Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DIOSCURI

DIOSCURI. Les Dioscures, fils de Jupiter, Avaxoupoc, plus correctement A« iaxopoc ou Atoaxdpw au duel 1 ; c'est la forme sans u que préfère Phrynichus et qui prédomine dans Ies inscriptions de bonne époque 3, Aroaxoupst est plus fréquent dans les textes littéraires : on trouve aussi en Laconie Atoaxwpot 4. En latin, on a le pluriel Castores 6. Le nom de Dioscures était particulièrement appliqué à Castor et à Pollux, Kc'artop, Ho),uSEGxrs, mais il était aussi porté par d'autres couples analogues, par exemple les deux fils d'Antiope, Amphion et Zéthus 6, qui sont appelés, comme les Dioscures, nEuxoxJiàw 7 et ne sont autres que les Dioscures thébains, Le nom Kaurwp a été rattaché à une racine xu signifiant briller 8, celui de Ho),ulaûxr,ç à une racine SEox, huit, de signification analogues ; on l'a aussi expliqué par le vieux mot étolien le xos équivalant à y),ui,S; 10, mais toutes ces étymologies sont fort incertaines. La forme primitive de Atoaxopot est A1, àç xoûpot, fils de Jupiter, ou Attis xoipot 11. Le singulier Atéaxopoç est inusité h2. Les Dioscures sont aussi nommés TusSxpiSxt 13, TtvSxpiêxt t', Tqn daridae 15, c'est-à-dire « fils de Tyndare » : ce dernier nom est à l'origine un surnom de Jupiter, de la racine 'ru signifiant frapper16. Quand le surnom fut oublié, on fit de Tyndare le père putatif des Dioscures, Tuvôtép£w treiisç 17, et l'évhémérisme des temps postérieurs représenta Tyndare comme un roi de Sparte, auquel les Dioscures auraient succédé i8. Analogies orientales. Il existe dans le panthéon védique un couple divin dont l'analogie avec les Dioscures a été signalée de bonne heure : ce sont les Açvins, c'est-àdire les cavaliers 13 (sanscrit açvas, cheval). Plusieurs hymnes du Rigvéda sont des invocations aux Açvins considérés comme les jumeaux puissants du ciel, d-ivo napâtû, fils de Vivasvat (le ciel) et de Saranyîi, qui les ont procréés sous forme chevaline. Les savants indous et les mythologues modernes, tout en rapportant la conception des Açvins à des phénomènes lumineux, ne sont pas d'accord pour en préciser la nature. On y a vu successivement le jour et la nuit, l'étoile du matin et celle du soir, la double constellation des gémeaux, les dieux du crépuscule, représentants des ténèbres qui cèdent et du jour qui point, couple formé par le dernier instant de la nuit et le premier du jour. Cette explication, déjà proposée par Goidstileker, a été récemment développée par M. Myriantheus. M. Bergaigne se demande si le couple lumineux des Açvins ne personnifiait pas aussi, dans les Védas, l'opposition d'un dieu opérant dans le ciel et du feu du sacrifice opérant sur la terre20. II remarque d'ailleurs à ce sujet : DlO --250 --DI O r Que le fonds commun de croyances conservé par les dix ers peuples indo-européens après leur séparation ait comporté la formation d'un couple mythique tel que celui des At-vins dans l'Inde et celui des Dioscures en Grèce, c'est ce qui peut être admis sans difficulté, A ce point de vue, il est très légitime de rapprocher les traits analogues de l'un et de l'autre mythe et d'en expliquer la concordance par l'identité des croyances primitives, Mais ii y a loin de là à admettre l'existence, dans la période indoeuropéenne, d'un mythe exactement délimité et définitivement fixe. » Nous nous associons entièrement à ces réserves. Dans le Zendavesta, les Aévins paraissent sous le nom de 1-lspina ydvieta, « les deux jeunes Acvins'-' », Nous savons par Timée 22 que les Celtes avaient un culte particulier pour les Dioscures, qui passaient pour être nés de 1 Océan. Les images de Castor et Pollux sont représentées sur un autel découvert e. Paris à côté de divinités celtiques 23. Tacite dit que les Germains adoraient un couple analogue sous le nom d'Alcïs 2''. On a aussi identifié aux Dioscures les déca deli de la mythologie lithuanienne, qui sont comme eux des héros cavaliers 2S. ivaissallee des ,Dioscures, Les Dioscures sont fils de Léda et de Tyndare u, ou de Léda et de Jupiter u ; ils sont jumeaux 2". Pollux est fils de Jupiter, seul immortel ; Castor, son frère peiné, est fils de Tyndare, frère de Clytemnestre et mortel 29. Léda s'est unie dans la môme nuit à Jupiter métamorphosé en cygne, dont elle aeu Pollux et Hélène, et à son époux Tyndare, père de Castor°0. Léda met au monde un oeuf" d'où sortent les Dioscures et leur soeur l-1 lène u. D'après la tradition la plus ancienne, Hélène seule naît d'un oeuf, produit des embrassements de Jupiter et de Némésis cet oeuf est l'objet des soins de Léda 33. Ailleurs; il est dit que cet oeuf de Némésis contient les Dioscures avec Hélène u. Les Dioscures viennent au monde sur le flanc du mont Taygète u, ou à Amyclae 36, on dans une petite île voisine de Pephnos sur la côte occidentale de Laconie, qui avait autrefois appartenu aux Messéniens : de là Mercure les amène à Pel.lane, résidence de Tyndared7. histoire légendaire. Comme les Dioscures appartiennent au plus ancien fonds de la mythologie hellénique, r nord 'est tenir. ê mclé à beaucoup de traditions locales; plus tard, à l'époque de l'evhémérisme, on a fait savant éditeur des inscriptions de Paris. 2'c Tac. Germe. XLm, 15; cf. te commentaire de Selrweizer Sidier sur ce passage et Ïvlyriantheus, Op. ' p. 52. des peuples sauvages certaines divinités analogues aux Dioscures grecs. a La même ressemblance entre les légendes grecques et australiennes apparaît pour la constellation de Castor et Pollux. Dans les den. pays, ils oui été des hommesEu Austra Tue,, et Wan.gei sont des jeunes hommes qui poursuivent Pur,'a et le mettent ;1 mort. Che. les Boschimans, Castor et Pollux, au lieu st ètrc des hommes, sont dent épouses de la grande ankilope indigène. n lAndrew Lang, ka mythologie. trad. Parmentier, Paria, 1886, p. 172-73). Nous signalons ces rapprochements à titre de euriosïté, mais sans leur attribuer la même valeur que tes folkloristes. 26 Hom. od. XI, 298-355; n. IIi, 238. Cependant, dams Homère, Hélène saint. des DiosXXX1 (cd, fiemoll); T heoer. XXn, 1; Hesiod. ap. Schol, Pind. Hem. X. 150; Fur, Apollod. III, 10. 7; Cypr. tragm. 5, ap. Ctem. Aies. Profrept. p. 26. -36 Apoltod. 11I, 10, 7. 31 On racontait une histoire semblable touchant la naissance des Ausone, Fpigr. 56; Serv. Ad Aen. tuI. 338Voy. les Dioscures naissant de l'oeuf, suc un miroir d'Orvieto, Ciao. areheol. 1877, pl. 3. Cf. un vase peint de Saint-Péters effort pour concilier les diverses légendes et pour les combiner, de sorte que les récits les plus complets sont formés d'éléments disparates. Rappelons brièvement les fables où ils ont joué un rôle secondaire, avant de passer aux trois épisodes principaux de leur histoire. Sur un beau vase de Milo, actuellement au musée du Louvre; les Dioscures à cheval combattent avec les dieux contre les géants 28. Parmi les épisodes figurés sur le coffre de Cypsélus 39, Pausanias mentionne une course de chars, conduits par Pisus, Asterion, Pollux, Admète et Euphémus; ce dernier remporte la victoire. Au lieu de Pollux, on trouve Castor, K9MTOP, sur une amphore de Caeré 48 qui représente le même épisode. Quelques fragments d'Alcman font allusion à un combat entre les Hippocoontides et les Dioscures, qui exterminèrent leurs adversaires ". Ils paraissent dans le récit de la chasse de Calydon [MELEAGER] à côté des Apharides Idas et L yncee". Ovide les fait figurer ait premier rani; des chasseurs ", et S:iopas les avait représentés dans le fronton du temple de Minerve à Tégée, où il avait sculpté une scène de la chasse'i4. Dans l'expédition des Argonautes [AHGONAUTAEI, Pollux triomphe d'Amycus, roi des Bébryces, au combat du ceste". Les Dioscures apaisent un orage 4', fondent la ville de Dioscourias en Colchide 47, rapportent de ce pays une image d'Arès et le culte d'Athéna Asia 48. Sur une magnifique amphore de la collection Jeta, on voit Castor et Pollux soutenant dans leurs bras le géant Tains qui expire, empoisonné par un breuvage de Médée 49. La scène se passe dans l'fle de Crète, où la légende plà.ce le géant Talcs, qui meurt pour s'être opposé au débarquement des Argonautes 30. Castor et Pollux détruisent la forteresse de Ale ou Aûç sur le Taygète, au-dessus de Gythium, d'oi9 leur surnom de Axaépa'«t 51. Les Dioscures auraient aussi combattu Agamemnon pour protéger leur soeur Clytemnestre u. Ils vinrent au secours des Locriens, qui avaient imploré l'aide de Lacédémone contre les Crotoniates. Pendant le combat, qui se livra à la rivière Sagra, un aigle, messager de Jupiter, planait au-dessus des Locriens : aux ailes de l'armée combattaient deux héros vêtus de pourpre, couverts d'armures éclatantes, montés sur des chevaux blancs, qui disparurent tout de suite après le combat". Cette légende 9. Castor et Pollux prenant congé de Tyndare sont représentés sur deux ampilons d'Exékias (voy. fig. 2433 et note 108). On doit peut-être reconnaitre le même sujet sur une coupe de Kakrylion, rit. Mus. Vases, n' 827; cf. ibid. 5; Furtwaengier, Antiquariune, n' 1655. -41 Bergk, Poetae lyriei 5raeci, 4' éd. VIII, 300. 44 Pans Vlll, 45, 4. Castor et Pollux, attaquant le sanglier, sont de Glaukytos u Munich, O. dahu, l'asensamnalunq, n' 333; Geelrard, Auserl. Va amphores attiques, Gerhard, Etrttsk. Campan. Vasenbilrler, pl. x, i-3; FurtwënXX, 3, 4; Diod. Hoc. Vatic. VII-X; Suidoo, s. e'. .5 stis,5,a eh, t,f l2éy9a. Cf. My riantheus, Die Acvias, p.110. D10 2h1 •-D10 a pu donner naissance à celle de l'intervention des Dioscures en faveur des Romains à la bataille du lac Régine ". Les fils d'Apharée, Idas et Lyncée, dont les noms ont été expliqués par des racines indo-européennes en rapport avec l'idée de lumière (vid et lu/c), ne sont peut-être que les Dioscures messéniens, opposés aux Dioscures de Laconie Castor et Pollux as, Comme les Dioscures, auxquels ils étaient apparentés, ils avaient pris part à l'expédition des Argonautes et à la chasse de Calydon s6. Un jour, les Apharides et les Dioscures emmenaient des troupeaux dont ils s'étaient emparés en Arcadie. Idas, chargé du partage, décida que la moitié du butin appartiendrait au premier qui aurait mangé un quartier d'un taureau qu'il avait coupé en quatre 67 ; le second recevrait l'autre moitié. Comme il réussit à manger avant les autres non seulement son quartier, mais celui de son frère, Idas, avec Lyncée, poussa tout le troupeau vers la Messénie. Les Dioscures les suivirent, reprirent le troupeau avec d'autre butin et épièrent les ravisseurs. Lyncée, dont la vue était perçante, aperçut Castor et Pollux (ou Castor seulement) dissimulés dans le tronc d'un arbre. Un combat commença 58, au cours duquel Idas tua Castor et Pollux tua Lyncée : mais Idas, après avoir tué Pollux d'un coup de pierre, fut frappé de la foudre par Jupiter, qui enleva Pollux au ciel 3B. La scène de ce combat était la Laconie ou la Messénie 60; Ovide la place à Aphidna n. Des récits différents sont donnés par Pindare 62 et par Hygin n. Suivant Pindare, Castor venait d'enlever le troupeau d'Idas : Lyncée l'aperçut du sommet du Taygète et appela son frère. Ils fondirent ensemble sur Castor et le tuèrent. Pollux accourut et les mit en fuite, mais ils s'arrêlèrent près du tombeau d'Apharée, et la, saisissant une statue d'Hadès 61., ils la lancèrent contre Pollux Celui-ci, brandissant un javelot, perça le flanc de Lyncée, tandis que la foudre de Jupiter consumait Idas. Pollux accourt auprès de Castor expirant. Jupiter lui laisse le choix entre l'immortalité et le partage de la vie avec son frère : Pollux passera la moitié de sa vie dans la nuit du tombeau et le reste du temps clans l'Olympe. Pollux, n'écoutant que son amour fraternel, accepte ce dernier parti aussitôt Castor ouvre de nouveau les yeux à. la lumière `". Une tradition postérieure 66, ou plutôt la combinaison de deux traditions, mettait la lutte des Dioscures et des Apharides en rapport avec l'enlèvement des Leucïppides. Cellesci, appelées Phébé et Hilaire (tIcÉ al, `11sxi:prc), noms dont la signification lumineuse est évidente, étaient les filles du roi messénien Leucippe ou, suivant d'autres, d'Apollon 67. Mais Leucippe est identique à Apollon, comme Tyndare à Jupiter. Les Leucippides étaient fiancées à. Idas et à Lyncée, neveux de Leucippe : Phébé était prêtresse de Minerve, hilaire de Diane. Les Dioscures enlevèrent ies jeunes filles à leur banquet de noces et furent bientôt attaqués par ies Apharides. Suivant le récit d'Hygin n, Castor tua Lyncée; Idas cessa le combat et s'occupa de rendre les honneurs funèbres à. son frère. Castor voulut l'en empêcher, disant que Lyncée s'était laissé vaincre comme une femme : iàdessus, Idas perça de son épée le flanc de Castor ou le tua sur le bûcher de son frère. Pollux accourt, tue Idas et ensevelit Castor; puis il obtient de Jupiter de partager avec son frère la vie et la mort. D'après Théocrite, les Dioscures ont enlevé à, la fois les Leucippides et les troupeaux des Apharides. La première rencontre a lieu près du tombeau d'Apharée. Lyncée engage un combat singulier avec Castor : it est tué, mais Idas, témoin du combat, s'élance sur le vainqueur, qui est sauvé par la protection de Jupiter. Idas, frappé de la foudre, est consumé. 11 y a encore d'autres variantes sur lesquelles il est inutile de nous arrêter. Pollux eut de Phébé Mnesileus, Mnesinous ou Asie L'enlèvement des Leucippides a souvent été représenté nous; Castor eut d'Hilaire Anogon, Anaxis ou Aulothus 69. par l'art : Pausanias mentionne un bas-relief de Gitiadas DIO 252 DIO à Sparte et une peinture de Polygnote dans un temple d'Athènes où cette scène était figurée 7°. Parmi les monuments qui subsistent 71, un des plus intéressants est la peinture d'une hydrie signée MEiolAE E1101HFEN au musée Britannique 7°, composition dont nous reproduisons ici le registre supérieur (fig. 2430). On voit, clans deux quadriges, Pollux et Ililaïre, d'une part (HOATAErKTHF., EAEPA), Castor et Eriphyle de l'autre (KAnTd2P, EPI1vAH). Entre les deux quadriges est l'image archaïque d'une déesse, peut-être l'Artemis Limnatis de Messène. Peitho (nE1a11) s'éloigne en courant, pendant que Agavé (AFAYH) 73 court vers Jupiter (LUI), assis le sceptre à la main. Près d'un autel, devant le groupe, est assise Aphrodite (A'hPOà1TH); devant elle est agenouillée Chryséis (XPTZEtS.). L'aurige du quadrige de Castor s'appelle Chrysippe (XPrZ1HIloE). La scène de l'enlèvement est beaucoup plus mouvementée sur un sarcophage du Vatican" (fig. 2431), dont les motifs sont peut-être empruntés à des peintures. Entre les deux ravisseurs on aperçoit les compagnes des Leucippides qui s'enfuient; sur la droite, Philodikè, la mère des jeunes filles, etleur père Leucippe; sur la gauche, deux guerriers combattant, où l'on a voulu reconnaître Lyncée s'efforçant de retenir son frère Idas, mais qui représentent plus vraisemblablement, comme en raccourci, la lutte des compagnons des Dioscures contre ceux des Apharides. On a découvert à Dodone 76 une plaque de bronze du plus beau style, décoration d'un géniastère de casque, qui représente le combat de Pollux et de Lyncée ; ce dernier est déjà terrassé et le Dioscure, reconnaissable à son casque conique, s'apprête à lui porter le dernier coup (fig. 2432). Un autre exploit mythique des Dioscures est la délivrance de leur soeur IIélène, enlevée soit par Thésée et Pirithoüs, soit par les Apharides 7 : suivant cette première version, Thésée gardait Hélène dans la forteresse d'Aphidna en Attique et refusait de la livrer à ses frères. Les Dioscures ravagèrent l'Attique 77 ; pendant que Thésée était avec Pirithoüs aux enfers, ils prirent Aphidna 76 et enlevèrent Hélène avec la mère de Thésée, Aethra 79. Puis ils installèrent Ménesthée sur le trône de l'Attique 80. Ménesthée introduisit dans ce pays le culte des Dioscures R1; Aphidnos les avait adoptés pour qu'ils pussent être initiés aux mystères éleusiniens. Cette légende comporte des variantes nombreuses. Tyndare a livré lui même Hélène à Thésée, de crainte que l'Hippocoontide Enarsphoros ne lui fit violence as; Castor est blessé à la cuisse droite par Aphidnos, roi d'Aphidna S3 ; Titacus, indiqué la même différence 90, en donnantà Polluxl'apparence d'un lutteur i°° ; quand Castor et Pollux sont représentés ensemble, il y a aussi, mais rarement, quelques différences de détail entre les deux frères". Mais il ne paraît pas s'être établi à cet égard de règle ni de traditions fixes. Dans la statuaire de l'époque helléles Dioscures sont MO 253 DIO ancêtre des Titacides, livre Aphidna aux Dioscures 81'; les habitants de Décélie ou Décélus lui-même, ou Académus, révèlent aux Dioscures qu'Hélène est enfermée dans Aphidna 85, en suite de quoi les Spartiates accordent des privilèges à ceux de Décélie et respectent leur ville pendant la guerre de Péloponnèse 86. Thésée est présent à la bataille contre les Dioscures 8'; ceux-ci tombent dans le combat 88. De bonne heure cette légende fut confondue avec celle de l'expédition contre les Apharides ; on plaça même à Aphidna la scène du combat entre les Apharides et les Dioscures 8s_ La participation alternative à la vie et à la mort, consentie par Pollux en faveur de son frère, a pris dans la littérature grecque et romaine une signification toute morale; mais il est évident qu'à l'origine il n'y a là qu'un mythe naturaliste, qui remonte, en dernière analyse, à la succession de la lumière et des ténèbres. Nous avons donné plus haut la version de Pindare 30. Il est question de la même légende dans l'Odyssée 91. Dans l'Iliade 92 il est dit qu'à l'époque de la guerre de Troie ils mènent une existence souterraine, Toi) :itsrn xar€xev aga iv Aaxuhe(govt. La tradition, avec le temps, devint plus précise : les Dioscures sont à la fois mortels et immortels; ils sont morts et ils vivent 93, ils sont toujours séparés, puisqu'ils vivent chacun alternativement un jour, ce qui semble fort ridicule à Lucien 96. Pausanias 95 signale à Sparte le tombeau de Castor et rap porte que les Tyndarides ne furent élevés au rang des dieux que quarante ans après leur combat contre lesfilsd'Aphar. ée. La tradition plaça les Dioscures déifiés parmi les étoiles9G, mais ce n'est qu'à une époque postérieure qu'on les identifia àla constellation des gémeaux 97. En somme, il y apour le moins trois légendes : 1° les Dioscures sont un couple chthonien ; 2° les Dioscures sont un couple lumineux alter nant; 3° ils forment un couple lumineux inséparable. La tradition la plus ancienne est celle à laquelle l'Iliade fait allusion : elle appartient peut-être à une mythologie prédorienne, que les conceptions aryennes, analogues au couple védique des Açvins, ont modifiée dans la suite. II faut encore remarquer le caractère essentiellement dorien du couple des Dioscures : non seulement leur culte se rencontre surtout dans les villes doriennes, comme Sparte et Tarente, mais la légende a fait d'eux les ennemis de Thésée, héros attique et ionien qu'ils combattent. On les trouve mêlés aux traditions doriennes du nord de la Grèce, telles que la chasse de Calydon, l'expédition des Argonautes. Leur introduction dans le culte attique, attribué à Ménesthée, n'appartient pas, semble-t-il, à une époque très ancienne. Attributs, surnoms et symboles des Dioscures. La poésie épique la plus ancienne a fait effort pour marquer la personnalité des deux frères : Castor est un dompteur de chevaux, Pollux excelle au pugilat : nistique, où leur type a été constitué, des adolescents imberbes dont les traits ont une expression un peu rêveuse1p2. Dans les peintures de vases, ils ne sont reconnaissables qu'à leurs attributs. Les Dioscures sont l'un et l'autre des dieux cavaliers, et c'est surtout à cheval que la littérature et l'art les représentent Soi. Leurs chevaux, qu'ils montent au pas D10 2i DIO ou au galop, sont bleus '0'; souvent fis les conduisent par la bride _ -t, ou sont de bout à cédé d'eux '0s. sur quelques monnaies frappées en Italie, on les voit galoper en sens contraire 1°°. Ii arrive aue-i, dans la statuaire, que l'un ou l'autre des Dioscures est PCprésente de bout, à cûii, ~_ _ d'une pro i tomé de che val qui symbolise, comme en abrégé, la monture du hé ros 10T. Nous donnons ici comme spécimens la peinture du vase d'CxéLias, conservé au musée Grégorien, où l'on voit les Dioscures avec Léda (fig. 2433) 106; les deux colosses du 1fruite-Cavuiio à Rome, où Visconti a cru rcconnaitre des imitations des Dioscures d'Hégias, signalés par Pline 100 devant le temple de Jupiter Tonnant (fig. à43-'4) 410 et qui paraissent dériver d'originaux grecs antérieurs à l'époque alexandrine; enfin, une statue inédite du musée du Louvre (n° 416), ayant fait partie de la collection Campana, qui représente un Dioscure à cédé d'une protorté de che val (fig. bàdo). Les Dioscures sont aussi figurés sans leurs chevaux, groupés debout ou assis 1i, ou bien l'un assis et l'autre debout 12, appuyés sur leurs lances ou tenant différents attributs Très souvent, sur les monnaies, on n'a représenté que les tètes des Dioscures ou leurs bon nets coni ques surmontés d'étoiles 14 (fig. 24438). Le bonnet conique, atànç, est la coiffure caractéristique des Dioscures 11' ; selon une légende, il représente la moitié de l'oeuf d'où les Tyndarides sont nés 115. On ne le voit pas sur les monuments archaïques, où les Dioscures sont généralement nus et sans attributs 117; sur les vases, ils portent quelquefois le pétase, et non le pileus 118. Le pneus est une coiffure laconienne 119 et macédonienne 121 que l'on trouve également portée par des figurines de travail phénicien 121; il est probable qu'elle caractérisait les Cabires et qu'elle fut donnée comme un attribut presque constant aux Dioscures lors de la confusion, qui se produisit de bonne heure, entre ces deux couples de divinités 122. Pausanias 723 signale à Brasiae trois petites statues en bronze, portant des 7rD,ot, qu'il prend pour des Dioscures ou des Corybantes. Comme il ne peut être question de trois Dioscures, il s'agit sans doute, dans ce passage de Pausanias, d'anciennes figures représentant les Cabines. L'art classique donne aux Dioscures le pileus, une chlamyde de pourpreune lance ou un javelot 123; 1 DIO 255 DIO parfois l'un d'eux tient deux javelots 136 ou bien ils sont complètement armés 127. La sculpture hellénistique, à en juger par le petit nombre de monuments qui nous restent, prêtait aux Dioscures la nudité des athlètes f28. Sur les bas-reliefs et les monnaies qui les représentent à cheval, on voit leurs chlamydes flotter au vent 129 (fig. 2436). Ils dirigent aussi à travers les airs un char d'or 136 attelé de deux chevaux, nommés Phlogeus et LIarpagus, fils de la harpye Podarge, suivant les uns 131, Xanthus et Cyllarus suivant d'autres 132 La plus ancienne représentation des Dioscures mentionnée par les textes est un symbole primitif de leur attachement fraternel : ce sont les Sôx«v« spartiates, objet formé de deux planches verticales réunies par deux traverses horizontales'. La même pensée parait être exprimée sous une forme moins naïve dans un groupe archaïque en terre cuite trouvé à Cyzique : on y voit deux hommes assis, coiffés du pileus, l'un passant le bras autour du coude son compagnon'. On peut en rapprocher les terres cuites archaïques de Béotie qui représentent deux enfants coiffés du pileus et couchés ou assis dans le même lit 735. Un autre symbole des Dioscures sont deux amphores, autour desquelles s'enroulent parfois deux serpents : on trouve les amphores avec serpents sur les monnaies de bronze spartiates qui présentent au droit les Dioscures (fig. 2437)136; sur des monnaies d'argent de même provenance les iBot des Dioscures, surmontés chacun d'une étoile, figurent à côté d'une amphore. Tarente, colonie de Sparte, grava sur ses monnaies deux amphores surmontéesd'étoiles137.Lesamphores, avec ou sans le serpent, et le serpent seul paraissent aussi sur les bas-reliefs laconiens "g. L'association du coq avec les Dioscures sur un bas-relief 132 et la présence du coq avec l'étoile sur des monnaies de Tyndaris en Sicile, où parais sent aussi les Dioscures D', semblent indiquer que cet oiseau leur était consacré. Nous parlerons plus loin des étoiles, symboles des Dioscures identifiés aux Cabires. Le cygne et l'aigle, sur quelques monuments, rappellent les amours de Jupiter et de Lédaf'7. On trouve aussi la fleur de lotus, soit dans le champ du vase i2, soit dans la main de Léda qui. la présente à l'un des Dioscures 143 (fig. 2433). Enfin, Castor et Pollux sont parfois accompagnés de chiens ". Une gemme de Berlin, portant l'inscription 0tdoxopot, qui représente les Dioscures jouant aux osselets 145, est probablement la reproduction d'un groupe de la statuaire qui fait penser, comme l'a remarqué M. Furtwaengler, aux ptzeri astragalizontes attribués par Pline à Polyclète 16. Les Acvins védiques sont des guerriers, en lutte continuelle avec les démons des ténèbres, protecteurs des hommes et guérisseurs de leurs maux''. Ces caractères sont aussi ceux des Dioscures grecs ; divinités lumineuses, ils apparaissent à l'heure du péril et viennent au secours de ceux qui les invoquent sur terre et sur mer. La tradition, tant en Grèce qu'en Italie, les fait intervenir dans les combats, où ils assurent la victoire à la bonne cause ". Ils récompensent le poète Simonide, qui les a célébrés, en le faisant sortir à temps d'un palais qui s'écroule sur le tyran Scopas"Q. Protecteurs des navires dans la tempète", ils sauvent les vaisseaux des Argonautes 9i; en qualité de dieux marins, ils se sont bientôt confondus avec les Cabires de Samothrace, auxquels cette puissance tutélaire appartenait en propre. Comme les Acvins dans les Yédas, les Dioscures sont médecins 152. De même que les Açvins rendent à Viepâla le pied qui lui a été coupé dans la bataille, les Dioscures guérissent merveilleusement Phormion, stratège des Crotoniates, de la blessure qu'il a recue en combattant les Locriens 153. On a allégué aussi qu'en Laconie et ailleurs le serpent, symbole des dieux guérisseurs, est parfois associé aux Dioscures'"; mais il faut observer que le serpent symbolise également les divinités chthoniennes, au nombre desquelles étaient certainement, à l'origine, les Dioscures laeoniens. Cependant les Dioscures paraissent aussi, sur un bas-relief du musée Pie-Clémentin, en compagnie d'Esculape et d'ItygieM. Myriantheus pense que les deux Ascitpiades guerriers, Machaon et Podalire, ne sont autres, à l'origine, que les Dioscures Thessaliens 15G DIO 256 DlO Ainsi la qualité dominante des Dioscures, c'est d'être les protecteurs des hommes, des dieux sauveurs, ata'r'i9pEs1S7, avoir été primitivement synonyme de awTŸpEç762. Le surnom de 0E01 aryâ),ot 163 ne leur a été donné que plus tard, par suite de la confusion entre les Dioscures et les Cabires [CABIRI]. La piété populaire a fait d'eux des modèles de justice et de courage 164, comme les légendes ont célébré leur amour fraternel 165. L'hospitalité est une des vertus chevaleresques dont ils ont la garde 166. Ils punissent le Spartiate Phormion, chez qui ils se sont présentés comme des étrangers venant de Cyrène, parce qu'il a refusé de les recevoir dans la chambre qu'occupait sa fille : le lendemain la jeune fille avait disparu et l'on trouva dans son lit les images des Dioscures avec une table et un rameau de silphium 167. Ils récompensèrent Pamphas pour leur avoir donné l'hospitalité, et leurs bienfaits s'étendirent à ses descendants 16s. Au même ordre d'idées se rattache le rôle des Dioscures dans les théoxénies. Une stèle de Larissa, rapportée au Louvre par M. Heuzey 169, présente (fig. 2438) l'image d'une table chargée de mets auprès d'un lit de festin ; devant la table, un homme offre une libation sur un autel, tandis qu'une femme lève le bras droit vers le ciel, où apparaissent les Dioscures à cheval. Au-dessous d'eux plane une Victoire portant une couronne 170. L'inscription est une dédicace aux Dioscures-Cabires, Oao ç J.ey«),otç. Le sacrifice qui leur est offert est une théoxénie : ils arrivent à travers les airs pour se rendre au festin 171. Une représentation analogue se voit sur un vase attique trouvé à Camiros dans l'île de Rhodes (fig. 2439) 172. Il est aussi question d'une théoxénie des Dioscures dans une inscription de Paros 173 Athénée 178 mentionne un poème de Bacchylide où il appelait les Dioscures au banquet, xa)s6b aitcàg e'7Tt Uvt« 173, et s'excusait de sa pauvreté qui l'empêchait de les recevoir dignement. On trouve à Ténos une société de Théoxéniastes, xotvàv TÔbV Oco est«aT6)v 176. Diodore raconte 177 que les Locriens, ayant envoyé à Sparte pour demander du secours, reçurent pour réponse qu'il fallait se concilier la protection des Dioscures. Les envoyés dressèrent sur leur navire un lectisterne, x),(vrl, où ils placèrent les images des Tyndarides. Il y avait à Sparte et à Agrigente des banquets (;Asa) en l'honneur d'Hélène et des Dioscures 178. Les Athéniens dressaient des tables au Prytanée pour les Dioscures, comme pour des hôtes publics179. On y servait du fromage, un gâteau de farine d'orge, une assiettée d'olives mûres et une botte de poireaux; ces lectisternes existent aussi dans le culte cabirique 100 et, en général, dans les cultes des divinités chthoniennesi'f. Comme différentes traditions, que nous avons indiquées plus haut, mentionnaient des visites faites par les Dioscures à des mortels 102 il est probable que ces théophanies, dont certaines familles se faisaient un titre d'honneur183 ont été l'origine des théoxénies dans les cultes locaux. La croyance aux théophanies des Dioscures et l'usage des théoxénies en leur honneur donnèrent même lieu à des stratagèmes. Pausanias 184 raconte que deux jeunes gens Messéniens, Parnormus et Gonippus d'Andanie, profitant d'un jour où les Spartiates célébraient la fête de Castor et Pollux par des festins et des jeux, se présentèrent tout à coup au milieu d'eux, vêtus de tuniques blanches et de chlamydes de pourpre, montés sur des chevaux magnifiques, coiffés de pilei et tenant une lance à la main. Les Spartiates, croyant que c'étaient les Dioscures, arrivés pour participer aux fêtes en leur honneur, se prosternèrent devant les deux Messéniens : ceux-ci firent un grand carnage de leurs adorateurs et revinrent sains et saufs à Andanie. Irrités de ce sacrilège, dit Pausanias, les Dioscures poursuivirent les Messéniens de leur haine et ne consentirent à leur retour dans leur pays qu'au temps d'Épaminondas. Nous savons aussi par Polyen 185 que Jason de Phères, ayant besoin d'argent pour solder ses troupes après une victoire, répandit le bruit qu'il devait son premier succès à l'intervention des Dioscures et qu'il avait promis de les inviter à son festin. On porta au camp des tables avec de la vaisselle d'or et d'argent, dont Jason se hâta de s'emparer pour payer ses troupes. Cette anecdote prouve aussi que la célébration des théoxénies ne comportait pas en tous lieux autant de simplicité qu'à Athènes. Les Dioscures, en particulier Castor 180, sont des divinités guerrières, dont les rois de Sparte, avant les guerres médiques, emmenaient les images sacrées en campagne 187. Ils président également aux ,jeux 188, qui sont l'image des combats ou quiy préparent. Hercule, admis dans l'Olympe, leur a confié la surveillance des jeux olympiques t". Dans les concours que le fils d'Alcmène avait institués à Olympie, c'est Castor qui a le premier vaincu à la course et POHna: au pugilat 150. A Sparte les statues des Dioscures s'élèvent à l'entrée du stade " ; à Olympie leur autel se dresse à l'entrée de l'Hippodromei92; les vainqueurs aux jeux leur offrent des ex-voto 13. Ils sont amis de la chasse, et le nom de Castor est resté à une race de chiens dits castorides 194. La musique '9', la danse, la poésie, ont en eux des protecteurs 16. Ils ont appris aux Spartiates, après l'avoir apprise eux-mêmes de Minerve, la danse en arlnest97; c'est à eux aussi que l'on attribue la danse guerrière dite caryatis ose, et la marche III. militaire des Spartiates, Kaa'ropEtoc vôgos, passait pour l'invention de Castor". En leur qualité de divinités agonistiques, les Dioscures paraissent avec la couronne et la palme' : tantôt ils tiennent la palme et la couronne à la main, comme sur une monnaie d'or de Tarente (fig. 2440) 201 ; tantôt leurs pilei sont ornés de lauriers, comme sur les monnaies des Bruttiens, des Séleucides, etc. 202. Sur quelques pièces de Tarente, on voit un cavalier plaçant une couronne sur la tète d'un cheval ; d'autres fois c'est une Victoire qui couronne un cavalier ou un jeune homme qui conduit un bige 203. La présence d'une étoile au dessus du bige ou du cavalier semble prouver que le héros représenté est Castor, associé au cheval sur les monnaies de Tarente, comme le héros Taras au dauphin dans la série numismatique de la même ville. Il a été question ailleurs de la confusion des Dioscures avec les Cabires [cABIRI] 204, Contentons-nous d'en rappeler ici quelques traits essentiels. Comme les Cabires, OEoi gs Xot, les Dioscures deviennent les protecteurs des marins en détresse 205, qui promettent de leur sacrifier des agneaux blancs 206. Dans la tempête qui menace les Argonautes, lorsqu'Orphée invoque les dieux de Samothrace, le vent se calme soudain et deux étoiles brillent sur la tête des Dioscures 207. On croyait reconnaître les Dioscures-Cabires dans les flammes phosphorescentes qui voltigent sur la mer par temps d'orage 208. Pendant la guerre du Péloponnèse, deux astres parurent à l'arrière du vaisseau de Lysandre et furent pris pour les Dioscures205. C'est aux Dioscures que l'on attribuait le phénomène connu sous le nom de feu Saint-Elme 2'0, nom qui est une corruption de celui d'Hélène, sous lequel on le désignait à l'époque byzantine 211. La confusion entre les Dioscures et les Cabires devint complète à l'époque hellénistique et romaine, lorsque le culte des divinités de Samothrace prit une grande extension 212. A la fin du ne siècle av. J.-C., les Cabires-Dioscures, OEol gsyékot AtOaxopot Ké6Etpot, ont un temple à Délos, où ils sont associés à Neptune, Poseidon Aisios 213. Pausanias 21'' signale l'analogie des Dioscures avec les Corybantes d'une part, les Curètes et les Cabires de l'autre; dans le dernier passage210, il s'agit de héros juvéniles appelés 5AvaxTES dont on célébrait la fête, TEAET'r, à Amphissa en Locride. Les étoiles qui paraissent au-dessus de la tète des Dioscures ou de leurs pilei 210, en particulier sur de nom 33 1)10 258 D10 tireuses monnaies21 , symbolisent leur puissance protectrice comme dieux n Crins; la, tempête s'apaise lorsque 11 Mufles brillent au ciel. Valérius Flaccus les appelle dae 218. Sur une monnaie d'Héphtestia de Lemnos (fig. 2441) on voit les bonnets des Dioscures surmontés d'étoiles de part et d'autre d'un flambeau allumé : or, l'île de Lemnos est un des centres les plus anciens du culte cabirique. I1 a été question à l'article cABin1(p. 769) de certains basreliefs où les Cabires-Dioscures sont associés à une figure féminine que F. Lenormant appelait Déméter219, tandis que d'autres archéologues y reconnaissent Hélène, la soeur des Dioscures (fig. 2412)220. Sur un bas-relief récemment laliTHq découvert à Carnuntum 221, on voit les Dioscures à cheval de part et d autre d'une femme qui tient deux vases où s'abreuvent les chevaux. Au-dessus de chacun des cavaliers est un serpent; dans le champ sont indiqués plusieurs bustes. La personnalité mythique de la figure féminine paraît difficile à préciser 222. Sur les vases peints et les miroirs étrusques, les Dioscures paraissent associés à Léda et à Tyndare 223, à Léda seule 22 à Hélène 225, à Médée", à Ménélas ou à Paris 227, à Prométhée 228, peut-être aussi à Clytemnestre 229 ; parmi les divinités, à Minerve 23o à Mercure 23f,àlaVictoire232,àVénus23a,àLosna(Luna)234,àl'Aurore 233, au Soleil levant 226 Nous ne parlons pas ici des autres personnages, tels qu'Amycus, Aethra, les Leucippides, les Apharides, etc., qui figurent dans les monuments relatifs aux différents épisodes de l'histoire légendaire des Dioscures que nous avons résumés plus haut. Culte des Dioscures. Le centre le plus ancien du culte des Dioscures est le Péloponnèse, en particulier la Laconie. la Messénie et l'Argolide. La tradition les faisait naître à Pephnos 237 ; leur demeure souterraine était à Thérapnae 23e qui possédait un temple des Dioscures et une image de Mars rapportée par eux de Colchide 239. Amyclée aussi s'honorait de leur présence, d'où leur épithète Ayux).atot 210. Sparte, séjour des Tyndarides 241, montrait le tombeau et le sanctuaire de Castor 242, le sanctuaire et la source sacrée de Pollux, 243, la maison des Dioscures 244, un sanctuaire où ils étaient adorés avec les Charites 243. Comme Zeus et Athéna, ils avaient leurs autels à Sparte avec le surnom d'àgèsn Xtot 246; ils dominaient l'entrée du stade comme efEriiptot 247. La victoire de Pollux sur Lyneée était rappelée par un trophée près du temple d'Esculape 248. Messène, relevée par Epaminondas, sacrifie tout d'abord à Jupiter Ithomate et aux Dioscures, dont elle s'était autrefois attiré la colère243. Pausanias vit à Messène des images des Dioscures enlevant les Leucippides 250 ; il signale, dans la plaine de Stényclaros, un poirier sacré où les Dioscures s'étaient assis et près duquel Aristomène, qui s'en était approché malgré la défense d'un devin, perdit son bouclier241. Les fêtes des Dioscures étaient célébrées à Sparte par des danses militaires et des jeux, tant dans la ville que dans les camps 252; une inscription d'époque romaine 253 mentionne une prêtresse ywvsliai; Twv traluvoTtéTtnV Atotrxoup€wv. A Argos, où un temple des Dioscures renfermait leurs statues, oeuvre des vieux sculpteurs crétois Dipoinos et Scyllis 131, on montrait le tableau de Castor, surnommé (ttEupyayéTaç, c'est-à-dire demi-dieu, suivant la légende qui faisait de Pollux seul un olympien255. D'autres témoignages attestent l'ancienneté et la diffusion du culte des Dioscures en Argolide 256. Il a laissé également des 1)10 ---259-D10 traces en Arcadie (lantinée 257, Clitor 266), en Achaïe 2'`0, à Amphissa en Locride2eo et en Béotie 261 En Attique, où l'introduction du culte dorien des Dioscures, sous le nom d'âvuxreç et awrilpeç, était attribué à Ménesthée 262, l'adversaire légendaire de Thésée, Castor et Pollux sont adorés sous le nom d' 'vaxe; 263, amrx,pa 'Avccxe Ils possédaient à Athènes un temple fort ancien26' où ils étaient représentés debout, à côté de leurs fils juchés sur leurs chevaux260; Polygnote y avait peint l'enlèvement des Leucippides, et Micon des épisodes de l'expédition des Argonautes. Un des sièges du théâtre de Dionysos est encore été possible de déterminer qui est ce héros Épitegios dont le culte paraît ainsi associé à celui des Dioscures 210. On a récemment découvert à Rome, sur l'Esquilin, un beau bas-relief de style attique représentant les Dioscures assis, appuyés sur leurs lances, à côté de leurs chevaux, et recevant une procession de suppliants (fig. 21i/13) 211. Les Dioscures étaient vénérés comme p.t'(â)ot Oeo' à Cé1 halae''2, et ils passaient pour avoir été initiés aux mystères d'Éleusis 273, tradition à laquelle certaines peintures de vases font peutêtre allusion 2''". Le même culte se retrouve à Cythère à Corcyre (darmviaot au mont Istoné) 276, en Épire 217, à Toroné en Chalcidique278, dans les monts Acrocérauniens279, à Érythrée 266, à Cyzique 781 et dans plusieurs 11es de l'archipel, où ils sont généralement confondus avec les Cabires282. En Grande-Grèce, les Dioscures sont particulièrement en honneur à Agrigente263, à Sélinonte à Tvndaris, colonie messénienne 286, à Tarente 286, etc. De Lacédémone et de Théra, leur culte avait passé à Cyrène267 où l'on célébrait des Atoaxovpta institués par Battus et où s'élevait un sanctuaire des Dioscures près de la rue qui conduisait au temple d'Apollon 288. L'image et les attributs des Dioscures paraissent sur les monnaies de Cyrène 289 Théopompe, dans un fragment des Philippiques conservé par Snidas208, raconte qu'un jour où Phormion célébrait Ies théoxénies, les Dioscures vinrent l'inviter à se rendre à Cyrène auprès du roi Battus. II se leva de table, une branche de silphium à la main. Nous avons dit que le silphium, à Cyrène, était consacré à Castor età Pollux 291 ; il a également été question plus haut, de la célébration des théoxénies. Dans une colonie dorienne du golfe Céramique, Kedreae, on a trouvé la mention d'une société de Dioscuriastes, rô xotvôv rôrv Atcaxovptaarcev 2D'. Le cuite des associations de ce' genre ayant généralement pour objet des divinités étrangères 233, il s'agit ici sans doute des Cabires identifiés aux Dioscures. S. RerxACrt. Rogne. On a vu parce qui précède comment le culte des Dioscures, apporté gardes colonies doriennes, s'est in-. traduit en Sicile et dans l'Italie méridionale. Tarente, colonie lacé démonienne, est dans la GrandeGrèce, comme Sparte l'était en Grèce, le centre de leur culte, qui de là, peu à peu, va remonter vers le nord. Mais avant de pénétrer dans le Latium et à borne, il était déjà installés en Étrurie, 1. De même que l'Italie méridionale, l'Étrurie semble avoir connu de très bonne heure le culte des Dioscures. De plus, les légendes mythologiques relatives à ces dieux ont dans ce pays un caractère et une origine helléniques, comme celles qui viennent d'ètre signalées pour la GrandeGrèce et la Sicile. Ainsi, Diodore de Sicile raconte 70'` qu'une fois maitres de la Toison d'or, Jason, Castor, Pollux et leurs compagnons, avaient remonté le Tanaïs jusqu'à ses sources; que là, ayant tiré leur navire à terre, ils l'avaient transporté à bras jusqu'à un autre fleuve tombant dans l'Océan. Ils avaient alors suivi les côtes, franchi le dl t.roit de Gadès, mouillé dans l'île Oethalie et bordé enfin en Étrurie, dans un port qui prit le nom de Téiamon, un des Argonautes. Pendant cette longue et merveilleuse traversée, Castor et Pollux n'avaient cessé, suivant la tradi 1)10 260 DI0 Lion, de rendre à leurs compagnons et aux étrangers de nombreux services, redressant partout les torts, secourant les faibles, châtiant les méchants et sauvant, dans une tempête, le navire Argo. Aussi Glaucus, le dieu marin, après avoir, pendant deux jours et deux nuits, suivi les voyageurs à la nage, avait-il prédit aux jumeaux qu'ils seraient, partout où ils iraient, adorés comme des divinités bienfaisantes. Il est inutile d'insister sur ces traditions mythologiques; mais il est permis de supposer que le culte des Dioscures fut répandu dans cette partie de l'Italie par une influence venue de Grèce, vers la seconde moitié du Ive siècle, et pendant le troisième siècle avant J.-C., de la même façon sans doute que celui des Cabires, auxquels les Dioscures sont associés et même identifiés sur plusieurs miroirs étrusques 295. Cette association n'a rien qui doive surprendre. En Grèce, on a vu que les Dioscures et les Cabires, communément l'honneur de protéger les marins pendant les orages ; on donnait indistinctement les noms des uns et des autres au phénomène électrique du feu Saint-Elme. De même, ces grands dieux se confondaient aussi comme divinités astronomiques. Ils personnifiaient le feu céleste, les étoiles fixes qui brillent dans le ciel, comme ils personnifiaient le feu terrestre ou marin, les astres mobiles qui voltigent sur la mer. Cela est si vrai, que les Orphiques, que Nigidius, qu'Ampélus, attribuent indifféremment aux Dioscures et aux Cabires la constellation des Gémeaux 896. Si donc Castor et Pollux apparaissent sur les miroirs étrusques en compagnie des Cabires, c'est parce qu'ils sont comme eux la personnification du feu sous ses différentes formes, du feu dont la source est au ciel. Et là, comme partout ailleurs, on retrouve l'inspiration de la Grèce et de l'Orient. Lorsque les Dioscures ne se confondent pas sur les miroirs avec deux des frères Cabires2-97, et ne jouent pas un rôle très actif, soit dans le meurtre du jeune dieu par ses frères 298, soit dans sa résurrection 999, soit enfin dans son mariage (fig. 2J444) 30°, ils sont représentés tantôt avec des divinités qui semblent avoir comme eux et les Cabires un caractère cosmique, Apollon (Aplun), Vénus (Turan), Minerve (Menfra), Prométhée (Prumathé) 3°i ; tantôt en compagnie de personnages plus ou moins mêlés à leur vie légendaire, comme Hélène, leur soeur, Ménélas, Pâris, Méléagre 302 ; tantôt enfin dans les scènes où ils ont montré leur courage et leur bienfaisance, comme dans la lutte contre Amycus'" Mais le plus souvent les deux frères figurent seuls vis à vis l'un de l'autre. Ils sont assis ou debout, ou bien appuyés sur leurs boucliers. Quelquefois aussi l'un est debout et l'autre assis. C'est le costume qui varie le plus. Ici les deux frères sont entièrement nus; là ils sont vêtus de la tunique courte, de la chlamyde, d'une peau de bête, ou d'une armure complète, cuirasse, jambières, casque. Quelquefois nu-tète, ils sont le plus souvent coiffés du pileus, ou du pétase, ou bien ceints d'un bandeau. Leurs pieds sont nus ou chaussés de sandales; ils sont imberbes tous les deux, ou tous les deux barbus ; d'ordinaire un seul est représenté avec de la barbe. Leurs attributs sont très variés. Après l'épée, la lance et les étoiles, il faut citer des fleurs, des candélabres, des amphores, des triangles, des barres transversales qui les unissent par la tête ou par la poitrine. Enfin ils sont souvent en compagnie d'animaux, tels que chiens, hiboux, cygnes, biches 30', etc. Comme l'a fait remarquer M. Lenormant [CAGIBI, p. 772], les miroirs étrusques sur lesquels figurent les Dioscures soit seuls, soit en compagnie des Cabires, sont postérieurs à ceux où les Cabires sont représentés seuls, « et l'habitude prise de représenter ces derniers sous la forme des Tyndarides eut une large part à la croyance romaine d'après laquelle le Palladium et les Dioscures-Pénates auraient été les divinités de Samothrace portées à Troie par Dardanos, puis transférées en Italie par Énée après la chute de Troie. » En Étrurie, ce n'est pas seulement sur les miroirs que les Dioscures sont représentés : on les retrouve aussi sur les cistes et sur quelques autres objets de bronze, des trépieds notamment 300. Une ciste de Préneste nous montre les deux jeunes dieux debout à côté de leurs chevaux. L'inscription CASTOR, gravée en lettres étrusques, ne laisse aucun doute sur l'identité de l'un des personnages ao6 L'autre est représenté de la façon la plus certaine sur la célèbre ciste Ficoroni, qui nous fait assister à l'un des épisodes les plus importants de la vie des deux Tyndarides. Pollux attache à un arbre Amycus qu'il vient de vaincre au combat du ceste. Au-dessus plane une Victoire avec une couronne et des bandelettes. A droite, Minerve, Apollon et un guerrier, probablement Castor, assistent à la scène. Derrière Pollux, on aperçoit le Génie de la Mort figuré à la manière étrusque, avec de grandes ailes, et le pied posé sur un rocher, dans l'attente de la proie qu'il va saisir et emporter. A côté de lui est un Argonaute; plus bas, un personnage couché et, tout près, les vêtements et les chaussures des combattants 307. II. Avant d'être connu et accepté des Romains, le culte des Dioscures était établi dans certaines villes du Latium, à Tusculum notamment, où un temple leur avait été construit à une époque très reculée, puisqu'il se trouvait dans la citadelle même, c'est-à-dire dans la partie la plus ancienne de la cité primitive 3o8. Si l'on songe que Tusculum renfermait des traces nombreuses et manifestes du passage des Grecs 309, qu'elle avait été, d'après le témoignage d'Ovide 310 et de Festus 31, bâtie par des mains argiennes, on ne s'étonnera pas que le culte des Dioscures, sans doute apporté dans cette région par des colons venus d'Argos, apparaisse là encore avec un caractère tout à fait hellénique. En effet, dans les honneurs qu'ils rendent à ces dieux, les habitants de Tusculum ne s'écartent guère des traditions grecques. Chaque année, régulièrement, ils leur dressaient un lectisternium et leur offraient un repas. En mhme temps, leur pulvinar était orné de bandelettes et de couronnes, stroppus, et fleuri de bouquets de verveine, struppi, d'où le nom de Struppearia, donné à ces cérémonies 312. Il y a un rapport évident entre le festin offert à Castor et à Pollux par les habitants de Tusculum, et ceux que ces mêmes divinités recevaient tous les ans à Athènes, à Cyrène et à Agrigente. Les cérémonies latines des Struppearia ne .sont autre chose que les cérémonies grecques des Théoxénies. On peut déterminer avec précision l'époque de l'introduction des Dioscures à Rome. Lors de leurs premières relations avec l'Italie méridionale, les Romains connurent ces dieux, et c'est pendant la guerre du Latium qu'ils les adoptèrent définitivement. Au milieu de la bataille du lac Régille (257 de Rome), postérieure de quelques années et très semblable à celle du fleuve Sagra, dont les épisodes merveilleux avaient au plus haut point frappé l'imagination des Romains, le dictateur Aulus Postumius avait fait voeu, s'il triomphait, d'élever un temple à Castor et Pollux, ces dieux vénérés de Tusculum, ville latine ennemie de Rome, et que Rome n'avait pas encore adoptés3/3. Le dictateur suivait ainsi la coutume romaine, qui consistait à invoquer la principale divinité de l'ennemi et à la décider, par des promesses et des voeux, à abandonner le peuple qu'elle protégeait 314 Peu d'instants après cet appel, Castor et Pollux, vêtus de chlamydes de pourpre et montés sur des chevaux blancs, étaient apparus à la tête de la cavalerie romaine, et leur intervention avait décidé de la victoire. Le même soir, la bataille gagnée, deux jeunes guerriers s'étaient montrés tout d'un coup au Forum, avaient fait boire leurs chevaux et lavé leur visage en sueur à la fontaine de Juturna; puis ils avaient annoncé au peuple romain réuni autour d'eux la victoire remportée le jour même. C'est cette victoire et l'apparition des deux jumeaux divins que rappelle cette médaille de la gens Postumia (fig. 2445) qui représente sur l'une des faces Castor et Pollux debout, la lance à la main, près de leurs chevaux qui boivent 2i5. Quinze ans après cette victoire, le voeu d'Aulus Postumius était acquitté : la dédicace du temple des Dioscures, bâti au centre du Forum, était faite en 270 aux Ides de Juillet3'6, et une cérémonie religieuse, la Transvectio equitum, était instituée, qui devait perpétuer le souvenir de la bataille du lac Régille et de l'assistance divine accordée aux Romains dans cette mémorable journée 317. Depuis cette époque, le 15 juillet de chaque année, les chevaliers montés, comme les Dioscures, sur des chevaux blancs et, comme eux, vêtus de robes de pourpre, se réunissaient à la porte Latine; puis, de là, rangés en bataille, ils pénétraient dans la ville, descendaient vers le Forum, s'arrêtaient devant le temple de Castor et de Pollux, allaient au Capitole rendre grâces à Jupiter, le père des Dioscures, et enfin redescendaient au cirque, où se célébraient des jeux solennels. Désormais Castor et Pollux font partie du panthéon romain. Mais ils restent à Rome ce qu'ils étaient en Sicile, dans l'Italie méridionale, en Étrurie et dans le Latium, c'est-à-dire des dieux grecs. Sans doute ils pourront dans la suite subir certaines métamorphoses et s'unir même à de vieilles divinités latines. On les verra, par exemple, se confondre avec les Pénates : ainsi, dans un petit temple du mont Vélia, se trouvaient deux antiques statues de jeunes gens armés de la lance que tout le monde disait être Castor et Pollux, et qu'une inscription appelait les dieux Pénates de l'ancienne Home 318. De même, sur certaines monnaies, les têtes accolées des dieux Pénates seront directementempruntées au type des tètes accolées des Dioscures 319. Mais à l'origine ils sont des dieux purement grecs. Ils ne perdent que leur nom de Dioscures, qu'on ne retrouve chez les auteurs latins que très rarement, et toujours sous la forme grecque, écrit en lettres grecques, 4toexoupot??9. Ils s'appellent maintenant Castor et Pollux321, ou Castores 344 noms qui indiquent clairement leur origine hellénique. On a supposé à tort que Castor, en étrusque Kastur ou Kasturu, venait de castus et de candere; Castor et Castores viennent de K«eTOip et de Tin Ka-,sape; Varron le dit expressément : Castoris nomen graecum 323. De même, Pollux ne dérive pas de pollucere, mais de aco),uatéxyc u1. Pour saisir la liaison entre ces deux mots, en apparence assez différents, il faut se rappeler que la primitive forme latine de Pollux est Polluces"' , en étrusque Polloces ou Pultuke, Or, Polluces qui se rapproche déjà plus que Pollux de 7coauâtésc , vient du grec par l'intermédiaire de l'étrusque : l'li est tombé (Poldeukés) et il y a eu transformation du D en L (Polleulcès, Polloces ou Polluces, Pollux 326) Par leurs attributs, leur costume, l'attitude qu'ils ont sur les différents monuments figurés de l'Italie, les Castors romains vont rappeler, non moins que par leurs noms, leur origine hellénique. Comme en Grèce, ils seront armés de la lance, coiffés du pileus, le bonnet lacédémonien 327 et vêtus de la chlamyde attachée sur l'épaule et retombant sur le dos 328. Cette chlamyde sera même sur quelques monuments teinte en rouge 349, et nous savons par Pausanias que le vêtement des Dioscures grecs était la chlamyde de pourpre'. Comme en Grèce, ces dieux seront représentés tantôt galopant, tantôt debout à côté de leurs chevaux. C'est dans ces deux attitudes qu'on les retrouve DIO 262 D10 le plus souvent sur les monnaies romaines, dont une série très importante au point de vue de l'histoire générale de la numismatique, comme au point de vue plus particulier du culte des Dioscures, reproduit le type de ces dieux. C'est 231 ans après la bataille du lac Régule, en l'an de Rome 486 (268 av. J.-C.) que Castor et Pollux font leur première apparition sur les deniers d'argent de la république. L'influence de la Grèce se retrouve ici manifeste. Tandis que la face de la monnaie représente la tête de la déesse Roma, le revers reproduit, avec de légères variantes, le type des Dioscures adopté pour les monnaies grecques de l'Italie méridionale, pour les pièces d'argent du Bruttium et les pièces de bronze de Poestum, de Lucerna, de Rhegium337, etc. (cf. la fig. 2436). Tantôt Castor et Pollux sont représentés armés de lalance et galopant à droite, la chlamyde flottant sur les 6p°odes, et le pileus surmonté d'une étoile (fig. 2446) (familles Aelia, Decia, Cupiennia .233 etc.). tantôt ils sont debout à côté de leurs chevaux, comme dans le groupe fameux du Capitole (famille Memmia 303); souvent aussi, toujours à l'imitation des monnaies grecques, leurs deux têtes seules, surmontées d'une étoile, sont représentées accolées (familles Fonteia, Cordia, Sulpicia, Vibia u'., etc.). Ce sont là les trois types principaux; mais les variantes sont nombreuses. Nous avons signalé plus haut une monnaie de la famille Postumia représentant Castor et Pollux faisant boire leurs , lm-eaux à la fontaine de Juturna 330 , une autre, de la famille Sulpicia, les montre debout sans leurs chevaux 338, une autre encore galopant en sens contraire avec leurs lances tournées vers le sol, ou poursuivant des fuyards', Pendant cinquante ans, ce sont eux qu'on retrouve toujours sur les monnaies d'argent : ils forment le type officiel. Puis, à partir de l'an de Rome 637 (217 av. J.-C.), ils sont souvent remplacés sur les deniers et les quinaires par le bige de Diane ou celui de la Victoire 338 : le sesterce seul conserve leur type (fig. 2447). Mais sous l'empire ce coin meme disparaît. Les bustes des empereurs remplacent à la face la tête de la déesse Roma, et si les Castors se retrouvent encore quelquefois au revers, c'est parce qu'ils personnifient certains membres de la famille impériale. Ainsi une monnaie de Tibère représente Néron et Drusus, fils de Germanicus, sous l'aspect des Dioscures à cheval 8". Sur une monnaie impériale de Tripolis, les deux bustes étoilés de ces dieux ne sont que les images de Commode et d'Annius Vérus. C'est avec Castor, qui préside les jeux équestres, que s'identifient Gallien, Postumius, Commode, Géta, qui se fait représenter assis et un sceptre à la main, tandis que Castor [cAsTon], appuyé contre son cheval, se tient debout devant l'empereur 3k0. Le souvenir des Dioscures confondus avec les fils de Gallien se retrouve encore sur une monnaie de Gallien Maximien : les deux jeunes princes sont figurés dans l'attitude et avec le costume des deux jumeaux divins 3'.t. Il serait facile de multiplier ces exemples qui montrent combien le type des Dioscures, quand d'aventure il se retrouve sur les monnaies impériales, s'éloigne du type primitif des deniers de la république. Pourtant vers la fin de l'empire le type ancien reparaît quelquefois, notamment sur les monnaies de Maxence. L'une d'elles représente Castor et Pollux, debout en face l'un de l'autre, et tenant chacun leur cheval par la bride3'i2. Une autre, plus curieuse encore, parce qu'elle est un retour marqué vers les anciens coins et qu'elle donne à ces dieux une place dans l'histoire des temps les plus anciens de Rome, antérieurs même à la bataille du lac Régille, montre Castor et Pollux en compagnie de la louve qui allaite Rémus et Romulus 343 Ces deux dernières monnaies sont romaines, et c'est ce qui double leur intérêt; car sur les monnaies des provinces impériales le type traditionnel des Dioscures se conserva beaucoup mieux et beaucoup plus longtemps qu'en Italie. D'Auguste à Claude le Gothique on retrouve partout, et particulièrement en Asie, des monnaies représentant sous leur forme hellénique les Dioscures. En Judée, en Phrygie, à Tripolis, à Sevros, etc., on reconnaît les têtes accolées de ces dieux sur des monnaies d'Auguste, de "l'ibère, de Domitien, etc. ; ils apparaissent tout entiers, tantôt à cheval et tantôt à pied, sur des monnaies frappées en Pisidie, en Troade, en Carie, en Mysie, surtout à Alexandrie, à l'effigie de Nerva, de Trajan. d'Hadrien, d'Antonin, de Faustine "1, etc. Jusque dans l'Inde, sur une monnaie d'Antalcidès 3"e, on retrouve les bonnets des Dioscures; sur une monnaie de Claude le Gothique ces mèmes dieux apparaissent encore debout, tenant leurs chevaux par la bride et la tête surmontée d'une étoile. Si depuis la première moitié du me siècle av. J.-C. jusqu'à la fin de l'empire les monnaies répandent partout le type des Dioscures, les temples, les ex-voto et les inscriptions propagent de leur côté dans tout le monde romain le culte persistant de ces dieux. De tous les sanctuaires qui leur furent élevés, le plus important et le plus magnifique est celui du Forurn qui, promis par Aulus Postumius en 255, fut consacré par son fils en 270, puis rebâti par Tibère en 759, enfin réparé par Domitien, et dont trois colonnes subsistent encore à droite de la basilique Julia, en face du temple d'Antonin et de Faustine 3"°6. L'importance de cet édifice que Cicéron appelle celeberrimum clarissimumque monuraentum 367, la vénération dont il était l'objet, nous sont attestées par un grand nombre d'écrivains 368. C'est de là en quelque sorte que les Dioscures, venus à Rome comme dieux grecs, repartent comme dieux latins pour rayonner dans tous les sens. Partout où pénètrent les armées romaines, ils pénètrent aussi, en Italie d'abord et en Sicile, où des temples leur sont consacrés à Tusculum 349, Ostie 350, Coré', 263 DIO Larinum 332, Asisium 353 Capoue 35'", Naples a'G, Pompéi ae6 Agrigente 307 ; puis dans les provinces, en Grèce, à Sparte 35e en Épire, en Dalmatie, en Transylvanie 3a; en Afrique, à Constantine aso Sétif 361, Philippeville 382; en Espagne', en Gaule, à Lutèce 3", Vienne 36°, Epamanduodurum 388, Divodurum3ti7, Annecy 368, où ils ont un temple, etc. Les monuments de tout genre offerts aux Dioscures dans toutes les parties du monde ancien montrent combien ces dieux, à toutes les époques, depuis la bataille du lac Régine jusqu'à la fin de l'empire romain, furent puissants et populaires. Leurs attributions, aussi nombreuses que leur culte est répandu, le montrent encore mieux. La première de toutes, c'est d'être dans les combats les protecteurs de l'armée et plus particulièrement de la cavalerie romaine. C'est là leur premier caractère, leur caractère officiel. Depuis la bataille du lac Régine jusqu'à la fin de l'empire, depuis l'époque où le duumvir Aulis Postumius leur dédie un temple, jusqu'à celle ou Domitien le fait restaurer36s ils sont les dieux toujours présents et les messagers toujours rapides de la victoire. En effet, dans la plupart des guerres que Rome soutient avant que sa domination soit partout établie et acceptée, Castor et Pollux apparaissent au milieu des combattants, assistent à la bataille et en assurent le succès. C'est à eux que T. Quinctius Flamininus, après la défaite de Philippe de Macédoine, témoigne sa reconnaissance : il leur dédie dans le temple de Delphes deux boucliers d'argent370 et consacre, sur les monnaies de sa famille, le souvenir du secours que lui avaient apporté, pendant la bataille, ses deux divins alliés 37f. On y voit représentés les Dioscures à cheval et, sous les pieds de leurs chevaux, un bouclier macédonien. L'intervention de ces dieux se renouvela souvent dans la suite, à Pydna par exemple 372, puis dans la guerre des Cimbres et des Teutons 373, et plus tard encore à Pharsale 314. Le souvenir de la bataille du lac Régille persiste toujours très vivant dans les imaginations pieuses des vainqueurs reconnaissants. Mais en même temps que des dieux guerriers. Castor et Pollux sont pour les Romains, comme pour les habitants de la Grèce et de la Grande-Grèce 373, des divinités maritimes. La renommée qutils avaient dans toute l'italie méridionale comme protecteurs des marins était bien vite, comme l'histoire de leur apparition au fleuve Sagra, parvenue jusqu'à Reine, qui ne manqua pas de reconnaître officiellement les nouvelles attributions de ces dieux. Les textes, les inscriptions, les bas-reliefs, montrent quelle confiance avaient en eux les marins et les voyageurs. Ce sont eux qu'on invoque avant le départ"'; c'est à eux qu'on s'adresse pendant la tempète 377 ; c'est à eux enfin que l'on rend grâces au retour, après une navigation périlleuse. Ostie devint naturellement le centre du culte maritime de ces dieux. C'est là qu'on le trouve d'abord 493. 353 lb. I, 623; III, 1287, etc. 330 Ib. VDI, 6940. 361 Arch. des miss. DiO établi, là qu'il subsista. le plus longtemps. Dans la seconde moitié du Iv" siècle après J.-C., pendant une tempète qui empêchait les vaisseaux chargés de blé d'entrer dans le Tibre, le préfet d'Ostie,'l'ertullus, monte au temple que les Dioscures avaient dans la ville et leur offre un sacrifice : aussitôt le vent tombe, la mer se calme et les vaisseaux entrent triomphalement au port378. Au reste, cette autorité qu'on donne à ces dieux sur les flots n'a pas une origine et un caractère purement mythologiques : elle se manifeste par des signes visibles, par la présence de ces étoiles qullorace appelle clarurn sidus, lucide sidera, allia stella 379 et qui ne sont autre chose que ces flammes phosphorescentes qu'on voit souvent courir sur la mer par les temps d'orage. Nos matelots aujourd'hui les appellent feux Saint-Elme; les Romains Ies appelaient Castor et Pollux. Dans les grandes tempêtes, dit Sénèque, on apercoit deux étoiles se poser sur les antennes des navires : les marins croient reconnaître Castor et Pollux qui viennent à leur secours380 » «J'ai aperçu, dit un témoin oculaire, les Dioscures, étoiles brillantes, qui remettaient dans le droit chemin le vaisseau battu par la tempête38f. » C'est à ces feux follets, assimilés à des astres mobiles, que Castor et Pollux durent leur caractère astronomique; c'est ainsi que vers la fin de l'hellénisme ils devinrent pour les Romains, comme pour les Grecs et comme pour nousmêmes aujourd'hui, la constellation des Gémauxt82. Comme c'est par mer surtout que l'italie trafique, Castor et Pollux, par cela même qu'ils sont les dieu\ des navigateurs, deviennent ceux des commerçants et les protecteurs naturels des vaisseaux qui exportent ou importent les marchandises, Bientôt même, glace à leur présence sur les deniers d'argent de la république (486) 333, grâce à 1a. protection toute particulière dont ils honorent les equites, cette classe qui en temps de paix se livrait surtout au commerce et fournissait des banquiers, des publicains, des entrepreneurs de transports, de travaux publics, des fermiers des impôts 33i, etc., grâce enfin à la situation de leur temple en plein forum, à l'endroit où se trouvait la Bourse de Rome 385, ils deviennent d'une façon générale les dieux de toutes les transactions commerciales, industrielles et financières, les dieux de la bonne foi. Depuis le cinquième siècle de Rome jusqu'à la fin de l'empire, ils ne cessent de présider et de protéger les affaires d'argent. Ce sont eux que tous prennent à témoin et veulent avoir comme garants de leur intégrité. C'est au pied de leur temple que s'établissent les banquiers et les changeurs 388 que se font les ventes et les achats d'esclaves 387, sur les murs qu'on affiche les lois financières, dans l'intérieur, sous la garde de ces très sûrs dépositaires, qu'on entasse les traités, tes testaments, les pactes de toute sorte, les objets précieux et l'argent monnayé : et ad vigilem ponendi Castord nummi388. Delà l'importance religieuse des serments héroïque399 (voy. plus haut, fig. 2431); tantôt, placés devant le char de Phoebus et derrière celui de la Nuit (fig. 2448)100, ils figurent le matin et le soir et DIO 264 DIO Edepol et Mecastor389. Pouvait-on mieux protester de sa bonne foi qu'en invoquant les dieux qui la personnifiaient, ou le temple qui semblait en être le sanctuaire favori? On a vu la réputation que les Dioscures avaient en Grèce comme cavaliers et conducteurs de chars. Cette antique renommée se répandit naturellement en Italie. Comme les poètes grecs, les poètes latins, Virgile 390, Horace 331, Ovide 392, Valérius Flaccus 393, chantèrent à l'envi les exploits équestres des deux jeunes héros et les Romains, en les adoptant comme dieux, leur conservèrent la réputation qu'ils avaient conquise pendant leur vie mortelle : ils devinrent les protecteurs divins des jeux du cirque. On les associa à tous les dieux qui présidaient aux exercices équestres, aux courses de quadriges et de chevaux de selle, et ils eurent plus spécialement sous leur protection le DESULTOR, dont la besogne consistait à sauter alternativement d'un cheval sur un autre 394. Leurs statues figurèrent au milieu de celles qui, le jour des jeux, étaient solennellement portées du Capitole au cirque Maxime, et, dans l'arène même, de petites édicules leur furent élevées pros du mur qui divisait en deux l'Hippodrome. Ce fut en leur honneur et en souvenir de leur origine qu'à partir de l'année 578 on se servit d'oeufs pour indiquer le nombre de tours que faisaient les chars autour des metae [ciacus]. Sous l'empire, ils eurent des fêtes équestres qu'on célébrait deux fois l'an, le 8 avril en mémoire de leur natalis, et aux ides d'août dans le cirque Flaminius 39'. C'est à l'entrée de ce cirque que devaient se trouver les deux groupes colossaux qui les représentent"' et qui sont aujourd'hui placés au haut des degrés conduisant au Capitole. Les chevaux, les attributs des Dioscures, les oreilles brisées qu'a, comme pancratiaste, celle des deux statues qui représente Pollux, tout indique bien que l'artiste a voulu montrer les jumeaux dans leur rôle de dieux de l'arène. Quant aux deux autres groupes en marbre de MonteCavallo 337, ils représentent également, comme on l'a dit plus haut (fig. 2434), les Dioscures dans l'attitude de deux héros ou de dieux dompteurs de chevaux. Sans perdre aucune des attributions qui viennent d'être signalées, Castor et Pollux prennent, sous l'empire, à partir du second siècle de notre ère, un caractère nouveau et très élevé : ils deviennent des divinités funéraires 398. Les Romains, qui sur les sarcophages exprimaient le plus souvent l'idée de la mort au moyen de scènes et de héros mythologiques, n'eurent garde d'oublier les Dioscures. dont la légende se prêtait merveilleusement à des interprétations funéraires. Les aventures des deux héros, la chasse du sanglier de Calydon et la mort de Méléagre. l'enlèvement des Leucippides, le meurtre de Castor par Idas, la vie alternative des deux frères qui se succèdent au ciel et dans les enfers, se présentaient d'elles-mêmes à la pensée du sculpteur comme de poétiques personnifications de la mort et du voyage des âmes de cette vie à l'autre. Aussi ne faut-il pas s'étonner de retrouver les Dioscures sur tant de monuments funéraires. Tantôt ils sont représentés dans une scène de leur vie personnifient par conséquent la naissance et la mort, puisque dans toutes les langues la vie humaine se compare à une journée ; tantôt enfin, comme sur le tombeau de Vihius 401 et sur un autre trouvé à Rome près du pont Milvius4o2 ils apparaissent seuls : aucune autre divinité, aucun attribut spécial n'explique ni ne justifie leur présence. C'est que leurs images ont par elles-mêmes une signification si évidemment funèbre que tous reconnaissent dans ces deux jeunes gens, debout aux angles des sarcophages, des divinités funéraires. C'est grâce à ce nouveau caractère qu'ils continuent à vivre sous les empereurs chrétiens 493: Cons tantin lui-même leur élève encore à Constantinople des édicules et des chapelles60t, et les chrétiens n'hésitent pas à ensevelir leurs morts dans des tombeaux sur DIP -261D1P les parois desquels les Dioscures figurent non plus comme dieux païens, mais comme symboles poétiques de la destinée humaine, de la vie et de la mort °° (fig. 2449). Bien plus, le moyen âge adoptera quelques-unes des légendes relatives à ces dieux, et les confondra mème avec certains saints. C'est ainsi que des Dioscures représentés par le groupe célèbre du Quirinal406 on fera, grâce à une inscription gravée sur le piédestal, deux saints, saint Praxitèle et saint Phidias 407. C'est ainsi qu'au xie siècle encore l'intervention merveilleuse des Castors au lac Régille se renouvellera, à peine modifiée, au profit des chrétiens. En 1098, à la bataille d'Antioche, les soldats du Christ virent apparaître et combattre à leur tète saint Georges et saint Démétrius, montés sur des chevaux blancs YOS. De même, en Angleterre, les habitants d'Hexham, menacés par les Écossais, virent apparaître sur des chevaux blancs lancés à toute vitesse saint Wittfred et saint Cuthbert, deux véritables Dioscures chrétiens '09. Ainsi, à dix-huit cents ans de distance, l'apparition du lac Régille se renouvelait en Grande-Bretagne, au profit d'un peuple chrétien. M. ALBERT.