or et en ivoire, oeuvre d'Aleamène"', qui d'ailleurs convenait mieux à la magnificence déployée aux grandes Dionysies. Une fois installé dans son théâtre, Dionysos y recevait encore des libations 208 et assistait aux différents concours qui avaient lieu en son honneur. Les premiers étaient les Il y avait celui des enfants et celui des hommes 209. C'est aux grandes Dionysies que fut exécuté le dithyrambe de Pindare dont nous possédons un beau fragment, tout pénétré du souffle embaumé et de la lumière du printemps, brillante image des sentiments de la foule qui, sans aucun mysticisme, s'abandonnant aux impressions présentes de 1)10 la nature, reconnaissait la puissance du divine fils de Sémélé. De cette fête musicale parait être venu ce sm'nom attique de chanteur (Me)s7:s s2voc) donné à Dionysos, qui nous a été conservé par Pausanias"' et qui se retrouve sur dieux trônes du théâtre d'Athènes241 Cétait une fort belle fête pour laquelle 1 coût des Athéniens s'accrut de plus en plus64. Au quatrième siècle, Démosi l1éne 21 rappelle. comme un fait notoire que les frais de la et ,"'pie :=ont plus élevés pour les dithyrambes que pour les trr éédie ce qui s'explique d'abord parle nombre des choreutes à équiper et à entretenir et par le temps nécessaire pour les exercer. D'après l'ordre indiqué par la loi d'Evégoros, aux dithyrambes succédait un cômos, qui se rattachait, probabl eurent à des banquets où se célébraient les victoires dithyrambiques. Pendant toute cette fête de Bacchus, on mangeait et on buvait. Les spectateurs arrivaient au théàtre « repus et abreuvés, et la tête ceinte de couronnes, et pendant toute la représentation on leur versait du vin et on leur donnait des friandises2i'. » Sous l'empire, Atticus, pendant une halte de la procession au Céramique, fit servir du vin à toute la foule des citoyens et des étrangers, étendus sur des couches de lierre2'S. Représentations dramatiques. Les représentations dramatiques duraient au moins pendant trois jours 216. Au quatrième siècle, le rapport du théoricon (1 drachme" avec le prix d'entrée du théâtre, tel qu'il nous est donné par Démosthène 218 (2 oboles), amène à ce nombre. Plutarque2t0 raconte qu'un des deux acteurs célèbres qui portèrent le nom de Polus joua, à l'âge de soixante-dix ans, dans huit tragédies en quatre jours. Mais il faudrait savoir ,i ce fut au théâtre d'Athènes pendant les Dionysies. Au v° siècle, trois poètes, tour la tragédie et pour la comédie, étaient admis à concourir. Chaque poète tragique présentait une trilogie, ou plutôt, en comptant le drame satyrique, une tétralogie. Les juges assignaient les rangs dans chacun des deux concours et désignaient le vainqueur. Ces faits sont donnés par les didascalies bien comprises 220 Au commencement du Ive siècle, la transformation de la comédie, en supprimant les chants da choeur et diminuant la durée de la représentation, conduisit à augmenter le nombre des concurrents. Quatre poètes sont nommés dans la didascalie du Plutus d'Aristoplaa.ne (oh 97, 4 =389/8) ; bientôt on en admit cinq, et ce nombre se retrouve encore au second siècle 221. Ces faits se rapportent aussi bien aux Lénéennes qu'aux grandes Dionysies. Le temps apporta aussi des changements aux concours tragiques. Le système de la tétralogie eschyléenne fut bouleversé. Des didascalies conservées par des inscriptions 222 nous apprennent que vers le milieu du ive siècle, au moins de 3112/1 à 340/39, on joua un seul. drame satyrique au commencement du concours, qu'en l'année 342/2 on donna trois trilogies de tragédies nouvelles, et que, l'année suivante, chacun des trois poètes ne fit représenter que deux tragédies. De plus, au même temps, l'habitude était établie de jouer avant les tragédies nou DIO 244 DIO velles une ancienne tragédie d'Euripide ou de Sophocle. De même, mais plus tard à ce qu'il semble, on reprit, avant le concours des poètes comiques, une ancienne comédie de Ménandre ou de Philémon. On en trouve le témoignage dans des inscriptions du second siècle ssa Il est assez difficile de déterminer dans quel ordre avaient lieu les représentations des tragédies et des comédies et comment elles se répartissaient entre les jours attribués aux concours dramatiques. Sauppe 221, après d'autres, et, à sa suite, Mommsen, pensent que, pendant chacun des trois jours de représentations, on donnait, le matin, une trilogie dramatique, et, l'après-midi, une cornédie. Mais cette disposition contredit formellement le témoignage de la loi d'Evégoros, confirmé par des inscriptions de la première et de la seconde moitié du ve siècle, ainsi que du Ive siècle et du second 225. La comédie y est placée avant la tragédie, comme aux Dionysies du Pirée. Il faut s'en tenir à ce témoignage, comme l'ont fait Boeckh 216, 0tfr. Müller 327, d'autres et, tout récemment, Alb. Müller 228. Seulement, s'il n'y avait que trois jours de représentations et que le premier fût pris par la comédie, il faudrait mettre deux tétralogies dans un seul des deux autres jours, ce qui parait matériellement impossible. Il semble donc qu'il vaudrait mieux attribuer quatre jours aux concours dramatiques des grandes Dionysies. Ce sont les tragédies qui contribuèrent le plus à l'éclat de cette grande fête. Au ut siècle, c'était le moment de la représentation des tragédies nouvelles, ainsi nommées par opposition avec l'ancienne tragédie que l'on reprenait d'abord, qui était choisi pour la proclamation des couronnes décernées par le peuple 229, comme celle qui donna lieu au procès de Ctésiphon. Cette proclamation se faisait avant le concours. De même, c'était devant cette foule d'Athéniens et d'étrangers, réunis pour assister aux drames tragiques, que paraissaient, au moins au ve siècle, les fils des citoyens tués àla guerre, que l'État avait nourris jusqu'à l'âge de l'éphébie. Ils se présentaient, à la voix du héraut, revêtus de l'armure complète que la cité leur octroyait avant de les livrer à la vie et àses devoirs, et allaient prendre les places qui leur étaient réservées 230 Probablement le soir du dernier jour des représentations dramatiques, les juges prononçaient leurs décisions. Le surlendemain, après les Pandia, une assemblée du peuple, réunie au théâtre, entendait les plaintes auxquelles la célébration de la fête avait pu donner lieu et décidait, à mains levées, s'il y avait délit et si l'on pouvait poursuivre ; ce qui donnait à la poursuite devant les tribunaux une grande force en la revêtant d'un caractère politique et religieux. Au nombre de ces plaintes se trouvaient peut-être celles qui pouvaient amener la condamnation des juges des concours eux-mêmes 231, s'ils étaient convaincus de s'être laissé corrompre. Ce qui paraît plus vraisemblable, c'est que dans cette assemblée tenue après les Dionysies se rendaient les décrets qui conféraient des éloges, des couronnes et même des statues au Conseil, à l'agonothète, aux épimélètes 232 Les juges étaient désignés par le sort 233, mais avec certaines garanties. Les membres du conseil des Cinq Cents, assistés des chorèges234, choisissaient avant le commencement de la fête, dans chacune des dix tribus un certain nombre de citoyens regardés comme capables de remplir cet office. Les noms étaient enfermés dans des urnes, une pour chaque tribu, scellées par les prytanes et par les chorèges, et placées à l'Acropole sous la garde des trésoriers 235. Le jour des concours, l'archonte tirait de chaque urne un nom pour chacun, en sorte que ces dix noms représentaient toutes les tribus et, par conséquent, toute la cité. Les juges ainsi désignés s'engageaient par serment à juger conformément à leur conscience 236. Des places leur étaient réservées, et après le concours, chacun, au milieu des cris et des injonctions passionnées de la foule, écrivait sur une tablette le rang qu'il assignait aux concurrents. Puis un second tirage au sort désignait parmi eux les cinq juges définitifs dont le suffrage décidait 237, et le nom du vainqueur était proclamé. Sans doute il était couronné sur la scène par l'archonte. Il recevait une couronne de lierre ais Une épigramme de Simonide 209 parle de cinquante-six trépieds qu'il avait remportés comme prix de ses victoires dithyrambiques. D'après le marbre de Paros 250, primitivement le prix de la tragédie était un bouc, et celui de la comédie un panier de figues et une amphore de vin. Des inscriptions du ve siècle et des siècles suivants prouvent qu'un trépied était décerné au chorège vainqueur, qui prenait soin de le placer à ses frais, quelquefois dans un beau monument, comme celui de Lysicrate, soit dans la rue sine du théâtre, soit dans un emplacement ménagé sur le rocher même de l'Acropole(.arerro1L ),audessus du dernier rang de sièges des spectateurs. Les trépieds donnés en prix sont souvent figurés sur les vases peints: on y voit aussi les taureaux que chaque tribu offrait et qui étaient destinés au sacrifice (fig. 2428) 261. de DI0 -245D10 Quelquefois la Victoire est représentée auprès du trépied qu'elle consacre, ou elle amène un taureau devant Dionysos 2' (fig. 2429). Les poètes vainqueurs recevaient-ils de l'État une somme d'argent, comme prix de leur victoire, ainsi que l'affirme A. Müller? Ce qui parait mieux prouvé, c'est que des honoraires étaient attribués à tous lesconcurrents2'°.L'État payait sans doute aussi ;l les acteurs des concours dramatiques''' et les joueurs de flûte. Puisque c'était lui qui les fournissait aux poètes, il ne semble pas que cet ordre de dépenses ait dît regarder les chorèges. De plus, on décernait des prix aux acteurs. Le protagoniste vainqueur est nommé dans un fragment didascalie qui remonte à l'année 4221 2'r5. L'importance des acteurs, dès le ve siècle, s'accrut encore naturellement après la disparition des maîtres de la tragédie. C'étaient eux qui renouvelaient l'intérêt des anciennes pièces, en les reprenant, et qui faisaient le succès des nouvelles. Ils étaient mandés par les rois comme Philippe II de Macédoine, appelés par les villes qui voulaient donner plus d'éclat à la célébration du culte de Bacchus ou même d'autres divinités, et recevaient des sommes considérables. Puis vinrent les associations d'artistes dionysiaques [DIONYSIACI ARTIFICES], dont on peut suivre l'histoire jusqu'au vie siècle après J.-C. "6, et où l'on reconnaît encore mieux à quel point la décadence de la poésie réduisit les poètes à un rôle subalterne par rapport aux exécutants, acteurs et musiciens. Si Athènes, aux époques classiques, fut moins prodigue d'argent et d'honneurs pour ceux qui prenaient part aux concours dionysiaques, cependant elle conservait aussi dans ses monuments épigraphiques le souvenir de leurs efforts et de leurs succès. Les chorèges vainqueurs, en consacrant le trépied, prix de leur victoire, inscrivaient d'abord le nom de leur tribu avec la désignation particulière 7raièwv ou âvSpôly, si c'était un concours dithyrambique, puis leur propre nom et celui du maître du choeur, le didascalos. Telle était la matière de l'inscription et tel était l'ordre des noms au ve siècle 2''7. Au siècle suivant, le chorège est nommé avant sa tribu, et deux noms nouveaux paraissent, celui de l'archonte et, plus fréquemment, celui du joueur de flûte. Celui-ci, à partir de la seconde moitié du Ive siècle, prend le pas sur le didascalos et même sur l'archonte 248 [daORESrA]. Ce sont des conséquences du changement des moeurs politiques et du développement de la musique. De même, pour les concours dramatiques, les didascalies [DIDASRALIA], officiellement rédigées par les soins de l'archonte, perpétuèrent la mémoire des poètes, de la date et du nom de leurs oeuvres, et du rang qui leur avait été attribué par les juges. Les stèles où étaient gravées ces inscriptions étaient placées dans l'enceinte sacrée de Dionysos 2". Il est probable que cet usage s'établit pour les Lénéennes au--i bien que pour les grandes Dionysies. Il a été dit plus haut que les grandes Dionysies étaient placées sous la direction supérieure du premier magistrat de la cité, l'archonte épo tait à lui que les tribus proposaient les citoyens qu'elles jugeaient aptes à remplir les fonctions de chorèges '-50 ; il les nommait pour la fête suivante dans le mois qui venait après la dernière fête célébrée 25', et il assignait l'un d'eux à chacun des poètes admis à concourir. C'était lui aussi qui autorisait les poètes à présenter des pièces au concours. D'après les expressions consacrées, ceux-ci lui demandaient et il leur accordait un choeur (zopnv moto, xot,Ov SiUvxt) 252, probablement après communication des pièces présentées. Assez longtemps d'avance pour que les études pussent être suffisantes, il présidait au tirage au sort des joueurs de flûte pour les dithyrambes et des protagonistes pour les représentations dramatiques 253 Il résulte d'une expression des lexicographes qui parlent du tirage au sort des protagonistes, que ceux-ci, avant d'être attribués aux poètes, étaient choisis après une épreuve dont les protagonistes proclamés vainqueurs aux Dionysies étaient exemptés pour l'année suivante. L'archonte était assisté par les épimélètes [ÉPIMÈLÉTÉS]. 11 y en avait deux de chaque tribu ; ils étaient désignés par le vote à mains levées25'. Dans le discours de Démosthène contre Midias (§ 13),. on voit qu'ils s'occupaient avec l'archonte du choix des chorèges. Pendant la fète elle-même, leurs fonctions paraissent s'être particulièrement exercées dans l'organisation de la procession et du sacrifice. Plus tard, on retrouve le titre d'épimélète donné à l'administrateur général que le collège des artistes dionysiaques d'Athènes élisait tous les ans. On voit que les attributions de l'épimélète étaient principalement financières, mais que cependant il était aussi chargé d'accomplir des actes religieux au nom de l'association 255, et qu'elle avait soin de choisir pour cette fonction supérieure un personnage dont la fortune et la générosité pussent être profitables à ses intérêts. Il a existé encore dans les concours dionysiaques un autre magistrat important, c'était l'agonothète [AGONOTHÈTÉS] 256. Ce nom paraît si étroitement lié à l'institution même des concours, qu'on est surpris de ne pas le rencontrer plus tôt chez les Athéniens. Ii ne paraît qu'à partir de l'administration de Démétrius de Phalère, vers Dlf) -24p6-Ii 10 la fin du 1v siècle ou le commencement du On voit par le inscriptions que par suite de la diminution du nombre ces citoyens assez riches pour se charger de la chorégie, c'e-t l'État qui alors fut amené à s C4iïre chorège cime am"). L'agonothète était son dol_ ;, ; il était élu pour un an et chargé de pourvoir à I uq , ment des choeurs et à d'autres frais, d'organiser les cone 'ers et de faire les sacrifices traditionnels dans les différentes fêtes. La partie financière de sa charge l'obligeait naturellement à une reddition de comptes. Les inscriptions nous permettent de constater l'existence des Dionysies, en dehors de l'Attique, à Abdère", Amorgos 21 a, Astypalae Cbios 2"0, Cnide 261 Corcyre 262 Cos2G3 Delphes'G3, Délos 263 Imbros 266 Erythrae d'Asie Mineure 2G', Lemnos 268 Lesbos 2G0 Naxos'''. Opus "l, Pergame G12 Phigalie 21', Ptolémaïs d'Égypte 2i''2, Smyrne', 'Pins etc., et il est certain que tous les grands centres grecs avaient institué des fêtes de ce genre.Les succès dramatiques d'Athènes eurent pour effet de multiplier les théàtres et les représentations dans toute l'étendue de la Grèce et des pays où pénétrait l'influence grecque. Ces représentations devinrent l'élément nécessaire de beaucoup de fètes, même en dehors du culte de Bacchus. Quant aux grandes Dionysies elles-mêmes, comme elles s'étaient développées, peut-être même étaient nées sous l'empire d'une pensée d'ostentation pl utdt que d'une pensée religieuse, elles étaient destinées à se prêter aux innovations et aux fantaisies les moins propres à édifier des fidèles. Déjà auve siècle, Nicias, dans une de ses somptueuses chorégies, imaginait de faire paraître sous le costume de Dionysos un jeune esclave d'une beauté remarquable, dont la vue excita les transports des Athéniens". Il mettait ainsi la procession dionysiaque au service de ses intérêts politiques : elle devint, à la fin du siècle suivant, une forme d'impudente flatterie. Les Athéniens, pour recevoir dignement Démétrius Poliorcète, formèrent des choeurs de danse et le saluèrent dans un ithyphallos où ils le chantaient comme le seul dieu réel 213. C'était un mélange de la procession dionysiaque et de la procession des Éleusiinies, Les rythmes, les chants, les costumes, les mythes consacrés à Dionysos et à ses fêtes étaient devenus une matière banale, prête pour les cérémonies de toute nature; elle était particulièrement propre aux étalages de ma,gnitleenees. Athénée nous a conservé la description détaillée des merveilles de la procession dionysiaque dans la grande procession qui eut limait Alexandrie, par t'ordre de Ptolémée Philadelphe 219. L'entrée d'Antoine à Éphèse, après la bataille de Philippes, fut une sorte de pompe bachique, où il représentait lui-même le dieu s'avançant au milieu de bacchantes, de satyres et de son cortège habituel 28". Dans une inscription éphéhique d'Athènes 281, il est appelé nouveau Dionysos, et il est probable que sa bite, les Antoniées ('Av7ov(2ta), qui était célébrée par les éphèbes le I7 Anthestérion, n'était pas sans analogie avec certaines parties de la fête dionysiaque des Anthestéries, ou tout au moins qu'elle avait elle-même un caractère dionysiaque. La célébration des fêtes régulières continua du reste pendant longtemps; niais on ne peut douter que le changement des moeurs et des conditions politiques ne leur ait fait subir d'importantes modifications. Un très grand nombre de monuments représentent Dionysos entouré de la troupe des satyres, des silènes, des baechants et des bacchantes et de tous ses suivants ordinaires 282. On sait que tous ces déguisements étaient pris par ceux qui participaient aux fêtes 283, pour imiter, non seulement aux grandes Dionysies, mais aussi aux Lénéennes et aux Anthestéries le teeoç xêhuoç 284 et le thiase du dieu [MASOS]. Sans doute on ne peut donner ces monuments, où la fantaisie des artistes s'est donné libre carrière, pour des images exactes des fètes, mais ils conservent certainement le souvenir de ce qui s'y passait en réalité. C'est lecômos qui est ordinairement rappelé sur les vases peints, avec une grande variété de costumes et d'attributs 263, tandis que dans les oeuvres de la sculpture la procession bachique a toutes les apparences d'un triomphe. Dionysos y paraît sur un char, ayant auprès de lui Ariadne, Sémélé ou Nysa : des ménades ou d'autres femmes y figurent aussi sur des chars; on y voit des masques tragiques et con-tiques, qui semblent destinés à rappeler les représentations dramatiques 286. Enfin, comme dans la pompe ordonnée par Ptolémée Philadelphe, on y voit parfois des éléphants, des chameaux et d'autres animaux exotiques, des captifs d'Asie ou d'Afrique, des objets précieux de toutes sortes simulant les dépouilles de peuples vaincus. Ces représentations paraissent avoir été en faveur sous les successeurs d'Alexandre : on affectait alors d'assimiler les conquêtes des héros macédoniens à celles de Bacchus dans l'Inde 287 On appelle ainsi les compagnies qui se formèrent vers le temps d'Alexandre et qui réunirent les artistes sous le patronage de Dionysos. Les textes et surtout les inscriptions font connaître un certain nombre de ces compagnies et leur résidence : 1° Athènes'. 2° L'Isthme et Némée 2 : une partie de la compagnie ainsi désignée était établie à Argos 3, une autre à Opunte en Locride'. --3° Thèbes 5; cette compagnie se rattacha, pendant un certain temps,, à celle de l'Isthme et de Némée'. 44° Téos, siège de la compagnie de l'Ionie et de l'Hellespont' ; après avoir été transportée successivement à Éphèse, àlllyonnésos, à Lébédos 8, elle revint à Téos. 3° Cypre 9 6° Alexandrie S0. 7° Ptolémaïs dans la Thébaïde ", -8° Syracusei2. 9° Rhégium 43. 100 Néapolisu. Organisation. Chacune de ces compagnies réunissait tous ceux qui prenaient part aux âywvsç oouaueoi. D'après les actes des compagnies et les catalogues de jeux 15, on voit que sous le nom d'artistes dionysiaques étaient compris : des poètes épiques, tragiques, comiques, lyriques, auteurs de drames satyriques, d'hymnes ou de dithyrambe; 2° des acteurs pour la tragédie, la comédie, le drame satyrique, des choreutes ou danseurs pourles différents choeurs, des instructeurs pour les drames (Srroatg axa),oç ^paytxéç à Athènes) et pour les choeurs (/opotScraxa)toç); 3° des musiciens ou chanteurs, rhapsodes, citharèdes et citharistes, joueurs de flûte de divers genres, qui accompagnaient les chants ou les choeurs cycliques ou les drames et souvent composaient la musique, des joueurs de trompette; des costumiers et décorateurs (i trou.tatat, oxsuo,cotoi). On trouve dans la compagnie de Téos les auvaywvta'rai formant une classe spéciale'"; on n'est pas d'accord sur ceux que désigne ce terme. Il est certain toutefois qu'ils faisaient partie de la compagnie. D'autre part, il y a, dans la liste de Ptolémaïs, à la fois un acteur tragique et des synagonistes tragiques l' ; il semble donc qu'il faut regarder les euvaywvvrrai comme les acteurs qui jouaient les seconds et les troisièmes rôles. Les gens de service (is poaL2t), que les compagnies entretenaient pour les divers besoins de la mise en scène et des représentations, étaient des esclaves °8. Les artistes dionysiaques étaient tous des hommes libres et possédaient le droit de cité dans leur patrie i9 ; ils le conservaient alors même qu'ils l'avaient quittée pour venir s'établir dans la ville qui était le siège de la compagnie. Chacune de ces compagnies formait comme un petit état autonome, se gouvernant suivant ses lois et s'administrant librement. Le principe' du gouvernement était l'égalité de droits pour tous les membres de la compagnie, qu'ils fussent poètes, acteurs, musiciens ou synagonistes. Par exemple, l'un de ces derniers fut choisi par les artistes de Téos comme l'un des trois ambassadeurs qu'ils envoyèrent à Iasos 25; un autre synagoniste, de la compagnie de Ptolémaïs, présida aux grandes fêtes religieuses et son nom figure en tête de la liste 21. Le pouvoir appartenait à l'assemblée qui était composée de tous les membres de la compagnie. L'assemblée rendait la justice, ratifiait les lois, négociait avec les villes, nommait des ambassadeurs et leur donnait des instructions, élisait des magistrats, sta tuait sur les questions financières, votait des réccml i es ou des honneurs 22 Comme dans la plupart des cités grecques, les prêtres et les magistrats étaient élus pour une année seulement, mais rééligibles, L'éponyme de la compagnie était, en gé néra.l, le prêtre die Dionysos; dans les jeux, il siégeait à côté des prêtres et des magistrats de la cité 27. Pendant, son sacerdoce, il continuait à exercer son art, Ainsi, aux Sotéria fie Delphes, le prêtre des artistes, Philonidas, joue dans une comédie comme protagoniste 2i; à Téos, le prêtre Démétrios remporte la victoire au concours des citharèdes 23, II est plusieurs fois question dans les inscriptions des magistrats (âpy ) des compagnies; nous connaissons quelques-uns d'entre eux : l'agonothète à Téos, le trésorier et le secrétaire à Argos, l'épimélète à Athènes. Il y am peu d'intérêt à entrer ici dans le débat; de 1''''s fonctions marquer, c'est que ces prêtres et ces magistrats agissaient en vertu de leur charge, conformément aux lois et décrets de la compagnie; mais, pour toute affaire non prévue, ils devaient en référer à l'assemblée. A leur sortie de charge, celle-ci pouvait leur décerner comme récompense un éloge, une couronne, parfois un portrait ou une statue 20 Ces compagnies, suivant l'usage grec, décernaient à des étrangers le titre de proxènes; ceux-ci donnaient l'hospitalité aux artistes dionysiaques qui passaient par leur ville et se chargeaient de la défense de leurs intérê=ts auprès de leurs concitoyens 2T.On trouve aussi, dansla liste dePtolémaïs,plusieurs bienfaiteurs honorés du titre de g,do'e s 'e' Chacune des compagnies avait sa caisse adfninlstl.,e paisun trésorier ou un épimélèto; elle possédait des biens meubles et immeubles, en particulier un T o'e4ç ou enceinte sacrée dans laquelle s'élevait son temple. C'était là que se tenait l'assemblée, que lies artistes dionysiaques se réunissaient pour céicbrer leurs banquets et leurs cérémonies religieusesLe culte, en effet, tenait une grande place dans 1 leur existence et ils semblent avoir tenu à justifier le titre qu'ils prenaient de eomp'agnie sacrée. Dionysos recevait naturellement les plus grands honneurs : procession solennelle au théâtre; le jour de sa. fête, sacrifices tous tes noise'. Il y avait aussi ,les victimes immolées à d'autres dieux, aux Muses, à. Apollon Pythien, La compagnie de l'Ionie et de l'Iiellespont envoyait des théores au sanctuaire de Samothrace 30, Celle d'Athènes possédait àÉleusis une enceinte sacrée et son autel particulier; pendant les mystères, elle célébrait en son nom des cérémonies en l'honneur° de Déméter et de Coré". Représentations. L'objet principal de ces compagnies était d'assurer la célébration des jeux musicaux en l'honneur des dieux. Il n'était guère de cité grecque qui n'eût son théâtre et ses fêtes solennelles; mais bien peu auraient été en état d'entretenir le nombre d'artistes nécessaires. Il y eut alors deux manières d'y pourvoir, Pour les jeux les plus célèbres, qui attiraient les concurrents par la gloire attachée aux couronnes ou par la valeur de leurs prix, il y avait de véritables concours. Les diverses compagnies ou même les artistes isolément venaient disputer la couronne. Mais c'était le plus petit nombre. La plupart des villes traitaient avec une compagnie qui s'engageait, moyennant une somme fixée, à leur envoyer le nombre d'artistes nécessaires; c'était alors une représentation plutôt qu'un concours. Les inscriptions de la ville de Iasos nous ont conservé un traité de ce genre. Après un échange d'ambassades, comme entre deux états, la compagnie de l'Ionie et de l'Hellespont s'engagea à envoyer à Iasos deux tragédiens et deux comédiens, c'est-à-dire deux chefs de troupe avec leurs acteurs, un chanteur s'accompagnant sur la cithare, un joueur de cithare ; en plus, les gens de service, machinistes et décorateurs. Ils devaient célébrer les jeux en l'honneur de Dionysos à l'époque fixée et en se conformant aux lois de la ville" La redevance à payer à la compagnie était probablement couverte par les donations des chorèges, citoyens ou métèques, qui les annonçaient un an d'avance [CEOREGUS]. A Délos, c'était le trésor sacré qui fournissait l'argent pour payer les artistes; il y avait méme dans le budget des hiéropes, chargés de l'administration des revenus du temple, une somme fixée d'avance pour cette dépense n. A Corcyre, deux particuliers léguèrent une somme placée à intérêt (lui devait produire tous les deux ans cinquante mines, environ 5,000 francs, pour louer, à la fête des DIONYSIA, trois joueurs de flûte, trois troupes de comédiens et de tragédiens, et pourvoir en outre à leur entretien pendant leur séjour". Parfois aussi les compagnies, par piété pour le dieu ou par égard pour une ville amie, prêtaient gratuitement leur concours; c'est ce que fit, par exemple, la compagnie de l'Isthme et de Némée pour la fête des Soteria à Delphes 3'. Je ne sais s'il y avait des affiches pour annoncer les noms des artistes; mais, les fêtes terminées, les noms de tous ceux qui avaient figuré dans ces représentations sacrées et, même parfois, jusqu'aux costumiers, étaient gravés sur les stèles qui conservaient le souvenir des jeux; c'était moins par vanité que pour bien constater l'acte de piété accompli envers le dieu. Les artistes dionysiaques étaient donc presque toujours en route, allant de jeux en jeux et parcourant successivement toutes les cités grecques. Ils allaient même fort loin de la ville où résidait leur compagnie, et il ne semble pas que chacune d'elles se bornât à la région où elle était établie. Nous voyons par exemple que la compagnie de l'Ionie et de l'Hellespont envoya ses artistes aux Sotéria de Delphes, aux Héracleia de Thèbes, aux Mouseia de Thespies 36 I1 serait intéressant de connaître le répertoire de ces artistes. Ce qu'on peut constater, c'est qu'ils reprenaient les anciennes pièces épiques, lyriques ou dramatiques, d'auteurs célèbres et qu'ils en jouaient aussi de nouvelles. Dans les catalogues de jeux, on trouve en particulier la distinction entre les tragédies et les comédies anciennes et les nouvelles. Les fragments de didascalies, trouvés à Athènes, montrent qu'au ne siècle on jouait encore les pièces de la comédie nouvelle37, en même temps que les pièces de poètes contemporains, maintenant tombés dans l'oubli. Il est intéressant de voir que la production poé tique ne cessa pas en Grèce et en même temps que la connaissance des chefs-d'oeuvre fut répandue dans toutes les parties du monde hellénisé par Alexandre et ses successeurs. Ce double résultat fut atteint, en grande partie, grâce à l'organisation des compagnies des artistes dionysiaques qui réunissaient des poètes de tout genre et des interprètes toujours prèts à représenter convenablement leurs oeuvres dans les parties les plus éloignées du monde hellénique. Privilèges. Le caractère sacré que les représentations scéniques ou musicales avaient eu dès l'origine [DIONYSIA], caractère que marqua le patronage de Dionysos aussi bien que le zèle des corporations pour le culte, assura aux artistes dionysiaques la faveur des dieux et une condition privilégiée. Dans une inscription de Téos, les artistes rappellent qu'ils ont été honorés par les dieux, les rois et tous les Grecs, et que pour se conformer aux oracles d'Apollon Pythien, les Grecs leur ont accordé l'inviolabilité et la sûreté 33. La loi étolienne reconnaissait cette inviolabilité des artistes". Deux décrets des Amphictyons nous ont conservé l'énumération de ces privilèges : « Que les artistes d'Athènes possèdent la sûreté et l'immunité, que nul ne puisse mettre la main sur un artiste, ni en paix ni en guerre, ni sur terre ni sur mer, mais qu'ils jouissent de l'immunité et de la sûreté que tous les Grecs leur ont précédemment accordées; que les artistes soient exempts de tout service militaire sur terre ou sur mer, afin qu'ils s'acquittent, aux temps fixés, de tous les honneurs envers les dieux dont ils sont chargés, sans trouble, et consacrés au service des dieux; que nul ne puisse mettre la main sur un artiste ni en paix ni en guerre, ni prendre sur lui des gages, à moins qu'il ne soit le débiteur, pour une dette privée, d'une ville ou d'un particulier"» A ces privilèges déjà si considérables et dont quelquesuns, comme l'inviolabilité et l'exemption du service militaire, existaient déjà du temps de Démosthène ", vint s'ajouter la protection des successeurs d'Alexandre. Les rois de Pergame avaient accordé de telles faveurs à la compagnie de Téos que les artistes leur rendirent les honneurs divins et que les artistes prirent le nom d'Attalistes "2. Les Ptolémées permirent aux compagnies de Chypre et de Naucratis d'associer leur patronage à celui de Dionysos " Les artistes dionysiaques n'eurent pas à souffrir de la conquête romaine. Bien qu'à Rome le métier d'histrion fût infâme et entraînât la dégradation, les Romains traitèrent les artistes dionysiaques suivant les idées grecques. Voici une lettre adressée, au temps de la république, par un général romain à la compagnie de Thèbes : « Je vous accorde, en considération de Dionysos et des dieux et aussi de la profession dont ils sont les patrons, d'être exempts des prestations et des logements militaires et de n'être soumis à aucune contribution d'aucun genre, vous, vos femmes et vos enfants jusqu'à leur majorité". Plusieurs généraux romains témoignèrent une grande faveur aux artistes dionysiaques. Ils accoururent de toutes les parties du monde héllénique aux jeux que Paul-Emile célébra à Amphipolis, après la défaite de PerséeL1. Ils s'étaient rendus en grand nombre en Italie pour les jeux que donnèrent à Rome Fulvius Nobilior et Scipion l'Asia 1)10 249 DI0 t.ique46. Quelques-uns des généraux triomphateurs ne voyaient dans la présence des artistes grecs qu'un moyen de rehausser la magnificence des jeux qu'ils donnaient au peuple romain. Polybe a raconté une scène d'impudente bouffonnerie dans laquelle les artistes dionysiaques menés à Rome se moquèrent de l'ignorance du préteur Anicius et du public 49. Sous l'empire, les corporations dionysiaques continuèrent à prospérer. L'établissement de jeux grecs à Rome par Néron et Domitien leur valut probablement la faveur de ces empereurs. Mais ce fut surtout sous les Antonins qu'ils atteignirent au comble de la prospérité. Toutes les corporations se réunirent en une seule compagnie placée sous le patronage de l'empereur associé à Dionysos. Voici le titre qu'elle prit : 'H ispâ `Aiptxvr'„ Individuellement, les artistes n'étaient pas moins honorés. Un grand nombre d'inscriptions de cette époque attestent que les cités leur élevaient fréquemment des statues; les villes s'empressaient de leur conférer le droit de cité, le titre de sénateur; beaucoup d'entre eux avaient été faits citoyens romains. Jamais les jeux, où ils pouvaient gagner la gloire et l'argent, n'avaient été aussi nombreux ". En voici un exemple : « La ville de Smyrne à son compatriote C. Julius Julianus, tragédien, vainqueur aux jeux célébrés pour la troisième fois (à Sparte) en l'honneur de Jupiter Uranios, aux jeux Pythiens et Actiens, dans les jeux de l'Asie et de la Crète, 340 fois vainqueur dans d'autres jeux triennaux et quinquennaux, gratifié du droit de cité dans toute la Grèce, la Macédoine et la Thessalie 60. » Une ville élevait une statue à un citharède « couronné dans tous les grands jeux du monde entier depuis le Capitole jusqu'à Antioche de Syrie" ». La dernière inscription où soit mentionnée la compagnie universelle des artistes dionysiaques date du règne de Caracalla", mais il est probable qu'elle dura autant que l'empire romain. P. Foix un'. décret de Corcyre, aux membres d'une commission, qui, de temps à autre, était instituée pour réviser et pour ré former la législation en vigueur (SropOss tç Tôly v(Igwv)1. On peut rapprocher de ce décret le passage de Plutarque dans lequel on lit que les Athéniens nommèrent Solon T1'9ç ao),t