Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DOLABRARIUS

DOLABRARIUS. -Fabricant de l'outil appelé DOLABRA. DOLIARE OPUS. Ce mot se trouve souvent sous III. forme d'estampille imprimée dans la terre encore fraîche d'objets céramiques. Ce serait une erreur de croire qu'elle désigne uniformément des dolia : a Sous le titre générique d'opus doliare ou de doliare seul, on paraît avoir rangé toutes les poteries grossières, telles que briques, tuiles, tuyaux, sarcophages, vases, urnes, pièces décoratives pour les habitations, etc., et on les indiquait par ces divers On en trouvera de nombreux exemples dans l'ouvrage de M. Descemet'. Ces estampilles sont surtout tracées sur des briques et indiquent l'o fficina du propriétaire, qui est souvent l'empereur lui-même ou un rnembre de la famille impériale. Le revenu de ces grandes briqueteries, exploitées ou affermées par eux, était un élément important de leur fortune privée. Ces mêmes tuileries produisaient encore des jarres, des urnes funéraires, de nombreuses variétés de vases, depuis l'amphore jusqu'au Dorant de taille gigantesque. En 1874, on a trouvé sur l'Esquilin trente-deux doua énormes dont un porte l'estampille de Domitia Lucilla3. Cette industrie paraît s'être exercée uniquement sur les objets d'argile grossière et d'usage courant; les fines poteries à glaçure rouge du type d'Arezzo et les lampes relevaient de fabriques spéciales et distinctes`. On peut en conclure que le mot doliarius ou dolearius s'applique à l'ouvrier qui façonne non-seulement les doua, mais tous les produits de céramique usuelle et sans valeur artistique. E. POTTIER. tique, dont le culte s'est répandu en Occident pendant le ne siècle après J.-C.', en même temps que celui des dieux syriens d'Émèse, d'Hiérapolis et de Bambyké2, tire son nom d'une petite ville de Commagène, Douché, aujourd'hui 42 DOL --330DOL Doluk, près d'Aïntab3, qui devait une certaine importance commerciale à sa situation, au point de croisement des routes de Germanicia à Édesse par Zeugma, de Tarse à Édesse par Cyrrhus et de Samosate à Antioche par Hiérapolis. Le premier auteur qui en fasse mention est Ptolémée; les écrivains postérieurs ne la citent qu'assez rarement`. Étienne de Byzance est le seul qui ait nommé son dieu local, ,ào)`txaïoç ZEbq; il nous apprend aussi que l'ethnique de ses habitants était Ao),tyaïo; 5. La table de Peutinger y indique une station avec une source thermale 6. Les monnaies de cette ville, avec l'ethnique .lo)n aio;, sont rares, et les plus anciennes remontent à Marc-Aurèle7. Nous ignorons le nom indigène de Jupiter adoré à Doliché ; on a conjecturé que ce pouvait être Baal', comme le dieu palmyrénien qui s'appelait à Rome Belus 9. Les inscriptions présentent, à côté de la forme correcte Dolichenus, beaucoup de variantes orthographiques et phonétiques, attribuables sans doute à l'ignorance de ceux qui élevaient des monuments à cette divinité. On trouve Dolcenus10, Dolchinus", Dolecenus'2, Dolicenus u, Dolichenius (deus)i', Dolichinusf6, Doligenus16, Dolocenus 97, Dolochenus ", Dolychenus19, Dulcenus'-0, Dulchenus21, et, comme sigles épigraphiques, les abréviations D22, DoL23, DOLC24En général, l'épithète Dolichenus est placée à la suite du nom de Jupiter, accompagné luimême de ses épithètes usuelles, optimus maximus26; mais on trouve aussi des titres qui rappellent l'origine géographique du culte, comme Deus Commagenus26, Jupiter Commagenorum aeternus 27, Deus aeternus Commagenorum 28, ou des épithètes plus ou moins vagues et hyperboliques, comme le sont celles des dieux orientaux, aeternus, summus, exsuperantissimus2t, sanctus30, aeternus conservator totius poli et numen praestantissimum, exibitor invictus 31. Les représentations plastiques de Jupiter Dolichenus, sur lesquelles nous reviendrons plus loin, le montrent en général sous les traits d'un guerrier romain, debout sur un taureau qui marche à droite. Le type d'une divinité debout sur un animal est propre à la mythologie figurée de l'Orient32; il se rencontre, même à l'époque romaine, sur les monnaies syriennes et ciliciennes33, et Lucien3' décrit le dieu d'Hiérapolis comme porté par des tau reaux 35, à côté d'une Junon panthée portée par des lionnes. Ce dieu présente, en effet, une affinité étroite avec celui de Doliché ; il lui est, associé plusieurs fois dans les inscriptions nu dans les cultes locaux36; parfois même les deux divinités ont été confondues37. Un autre dieu asiatique indigène, le Zeus Stratios de Labranda en Carie, est certainement apparenté au Jupiter Dolichenus 38, puisque l'un et l'autre sont figurés quelquefois avec la double hache, nommée ),aépu;, d'où le dieu de Labranda a tiré son nom. Les analogies avec le type si répandu de Mithra ne sont pas moins frappantes 39 : l'un et l'autre expriment symboliquement la domination ou le triomphe du dieu solaire, bien qu'il soit difficile de préciser, dans ces groupes, la signification exacte du taureau". Jupiter Dolichenus est associé, tant sur les inscriptions que sur les monuments figurés, avec de nombreuses divinités helléniques ou d'origine orientale : Jupiter Heliopolitanus, dont il a déjà été question, Junon Syrienne", Minerve 42, Isis 43, Apollon ", Diane 45, Hercule a6, les Dioscures47, la Victoire", les Numina Augusti49, le SoleilJO, une divinité lunaire 6/, Esculape et Hygie 52. L'association avec la Junon syrienne est bien établie, bien que l'inscription souvent citée, Junoni assyriae reginae dolichenae, trouvée, selon Ligorio, à Rome, soit une invention de cet habile faussaire 63. La diffusion du culte de Jupiter Dolichenus dans l'empire romain fut surtout l'oeuvre des légions, comme le prouvent les dédicaces à ce dieu dues à des soldats 6'`. Trois légions romaines, la III' Gallica, la V' Macedonica et la Vlll' Augusta, ont été cantonnées pendant un temps assez long dans les environs de la ville de Doliché 55. Les esclaves et les commerçants syriens ont contribué à répandre ce culte dans presque toutes les provinces de l'empire 66. A Rome, Jupiter Dolichenus a un temple sur l'Aventin 67 et un autre sur l'Esquilin"; les inscriptions du sanctuaire de l'Aventin" font connaître une sodalitas ou confrérie religieuse, comprenant des patroni, des candidati et colitores hujus loci, avec une liste de personnages quos elexit Jupiter optimus maximus Dolichenus sibi sexe vire" . Parmi ces derniers, il y a un éponyme du collège, dit scribe ou notae'ius °1, un pater, des principes, un curator templi, deux lecticarii dei, un sacerdos (probablement le DOL 331 DOL sacrificateur, victimarius). On trouve le même culte, en Italie, à Bologne 62, à Florence 63, à Padoue", à Este 6J, à Lucérie 86, à Aecae °', à Histonium 68, à Naples G9, à Terracine70, à Turris Libisonis7', à Ostie"; dans la Cisalpine, à Concordia 73, à Atria 76, à Brixia 76 ; en Rhétie, à Reginum 76 ; en Dacie, à Apulum 7', où des négociants syriens élèvent un monument à Jupiter Dolichenus ; à Ampelum'8, Napoca79, à Tibiscum80, à Carnuntumef ; en Pannonie, à Sirminum82, à Acumincum83, àLussoniumS4; àAttalaes Aquincum B6, à Latobici S1, à Daruvar 88, à Brigetio 89 ; dans le Norique, à Virunum" et peut-être à Celeia31 ; en Dalmatie, à SaloneM, où le prêtre de Jupiter Dolichenus est un syrien nommé Barlaha, c'est-à-dire fils de dieu; en Germanie, à Rigomagi93 près de Bonn, à Straubing9'`, Pforzheim 95, à Xanten 96, à Aschaffenbourg 37, à Heddernheim0t, au camp romain de la Saalbourg près de Hombourg99; en Gaule, à Marseille 10D à Antibes 101, peutêtre à Halingen, près de Boulogne-sur-Merf62; en différents points de la Bretagne foi, et enfin dans le camp de Lambèse en Afrique'°4 On a remarqué 105 que plusieurs prêtres de Jupiter Dolichenus portent le nom de Marinus106, qui est peut-être une latinisation du syrien marina a notre Seigneur i07 » Nous ne possédons que peu de renseignements sur le culte de ce dieui08, en dehors de ceux que nous font connaître les inscriptions de l'Aventin citées plus haut. La mention d'un pontifex Dulceni, dans une inscription de Szlankamentf09, est très douteuse ; quelques textes laissent supposer que des banquets publics étaient quelquefois célébrés en son honneur 10 La durée de ce culte ne paraît pas avoir été longue ; ses débuts, ou du moins le commencement de sa diffusion, se placent au second siècle, et il disparaît complètement, cent cinquante ans plus tard, devant les progrès du christianisme. Les monuments figurés relatifs à Jupiter Dolichenus ne sont pas nombreux, et tous sont extrêmement médiocres au point de vue de l'art11. Les plus remarquables sont un groupe en marbre trouvé à Szlankament, en Hongrie, et conservé au cabinet de Vienne 112; un groupe trouvé Marseille, conservé au musée de Stuttgartf13; deux plaques d'une pyramide en bronze argenté, ornée de reliefs, découverte à Kbmlüd, en Hongrie, aujourd'hui au musée de Pesth 114, et une plaque de bronze provenant d'une pyramide semblable trouvée à Heddernheirn, en Nassau, aujourd'hui au musée de Wiesbaden 15. Le type du dieu debout sur le taureau est probablement celui de l'idole qui était placée dans le temple de Doliché, mais la fantaisie et l'esprit de syncrétisme ont introduit de nom breuses variantes dans les différentes représentations qui nous restent16. Le dieu, vêtu d'une armure romaine, qui marque son caractère guerrier, est tantôt barbu 17, conformément au type traditionnel de Jupiter, tantôt imberbe18, comme Apollon; il est coiffé d'un casque"' ou d'un bonnet phrygien 120; quelquefois sa tête est entourée de rayonsi2t, qui rappellent son caractère primitif de dieu solaire. Il tient le foudre 122, comme le Jupiter gréco-romain, ou la hache bipenne 123, comme le Zeus Stratios de Labranda. L'animal qui figure le plus souvent à côté de lui est l'aigle, tantôt tenant une couronne dans son bec 125 tantôt sur la cuirasse du dieu125, sur la tête ou aux pieds dutaureau126; enfin, dans un monument, surmontant une tète de cerf (emblème de la Junon syrienne), entre les cornes duquel on voit un croissant lunaire1°'. Il a déjà été question de la divinité féminine parèdre de Jupiter Dolichenus, figurée debout sur un bouquetin, sur une chèvre association fût un trait du culte original, mais il y a lieu de croire qu'il en était ainsi à Doliché, puisque Lucien 72' nous montre une association semblable à Hiérapolis.