Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DISCUS

DISCUS, Odaxoç, Disque. Nom donné à un exercice qui consistait à lancer au loin une masse pesante, et aussi à cette masse elle-mème, qui prit une forme de plus en plus régulière. Chez les Grecs, l'exercice du disque remonte aux temps les plus reculés, il joue un rôle dans la mythologie. Persée passait pour en avoir été l'inventeur' ; Castor et Pollux y excellaient 2. C'est en lancant le disque qu'Apollon atteignit Hyacinthe du coup mortel et que Persée causa la mort de son beau-père Acrisius 4. II est plusieurs fois question du disque dans les poèmes homériques, notamment dans la description des jeux des Phéaciens ', où Ulysse remporte la victoire, en lançant un disque de pierre beaucoup plus lourd et plus épais que tous ceux de ses concurrents, et dépasse toutes les marques (us x'rcc) «les distances atteintes avant lui ; et dans le récit des jeux funèbres en l'honneur de Patrocle', où quatre héros se disputent le prix en lançant des disques de fer (côaoç); PoIypoitès est vainqueur, le sien va aussi loin que peut atteindre un bouvier quand il jette son bâton au milieu du troupeau. Ainsi, aux temps héroïques, le disque était de pierre et quelquefois de fer fondu (aû'roztimvoç) 8o Homère emploie deux mots, Cuxoç et uéaoç, pour désigner un disque, et l'on ne sait pas bien, d'après les commentaires des anciens eux-mêmes, quelles différences il faut faire entre eux s. Il est probable que l'on a commencé par lancer des pierres dont la forme de plus en plus appropriée à ce jeu, c'est-àdire se rapprochant de celle d'un palet, a été ensuite imitée dans le métal. Homère, pour donner l'idée du poids et du volume du uéàoç de fer offert en prix par Achille, lui fait dire qu'il contient assez de métal pour fabriquer tous les instruments dont peut avoir besoin pendant cinq ans le propriétaire d'un grand bien, sans que son berger ou son laboureur soient dans la nécessité d'en chercher d'autres à la ville. Peut-être a-t-on continué longtemps à se servir de disques de pierre ; on en a pu faire en bois comme en métal ; 10 mais dans les temps historiques ils paraissent avoir été constamment en bronze1l. Un disque semblable trouvé dans le lit de l'Alphée portait inscrit sur un de ses côtés l'ancien nom aôaoç, qui tomba de bonne heure en désuétude. Il mesurait sept pouces et demi de diamètre, dit le voyageur Pouqueville, et était cinq fois plus épais à son centre que sur le bord ; sa tranche n'était pas aiguë, mais garnie d'un léger bourrelet 12. La figure 2462 reproduit les deux faces d'un disque de bronze provenant d'un tombeau de l'île d'Égine, actuellement au musée de Berlin la. On y voit représentés par un trait finement gravé, d'une part un athlète tenant des haltères et prenant son élan pour sauter [sALTUS], de l'autre un athlète qui se prépare à lancer le javelot en passant deux des doigts de sa main droite dans l'anse formée par la courroie [AMENTUM]. Ce sujet et le disque lui-même rappellent donc trois des exercices du pentathle. D'après le style des figures gravées on peut juger que la fabrication de ce disque ne dépasse pas le milieu du ve siècle av. J.-C. Un autre disque semblable décoré des mêmes sujets gravés, avec de Iégères différences, appartient au Musée Britannique (6; il a été trouvé en Sicile. Ces deux disques ne mesurent que 21 centimètres de diamètre. On peut les considérer comme des objets votifs ou des souvenirs de victoires placés dans les tombeaux d'athlètes qui avaient remporté le prix. Ils ne peuvent nous donner une idée exacte de la grandeur ni du poids de ceux qui étaient réellement en usage. Le Musée Britannique possède un autre disque en bronze, celui-là tout uni et sans ornement, pesant, d'après le catalogue", 11 livres anglaises et 9 onces. Les proportions des disques dont on se servait pour les exercices devaient varier suivant l'âge et la force des lutteurs'°.Dans les monu ments celui des adultes est assez grand pour couvrir, quand il est tenu clans la main, presque tout l'avant-bras (voy. les figures 2463, 2464, 2466) ; il le cache même quelquefois tout entier. Sa forme est toujours la même : il est rond et lenticulaire, ce qui est conforme à la description des anciens. Lucien compare 17 le disque à un petit bouclier rond (acssts), sans poignée ni courroie, et difficile à saisir à cause de son poli. On racontait u que Milon, le célèbre athlète de Crotone, se tenânt debout sur la surface convexe d'un disque préalablement huilé, ne pouvait en être déplacé par aucun effort. Quoique uni, le disque pouvait être orné de quelque figure légèrement tracée, comme celles des disques votifs cités plus haut; on en voit, sur les vases peints, qui portent l'image d'une chouette 10, ou simplement une croix, un méandre Y0, des cercles concentriques 21. Les commentateurs d'Homère parlent 22 de disques percés d'un trou par où passait une corde ou une courroie à l'aide de laquelle on les lançait. Cette assertion est contraire à la description de Lucien et n'est pas non pins confirmée par les monuments 23. Le disque, partout où il est figuré, est dépourvu de toute ouverture comme de tout appendice. On peut se représenter exactement la manière de lancer le disque, par les monuments et aussi par quelques passages des auteurs, principalement de Stace 24 et de Philostrate 25, qui décrivent avec précision tous les mouvements des lutteurs. L'athlète, au moment de saisir le disque, le tourne d'abord dans la poussière pour avoir plus de prise castigat pulvere lapsus); il examine de quel côté il placera ses doigts, et quel côté il appuiera sur son bras (quod latus in digitos, mediae quod certius ulnae conveniat) ; puis il se place à l'endroit marqué ((3«),6ic). D'après Philostrate 20, c'était une petite levée de terre où un homme seul pouvait se tenir debout. Dans les monuments on n'aperçoit aucuneproéminence du sol, un peut seulement remarquer dans une célèbre statue du Vatican (fig. 2463), que plusieurs antiquaires ont reconnue pourla copie d'une oeuvre de Naucydès 21, d'autres pour la reproduction de l'Encrinonlénos d'Alcamène 23, avec quelle énergie s'y attache le pied de l'athlète an moment où il prend position. Il porte la jambe droite et le bras droit en avant; sa tête est légèrement inclinée, l'oeil attentif et la main qui s'avance paraissent dirigés' vers le même but : il mesure l'espace (spatium jam immane parabat). A ce moment il lient encore le disque dans la main gauche. On peut remarquer à cette occasion combien sont nombreuses les représentations semblables où l'on voit le disque porté dans la main gauche par celui qui s'apprête à le lancer 29. Souvent aussi l'athlète le soulève des deux mains '0 ; il le soupèse alors et en même temps se tâte luimème et proportionne son effort (erigit assuetum destrae gestamen et alte sustentans, rigidumque lotus fortesque lacerlos consulit). Enfin, rejetant en arrière la jambe gauche, qui devra se déplacer en même temps que la main droite et suivre son mouvement'', il se penche en avant, la tête tournée vers la droite et inclinée, dit Philostrate, au point d'avoir les yeux fixés sur jam latus omne redibat). Tout son corps se ramasse (toto DIS 279 DiS curvatus corpore); il plie les deux genoux, élève le bras aussi haut qu'il le peut et, rassemblant toutes ses forces, il fait décrire à la main qui tient le disque (r êraxosÔpoç) 32 un mouvement rotatoire, semblable à celui d'un homme qui puiserait avec une corde (o ov «vtuôioTs), en plongeant le bras, puis en le relevant" (pressus utroque genu, collecto sanguine discunt ipse super sese rotas.,. vasto couture pet turbine 34). La masse part avec un élan que double le mouvement en sens contraire du corps se redressant au jzetà 'r ç (3o? ç, dit Lucien en parlant du Discobole de Myron. Les copies qui nous restent de cette statue célèbre (fig. 2464) sont la meilleure illustration du texte des auteurs, la plus fidèle surtout, celle du palais Massimi, à. Rorne, qui répond exactement à la description de Lucien35. La tête inclinée se tourne vers la main qui porte le disque, les genoux sont pliés , la jambe gauche rejetée en arrière, prête à se lancer en avant. Entraîné par l'élan, l'athlète faisait même quelques pas en courant, et ipse prosequitur, dit Stace ". Ce mouvement est bien indiqué dans une statue du musée de Naples 37 (fig. 2465), dont tous les gestes d'ailleurs sont ceux qui doivent succéder nécessairement à l'attitude du discobole tel que l'a représenté Myron,après le jet du dis que. Lorsque le premier dis que lancé re tombait, on faisait une marque (a% ua), à l'en droit où il avait pour la première fois touché terre (iv retirer; xarmpopâ), et l'on en faisait de semblables ensuite pour chacun de ceux qui le dépassaient; la victoire était à celui qui avait atteint le plus loin38. Dans le récit de Slave, c'est une flèche plantée dans le sol qui sert de marque 3°. Le même moyen était déjà usité chez les Grecs, comme on le peut voir par une peinture de vase d'où est tirée la figure 2466 40. Un discobole tient en main la flèche qui doit indiquer la limite atteinte, soit par lui-même, soit par un de ses concurrents. Derrière lui est la pioche, souvent figurée, avec laquelle les lutteurs remuaient la terre et au moyen de laquelle on marquait aussi peut-être l'endroit où le disque s'arrêtaiti1. Dans le champ du vase sont suspendus des haltères et plus loin un sac où le disque était placé quand il ne servait pas aux exercices ; on voit, dans d'autres peintures, le disque contenu dans un sac pareil'. La vigueur de Phayllos de Crotone, qui, dépassant toutes les mesures atteintes jusqu'alors, avait lancé le disque jusqu'à 95 pieds (29m,288) était devenue proverbiale 63. C'est la seule donnée que l'on ait sur la distance (.1rxourâ) que le disque pouvait franchir. Pour la place occupée par le disque dans les luttes du pentathle, voy. QulNQuBRTIuM. Chez les Étrusques, imitateurs des Grecs dans leurs jeux et leurs exercices [Lum], on trouve quelquefois des discoboles représentés dans les peintures des tombeaux u. Chez les Romains, le disque ne fut pas un exercice national; il continua à faire partie des luttes athlétiques des pays grecs sous leur domination et fut introduit dans quelques jeux, à Rome même, par plusieurs empereurs ; mais ces luttes ne rencontrèrent jamais en Occident la même faveur que dans la Grèce et l'Orient [CERTAMINA, p. 1085]. II. Discus, désignant une pièce de vaisselle, ne parait pas avoir été un nom réservé à une espèce particulière de vase, mais un terme général appliqué à toutes sortes de plats, plateaux, assiettes et bassins de forme circulaire. C'est ainsi qu'on le trouve employé par des écrivains latins et grecs au temps de l'empire romain. Pour Pollux, c'est un nom commun à tous les vaisseaux de ce genre dans lesquels on servait les mets sur une table n et qui souvent étaient d'argent et élégamment ornés L6. On en con 280 trouvent également génitif') est le nom d'une grande divinité infernale dans la religion romaine : comme l'indique le titre de pater qu'on lui donne constamment et qu'on ne sépare guère jamais de son nom, c'est une divinité indigène, nationale, et qui avait sa place dans la plus vieille religion latine. Dis vient de dives , « riche») : Dis pater, comme son homonyme grec Pluton, est le dieu riche par excellence, celui dont l'empire est le plus vaste, s'accroît sans cesse AERACVRA " ili, l A II , ii/:'/' et ne peut diminuer : c'est le maître du royaume des morts. Tandis que l'autre grande divinité des enfers, Orcus, a la mission de tuer les vivants, Dis pater gouverne les morts: l'un est le dieu du trépas, celui-ci est le souverain des enfers « les pâles royaumes de Ditis n, dit Lucain'. II a pour épouse Pro DIS serve encore de beaux exemples dans les collections. Nous renvoyons aux mots qui les distinguent [LANX, PATELLA, coENA, fig. 1705]. III. Discos est aussi le nom d'un disque de métal ou timbre faisant office de cloche. On en voit un au musée de Naples, qui provient de Pompéi (fig. 2467). Le disque est en bronze, percé à son centre d'une ouverture dans laquelle passait une barre ou un anneau de suspension. Cette partie a été restaurée. Un battant également en bronze est attaché à une chaîne de fer. La vue de cet instrument peut servir à l'interprétation de deux textes, l'un de Cicéron", l'autre de Marc-Aurèle, où il est question d'un discus qui résonne pour donner le signal du bain 46. IV. Cadran solaire plat et circulaire" [ionoLOGIIiM].