Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DOLIUM

DOLIUM (Ilitoç). Le tonneau, dans l'antiquité, a existé sous deux formes : 1° une grande jarre de terre cuite, parfois de pierre ou de métal; 2° une futaille de bois, de forme cylindrique et munie de cercles destinés à maintenir les douves. Nous ne nous occuperons pas du second type, qui a été étudié à l'article CUPA. Nous n'avons à considérer ici que le premier genre, qui est de beaucoup le plus fréquent et le plus ancien. Homère et Hésiode en font déjà mention comme du récipient usité pour conserver le vin'. Nous pouvons même, par les monuments, remonter à une époque plus reculée que la littérature homérique et constater l'emploi du alto; sous une forme déjà très perfectionnée dans les premiers âges de la civilisation hellé nique. M. Schliemann, dans ses fouilles de Troie, a trouvé encore en place dans la terre neuf énormes récipients de DOL 332 DOL ou sur un cerf12'. Nous ne pouvons pas affirmer que cette terre cuite (haut. 1m,72) qu'il suppose avoir renfermé du blé ou du vin, et qui servaient de magasin d'approvisionnements (fig. 2491)2: il évalue à plus de six cents le nombre de ces gigantesques vaisseaux qu'il a rencontrés clans la seconde cité préhistorique, identifiée avec la Troie antique 3. Elles étaient, pour la plupart, recouvertes d'une plaque de schiste ou de calcaire formant couvercle. Il est difficile de croire que des vases de cette taille aient pu être façonnés au tour, bien qu'ils soient très régulièrement exécutés et cuits. Un texte donne à penser, en effet, qu'on les construisait de toutes pièces dans un four spécial Ces ailot ont une base pointue qui force à les enfoncer en terre pour leur donner une assiette solide. Nous savons que les anciens, dans la fabrication du vin, attachaient une grande importance à éviter le contact de l'air autour des tonneaux, et c'est pour cette raison qu'ils les enfouissaient dans la terre ou dans le sable 6, le plus souvent jusqu'à l'orifice même. Cette disposition se retrouve la même sur d'anciennes peintures de vases qui représentent le alto; du centaure Pholeus recevant son hôte Hercule le alto; où se cache Eurysthée épouvanté à la vue du sanglier d'Érymanthe', et dans les celliers de Rome avec leurs rangées d'amphores alignées8. Les dimensions colossales sont caractéristiques pour le alto;; c'est en cela qu'il diffère du CADUS, vase de forme analogue, mais de moindre taille. Un homme pouvait facilement s'y cacher, et c'est ainsi que s'explique, outre l'aventure d'Eurysthée, celle de Piasos, précipité par sa fille Larissa dans un tonneau de vin où il se noie'. L'anecdote la plus connue en ce genre est celle de Diogène vivant dans un tonneau en guise de maison10; les monuments qui le représentent donnent toujours à son d.oliunt la forme d'une grande jarre, et non pas d'une futaille de bois ( fig. 2492) 1t. 11 semble d'ailleurs, d'après un texte d'Aristophane, que ce choix d'habitation ne fut pas une invention bizarre du philosophe, mais que les pauvres étaient parfois réduits à user de ces refuges économiques 12. Le fameux tonneau des Danaïdes sc présente aussi à nous sous un aspect analoguel3. C'est le type classique du alto; archaïque, tel qu'on le rencontre dans les céramiques des payslesplusdivers, à Rhodes14, en Crète16, en Étrurie16, etc. Les quatre aitot envoyés comme offrandes par Crésus à Delphes étaient sans doute aussi de dimensions notables et, de plus, en argent17. On mentionne également des pithoi de pierre : un riche citoyen d'Agrigente possédait dans sa cave trois cents tonneaux taillés à même dans le roc, dont chacun pouvait contenir cent amphores de vin 18. On distinguait le doitare vinum du vinum amphorarium [viNUM] ; le premier était le vin nouveau, encore sûr et en fermentation ; l'autre était le vin fait et vieilli". Les tonneaux étaient enduits de poix intérieurement 20. Sur la fête des 7neo(yex à Athènes, voy. DIONYSIA, p. 235 et suiv. Le -rti9o;, comme nous l'avons indiqué déjà, ne servait pas seulement à conserver le vin. On y mettait d'autres liquides, comme l'huile, et des matières sèches, comme le blé, les raisins, les figues, etc. (doua frumentaria. acinaria, arnurcaria2f). Dans ce cas, il n'était pas nécessaire de l'enfoncer en terre, et la forme en est un peu modifiée : il repose sur une large base plate qui lui donne une assiette solide et permet de le poser debout sur le sol (fig. 2493) 22, C'est pour cette raison qu'un auteur mentionné par le Digeste refuse de ranger le dolium parmi les vara vinaria. Au jourd'hui encore, en Grèce et en Orient, la grande jarre de terre cuite sert à ces usages divers 23. Les anciens lui donnaient aussi la destination de nos pots de fleurs modernes, en y plantant des fleurs et des arbustes 2'. Enfin Vitruve dit que certains architectes, dans la construction des théâtres, tiraient parti de la résonance de do lia de terre cuite placés dans la salle pour améliorer l'acoustique 26 Il est probable que le nom de Tao; n'a pas toujours été réservé uniquement à des vaisseaux de très grandes dimensions : ces dénominations restent générales et s'appliquent souvent à des objets de forme et de taille différente. Cependant il existe des diminutifs comme 7ct0«otov, 7tt8ivxo;, qui indiquent l'intention de distinguer du vlto; les vases du même genre quand ils sont petits 26. Ils correspondent au doliolum des Romains". Les inscriptions latines mentionnent quelquefois le doliarius. ou dolearius28. Mais il ne faut pas confondre le doliarius (serves) qui est un sommelier ayant la garde et le soin de la cave dans les maisons des riches particuliers [CELLAHLUS], avec le doliarius (faber) qui est le fabricant de tonneaux en terre cuite et, en général, de toutes sortes de matières céramiques [voy. DOLIABE OPUS]. E. POTTIER,