Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DOMUS

DOMUS (Oixoç, Swux, cuoçt). L'habitation antique, celle des Grecs comme celle des Romains, diffère de nos maisons modernes non-seulement par d'innombrables détails de structure, d'aménagement ou de décoration, mais encore par les principes mêmes qui guidaient les architectes. Tous nos logis, depuis la chaumière de nos montagnes jusqu'aux palais de nos grandes villes, s'étendent en façades sur la rue, se percent de larges fenêtres et vivent dans une communication constante avec l'extérieur. Au contraire, la maison antique s'enfermait en elle-même, concentrait toute la vie de famille dans une cour intérieure. Cette disposition générale de l'habitation s'explique par des nécessités diverses, qui tenaient au climat et aux moeurs, mais aussi aux moyens matériels dont disposait l'architecte. Dans les pays du Midi on clôt volontiers l'habitation et l'on réduit le nombre des ouvertures pour arrèter la lu• mière trop vive et le rayonnement de la chaleur. De plus, la réclusion des femmes en pays grecs entraînait comme conséquence l'isolement du logis. Enfin l'on n'a eu que très tard, sous l'empire romain, l'idée d'employer le verre pour la fermeture des fenêtres, et l'usage des vitres fut toujours un véritable luxe. On perçait bien aux étages supérieurs quelques lucarnes que protégeaient des volets du côté de la rue; mais les pièces du rez-de-chaussée, les plus importantes de l'habitation, ne pouvaient s'éclairer que sur des cours ou des galeries intérieures. Ce petit détail d'économie domestique, plus encore que le climat ou les moeurs, explique que pendant tant de siècles, malgré la transformation des sociétés, les mêmes méthodes de construction et d'aménagement se soient maintenues chez les deux peuples classiques pour les demeures particulières. Pour éclairer l'intérieur de la maison, ce qui était le point essentiel dans l'organisation du logis, les anciens ont imaginé deux moyens. Ou bien l'on disposait les pièces autour d'une cour : c'est le système hellénique ; ou bien l'on perçait un large trou au toit de la salle principale : c'est le système qui prévalut en Italie. Sur ces deux principes, appliqués isolément d'abord, et plus tard combinés, repose toute l'histoire de l'habitation chez les Grecs et les Romains. Les descriptions de Vitruve, comme les ruines de Pompéi ou d'Ilerculanum, comme les débris des villas ou des palais, nous font surtout connaître les logis antiques sous leur dernière forme. Mais on peut aujourd'huiy distinguer nettement les éléments grecs et les éléments romains, éliminer successivement tout ce qui a été ajouté aux types primitifs. Si de part et d'autre on remonte ainsi le cours des âges, on arrive, en Italie comme en Grèce, à une maison d'un modèle très simple, la chaumière du paysan. Pendant longtemps les populations anciennes n'ont connu que la vie rurale. Plus tard, dans les villes, on ne fit que développer, aménager pour des besoins nouveaux la cabane du cultivateur, qui aux champs est toujours restée pareille à elle-même, immobile dans sa simplicité naïve, jusqu'à la fin du inonde classique. Chez les populations de la Grèce et de l'Italie, la maison du paysan cultivateur fut de bonne heure de forme rectangulaire 2, couverte d'un toit de chaume; l'usage des terrasses, moins répandu que de nos jours autour de la III Méditerranée, n'a jamais complètement, même sous l'empire, remplacé l'ancien toit national. Vues du dehors, les chaumières de Grèce et d'Italie avaient même apparence; mais l'aménagement intérieur différait beaucoup, comme l'éclairage. Aussi l'habitation riche des siècles suivants s'estelle développée très diversement dans les deux pays. Dans les régions helléniques, les chambres se sont rangées autour d'une cour; plus tard, autour de deux cours à colonnee. En Italie, le centre de la maison a été de bonne heure une grande salle au plafond percé d'une ouverture rectangulaire. Sous l'empire romain, dans les palais et les hôtels particuliers de Rome et de Pompéi, se sont combinés les éléments de l'habitation grecque et de l'habitation romaine. L'HABITATION GRECQUE. I. L'habitation primitive et la maison de paysan. La grande maison hellénistique que décrit Vitruve est un développement de la maison hellénique du temps de Périclès. Celle-ci à son tour reproduit tous les traits essentiels du palais homérique, qui se présente lui-même comme une grande ferme. Et de ces fermes princières on trouve les éléments constitutifs dans la chaumière du paysan. Cette chaumière du paysan grec, nous la connaissons en détail par une très curieuse relation du médecin Galien. Un jour il eut l'idée de raconter comment son père, un cultivateur des environs de Pergame, s'y prenait pour améliorer son vin. Et à ce propos il décrit avec complaisance les maisons de son village natal, qui ressemblaient à celles de tous les villages helléniques. a Si vous voulez, dit-il, avoir pour le vin un emplacement chaud, je vais vous dire comment procédait mon père. Dans toutes les campagnes de mon pays les maisons sont grandes. Au milieu est le foyer, où l'on allume le feu. Non loin du foyer sont disposées les étables pour les bestiaux, de chaque côté, à droite et à gauche, ou tout au moins d'un côté. Attenant au foyer, par devant, dans la direction de la porte d'entrée, est un four. Telle est la disposition de toutes les maisons de paysans, du moins des pauvres. Les habitations plus riches ont, près du mur du fond, en face de la porte, une pièce de réunion, et, de chaque côté de cette pièce, une chambre à coucher. Au-dessus sont des greniers, comme dans la plupart des auberges. Ils sont disposés en cercle, le long des trois murs, souvent des quatre murs de la salle. De ces compartiments des greniers, celui qu'on voit le mieux des deux côtés est celui qui domine la pièce de réunion. C'est dans celui-là que mon père plaçait son vin après l'avoir fait chauffer dans les jarres 3. » D'après cette description, il n'est pas difficile de reconstituer le plan de la chaumière hellénique. Elle est toute en longueur et partagée en trois sections parallèles. Les deux sections de droite et de gauche, plus étroites, sont occupées par les étables ou écuries et communiquent avec la section centrale, l'aire, la salle (b g yaç oZxo;). L'aire, dans les maisons les plus pauvres, sert à la fois de cuisine, de chambre à coucher, de logement pour toute la famille. Dans les maisons moins misérables on dispose trois pièces le long du mur qui fait face à 1a porte d'entrée : c'est une salle de travail et de réunion (i lïpz), flanquée de deux chambres à coucher (xotTOdo). 43 DOM 338 _._ DOM Le foi 1 est placé dans l'axe longitudinal de la selle: de l'exedra; devant le foyer, le four. Au-des -ambres du fond et des stalles latérales courent des greniers; le compartiment qui fait face à la porte, d'entrée sert de cellier (aoBtxt ). La lumière n'arrive que par la porte; la fumée remplit la maison, améliore le vin, et .s'en va, corroie elle peut. Toutes les parties de l'habitation sont comprises sous le même toit, un toit de chaume deux pars, qui repose sur des poutres transversales IMEC~ausi) ; mais la pente en est si douce qu'en été on y place des cruches de vin pour les faire chauffer au soleil;. Voilà le point de départ de l'habitation grecque. Il n'est pas douteux que tous les logis primitifs aient été entièrement construits en bois. On peut s'en représenter nettement l'aspect extérieur d'après les vieux tombeaux des îles de l'Archipel, de Cyrène, et surtout de la Phrygie, de la Paphlagonie, de la. Lycie Sur les façades de pierre des sépultures, on lit tous les détails des anciennes maisons de bois (fig. 2494); le plafond. parfois soutenu par des piliers, se compose de troncs d'arbres non équarris qui s'accusent en fortes saillies au-delà des murs et dessinent devant le logis une sorte de vestibule, L'entrée est d'ordinaire divisée en. pie i' 'tir compartiments pair des. k.o; tre verticales et horizontales, Au-dessus de l'entrée, le toit se termine souvent en fronton. Des fa ides analogues se voient même au,jourd'Icli dans les habitations en bois des villes turques. Telle a toujours été dans les régions grecques 1_a disposition des maisons de paysans. Il en existe encore de semblables; nous en avons visité, en Asie Mineure, dans les montagnes de Thessalie et ailleurs. Or l'on y trouve toutes les parties constitutives de la maison de ville à l'époque classique la disposition symétrique en longueur, les pièces latérales d'où il suffit d'expulser les bestiaux, le premier étage, enfin la salie de réunion et les deux. chambres à. coucher-, qui correspondent i la p°osla.s de Vitruve flanquée 'lu thalamos et de l'arnnhilhalamos. La grande salie du milieu joue dans cette distribution de la chaumière absolument le cèle de la cour ho c , {ue ou du péristyle classique. Supposez qu'on veuille i°H cette habitation rudimentaire, il devient imposa bic couvrir cette grande I salle; l'aire intérieure se change en une aire ouverte; la lumière y pénètre à flots et se répand de là dans tout le logis. Pour un hôtel particulier ou un palais princier, on ne modifiera, pas le plan de la cabane primitive; on développera seulement le logis proprement dit, représenté ici par les trois chambres du fond. Pour cela, il suffira d'ouvrir une porte (la g i'crzu)`os) dans le mur de derrière et de disposer à la suite d'autres appartements. C'est ce qu'on observe dans le palais homérique, la maison athénienne du ve siècle et l'habitation hellénistique de Vitruve. Au cours de cette étude nous serons plusieurs fois obligé de nous référer surtout aux palais. Mais cela importe peu : dans la Grèce ancienne les demeures princières n'ont jamais différé des logis particuliers que par les dimensions et le luxe. Il. Le palais homérique. Les poèmes homériques renferment la description de nombreuses résidences princières. Les plus connues sont le palais d'Ulysse à Ithaque, de Priam à Troie, de Ménélas à Sparte, de Circé et d'Alcinoos dans des îles plus ou moins fantastiques, enfin la tente d'Achille aménagée sur le modèle d'une maison. II est inutile de passer en revue ces habitations l'une après l'autre. Elles étaient toutes construites sur un plan analogue et décorées très simplement, à l'exception de la demeure idéale d'Alcinoos où le poète entasse à plaisir tout le luxe entrevu ou rêvé dans les palais asiatiques. Ces résidences royales, où s'arrête volontiers l'imagination du poète, ne se distinguent de la métairie hellénique que par de plus vastes proportions. Dans la grande cour du palais on reconnaît vite une cour de ferme; chez Ulysse .et chez Priam on voit régner en maîtres les pores et les chèvres, s'arrondir les tas de fumier e ; dans la salle à manger d'Ulysse le sol est jonché de débris d'animaux' ; Circé loge clans les stalles de sa cour ses amants changés en bêtes'. Le palais homérique est encore une grande métairie; c'est pourtant déjà une véritable maison hellénique, et les critiques anciens identifiaient i'uiù héroïque avec le perietyle des ha bitation postérieures °. Fia. 2495. Plan d'une maison d'après Homère. Les grandes maisons royales de l'Iliade et de l'Odyssée comprennent trois parties principales 99 (fig. 2495) : DOM -339 DOM 1° La cour (È)).;) (2), entourée de portiques (ailcuox né ç) ". Elle s'ouvre sur la rue ou sur une esplanade par A droite et à gauche de l'entrée, sous les grands portiques (4) qui longent les deux ailes sont disposées des pièces nombreuses (5). Là sont les écuries, les magasins'', les moulins à bras 16, des logements pour les esclaves ou les étrangers qui demandent asile '6, les communs. On y installe souvent aussi les appartements des fils de la maison. Chez Ulysse, c'est dans cette partie de l'habitation, à droite de la porte d'entrée, que demeurait Télémaque 17. Ces portiques s'allongeaient parfois à l'infini : chez Priam, c'est là que couchaient les cinquante fils du roi avec leurs femmes, ses douze filles et leurs maris 18. Ces appartements avaient d'ailleurs un étage supérieur, où l'on voit souvent monter Pénélope et ses femmes u. Au milieu de la cour se dressait toujours l'autel (3) de Zeus llerlteios, gardien et protecteur (le la propriété 20. Dans un coin se voyait le Oénoç 2t, chapelle circulaire consacrée aux divinités domestiques 22. 2° L'habitation des hommes (Si5p.a ou Sdp.oç). On traverse d'abord le double portique qui borde la cour en face de la porte d'entrée (ailoune Swµatioç, 7péSot+.oç) (6) ; on y dresse des lits pour les hôtes 23. Derrière le prodomos s'étend la salle des hommes (TÔ p.éyapov), la principale pièce du palais (7). Des colonnes 2' soutiennent les poutres transversales (uenéôi.tat 23) du plafond noirci par la fumée (;.°éAaOosv)n; les murs sont souvent couverts d'un revêtement de bois et décorés de plaques métalliques 27. Aucun pavé ni dallage ne couvre le sol, au moins dans la demeure d'Ulysse 28, où il est formé par la terre battue; mais ailleurs, il pouvait consister en un mortier durci, comme dans le palais de Tirynthe, dont on parlera plus loin, où l'entrecroisement des lignes et l'alternance des couleurs dessinent à la surface un ornement régulier 2°. La grande salle est toujours sombre (ertéEts); son obscurité, qui contraste avec le jour éclatant de l'entrée (éiicuca), a fait, étendre à la salle tout entière le nom de géàxtgus 30, ce qui n'empêche pas le maître de la maison et ses compagnons d'y manger, boire, causer, délibérer et dormir. Elle recevait la lumière par la porte d'entrée et aussi sans doute par les intervalles (rirai, âvo ata)"' laissés entre les têtes des poutres transversales du toit; mais r77 ou drain peut s'entendre aussi d'une ouverture au sommet du toit donnant passage au jour et à la fumée : c'est dans ce sens qu'on a employé ces mots plus tard, peut-être quand la forme du toit se fut modifiée 32. Au fond du mégaron on voit (£l) le foyer (ÉCxâpr), sur lequel les cuisiniers ou les héros euxmêmes préparent le festin 33_ Qu'est-ce que le )a`ivoç é:16; plusieurs fois mentionné dans le géyapov? On entend généralement par ces mots un seuil de pierre placé à la porte qui mettait en communication cette pièce avec l'autre. Nous croyons plutôt qu'il s'agit d'un soubassement sur lequel s'appuient les colonnes, élevé comme un degré tout autour de la salle" ;il est appelé aussi uéyaç o~aâôç. C'est sur ce large degré, et non sur un seuil étroit, qu'Uiysse se tient debout au moment où il va tendre son arc 36, et un peu plus tard (mais cette fois à l'autre extrémité de la salle, près de la porte d'entrée) lorsqu'il va diriger ses coups sur les prétendants "G. Ailleurs il est question de véritables seuils à l'entrée du né~apov 37 et à la porte de la chambre où est déposé l'arc d'Ulysse n3, d'airain dans le palais d'Alcinoos 3°. Une allée (aaépc;, longeant de chaque côté le gé'çn ov et le Oéàngoç ou habitation des femmes, dont nous allons parler, sert de passage entre le mur de la maison et l'enceinte extérieure. Comme on le voit sur le plan (10), cette allée part de l'aulè et conduit par le dehors à l'extrémité de la maison. La salle des hommes a une issue (9) sur ce passage 4°. Faut-il distinguer ou confondre cette issue et celle qui est désignée dans le même endroit de l'Odyssée sous le nom de ôpeo0épl, et ce nom, sur lequel on a beaucoup discuté, s'applique-t-il à une ouverture placée à uue certaine hauteur dans le mur, cornme semblent l'indiquer les termes dont se sert le poète pas nécessaire : les termes qui impliquent l'idée de montée se comprennent dans la description del a maison d'Ulysse, si l'on admet que le uétas oéUç, la, grande marche qui sert de base aux colonnes, est élevée au-dessus du sol. Il y faut monter pour gagner la porte de l'allée, comme il en faut descendre pour aller au thalamos en traversant l'6pcoiépn et les passages (pîsiycs 3my4oto'2) qui font communiquer, en contournant la maison, le thalatttos avec l'extérieur. 3° L'habitation des femmes (féàaptot). Une porte percée dans le mur du fond ou l'un des murs latéraux du nlégaron" y donne accès. Elle comprend : une salle principale, aussi appelée quelquefois uéyacov, au plafond porté par des colonnes (ll)10, où la maîtresse de maison se tient dans la journée et fait travailler ses esclaves''; puis par derrière ou à côté (12), au fond de la maison excellence ; enfin plusieurs pièces servant de réserve Dans le palais d'Ulysse, l'or, l'argent, des armes, des vetements, des denrées de toutes sortes S7 sont déposés dans la chambre nuptiale, que le poète désigne par son vrai nom (AAnago,) 48. Elle sert de magasin depuis que Pénélope, en l'absence d'Ulysse, habite l'étage supérieur"; mais on doit admettre qu'un pareil trésor rie manquait dans aucune riche demeure et qu'il était situé dans cette partie la plus reculée et la moins accessible de la maison. Il est toujours désigné par le même nom (Oé!agos) "0. De l'appartement des femmes un escalier (a),7pa,), placé près de la porte °', conduit au premier étage (bnEpi"ov), où sont les chambres des femmes esclaves et des filles du roi non mariées G2. Les poèmes homériques mentionnent encore un jardin attenant à la maison, du moins chez Alcinoos 63 : c'était un vaste enclos carré, où poussaient à l'envi oliviers et figuiers, grenadiers, poiriers et pommiers ; un ruisseau baignait le pied des vignes et les parterres. Chez Ulysse, le jardin devait être placé tout à fait derrière la maison et communiquait peut-être avec l'appartement des femmes. On se rappelle en effet l'olivier taillé par le héros, de façon à former le support du lit autour duquel il avait bâti la chambre nuptiale"; dans le palais d'Ulysse, comme dans les grandes maisons de l'époque historique, le jardin devait longer l'appartement des femmes. Toute l'habitation, y compris l'arrière-cour ou jardin, tout au moins une haie capable de servir de défense 66 Sur la forme des toits les données semblent d'abord contradictoires : le poète parait se figurer tantôt un double rampant (âuE(eovre;), tantôt une terrasse où l'on pouvait se tenir debout et prendre le frais. Le premier témoignage" se trouve dans une comparaison de l'avant-dernier chant de l'Iliade ; la deuxième, dans l'Odyssée 68, se rapporte au palais de Circé. Il peut y avoir entre la composition des deux poèmes un intervalle de temps assez considérable pour expliquer dans la disposition du toit un changement, sans doute venu de l'Orient, où les toits en terrasse furent toujours préférés [TECTUM]. Quant aux matériaux employés, nous croyons que les fondations seules, le plus souvent, étaient construites en pierre, et tout le reste en bois ou en brique crue. Dans le palais de Priam, plus riche que celui d'Ulysse, toutes les chambres placées sous les portiques de l'at6ouca sont bâties en pierre bien travaillée (baToio ),(Ooto) ", et c'est en pierre aussi qu'Ulysse construit la chambre qui enferme son lit nuptial E6. Mais on peut remarquer que le système de construction dont nous venons de parler resta généralement adopté pour les habitations helléniques des époques suivantes. Nous en possédons d'ailleurs, pour l'époque héroïque, un exemple curieux, décisif à notre avis. C'est la maison d'OEnomaos à Olympie 6f. Jusqu'au temps de Pausanias les Eléens en conservaient pieusement les fondations de pierre. Au milieu de l'emplacement de la cour, comme dans les maisons homériques, s'élevait encore l'autel de Zeus Herkeios. Près de là, un autre autel, consacré à Zeus Keraunios, rappelait que la maison du héros avait été détruite par la foudre. Seule se tenait encore debout, fendue par le temps, mais étayée et soutenue par des cordes, une colonne de bois du vieux palais héroïque, que par piété nationale on abritait sous un toit. On ne peut douter que la maison du héros OEnomaos, contemporain de Pélops, n'ait été bâtie en bois sur des fondements de pierre. C'est d'après ce même mode de construction que nous pensons avoir été élevés les palais homériques. D'ailleurs, des fouilles récentes ont mis au jour les substructions de deux palais du style homérique. Nous ne parlons pas de la maison d'Ulysse à Ithaque, dont plusieurs archéologues avaient cru reconnaître les traces sur une crête de l'isthme montagneux d'Aïto : les derniers explorateurs ont fait justice de ces rêveries et signalé dans les prétendues ruines d'Ithaque de vulgaires assises cyclopéennes. Au contraire, les fouilles de Troie et surtout celles de Tirynthe ont merveilleusement éclairci le problème des habitations homériques. A Troie, dans la deuxième couche d'Hissarlik, on a trouvé les fondations d'un palais, baptisé aussitôt du nom de palais de Priam 62. En y apportant un peu de bonne volonté, on y distingue une salle des hommes avec foyer et vestibule ; puis une chambre plus petite, précédée d'un vestibule et communiquant avec d'autres pièces, peut-être le gynécée; enfin un débris de portique. Mais les ruines troyennes, fort délabrées, nous apprennent peu de chose par elles-mêmes; elles sont intéressantes surtout parce qu'elles permettent de contrôler les données des fouilles de Tirynthe. Sur l'acropole de Tirynthe, en effet, on peut admirer aujourd'hui le vieux palais homérique dans presque tout son développement. On l'a découvert, au nord des célèbres galeries, sur un large plateau qui domine la route d'Argos à Nauplie 63. Au sud et à l'ouest, la résidence princière par ses dépendances s'étendait jusqu'au mur de la forteresse ; du côté du nord, elle commandait deux terrasses de niveaux inférieurs, qui ont été encore peu explorées, mais qui paraissent avoir servi au logement de la garnison. A l'est, une longue rampe, dont les angles et les courbes rendaient facile la défense, contourne le mur d'enceinte et aboutit à la porte principale du château, flanquée d'une tour. On chemine quelque temps du nord au sud entre les fortifications et les terrasses du palais. Une seconde porte intérieure, comme dans nos forteresses féodales, protégeait encore cet étroit défilé. Enfin, vers l'angle sud-est du mur d'enceinte, on se trouve devant une entrée monumentale, qu'on désigne sous le nom de grands propylées. Par ces grands propylées on pénètre sur une vaste esplanade presque rectangulaire et ornée de portiques. A l'ouest de l'esplanade, une porte monumentale, qu'on a appelée les petits propylées, conduit au palais proprement dit (fig. 2496). On y reconnaît aisément les parties essentielles de la maison homérique. Voici d'abord la cour, entourée de portiques, avec l'autel traditionnel de Zeus Herkeios. En face des propylées sont disposés les grands appartements, le centre de l'habitation. C'est d'abord la colonnade ouverte sur la cour (aiOouea So'gv-roç) d'où trois portes mènent au vestibule (apéSogo;). Du vestibule on entre dans la pièce d'apparat, la salle des hommes (p.Eyapov), la plus vaste du palais ; elle renferme le foyer (éehripzl), peutêtre entouré de quatre colonnes. La salle des hommes, tournée vers le sud comme toutes les grandes chambres de l'habitation, occupe le point culminant du plateau. A droite de l'appartement des hommes, du côté de l'est, un corps de logis contient l'appartement des femmes. On y distingue la salle des femmes, plus petite que le mégaron, précédée aussi d'une cour intérieure et d'un portique. La région nord-est du gynécée est partagée en un assez grand nombre de pièces, sans doute la chambre conjugale, d'autres chambres à coucher, l'arsenal, le trésor. L'appartement des femmes, entièrement séparé de celui des hommes n'est pas isolé cependant. Il communique : 1° avec les grands propylées, par une petite cour intérieure, non gauche on reconnaît une salle de bains et d'autres pièces, peut-être une chambre des hôtes ; mais dans toute cette région occidentale du palais les éboulements du terrain ont emporté une partie des substructions. L'examen des ruines de Tirynthe confirme nos conclusions précédentes sur les matériaux employés dans les habitations homériques. Presque partout subsistent les fondations bâties en pierres. Les murs étaient en brique crue encastrée de pièces de bois et reposaient sur des soubassements de moellons reliés avec de l'argile. Le seuil des portes était quelquefois en bois, mais ordinairement en pierre. On remarque le soin avec lequel étaient aménagés les pavements et les conduits d'eau; il faut signaler surtout le dallage monolithe de la chambre des bains, un bloc d'un poids énorme. Les salles, petites ou grandes suivant la destination, étaient tantôt pourvues, tantôt dépourvues de colonnes; la salle des femmes était partagée en trois nefs. On façonnait en bois les plafonds, les piliers, les montants et les antes des portes, les colonnes, sans doute assez minces, qui s'appuyaient sur des bases de pierre. Les pièces s'éclairaient par la porte, peut-être aussi par des ouvertures latérales haut placées ; dans la salle des hommes il est probable que des ouvertures étaient ménagées entre les poutres, sous le toit, comme on l'a dit plus haut. On employait déjà la peinture dans la décoration des murs. On a trouve Tans les fouilles une jolie pavée, adjacente à la cour des femmes, et par un corridor 1 qui longe le mur oriental du mégaron; 2° avec l'aile 1 gauche du logis, par un autre corridor qui contourne au nord et à l'ouest la salle des hommes. Dans cette aile frise d'albâtre où sont encastrées des pâtes de verre bleu. L'ornementation consistait surtout en dessins géométriques, comme sur les vases grecs d'ancien style. Mais on connaissait déjà la figure, et parmi les peintures mu /5'. raies de Tirynthe la première place appartient à une curieuse fresque, l'Homme au taureau (fig. 2497). On voit l'importance considérable des nouvelles fouilles de Tirynthe pour l'étude de l'habitation grecque. Elles ont prouvé l'exactitude des descriptions homériques et mis sous les yeux du voyageur la maison des héros légen DOM 342 DOM daines. On peut aujourd'hui s'aventurer sans crainte à la suite du poète sous les voûtes du palais d'Ulysse ou de Ménélas. Toutes les parties essentielles de l'habitation hérotque se reconnaissent sur l'acropole de Tirynthe, et I'exo_men des ruines permet de se figurer nettement la nature des matériaux employés, la décoration du sol et des murailles. Dans les études de ce genre on ne doit s'arrêter qu'aux grandes lignes et aux caractères communs : les détails d'aménagement variaient naturellement d'une maison à l'autre. Avec cette restriction on peut dire que le palais de Tirynthe est le modèle en pierre et en bois des palais homériques. III. L'habitation à l'époque hellénique. Les maisons riches et les palais de l'époque historique ont reproduit dans ses lignes générales le plan de l'habitation homérique. Le péristyle a pris la place de la cour, et la disposition du logis n'a guère changé. Mais il ne faut pas s'attendre à trouver dans une ville grecque du temps de Périclès, à Athènes par exemple, une agglomération de maisons complètes à péristyle; c'était un luxe de privilégiés. Sur les collines du Pnyx et de l'Aréopage, l'examen des soubassements taillés dans le roc prouve que la majorité des citoyens demeuraient dans des cases d'une simplicité rudimentaire. La modeste métairie du paysan devait exciter l'envie des pauvres gens de la ville ou du bourg. Pendant longtemps les cités grecques n'ont connu le Iuxe que pour les monuments publics. Les demeures des particuliers, d'une mesquinerie qui nous surprend, manquaient du confortable le plus élémentaire. Évidemment ces gens-là ne vivaient guère chez eux et le plus souvent dormaient dehors sous les portiques. Les rues des villes, étroites et tortueuses, rétrécies encore par les saillies et les balcons du premier étage, laissaient à peine arriver la lumière. Athènes surtout garda longtemps la physionomie la plus piteuse. La ville avait pourtant été presque entièrement brûlée pendant la guerre Médique ; mais on la reconstruisit avec la même négligence; les rues continuèrent de serpenter au hasard, les maisons des quartiers populeux restèrent très petites, incommodes, d'un aspect minable. Les étrangers en parlaient avec dédain 6 . Démosthène lui-même examinait avec une sorte d'étonnement les pauvres logis de Miltiade, d'Aristide, de Thémistocle 6J. C'est que peu à peu le luxe avait gagné les habitations privées. On avait rejeté plus loin le mur d'enceinte et percé de nouveaux quartiers ss. L'architecte Hippodamos de Milet accomplit une véritable révolution dans la construction des villes 67. Pour ses travaux du Pirée, de Thurium, de Rhodes, il se préoccupe de disposer les rues sur un plan régulier, d'aligner les maisons. Platon fait allusion aux nouveaux règlements de police dirigés contre les propriétaires 6s. A Athènes, les astynomes et le sénat de l'Aréopage furent chargés de veiller à la bonne tenue des maisons, d'imposer des réparations, de déclarer des contraventions GQ. Presque toutes les villes. Athènes et Mégare, Skione et Potidée, Samos et Sardes, s'entourèrent de grands faubourgs où le luxe se déploya plus à l'aise 7Q. Pour comprendre cette révolution économique, il suffit de comparer dans Athènes les vieux quartiers du Pnyx et de l'Aréopage aux quartiers neufs du Céramique et du Dipylon" : aux taudis étriqués ont succédé de véritables habitations. Mais il est bien difficile de transformer les rues commerçantes des villes et d'y agrandir la maison. Aussi l'habitude de vivre à la campagne se répand-elle dans la classe riche. Thucydide et Isocrate constatent que de Ieur temps il faut chercher hors des murs les belles habitations, et les heureux qui y demeurent ne se dérangent même plus pour assister en ville aux fêtes nationales 72. Au Ive siècle, Démosthène s'effraye à regarder le luxe croissant des maisons particulières'" . Pourtant, c'est surtout dans les pays d'outre-mer, aux colonies, qu'apparaît ce goût nouveau ; et c'est là que l'habitation hellénique, aux v° et 1v° siècles, atteint son apogée, dans les palais des tyrans et des rois. Pendant toute cette période de l'hégémonie athénienne, nous distinguerons trois sortes d'habitation : 4° Le logis pauvre et la boutique, le type le plus fréquent dans les quartiers populeux ; 2° la maison riche à péristyle, qu'on rencontrait surtout dans les faubourgs ; 3° le palais princier ou royal. Les ruines et les textes anciens permettent de reconstituer assez nettement ces trois types d'habitation aux temps de Périclès et de Démosthène. Le logis pauvre, la boutique. La plus grande partie de la population demeurait dans de misérables appartements, ouverts directement sur la rue, composés d'ordinaire de deux pièces très petites et parfois d'une chambre au premier étage avec escalier intérieur. Le rocher aplani ou coupé formait le sol, souvent aussi les parois inférieures de l'habitation, les parties plus élevées du mur étaient construites en bois, en brique crue, en cailloux reliés par un mortier de terre délayée. Le rez-de-chaussée servait fréquemment de boutique. Les mansardes du premier étage, où conduisait alors un escalier extérieur en pierre ou en bois, étaient louées d'ordinaire à de pauvres gens du pays ou à des étrangers qui voulaient se ménager un pied-à-terre à la ville Th. Quelquefois ces modestes logis masquaient une grande maison, comme à Pompéi. Ce devait être là en effet l'origine de ces boutiques ou ateliers : au lieu de tourner vers l'intérieur de la maison les stalles de la cour, on les avait tournées vers la rue; puis les habitations riches avaient disparu des quartiers commerçants, et l'on prit l'habitude de construire isolément ces petits logis. Les boutiques, les demeures des pauvres gens nous sont connues par quelques allusions des auteurs et par les traces qu'elles ont laissées sur le roc. C'est ainsi qu'à Athènes, au Pirée, à Munychie, à Corinthe, à Stymphale, à Syracuse, on peut lire encore sur le sol le plan de quelques quartiers populeux. Celui qu'on retrouve à Athènes est le quartier de Mélité, le plus ancien et le plus vivant de la cité (fig. 2490. On distingue les soubassements des maisons sur les quatre collines de l'Aréopage, des Nymphes, du Pnyx et de Philopappos 7J. Les logements sont très petits, souvent précédés d'une terrasse, souvent munis d'esca DOM --343 --DOM liers, de bancs, de niches; tout autour se creusent des canaux qui conduisaient l'eau des pluies aux citernes rondes et aux réservoirs. A l'ouest de la colline des Nymphes on suit en core deux rues à Q -L profondes ornièed res. Entre le Pnyx et la colline de Philopappospasse une grande voie antique (xoùÂn lIé; ), pourvue de stries transversales, d'ornières et de rigoles pour l'écoulement des eaux. A examiner le sol, on s'aperçoit que tout ce quartier , voisin de l'acropole, de l'Agora et du Pnyx, devait étre très peuplé et très animé. Pourtant on n'a pu y découvrir les traces d'une maison de quelque apparence. Évidemment ce n'est pas là que demeuraient les élégants du temps de Démosthène. Ainsi durent se présenter longtemps toutes 123 vicillce cités, où, seuls, les dieux et les magistrats étaient bien logés. C'est là sans doute l'aspect que gardèrent toujours les bourgades de l'intérieur du pays. Pour en donner une idée, nous devons décrire rapidement les habitations d'une petite ville voisine de Corinthe et des jeux isthmiques, l'ancienne Êphyra. Nous avons eu l'occasion de l'étudier en détail, et c'est, pour ce genre de logis, l'ensemble le plus complet et le plus varié que nous connaissions : « Toute la partie orientale du plateau est, sur une longueur d'un kilomètre et sur une largeur de 300 mètres, couverte d'empreintes de maisons, de rues, d'escaliers. C'est l'emplacement d'une ville fort ancienne, aussi curieuse et plus variée à certains égards que les rochers taillés de l'Aréopage et du Pnyx ou de la colline de Munychie... Deux rues principales donnaient accès au plateau (au nord-ouest)... Du côté du sud-est, par les sentiers ouverts dans le roc, on s'élevait péniblement d'une terrasse à l'autre, entre deux rangées de chambres coupées dans le roc. La plus longue de ces rampes est en face de l'extrémité du vallon où l'on avait établi le stade, On en suit les détours pendant plus de 200 mètres. Cette rampe donnait accès à une foule d'habitations. Les parois sont formées par des pans de rochers habilement coupés et polis, parfois à une hauteur de plus de deux mètres. Une de ces chambres, dont les quatre côtés sont bien conservés, a 3m,10 sur 4`°,10; on voit encore le seuil de la porte, des moulures empreintes sur le roc, et, à hauteur de main d'homme, une petite cavité pour la lampe. s Si à l'endroit où ce chemin débouche sur le plateau on se tourne vers le nord-est, c'est-à-dire dans la direc Lion du sanctuaire de Poseidou, on aperçoit une série d'escaliers qui ont d'ordinaire quatre ou cinq marches, parfois jusqu'à vingt ou trente. Ces escaliers mettaient soit les maisons, soit les ruelles en communication directe avec la rue principale de la ville. Cette grande rue, qui est entièrement taillée sur le roc au sommet du plateau, longe et domine les terrasses du côté sud-est.... Elle passe entre des maisons, des etternes circulaires ou ovales. L'une de ces maisons se compose de quatre petites chambres et a la forme d'une croix (6 mètres sur 7m,20).... Citons, à côté d'un escalier à dix marches, une chambre où a été taillé une sorte d'évier. Plus loin, deux escaliers à dix marches alternent avec deux citernes ovales. Puis c'est une habitation à deux chambres, l'une n'ayant d'issue que sur celte de devant. Voici un petit escalier de quatre marches entre deux pièces; un escalier tournant à plus de vingt-cinq marches; une citerne ronde ; une habitation à double issue, d'une part sur la grande rue, d'autre part sur une rampe qui contourne le rocher... Les rues, les fondations, les parois des rochers, le mobilier, tout est taillé dans le rocher, On l'encontre çà et là des moulures. Mais tout a un caractère nettement archaïque » Pour l'étude du logis pauvre et de la boutique grecque, ces ruines d'Éphyra complètent heureusement les trop rares indications des auteurs et des collines d'Athènes. Le roc joue un grand rôle dans ce genre de construction. Quant à l'installation, elle paraît encore plus primitive et plus modeste que dans les boutiques de Pompéi. La maison riche à péristyle. Xénophon nous dit que de son temps Athènes comptait plus de dix mille maisons 7''. La plupart devaient ressembler aux pauvres logis que nous venons de décrire. Les maisons riches, naturellement en petit nombre, reproduisaient en raccourci le palais homérique : le péristyle remplaeait l'ancienne olXs , dont on avait seulement chassé les pourceaux. Pour nous figurer l'habitation complète des ve et Ave 'siècles, nous avons les fondations de deux maisons du Pirée 7E et le témoignage des auteurs athéniens, surtout la description de la demeure de Caillas dans Platon, d'Ischomachos dans Xénophon, et d'un bourgeois athénien dans Lysias79 (fig. 2499). L'habitation était ordinairement précédée d'une barrière (apo?pâyg.ara 80), qui empiétait sur la rue. L'espace libre entre cette barrière et la porte formait un vestibule DOM -3k4DOM (7rpdtupov,apoitûQacov), souvent décoré de peintures81, d'une inscription destinée à détourner les voleurs et le mauvais sort 82, de la primitive image d'Hécate, d'Hermès ou d'un autel d'Apollon Agylieus83. C'est là que Socrate va attendre Protagoras et les autres sophistes logés chez Caillas. A droite et à gauche de l'entrée 8° étaient disposées des écuries ou des boutiques (J, H). Au bout du prothyron on se heurte à la porte (aû,eta Oépa)85 Pour avertir les gens, on frappe (xpoéEta 'rr`s Oépav) avec un marteau de métal (Odrrpov) 96; ou bien, comme à Sparte on crie à tue tête : a Ohé! J»ja7 » Car c'est la nuit seulement qu'on fermait la porte intérieurement, avec un verrou, plus tard avec une clef 88 [JANUA]. En entrant brusquement, nous dit un ancien, le visiteur risquait de surprendre la femme ou la fille au milieu de la cour, ou un esclave qu'on rouait de coups, ou des servantes qui pleuraient ; et cette arrivée intempestive eût paru de la dernière inconvenance 89. Une fois avertis par un coup de marteau ou un cri, tous les gens de la maison se mettaient sur leurs gardes. Le chien, qu'on tenait à la chaîne, commençait d'aboyer [BESTIAE], et le portier (Oupcopdç, 7cuatâpoç) sortait de sa loge (ru),t,ptov). Depuis l'époque où l'on construisit de grandes habitations privées, chaque citoyen qui se respectait eut son concierge 90 [JANITOB]. La porte ouverte, on entre dans la cour (B) (silo,) 91, entourée de trois, quelquefois des quatre côtés par des portiques (aEpfaruaov) 92. C'est le centre de l'habitation. C'est là que se tiennent souvent dans la journée les maîtres de la maison, qu'on reçoit les visiteurs, et même qu'on mange par les beaux temps93. Au milieu, comme dans le palais homérique, se dresse l'autel de Zeus Herkeios9l; vers le fond, à droite et à gauche, dans les coins de la cour ou dans des pièces latérales, les autels des dieux de la propriété (OEol xr8 lot) et des dieux de la famille (OEol 7rxrpôlot) 95. Des deux côtés, sous les portiques, s'ouvrent différentes pièces (otzot, oixr,N.xza, 's p.4rtx 90), chambres à coucher (xotr(Iveç 97), magasins (â roeixat, puaar-ri pta, O'gea4pol), offices (rau.cE'x) 98. Là se trouvent aussi les chambres des hôtes (i;csGivoç), que mentionne Euripide, que Xénophon et Aristote recommandent d'aménager avec soin quand on construit une maison 99; chez les gens très riches, chez les représentants de villes étrangères, ces appartements destinés aux voyageurs pouvaient prendre un développement extraordinaire, et l'on cite Gellias d'Agrigente qui reçut un jour cinq cents cavaliers de Géla et leur donna des manteaux tirés de ses magasins'oo Par le portique qui fait face à l'entrée (rep6ertoov)101, ou si le portique ne se prolonge pas de ce côté, par une large porte ornée de deux antes (7tapacrOEç) et d'un entablement, on pénètre dans la salle des hommes (C) (âvlptly, ripos.âç, plus tard aussi _;Hpx et'raa'r«ç) f02. Comme dans la chaumière hellénique et le palais homérique, c'est la principale pièce du logis, celle où se réunit la famille; elle contient le foyer (i'X«pa, €cr(a) ou l'autel d'Hestia, parfois enfermé dans une petite chapelle ronde (66ao;)103 Toute cette partie de la maison que nous venons de décrire formait l'«vlprevircç ou appartement des hommes. Au fond de la salle du foyer s'ouvrait une porte, la porte de derrière la cour (04a µérauao,) 104, par où l'on entrait dans l'appartement des femmes (yuvatxwvTrtç)10i. On y rencontrait d'ordinaire la chambre conjugale (Odaagoç)156 et la chambre des filles («upiOci),nN.oç) 107 (E, D), placées à droite et à gauche de la salle des hommes, puis d'autres pièces (G) oit travaillaient les femmes esclaves (raaactoupysia, io'rvcç) 168. Le thalamus renfermait la niche des dieux du mariage (OEol yxp.7 atot) et de la naissance (tua1 yEvéO),tot)155 ; les salles de travail, la niche d'Athéna. Ergané 110, Derrière le gynécée s'étendait souvent un petit jardin (K), mentionné dans les comédies de Térence et reconnaissable encore près des soubassements d'une maison du Pirée; on y arrivait par une porte dite « porte du jardin » (OGpa xvta(a) 111 La cour et les pièces du rez-de-chaussée couvraient des sous-sols, des citernes [CISTEANA], des caves [CELLA]. Gellias d'Agrigente avait dans ses énormes celliers trois cents réservoirs de vin, taillés dans le roc, dont chacun contenait cent amphores"' [DouuM]. Les maisons des riches étaient aussi munies d'une salle de bains 713 [BALNEUM], d'une boulangerie, d'une pâtisserie [PISTHINA]. Quand on cessa de préparer le repas sur l'autel d'Hestia, on construisit une cuisine (ô7trâvta, N.ayetpaiov) [cULINA] dans le voisinage de la salle des hommes, où l'on mangeait d'ordinaire 116. La fumée des fourneaux s'échappait par des tuyaux de cheminée tout droits (xa7tvoHyat), les seuls de la maison 116 [cAMINUS]; car les appartements ne se A Athènes, après la guerre du menea à construire des maisons plus élevées. On ajouta souvent un deuxième étage, parfois un troisième. Aristophane, dans le Plutus, raille la hauteur de la maison de Timothée 128; suivant Démosthène, celle de Midias, à Éleu chauffaient jamais qu'avec des foyers portatifs, analogues au brasero d'Italie et d'Orient. Contrairement à ce qu'on a pu dire, les maisons des villes grecques, d'Athènes en particulier, avaient presque toujours un premier étage les très grandes maisons, où les chambres du rezde-chaussée suffisaient, on louait souvent à des étrangers les pièces supérieures117,auxquelles des escaliers (âv saient, dans ce cas, directement de la rue. Dans les habitations plus modestes, le premier étage était relié au rez-dechaussée et ren fermait des magasins, des greniers,très souvent aussi l'a ppartement des femmes. Dans uncurieux plaidoyer de Lysias, un bourgeois d'Athènes explique nettement que chez lui les deux étages ont exactement la même distribution et que sa femme habite d'ordinaire au-dessus; illuia abandonné pour quelque temps ]e rez-de-chaussée, parce qu'elle pré tendait s'y trouver plus à l'aise pour nourrir et laver son enfant; elle a profité de la bonhomie du mari pour recevoir la nuit son amant'. C'est aussi au premier étage que couchaient les servantes; la nuit, on verrouillait la porte qui mettait en communication l'appartement des hommes et celui des femmes. Xénophon en donne pour raison qu'il faut empêcher que rien ne sorte et que les mauvais esclaves ne fassent des enfants sans la permission du maître 12°. Sur la cour et sur la rue, le premier étage formait saillie [MAENIANUM]. Déjà Hippias, fils de Pisistrate, avait frappé d'un impôt spécial les balcons, les escaliers extérieurs et les fenêtres grillées du premier étage 121. Au Ive siècle, Iphicrate fit voter par les Athéniens un impôt analogue sur ces balcons de bois132. Dans les habitations riches, ces terrasses de l'étage supérieur étaient décorées de balustrades et de colonnes, comme on le voit à l'arrière-plan des beaux bas-reliefs connus sous le nom de « Dionysos chez Icarios 123 a (fig. 2500). La figure 2501, tirée d'un vase peint du Ive siècle, montre la disposition d'une galerie intérieure au premier étage, ayant vue sur le péristyle 12n. Dans la paroi extérieure étaient percées des fenê tres (euptleç), où se tenaient volontiers les femmes [FENESTRA]. « Si nous nous mettons à. la fenêtre, disent-elles dans Aristophane, chacun de vous veut voir cette peste que nous sommes; si nous nous retirons par pudeur, chacun désire bien plus encore que cette peste se penche de nouveau72U. » Quelques peintures de vases représentent des femmes (fig. 2502) dont la tête apparait à la fenêtret00 A Syracuse. Tite Live montre les m e curieux regardant du haut des toits et des fe nêtres127. Péloponnèse, l'on corn sis, était si démesurée qu'elle couvrait d'ombre ses voisines 129. Toutes ces habi 44 s DOM 347 -a-DOM Au milieu de la façade s'ouvre un passage, large de 40 mètres, qui mène de l'esplanade extérieure au péristyle. Il se partage en trois vestibules successifs. Le premier vestibule (A) profond de 7 mètres, était sans doute orné d'une colonnade. Le deuxième (D) est construit avec des blocs de tuf calcaire très bien appareillés. Il était peut-être à ciel ouvert et donnait accès à. deux portes latérales. Le sol est dallé de marbre blanc à moulures ; près des murs et des deux piliers du milieu on reconnaît encore les trous de scellement de la triple porte. Le troisième vestibule (C) est un carré de 10 métres de côté, d'un niveau un peu plus élevé; il ne communiquait pas avec les pièces latérales, mais s'ouvrait sur la cour par trois entrecolonnements. Les deux corps de logis que séparaient ces vestibules étaient divisés de même en trois bandes transversales. Les deux premières sections (D, E) sont très ruinées; elles contenaient sans doute une série de chambres précédées d'un portique. Dans la troisième section, qui correspondait au troisième vestibule ou vestibule d'honneur, les appartements forment façade sur le péristyle. On y rencontre d'abord à droite, du côté nord, une vaste salle (II) ; puis une petite cour carrée (I), au sol enduit de ciment, aux pentes inclinées vers un orifice central où s'écoulaient les eaux, avec un seuil menant au péristyle; enfin deux pièces (J) appuyées au mur de soutènement, l'une rectangulaire, l'autre arrondie en quart de cercle. Dans le corps de logis méridional, à gauche du grand vestibule, on voit d'abord une salle ronde (Ii') (I4 mètres 25 de diamètre). Elle communique avec le péristyle par un seuil de marbre fort élégant; elle est pavée d'éclats de marbre empâtés de ciment; les murs étaient couverts d'une riche décoration soutenue de dés de pierre; à la muraille s'adosse encore une sorte de tribune, disposée irrégulièrement dans la direction du sud et formée de deux marches superposées (lui supportaient des piliers. A côté de la salle ronde, un emplacement carré (G) est partagé en trois chambres; les deux petites ouvrent sur la grande, d'oü un seuil de marbre mène au péristyle. Une porte percée dans le mur méridional de cette antichambre conduit dans une vaste salle (40 métres sur 7), qui communique ellernéme directement avec le péristyle et d'autres appartements disposés plus à l'est dans les sections ruinées du logis. Derrière ces deux corps de bâtiments s'étendait l'immense cour entourée de portiques, où aboutissaient les vestibules. Elle était bordée à droite et à gauche de chambres ou de cellules. Tout au fond, du côté de l'ouest, les explorateurs n'ont pu opérer que quelques sondages; de nouvelles fouilles y feraient sfirement découvrir les appartements particuliers de la famille royale. Car les corps de logis disposés sur le devant du palais ne contenaient que les salles d'apparat. Cette résidence princière était construite sur le plan de la maison hellénique. Dans les trois vestibules successifs on reconnaît aisément le prothyron, le thyroreion et le prodomos de l'habitation privée. La salle circulaire, où l'on a découvert des fragments de stèles votives, a toutes les apparences d'une chapelle ; c'est le tholos, consacré aux divinités domestiques. Il est difficile de préciser la destination des autres salles; mais on croit y distinguer un hestiatorion ou salle des festins publics, une cuisine, des logements de fonctionnaires, des magasins. Les fragments d'architecture dégagés dans les fouilles ont mis hors de doute la beauté de l'édifice et l'élégance des proportions. On y remarque deux groupes de colonnes doriques de dimensions diverses, plusieurs ordres de piliers et colonnes ioniques, et un ordre corinthien, le tout en calcaire poreux du pays et orné de superbes moulures. Il est probable que le grand ordre dorique formait le portique de la façade orientale, tandis que les pilastres et les colonnes ioniques ornaient les vestibules. La plupart des salles étaient pavées en mosaïque de marbre. On observe sur les murs les preuves d'une riche décoration, et nous savons que le roi Archélaos avait fait couvrir de fresques par le peintre Zeuxis les murailles d'une de ses résidences. Ici toute l'architecture porte l'empreinte du plus bel art grec; ces ruines de l'alatitza nous otirent un magnifique spécimen du palais hellénique vers la fin du siècle de Péricles. L'habitation princière ne se distinguait de la riche demeure privée que par de plus vastes proportions et un plus grand déploiement de luxe. IV. L'habitation d lépoque hellénistique. Maintenant que nous connaissons les maisons lrelleniques des e et rve siècles, nous pouvons résumer en deux mots l'histoire de l'habitation grecque aux siècles suivants : 1° D'une part, on voit persister les divers types des logis de l'époque précédente, la chaumière du paysan, la boutique etl'appartement pauvre de ville, la maison à une cour; 2° D'autre part, les demeures riches et les palais s'agrandissent souvent par l'addition d'un sr ond péristyle. On a retrouvé (fig. 2504) dans les ruines de Délos les sou bassements de maisons du second siècle avant notre ère' i2, à peu près conformes au type des maisons bourgeoises du temps de Démosthène. Du côté de la rue, une facade de marbre, avec une niche garnie de stuc, annonce l'habitation. Sur le vestibule, pavé de mosaïque blanche, s'ouvrent à gauche une porte, à droite deux portes qui donnent accès à des pièces latérales. Nous voici dans la cour, presque carrée. Entre les douze colonnes de marbre du péristyle, le sol est revêtu d'une mosaïque, façonnée avec des cubes de marbre blancs, noirs, rouges, jaunes et bleus ; elle représente un cercle de fleurs et de fruits, enveloppé de bandes concentriques qu'encadre une grecque quadrangulaire bleue et blanche; aux quatre coins, des dauphins, dessinés en bleu sur un fond blanc. Sops la cour, une citerne, une cave et un puits. A gauche, la galerie du péristyle est fermée par la muraille de la maison. A droite s'ouvrent les portes de trois chambres, dont les parois sont creusées de niches, ornées de plinthes ou de caissons rectangulaires et couvertes d'un stuc teinté de bleu et de rose. Au fond du péristyle, trois autres portes conduisent à un espace rectangulaire, dont les cloisons ont presque entièrement disparu. Là se trouvaient évidemment la salle des hommes (civlp (b) précédée d'une prostas, et les deux chambres à coucher traditionnelles (thalamos et amphithalamos), sans doute aussi l'escalier du premier étage. La maison est de dimension moyenne (28 mètres sur 17). Il faut y signaler l'absence de symétrie; la porte d'entrée ne se présente pas au milieu de la façade; les pièces voisines du vestibule sont de profondeur très inégale; le péristyle, comme tout le reste du logis, incline vers la gauche. Les murs, épais de 70 centimètres, sont bâtis de moellons et de mortier, mais revêtus de deux couches de stuc et peints en bleu, en rose, en jaune. D'après ces ruines de Délos, on peut se représenter assez nettement l'habitation ordinaire des villes grecques sous les Macédoniens et les Romains. Si le logis bourgeois de l'époque hellénistique rappelle tout à fait celui de l'âge précédent, l'habitation riche prend alors un accroissement considérable. Au lieu de loger les femmes au premier étage ou dans les petites pièces sombres qui entourent la salle des hommes, on imagina de construire en arrière un second péristyle, autour duquel se disposent d'ellesmêmes les chambres du gynécée (fig. 2505 ). C'est la maison grecque connue de Vitruve, la seule dont se préoccupent les architectes romains 143. Rien n'est changé au premier péristyle, qui reste l'appartement des hommes (âvipoiviTtç), la partie ouverte aux étrangers. Mais la vie de famille se concentre autour du second péristyle (yuvatr.wv7Ttç). La porte de derrière la cour (u.€TauXoç) devient la porte d'entre les deux Naturellement, dans la maison ainsi agrandie se développent les habitudes de luxe. Autour du premier péristyle, que n'encombre plus la ménagère, on dispose des pièces d'apparat. Vitruve y mentionne avec complaisance des salons, bibliothèques, galeries de tableaux. On donne aussi plus d'importance aux appartements des hôtes, qui ont souvent une entrée directe sur une rue latérale et sont même séparés de l'habitation proprement dite par de petites cours spéciales. Suivant tel ou tel détail d'aménagement, on distinguait divers types de logis. La mode de Cyzique voulait qu'on perçât des fenêtres près des portes et que l'on entassât étages sur étages u• Dans Alexandrie, on appliquait des médaillons de Sérapis sur les murs, aux fenêtres, aux portes, partout enfin148. En Palestine et en Égypte, on remplaçait toujours les toits par des terrasses 147. Nous ne pouvons nous arrêter ici à tous ces détails, que fixait le caprice du propriétaire ou de l'architecte et qu'enregistrent les critiques anciens. Dans tous les royaumes issus de l'empire d'Alexandre, les princes élèvent à l'envi des palais. Plusieurs de ces habitations définitives ou temporaires ont été décrites avec soin par les auteurs: par exemple, la tente où Alexandre célèbre son mariage après la défaite de Darius 148, la tente de Ptolémée Philadelphe149, les appartements construits dans les vaisseaux d'apparat de Ptolémée IV en Egypte 150 de Hiéron II à Syracuse 151, enfin le palais d'Hyrkan dont on visite quelques ruines en Syrie 152. Parmi ces demeures princières, les unes reproduisent. à peu près le plan du palais hellénique décrit plus haut; les autres se développent par l'addition d'un ou plusieurs péristyles; le palais s'allonge comme la maison. L'agrandissement de l'habitation à l'époque hellénistique a surtout pour conséquence d'élargir les appartements de réception et d'augmenter le luxe de la décoration. Dans toutes les pièces on accumule à plaisir les divers genres d'ornements. On couvre de peintures toutes les murailles, même dans les chambres fermées au public, dans l'appartement des femmes. « Bientôt, disait un philosophe de mauvaise humeur, bientôt nous couvrirons de peintures jusqu'aux tas de fumier 153». En même temps se répandent l'usage et le goût de la mosaïque artistique [lIsusivuM opus]. Dans la salle à manger des rois de Pergame, Sosos, avec des cubes de diverses couleurs, représente par terre les débris d'un repas, et, sur le mur, des colombes au bord d'un bassin; c'étaient des morceaux célèbres, souvent imités par les Romains 154. Ptolémée Philopator fit exécuter en mosaïque, pour les salles de son vaisseau, de véritables tableaux; Hiéron II de Syracuse, toute l'Iliade d'Homère 15e Dans les maisons et les palais des époques antérieures, rien sans doute ne pouvait faire prévoir un tel luxe de décoration. Mais, pour le plan, il est curieux d'observer que la grande habitation hellénistique rappelle beaucoup la demeure homérique. La cour des femmes se reconnaît déjà sur l'acropole de Tirynthe ; elle reparaît aux derniers siècles de l'histoire grecque sous la forme du second péristyle. Pour Vitruve, construire une habitation à deux cours, c'est « bâtir à la mode ionienne. » Dans l'architecture privée, comme dans bien d'autres domaines, la vieille Ionie aurait donc précédé la Grèce propre ou conservé la tradition héroïque. Nous avons vu l'habitation grecque, née de la chaumière, se déployer largement dans le palais homérique. puis se resserrer dans les logis des va et lva siècles, pour s'agrandir de nouveau sous les successeurs d'Alexandre. Maintenant la politique met la Grèce en présence des Romains. Dans l'architecture privée, comme en tout, l'hellénisme vaincu va imposer ses modes à ses vainqueurs. Le logis grec va se combiner avec le logis national des Italiens pour produire sous les empereurs la grande habitation de Rome et de Pompéi. L'HABITATION ROMAINE. Dans les ruines de Pompéi et d'Herculanunl, dans la Rome des derniers siècles telle que nous la connaissons par les textes anciens ou les débris des constructions, on rencontre naturellement, comme en Grèce, une assez grande variété de logis qui répond aux diverses classes de la société. Mais, de plus, il ne faut point chercher en Italie, pour l'histoire de l'habitation, comme pour celle des lettres et des arts, le développement logique et l'harmonie que présentent les pays grecs. De bonne heure s'est fait sentir l'influence étrangère. Pour bien comprendre les habitations de l'époque impériale, il faut commencer par dégager nettement les éléments nationaux des éléments helléniques. § 1. La chaumière italienne et le logis national des Romains. En Italie, comme en Grèce, l'habitation de l'époque classique a pour point de départ la cabane du paysan cultivateur. Sa forme la plus ancienne, dans l'un et l'autre pays, fut la hutte ronde à toit conique couvert de chaume (culmen 156), façonnée avec des branchages et de l'argile, souvent bâtie sur pilotis, entourée de palis sades et de remblais comme dans les terramare de la vallée du Pô. Des traces d'habitations semblables ont été retrouvées autour de Bologne, dans l'Emilie et dans d'autres parties de l'Italie f57. Les dispositions essentielles de ces constructions primitives se conservèrent à Rome, jusqu'à une époque avancée, dans un certain nombre d'édifices vénérés comme des antiquités nationales ou des sanctuaires des plus anciens cultes : par exemple, l'aedes Vestae, toujours représentée comme un petit temple circulaire [VESTA]; on conservait le souvenir du temps où son toit était de chaume et ses murs faits de branchages entrelacés 158. Telle était encore la cabane de Romulus ou de Faustulus sur le Palatin159, les chapelles (xa).v.lsç) des Lares compitales160 celle que l'on considérait comme le plus ancien sanctuaire de Mars 161, d'autres encore mentionnées par les historiens sous ce même nom de xaa(aç-162, qui signifie proprement une hutte. Il est aussi donné à l'édifice qui abritait les pénates de Lavinium163, dont deux mé daillons d'Antonin le Pieux nous offrent l'image (fig. 2506, 2507) avec celle des autres sacra de cette ville16''. Des urnes cinéraires, trouvées dans les cimetières du Latium et de l'Etrurie, ont la forme de cabanes rondes ou allongées en ovale, qui deviendront bientôt carrées 165 (fig. 2508, 2509). Le toit, fait de paille et de roseaux et que supporte une charpente de bois, n'est pas encore percé, à son sommet, de l'ouverture carrée qui caractérise par la suite toutes les maisons en Italie. La porte ou une lucarne placée au-dessus, quelquefois aussi à l'extrémité opposée du toit, donnent seules passage â la lumière aussi bien qu'à la fumée qui s'amasse à l'intérieur. Devant l'entrée d'une de ces cabanes 166 (fig. 2510), on remarque DOM 350 -DOM des roseaux soutenant un auvent, disposition qui rappelle celle des maisons de la Lycie167 et l'aï0ouaa de l'habitafion homérique. Le type du toit à deux rampants (peelenattait) ou A. quatre (testudinalum)Yb8 sans ouverture au centre, a d11 précéder tout autre en Italie1ÔL ('ne autre forme prévalut, que l'on rencontre d'abord en Étrurie. Le toit est percé alors d'une ouverture rectangulaire par oit sortait la fumée, par où pénétraient aussi la lumière et la pluie cava ieiuM]. Les monuments funéraires reproduisent les dispositions des demeures des vivants. On peut se faire une idée de la construction intérieure et extérieure de pareilles habitations par la vue des figures 2511 et 2512 qui représentent, la première 110 une urne cinéraire trouvée près de Chiusi, la seconde 171 un tombeau de Corneto. Dans ces exemples, on peut remarquer que les pentes du toit déversent l'eau en dehors. Cette forme paraît avoir longtemps persisté, mais elle ne convenait qu'à des maisons isolées ou séparées les unes des autres par un intervalle suffisant. Cet intervalle (ambitus, circuitus) devait être à Rome de deux pieds et demi (sestertius /les) 172' ; mais dans des villes formées, comme elles l'étaient en Italie, par l'agglomération de beaucoup de maisons dans un étroit circuit et à Rome en particulier, il devint difficile de les laisser ainsi espacées. Elles durent être de très bonne heure juxtaposées et avoir des murs mitoyens (parietes communes). L'eau qui était rejetée autour de la maison était d'ailleurs pour elles une cause de (légat et d'insalubrité. Ces motifs firent préférer une nouvelle forme de toit, dont la pente tournée vers l'intérieur recueillait, l'eau dans l'impluvium pour les besoins des habitants. C'est aux Étrusques qu'on attribuait la construction des premières maisons de ce modèle. De la chaumière rustique ils firent un atrium. Les Romains les imitèrent et, pendant bien des siècles, ne connurent pas d'autre forme d'habitation ATRIUM, CaVAEDIUM ]. L'atrium, à l'époque impériale, représente seulement la partie antérieure du logis; pendant les premiers siècles de l'État romain, c'était lit logis tout entier. Par exemple, Tite Live nous dit que Caton acheta deux atria et quatre boutiques pour construire sur leur emplacement une basilique77'. Le mot conserva longtemps ce sens, surtout dans la langue religieuse, et plusieurs vieux monuments de Rome ne portèrent jamais d'autre nom". L'atrium ou logis primitif des Étrusques et des Romains comprend une grande saIle éclairée par une ouverture rectangulaire du toit et entourée de cases que séparent des cloisons perpendiculaires au mur. C'est là que se tient la famille, là qu'on dort et qu'on mange : bien des gens y soupaient encore au temps d'Horace 17'. C'est là aussi que travaille la maîtresse de la maison; elle y commande et y parle haut, car en Italie elle n'a jamais été séquestrée comme en Grèce; elle revoit les amis de son mari, l'accompagne en ville, et l'habitation romaine n'a jamais compris d'appartements spéciaux pour les femmes'7r, La porte de l'habitation [JANUA], généralement en bois, quelquefois en bronze, comme chez le dictateur Camille177, restait ordinairement ouverte pendant le jour, si bien qu'on pouvait apercevoir en passant la table de famille176. On y lisait des inscriptions, soit le nom du propriétaire 17e, soit une parole d'heureux augure'-B°, une formule contre l'incendie'$', ou quelque signe symbolique. Chez les pauvres, la porte s'ouvrait immédiatement sur la grande salle. Chez les riches, on traversait d'abord un vestibule [vESTIn0LUM], d'où l'on pénétrait à droite et à gauche dans l'écurie et la remise1''. Chez les magistrats, c'est dans ce vestibule que les licteurs déposaient leurs faisceaux '83. En cas de mort, c'est là qu'on dressait le cyprès funèbre, pour avertir les visiteurs'. Ce vestibule pouvait d'ailleurs être commun à deux maisons166. Au milieu de l'atrium (voy. plus loin le plan à la fig. 2522 et comparez les figures 627, page 531 et 1216, p. 984 du tome le') est creusé le bassin (impluvium) correspondant DOM -351 DOM à l'ouverture du toit, et destiné à recueillir les eaux de pluie qu'il déverse dans un puits ou une citerne [CISTERNA, PUTEUS]. En été, au-dessus de l'impluvium on tend un voile [VELUM] 186. En arrière du bassin est fixée une table carrée en pierre [CARTIBULUM], où l'on pose les vases et ustensiles de cuisinef87. Un peu plus loin, dans le grand axe de l'atrium, est disposé le foyer et l'autel des dieux domestiques [ARA, FOCUS]. Pendant longtemps on y prépara les repas, et l'habitude ne s'en perdit jamais chez les pauvres gens. Chez les riches on songea de bonne heure à aménager, dans un coin de l'atrium, une petite pièce particulière, consacrée aux dieux pénates, qui servit de cuisine [cuLINA] ; dès lors le foyer de la grande salle ne fut plus ,destiné qu'au culte188. Au fond de l'atrium, juste en face de l'entrée, on voyait anciennement le lit conjugal (lectus genialis)7n• Quand se répandit l'usage de chambres à coucher spéciales, on disposa, à l'aide de planches, sur l'emplacement primitif du lit conjugal, une pièce qui devait prendre une grande importance dans l'habitation romaine : c'est le TABLINUM qui servit d'abord de salle à manger, plus tard de salon et de dépôt pour les archives domestiques '90. A droite du tablinum, on appliqua au mur le coffre-fort [Anas] contenant, avec l'argent de la famille, les livres de comptes 131 L'habitation se compliqua peu à peu. A droite et à gauche du tablinum on s'accoutuma à disposer deux pièces symétriques (alae), qui renfermaient les trophées, les dépouilles des ennemis, les masques en cire ou portraits d'ancêtres, accompagnés d'inscriptions explicatives(titulus, elogium) et reliés par des lignes qui dessinaient une sorte d'arbre généalogique [IMAGINES]. Les chambres latérales de l'atrium servaient de magasins (cella penaria), de salle à manger (cenaculum) ou de chambre à coucher (cubiculum); car les fils mariés continuaient souvent de loger chez leurs parents, comme dans la famille de Caton ; et l'on nous dit que seize personnes de la gens Aelia demeuraient ainsi dans une toute petite maison 192. Naturellement le nombre des pièces rangées autour de la grande salle variait d'un logis à l'autre ; nous connaissons des habitations entièrement dépourvues de cases sur un ou même deux côtés, et il ne faut pas s'attendre à trouver souvent dans la réalité la symétrie ni la régularité de l'habitation modèle. Dans un coin de l'atrium ou d'une des pièces latérales, on voit l'escalier de l'étage supérieur ; car une autre conséquence du resserremeut des maisons dans un étroit espace fut leur élévation. A une certaine époque l'on mangea au premier : d'où le nom de cenacula, qui désigna par la suite toutes les chambres non situées au rez-dechaussée [CENACULUM]193. Le premier étage avait des fenêtres sur la ruef''. Souvent on y louait à des étrangers quelques pièces, ou l'étage entier : en ce cas, l'on y arrivait directement de la rue par un escalier particulier. La maison pouvait d'ailleurs être munie également d'escaliers intérieurs et d'escaliers extérieurs ; et le propriétaire pouvait à son gré louer son étage ou le garder pour son usage, pour installer ses esclaves ou ses marchandisesX98. D'ordinaire l'impluvium et la grande salle du rez-de-chaussée recouvrent une cave et des sous-sols [CELLA, CRYPTA]. 1 Ces vieux logis romains étaient construits en bois et furent longtemps revêtus d'un toit de chaume 198, puis de bois (scandulae) jusqu'au temps de Pyrrhos'", et enfin de tuiles [TECTUM]. Le sol de l'atrium était anciennement formé de terre glaise mêlée de tessons et polie au maillet (pavimentutn testaceurn). Plus tard, on y fixa des carreaux de marbre monochromes, puis des plaques de diverses couleurs avec dessins géométriques (pavimentum sectile), enfin des mosaïques de marbre en forme d'échiquier (pavimentum tessellatum) [PAVIMENTUM, MUSIVUM OPUS]. Jusqu'à l'arrivée des artistes grecs, la décoration des murs resta rudimentaire; on ne concevait rien au delà des enduits de chaux. On commença à les couvrir de stuc au n° siècle avant Jésus-Christ19' [TECTOR, TECTOnIUM]. Telle fut la vieille habitation des Romains. Elle était simple de plan, peu luxueuse, mais en somme assez commode, conforme aux exigences d'un climat souvent humide, aux besoins d'un peuple de laboureurs et de soldats. Les Romains s'en contentèrent jusqu'à l'époque des guerres puniques et des expéditions en Orient. A la vue des lumineuses habitations helléniques, les officiers romains rougirent de se trouver si barbares. Dès lors, dans la construction et l'aménagement de leurs demeures, ils copièrent à l'envi les Grecs. Mais le vieux logis national conserva la place d'honneur. Après avoir été toute la maison, l'atrium resta dans la nouvelle habitation la partie la plus richement décorée, la première qu'on traversait en entrant. § 2. La maison gréco-romaine 2 la fin de la république et sous l'empire. C'est à l'époque des guerres puniques que commence à se transformer l'habitation romaine. Les auteurs du temps y font souvent allusion. Écoutez parler cet esclave dans une comédie de Plaute : «Le vieillard veut construire dans sa maison un gynécée, des bains, un promenoir, un portique... Il veut à tout prix marier son fils. Pour cela il fera un nouveau gynécée. II raconte qu'un architecte, je ne sais lequel, lui a vanté tout cela et que son projet a bonne mine199. » Dans les logis nouveaux, on copie l'une après l'autre toutes les parties de la maison grecque. Varron s'est moqué de cette mode : « Maintenant, dit-il, on ne croit pas posséder une vraie maison de campagne, si l'on ne donne pas à toutes les pièces des noms grecs, si l'on n'y distingue pas un rpoxot^ôive, une septatepewva, une o7ttnpo0fM 200. » Cette l'évolution s'achève à l'époque de César et d'Auguste. Horace se souvient encore du temps où l'on ne connaissait pas le péristyle2°'; maïs désormais chacun veut avoir sa cour à colonnes. L'incendie de Néron, qui détruisit une bonne partie de la capitale, vint encore servir la mode hellénique : toutes les grandes maisons de Rome furent rebàties suivant les idées nouvelles. Ce que les Romains avaient vu et admiré en Orient; ce n'était pas l'habitation hellénique à un seul péristyle, dédaignée alors comme trop simple et laissée aux petites gens, mais l'habitation hellénistique à deux péristyles. lis agrandirent leurs propres logis d'après le mémo procédé que les Grecs de l'époque alexandrine, par l'addition d'une cour à colonnes. Seulement, l'innovation a été normale en Orient, où elle ne détruisait pas l'harmonie de l'ensemble. Au contraire, elle produisit en Italie une habitation hybride, où le vieil atrium toscan s'étonna fort d'être accouplé au péristyle grec. Les Romains ne cherchèrent pas d'ailleurs à se faire illusion, et aux parties nouvelles de leurs maisons ils conservèrent les noms helléniques (peristylium, oecus, xystes, diaeta, zotheca, exedra, etc.) Pour se figurer la grande habitation gréco-romaine, il suffit donc d'imaginer, derrière le vieux logis romain, un péristyle grec. Mais cette union de deux éléments disparates et le développement du luxe entraînèrent quelques modifications dans le plan général, la disposition et la destination des pièces. Nous les indiquerons à grands traits, en renvoyant, pour les détails, à des articles spéciaux. La maison est dès lors élevée de quelques marches au-dessus de la rue ; parfois même elle est annoncée par un portique extérieur202. Dans les maisons un peu importantes, sous la République et jusqu'au va siècle de l'empire, on devait traverser un vestibule [VESTIBULUM] ; un corridor assez large (ostium) 203 précède la porte, qui s'ouvre en dedans et est souvent richement ornée [JANUA]. Les serrures se compliquent. On frappe avec un anneau ou un marteau. Le portier [JANITOR], personnage maintenant indispensable, ouvre en tirant les verrous (pessuli) ou la barre (sera) ; une case latérale lui sert de loge (cella ostiarii, tuqurium janitoris)20L. Sur la mosaïque du sol se dessine souvent une inscription, soit un salut au visiteur, soit le nom du propriétaire265. Dans Pétrone, sur le pavé du vestibule de Trimalchion, on voit aboyer un chien de mosaïque, avec la légende « prends garde au chien » 206 (voy. t. I", p. 888, fig. 1122). Chez les grands personnages, les clients qui attendent le maître peuvent admirer près de la porte des armes, des statues, même des quadriges 207. Nous entrons dans l'atrium; il conserve la disposition générale du vieux logis romain, mais la famille n'y habite plus. Le foyer ne subsiste là que pour la forme. Ce ne sont pas seulement les pénates qui ont été transportés dans la cuisine ; comme on l'a dit plus haut, une chapelle particulière est consacrée aux dieux Lares [LARARIUM, SACRARIUM]. Dans beaucoup de maisons cependant, près de l'entrée, subsiste une édicule ou une niche [AEDICULA, ARA], munie de statue ttes, de cierges et de lampes, où l'on prie le matin, où l'on offre souvent des sacrifices au dieu domestique [LAS, TUTELA, GENIUS] 208. Les pièces latéral es ren ferment des magasins ou communiquent avec des boutiques extérieures où les esclaves vendent les produits des fermes (voy. plus loin, fig. 2523). Le tablinum, à l'origine, placé au fond de l'atrium et pouvant s'ouvrir pendant la belle saison sur un jardin, communique désormais avec le péristyle. Il est clos en hiver par des portes mobiles qu'on remplace en été par des portières299 et joue le rôle d'un salon. On y garde les archives de la maison; on y expose orgueilleu sement les tables de bronze où sont gravés les contrats d'hospitalité ou de patronat votés par les corporations d'ouvriers 210. Le maître s'y tient souvent, et de là peut surveiller à la fois l'atrium et le péristyle. A droite et à gauche, dans les alae, les familles des magistrats conservent dans des armoires [ARMARIUM] les bustes ou médaillons des ancêtres, quelquefois encore en cire, mais d'ordinaire en bronze ou en argent [IMAGINES]. Les jours de fête on découvre les peintures commémoratives des triomphes, on ouvre les armoires et l'on offre des sacrifices aux ancêtres 211. On le voit, l'atrium où logeait autrefois toute la famille ne sert plus aujourd'hui qu'aux affaires, au culte et à la parade. A droite du tablinum, un étroit couloir(fauces) 212 conduit au péristyle, où s'est transportée la vie intime et d'où l'on peut d'ailleurs gagner directement une rue latérale par une petite allée [PERISTYLIUM]. Le péristyle de la maison gréco-romaine reproduit à peu près la physionomie de la cour hellénique à colonnes. Seulement, au milieu, on y a disposé, comme dans l'atrium, un bassin, souvent muni d'un jet d'eau et entouré d'un parterre de fleurs, d'arbustes et de plantes vertes [vIRIDARIUM]. Des stores donnent de l'ombre sous les galeries. Au fond du péristyle, l'oEcus, salle de réunion, correspond à l'andron et à la prostas des Grecs ; le maître y est souvent, et, quand des visiteurs se présentent dans l'atrium, il est averti par l'esclave préposé aux rideaux (vel rius). A gauche de l'oecus est d'ordinaire placée la cuisine [CULINA], tout auprès d'une LATRINA. A droite et à gauche du péristyle sont disposées de nombreuses pièces : les salles à manger, il y en avait quelquefois plusieurs, destinées aux différentes saisons 213 garnies de lits, de tables, de portières, parfois éclairées par un vitrage 214 [TRICLINIUM]; des chambres à coucher de jour et de nuit"' [CUBICULUM], parfois munies d'alcôves (zotheca) 216, fermées par des portes ou des tentures (velum cubiculare) 217, précédées d'antichambres (7cpsxo('t0)v 210) où se tient le cubicularius ou valet de chambre 219, des salles de conversation [EXEDRA], des salles de bains [BALNEUM], des bibliothèques [BIBLIOTUECA] ou galeries de tableaux Un second péristyle, pareillement entouré de chambres, s'ajoute quelquefois au premier devenu insuffisant (maison du Faune, des Chapiteaux colorés, etc., à Pompéi). Par un couloir latéral ou par une porte percée au fond de l'oecus on entre dans le jardin [HORTUS]. Devant l'oecus s'allonge souvent un portique; près des autres murs, on dispose des vérandas ou des exèdres ornées de fresques et garnies de bancs [oECUS, EXEDRA]. Quand l'espace est trop restreint, on se donne l'illusion d'un jardin en peignant des arbres verts et des perspectives sur le mur du fond'. Sous le péristyle sont creusés les sous-sols et les caves, souvent fort grandes [CRYPTA, CELLA]. Un escalier mène aux chambres d'esclaves (cellae familiae, cellae familias ricae221), aux magasins et aux greniers du premier étage. Sur la cour et sur la rue donnent des fenêtres, fermées par des grilles ou des volets, plus tard par des vitres [FENESTBA]. Les balcons [MAENIANUM] avaient été interdits anciennement et le furent de nouveau au 1v° siècle de notre ère; mais pendant les siècles intermédiaires beaucoup de mai sons en furent munies"« (voy. fig. 2513). Souvent le premier étage est loué en partie à des personnes étrangères, qui montent chez elles par des escaliers extérieurs 223 D'autres fois il ne couvre pas toute la longueur du rezde-chaussée ; en ce cas le péristyle est dominé par des terrasses [soLARIUM] couvertes d'un toit, ou chargées de fleurs et d'arbustes, de vrais jardins suspendus"-'. En résumé, la grande habitation gréco-romaine ne présente pas d'éléments étrangers à l'atrium étrusque et au péristyle grec. Ce qui la caractérise, c'est l'accouplement bizarre de deux maisons d'origine différente. La famille romaine s'est logée dans la partie hellénique de l'habitation et a transformé son vieil atrium en appartements de réception. § 3. Les habitations de Rorne et de Pompéi. Nous venons de décrire les deux formes successives de l'habitation romaine, le logis national, puis le logis gréco-romain. Mais dans l'Italie ancienne, comme de nos jours, c'était un véritable luxe pour une famille, au moins dans les plus grandes villes, que d'occuper à elle seule une maison entière. Les descriptions des auteurs et les ruines nous permettent de nous représenter nettement, dans la capitale et en province, à Rome et à Pompéi, les marchands dans leurs boutiques, la grande masse de la population dans ses appartements de location, les bourgeois dans leurs mai III. sonnettes, les riches dans leurs hôtels ou dans leurs villas, les empereurs dans leurs palais. Primitivement les boutiques [TABERNA] étaient construites en bois, le long des rues ou dans les carrefours. C'est même l'origine du nom qu'on leur donnait en latin : « On appelait tabernae, dit un ancien, les petites et modestes maisons des plébéiens dans les carrefours. Elles étaient fermées par des poutres et des planches. De là ce nom de tabernarii donné aux gens qui y logeaient. On appelait ces maisonnettes tabernae, parce qu'elles étaient faites de planches de bois. Aujourd'hui elles ne se présentent plus de même, et cependant elles gardent le nom ancien'23. » Ce que disait Isidore de Séville à la fin de l'antiquité était vrai depuis bien des siècles. Ces boutiques, on avait fini par les construire en pierre. Souvent, comme à Pompéi, elles étaient adossées aux grandes habitations (voy. plus loin, fig. 2523). Cicéron, dans une lettre à Atticus, se plaint que deux de ses boutiques se sont écroulées, que les autres se fendent, et qu'il a vu émigrer tous ses locataires, hommes et rats228. Les boutiques se composent souvent de deux pièces au rez-de-chaussée; l'une sert de logement, l'autre sert de magasin, s'ouvre sur la rue dans toute la largeur et se clôt la nuit avec des volets de bois qu'on fait glisser l'un sur l'autre 227. D'autres fois le lnarchand louait en même temps une chambre au premier étage, oir menait un escalier intérieur328. Presque toujours sur le devant de la boutique s'étale une enseigne [sIGNu2]. Presque toutes les rues du monde romain étaient ainsi bordées de petites boutiques [TABERNA] 229. Les pauvres et, à Rome, tous les gens de fortune médiocre louaient une chambre, un appartement, soit à l'un des étages supérieurs d'une maison bourgeoise, soit, le plus souvent, dans une des innombrables maisons de rapport spécialement aménagées à cet effet [INSULA]. D'après un curieux contrat de location qui nous a été conservé23o l'insula ou maison à locataires comprend trois catégories de logis : 1° les boutiques (tabernae ); 2° les ateliers _ (pergulae) ; 3° les apparie--i ments (cenacula). ~L ~~~ -~ Les boutiques occupent C au rez-de-chaussée tout le Il pourtour de l'insula. Quel i C 11- quefois, comme on le voit tj=~~II I( j par le fragment du plan ~ antique de Rome que reproduit la figure 2514 231 toute l'insula se compose de boutiques rangées autour de cours étroites et profondes. Elles sont souvent utilisées comme magasins de dépôt ou comme Les ateliers sont aménagés avec plus de soin. Souvent 45 1 z DOM -354 DOM ils empiètent sur la rue et sont installés sous de véritables vérandas, protégés par un toit et ouverts au vent de trois côtés [PERGULÀ]. Les artisans et les artistes, en particulier les peintres 233, y travaillaient et y exposaient leurs ouvrages. C'est là aussi que les maîtres d'école tenaient leurs assises, et Suétone nous dit que le grammairien Crassicius faisait son cours, sous une véranda de ce genre (pergulae magistrales) 234. Naturellement le maître parlait pour les passants autant que pour ses élèves. Cette organisation ne laissait pas que de présenter des inconvénients, et l'empereur 'l'héodose le Jeune dut, par une ordonnance spéciale, prescrire aux maîtres de protéger mieux leurs écoles contre les regards indiscrets 236. L'on trouvait aussi des pergulae aux étages supérieurs ; c'est ainsi que l'empereur Auguste alla voir l'astronome Théagène dans une mansarde où il avait établi son observatoire 236 Sous le nom de CENACULUM on comprenait tous les logements des étages supérieurs. Ils se composaient en général d'une ou deux chambres, d'une cuisine et d'une latrina. En principe, chaque appartement devait avoir son escalier spécial; dans la pratique, le même escalier desservait souvent plusieurs logis. Comme les maisons étaient hautes, elles étaient traversées dans tous les sens par des escaliers 237. Dans les insulae de Rome on a toujours entassé étages sur étages. Tite-Live nous dit que en l'année 218, au temps d'Hannibal, un boeuf monta à un troisième 236. Dans les derniers temps de la république, les maisons avaient communément trois ou quatre étages. « La capitale s'est si bien développée, dit Vitruve, et les citoyens sont si nombreux, qu'il faut construire partout des habitations. Comme on ne pouvait loger prés du sol toute cette population urbaine, on a exhaussé de plus en plus les constructions232, » Auguste s'en inquiéta et défendit par une ordonnance d'élever les façades au-dessus de 70 pieds2'r'. Mais une génération plus tard, Sénèque trouve encore les maisons si hautes qu'en cas d'incendie ou d'éboulement on était certain de ne pas échapper 241 Néron, après que Rome presque entière eut été dévastée parle grand incendie, interdit aux constructions nouvelles de dépasser 60 pieds 2'". C'est d'ailleurs une date mémorable dans l'histoire de l'habitation romaine. On réédifia la capitale sur un plan régulier; on élargit les rues ; devant les hôtels particuliers et les maisons de locataires, on bâtit des portiques dont l'empereur fit les frais. Dans les logis on réserva des cours intérieures à la mode hellénique ; on renonça aux constructions en bois, on refit les murs avec de la pierre de Gabies ou d'Albe. Enfin l'empereur interdit les murs mitoyens : chaque hôtel ou chaque insula dut occuper tout l'espace compris entre quatre rues. Naturellement tout le monde n'approuva pas ces mesures d'embellissement et d'hygiène ; les mécontents, nous dit-on, regrettaient les maisons de hauteur démesurée et les ruelles étroites, où du moins l'on cheminait à l'ombre 243. Plus tard, Trajan réglementa encore la construction des maisons 24', d'ailleurs sans arrêter la force des choses. Le poète Martial habitait au troisième étage 246, quelques-uns de ses confrères demeuraient plus haut encore, « sous les toits"»). Les loyers coûtaient cher à Rome. Au temps de Cicéron, Caelius payait par an 10,000 sesterces, environ 2,500 francs247. Juvénal se plaint de donner bien de l'argent pour demeurer dans un taudis 248. De là une industrie particulière, dont fait mention le Digeste (cenaculariam exercera"' : on louait au propriétaire toute l'insula, puis on la sous-louait en détail. On nous parle d'un habile homme qui réalisait ainsi un bénéfice d'un quart 2'6. C'étaient les locataires qui en souffraient, c'est-à-dire l'immense majorité de la population. Les maisons particulières et les hôtels étaient infiniment moins nombreux à Rome que les maisons à locataires 241 On en a retrouvé des débris en diverses parties de la ville. Les plus importants sont ceux du Palatin 2'2. On y a dégagé des habitations de l'époque républicaine. Elles étaient situées dans la dépression de terrain qui, de l'arc de Titus au grand cirque, sépare les deux crêtes du Palatin; pour construire leurs palais, les empereurs ont exproprié les bourgeois et comblé le vallon : c'est ce qui a sauvé les anciennes fondations. A l'ouest, dans la maison de Livie, sont assez bien conservées plusieurs chambres aux plafonds richement décorés, aux murs couverts d'arabesques et de fresques (fig. 2516). On en voit ici le plan (fig. 2515)253. On remarquera qu'il diffère en quelques points du plan habituel des maisons romaines. L'atrium n'est pas entouré de chambres; il a moins de profondeur que le tablinum qu'il précède et que les deux alae. Toute DOM -355-DOM cette partie de la maison est entièrement séparée du péristyle et des autres pièces de l'habitation intérieure, peu développée par rapport à l'appartement de réception. Les deux parties communiquent entre elles par un long corridor, sur lequel s'ouvrent, à droite, plusieurs chambres et des salles de bain. Les témoignages des auteurs permettent de reconstituer les habitations bourgeoises et les hôtels de Rome. Déjà au dernier siècle de la République, il y avait à Rome des maisons que l'on comparait à des villes 2a'". Le luxe des demeures privées fit des progrès rapides. Tacite et bien d'autres auteurs le constatent, et nous en avons cent preuves 263Par exemple, en 78 avant notre ère, la maison de Lépidus passait pour la plus belle de la capitale : trente-cinq ans après, c'était un logis des plus ordinaires4o5. Tout le long des grandes rues, devant la façade des habitations particulières et des insulae, on construisit des portiques, et sur ces portiques on disposa des terrasses'''. Dans une fresque de la maison de Livie qui représente une rue de Rome, on voit en effet des curieux, hommes et femmes, au premier étage, sur des terrasses de ce genre (fig. 2517)2J8. Nous avons vu aussi que l'incendie de Néron eut pour conséquence de métamorphoser la ville. Naturellement tous les propriétaires ne suivaient pas avec une promptitude égale ce mouvement du luxe. Il en résulte que la Rome impériale présentait tous les types d'habitation, depuis les plus primitifs jusqu'aux plus complets et aux plus somptueux. Chacun devait compter avec ses ressources. « Les gens de fortune moyenne, dit Vitruve, n'ont pas besoin de magnifiques vestibules, ni de tablinum, ni d'atrium 2G'. » Dans les habitations des faubourgs, les vestibules étaient encore munis d'étables L60. Mais d'une façon générale on peut ramener à deux types principaux les logis particuliers de l'époque impériale : les uns ne renferment, à proprement parler, que le vieil atrium et restent fidèles à la tradition ; les autres y joignent le péristyle et présentent à des degrés divers la magnificence de la nouvelle habitation gréco-romaine Les plus grands avaient une haute valeur vénale, qui correspondait au prix élevé des loyers dans les insulae. En l'année 62, Cicéron achète une maison pour 3 millions et demi de sesterces, environ 900,000 francs Y61. En 57, lors de son exil, les consuls estiment son hôtel 2 millions de sesterces, sa villa de Tusculum 1 million et demi, sa villa de Dormies 250,000 sesterces; et il se plaint amèrement que l'on cote ses immeubles au-dessous de leur valeur réelle262. Vers le mème temps, Crassus prétendait que sa maison valait 6 millions de sesterces; Q. Catulus et le chevalier Aquilius en possédaient de plus belles encore 263 Le luxe des constructions grandit si bien que l'empereur Auguste crut devoir le restreindre par des règlements 264, qui restèrent naturellement inefficaces. Il est intéressant de marquer pour la capitale le rapport numérique des maisons particulières et des maisons à locataires. Cette comparaison est fournie par le tableau suivant, où sont distingués les quatorze arrondissements de Rorne : Ce tableau comparatif, tiré de la description des régions de Rome au temps de Constantin 265, donne un total de 46,602 insulae et de 1,790 maisons particulières. La proportion des hôtels et des logis complets aux maisons à locataires était d'environ un à trente. Si de Rome nous passons en province, nous trouvons, pour l'étude des habitations, des renseignements d'une précision unique dans les ruines de Pompéi et d'Herculanum. C'étaient de petites villes, mais des villes commercantes, voisines de Naples et des plages à la mode, par suite nullement étrangères aux élégances de la capitale. On y voit se mêler, dans un tableau frappant de réalité, le luxe, l'économie et la misère. Les boutiques et les maisons à locataires, telles que nous les avons décrites, s'y rencontrent par centaines. Çà et là des habitations particulières nous arrêtent par leur saisissante variété. Ces ruines ont surtout le grand avantage de faire vivre sous nos yeux les descriptions des auteurs, de rendre sensibles tous les détails de l'habitation. Le choix des matériaux, leur emploi successif est un des signes les plus certains pour reconnaître à quel âge appartiennent les constructions 266. On y touche les murs, bâtis en moellon ou en tuf régulièrement taillé ou en blocage, rarement en briques, et soutenus par des chaînes de pierres de taille aux piliers d'angle. Le premier étage, pour lequel le bois était surtout employé, est le plus souvent détruit, mais il en reste bien des amorces; en plusieurs endroits il s'avance encore en balcon sur la rue et montre ses fenêtres que fermaient des croisées de bois (voy. fig. 2513)2". Presque par tout se tiennent encore debout les colonnes(fig. 2518) en tuf ou en brique, recou vertes d'une couche de stuc, peintes en rouge ou en jaune, quelquefois couronnées encore de chapiteaux bariolés. La façade des habitations est très simple; d'ailleurs elles sont pour la plupart entourées de boutiques et elles ne montrent sur la rue que leur couloir d'entrée. La porte est ornée de pilastres (fig. 2519), les murs d'un stuc carrelé 268; ce sont, en bas, de grandes dalles; plus haut, des pierres plus, petites; audessus du rez-de-chaussée court une large bande sans ornement, que couvre la saillie du premier étage percée de trois fenêtres et parfois muni d'un balcon. Une bonne parole vous accueille souvent à l'entrée, sur le pavé de mosaïque 269. On voit encore la trace des battants de la porte, au nombre de deux ordinairement, de trois dans la maison du Faune, de quatre clans la maison de Lucrèce 270. Derrière le bassin de l'atrium, la table de pierre des vieux Romains est encore en place (maisons de Cérès (fig. 2520), de Salluste271, du Centaure 272, du Labyrinthe 273). On peut s'arrêter (levant la chapelle des dieux Lares; c'est une niche placée à droite de l'entrée (maisons del Torello di bronzo 278, de Lucrèce 275), ou dans l'ara de gauche ou dans un angle de l'atrium (maisons d'Épidius Rufus 276 et d'Épidius Sabinus 377). On visite les sous-sois (maison de Championnet 278). On s'asseoit sur les lits de pierre du triclinium (voy. t. I°r, p. 1278) 279; on voit comment les portières étaient suspendues à des crochets ou glissaient sur des tringles à anneaux 210. On se repose au jardin (maisons de Méléagre 2Bf, de Salluste 282, de Diomède 283, du Centaure 28'). On pénètre ainsi peu à peu dans la vie antique, et l'on comprend mieux l'habitation. On ne peut visiter Pompéi sans être frappé de l'irrégularité des maisons et du caprice qui a présidé à leur construction. Les lignes générales se reconnaissent toujours, mais dans le détail s'observent mille divergences. Tel atrium ne présente qu'une ala (maison de la Caccia antica282, du Poète tragique280, du Labyrinthe287); tel autre n'en a pas du tout (maison de Méléagre288, de Siricus289) On rencontre des habitations à plusieurs atria 290 : faute d'espace, on a remplacé la cour par un atrium. Ces irrégularités se remarquent surtout dans les logis d'importance secondaire, et elles nous révèlent un fait intéressant : c'est, chez ces Romains fidèles aux traditions, la prédominance de l'atrium sur le péristyle. La salle au toit percé reste pour eux la partie essentielle du logis : ce n'est jamais celle-là qu'ils sacrifient. Au contraire, le péristyle hellénique peut être ou supprimé, ou mutilé. Ainsi l'on rencontre à Pompéi des cours sans colonnes ou avec une colonnade sur deux côtés seulement (maison de l'Hermaphrodite'-9f), ou sur trois côtés (maison de Salluste292). En ce cas méme, les murs qui limitent la cour ne se coupent pas toujours suivant un angle droit (maison de la Caccia antica293). Le péristyle hellénique devient alors presque méconnaissable; évidemment, dans l'esprit des bourgeois de Pompéi, c'était une partie accessoire du logis. Malgré la variété du plan, les habitations de Pompéi et d'Herculanum peuvent se ramener àtrois types principaux: 1° La maison romaine primitive. Plusieurs logis comprennent seulement un atrium. Si nous entrons dans l'un d'eux (fig. 2521), nous voyons39', à gauche de l'entrée 1, une boutique 2, puis une chambre 5, enfin une cuisine 7 et un escalier 6 qui conduit à l'étage supérieur. Au milieu, une grande salle 3 qui enferme le compluvium, entouré de colonnes et de demi-colonnes appuyées au mur. Ni péristyle, Fig. 2521. Plan d'une maison. ni tablinum, ni alae. C'est pres que la cabane primitive dans son antique simplicité. 2° La petite maison gréco-romaine. Prenons pour exemple la maison des Chapiteaux figurés 295 (fig. 2522). Des marches et des pilastres annoncent la porte. Un corridor A, pavé en mosaïque conduit à l'atrium B. On voit, au milieu, l'impluvium C, et la table de pierre D. A droite de l'entrée, la loge du portier G, avec lucarne sur la rue , et trois chambres H, I, J; à gauche , une grande pièce K, puis une salle L, qui contient un puits et un escalier , enfin deux chambres M, N. An fond, le tablinum P, le coffre fort F, les deux alae 0, qui ici, ne sont pas contiguës au tablinum et le corridor Q qui mène au péristyle T. Deux grandes pièces R, S, l'une à droite du corridor, l'autre à gauche du tablinum, s'ouvrent sur la par ristyle. La colonnade à Pompéi. enferme un parterre (viri.darium) et s'appuie à droite contre le mur de la maison. Tout au fond, à gauche, trois chambres très petites U, sans doute destinées aux esclaves. On voit le peu d'importance du péristyle, malgré ses proportions, dans le plan de la maison : il DOM 358 DOM tient lieu de jardin; la famille vit surtout dans l'atrium. 3° La grande maison gréco-romaine dont on trouve le spécimen complet dans la maison de Pansa 296 (fig. 2523, 2524). C'est un long rectangle compris entre quatre rues. Presque partout l'habitation du maître est flanquée de boutiques louées, de magasins de vente pour les esclaves, d'une boulangerie (toutes ces parties détachées sont légèrement ombrées sur le plan). Du vestibule 1, pavé en mosaïque, on pénètre dans un vaste atrium 2. De chaque côté, trois chambres 3 et une ala. En face, le tablinum 4, au sol de mosaïque. A gauche du tablinum, une grande pièce richement décorée 5, peut-être une bibliothèque; à droite, le couloir (fauces) 6 et une petite salle à manger 7 tournée vers l'intérieur de la maison. Le péristyle 8, formé de six colonnes dans un sens, de quatre dans l'autre, a vingt mètres sur treize mètres. La piscine est profonde de deux mètres et ornées de peintures qui représentent des plantes et des poissons. A droite, un petit corridor 9, qui mène à une rue latérale; et, plus loin 12, une vaste salle à manger avec office. A gauche, quatre pièces 11, sans doute des chambres à coucher. Au fond du péristyle, l'oecus 13 et la cuisine 15; à côté, une écurie 16 et une remise 17. Par un couloir 18 on arrive au jardin, précédé d'un portique, garni de parterres réguliers, de tuyaux de plomb pour les eaux et d'exèdres appuyées aux murs. Les planchers du premier étage sont en partie conservés; ils s'avançaient en saillie sur l'atrium et les galeries du péristyle, mais en laissant largement pénétrer la lumière. La maison de Pansa résume bien la grande habitation gréco-romaine dans son développement le plus complet et le plus harmonieux. Boutiques et ateliers, maisons à, locataires coupées en un nombre infini de compartiments, petits logis à simple atrium ou à péristyle tronqué, habitations riches où les vieilles traditions nationales se maintiennent à. côté de toutes les modes helléniques : voilà les aspects multiples que nous présentent également les demeures privées de Rome et de Pompéi, la province et la capitale. Dans la décoration intérieure 297 se reconnaissent aisément tous les procédés que nous avons étudiés dans les logis grecs de l'époque alexandrine. Et le fait s'explique de lui-même. Nous avons signalé dans les atria des premiers siècles de la République une ornementation si rudimentaire, que sur ce point les Romains n'avaient guère de traditions propres. Quand s'introduisit le goût du luxe, ils transportèrent simplement dans leurs habitations nouvelles la riche décoration hellénistique. L'influence de la Grèce est encore plus marquée dans l'ornementation que dans l'agrandissement et l'aménagement des logis de Rome et de la Campanie. Quand on se promène dans la maison du Faune, la plus élégante peut-être de Pompéi, et qu'on observe ces colonnes et ces chapiteaux bariolés de couleurs éclatantes, ces fines moulures, ces jolis caissons sculptés, ces revêtements de stuc imitant le marbre, ces chatoyantes mo saïques, on peut vraiment se croire à Délos ou à Athènes. Il va sans dire que la décoration variait suivant la richesse du propriétaire, et aussi suivant la destination des pièces. Les boutiques et les logements des insulae, les I)0M DO\1 magasins, les chambres d'esclaves et les salles de travail, la famille, le tabline n, les aine, les bibliothèques et pi même les chambres à coucher, sont d'ordinaire d'appanacothèques, les exedrae, l'oecus et la cuisine, les triclinia rente très grossière. On réservait le luxe pour les pièces ou salles à manger. Les plafonds sont ordinairement cou d'apparat ou les salles communes à tous les membres de verts d'un stuc oit se dessinent des caissons et d'autres or nements en relief [r,ACINAR]. En argile se modelaient les antéfixes, les divers motifs d'architecture, les statuettes des divinités. On employait le bronze pour les accessoires des portes; le marbre pour les seuils, les linteaux, les mordants, les carrelages. Lo, ,temps les fenêtres se fer mèrent avec des volets de bois ou de pierre transparente. Au premier siècle de notre ère s'introduisit l'usage du verre, qui devait amener une véritable révolution dans l'histoire de l'habitation [FENESTRA, VITRUM-j. Dès le temps de Cicéron, Scaurus imaginait d'appliquer le verre à la .. ..‘,--.-, DOIT 360 DOM décoration de son théâtre. Au temps de Sénèque, on ferme avec des vitres les fenêtres des salles à manger riches, des salles de bains"aa. Pline le Jeune en met dans les am bres à coucher de ses villas2". A Pompéi on a trouvé des vitres dans la villa de Diomède, dans les anciens bains et la maison du Faune. Mais le verre était toujours considéré comme un objet de grand luxe et par suite il ne joua qu'un rôle secondaire dans l'aménagement des logis. Au contraire, l'on décorait souvent en mosaïque le sol, les colonnes (voyez tome Pr, page 1351, figure 1785), les fontaines et quelquefois les murs 1" MUS1vUM orusj. Dans l'ornementation, ce qui prédomine de beaucoup, III. 46 DOM -361DOM e est la peinture appiiquée directement ou rapportée sur les murs [PICTURA]. En divers quartiers de Rome on a découvert des peintures antiques, dans trois salles de la maison de Livie au Palatin (voy. plus haut, fig. 2516, 2517), dans une habitation voisine du Tibre au milieu des jardins de la Farnésine, dans un logis de l'Esquilin et dans des tombeaux, près de la capitale, dans la villa de Livie Ad Gallinas. Les peintures murales de Pompéi remplissent plusieurs salles du musée de Naples, et celles qui restent dans les ruines étonnent encore le voyageur par leur infinie variété. Exécutées avec une grande sûreté de main, brillantes de couleur, nettement dessinées, elles trahissent bien clairement l'influence hellénique. On voit souvent reparaître les mêmes motifs de décoration, plus rarement les mêmes sujets. Tableaux mythologiques ou héroïques, natures mortes, paysages maritimes, perspectives d'architecture souvent disposées en forme de cadres (fig. 2525), scènes de comédie, scènes champêtres, intérieurs d'artisans: toute la société antique, dans sa variété pittoresque et dans ses rêves, se déroule sur les murs de Pompéi3oo Évidemment toutes les peintures murales des maisons romaines ne sont pas à proprement parler des oeuvres d'art, et les anciens avaient raison d'y signaler déjà bien des fautes contre le goût. « A présent, dit Vitruve, on ne peint sur les murailles que des objets extravagants, au lieu de représenter des choses réelles. On met pour colonnes des roseaux qui soutiennent un entortillement de tiges de plantes cannelées, avec leurs feuillages refendus et tournés en manière de volutes. On fait des candélabres qui portent de petits châteaux ; et, comme si c'étaient des racines, il en sort quantité de branches délicates sur lesquelles des figures sont assises; en d'autres endroits ces branches aboutissent à des fleurs d'où l'on fait sortir des demi-figures, les unes avec des visages d'homme, les autres avec des têtes d'animaux : toutes choses qui ne sont point, qui ne peuvent être et qui n'ont jamais été'''. » En effet toutes ces bizarreries dont se plaint Vitruve s'observent à Pompéi; et l'on pourrait aussi partir en guerre contre les grottes en rocaille des mêmes habitations, leurs baroques fontaines en coquillage, leurs fausses élégances et tout leur rococo. Malgré tout, l'ensemble de la décoration plaît à l'oeil par la richesse des tons, le jeu varié des lignes et des couleurs, et c'est là l'essentiel. A la campagne comme à la ville se transformait peu à peu l'habitation. Il est vrai que les paysans restaient fidèles à leur ancienne chaumière, que dans les bourgs on s'en tenait à l'atrium national et que l'on continuait de manger devant le foyer et la niche du dieu Lare362 Mais les riches habitants des villes, qui chaque été fuyaient les chaleurs et les fièvres de Rome ou de la côte, transportaient dans leurs domaines ruraux leur goût du luxe et du confortable. Caton avait très nettement tracé le plan de la métairie; il indiquait la manière de disposer les celliers pour l'huile et le vin, les futailles, les pressoirs, les étables et les écuries; il recommandait de veiller à ce que tous les murs fussent construits en moellons et en chaux avec des pierres de taille aux angles; il prescrivait d'aménager dix toits de porcs, trois garde-mangers, une porte cochère et une plus petite réservée au maître, des fenêtres munies de longs barreaux, des lucarnes, des bancs, des mortiers, des aires à blé, des fours à chaux 3°3 Les conseils du vieux Caton étaient bons, parait-il; car aux siècles suivants Varron, Columelle, Palladius, n'ont guère fait que les répéter. Mais les riches propriétaires n'en tenaient pas grand compte. Ils se préoccupaient beaucoup moins de la ferme (villa rustica) que de l'habitation (villa urbana). u Autrefois, dit Varron, le propriétaire avait de grands bâtiments de ferme et se logeait à l'étroit. C'est généralement le contraire aujourd'hui... On ne vise plus qu'à rendre l'habitation du maître aussi vaste et aussi élégante que possible. On rivalise de luxe avec ces villas que les Métellus et les Lucullus ont élevées pour le malheur de la république. De nos jours, le point essentiel est d'exposer au vent frais de l'orient les salles à manger d'été, et au couchant celles d'hiver. Nul ne songe, comme autrefois, à donner une exposition convenable aux fenêtres des celliers à vin et à huile; ce qui est fort important, car le vin enfermé dans les tonneaux a besoin de fraîcheur, tandis que l'huile demande un air plus chaud 301. » Nous n'étudierons pas ici la disposition et l'aménagement de ces maisons de campagne [VILLA]. Elles reproduisent d'une façon générale les habitations de ville, mais avec beaucoup plus d'ampleur et de liberté. Par exemple, Cicéron déclare à son frère que dans sa villa, le Manilianum, il est impossible de loger un atrium3''. Ordinairement, au contraire, on construisait deux atria, un grand et un petit, comme dans la villa de Pline à Laurentum3os. Le jardin prenait naturellement des proportions bien plus considérables, comme dans la propriété du même Pline en Étrurie 307. La villa de Diomède, située près d'une porte de Pompéi, offre un curieux spécimen d'un domaine des faubourgs. Quant à la villa d'Hadrien à Tivoli, où s'entassent des constructions de tous les pays et de tous les styles, c'est, au point de vue qui nous occupe, une monstrueuse déformation du logis. Dans les demeures impériales du Palatin, comme dans les maisons privées de la ville et de la campagne à la mème époque, prédomine de plus en plus l'influence hellé DOM 362 DON nique. La plus simple de ces habitations princières paraît avoir été la maison de Tibère; il s'était contenté d'agrandir au nord, du côté du Vélabre, une propriété de sa famille qui datait des derniers temps de la république. Quant au palais d'Auguste, c'était simplement une immense maison grecque à une cour. Le palais de Domitien, avec son péristyle et ses appartements de réception dans l'avant-corps du logis, présente une frappante ressemblance avec le palais hellénique, tel que nous l'avons étudié à Palatitza. Tandis que les particuliers, dans leurs maisons hybrides, conservaient du moins l'atrium national, ces deux empereurs construisent des logis exclusivement grecs par le plan. Au contraire, Caligula au Palatin, Néron dans sa maison dorée, Hadrien dans sa villa de Tivoli, recherchent surtout le colossal, entassent au hasard les corps de logis. Le palais de Dioclétien à Salone, entouré d'une enceinte fortifiée, traversé par deux routes, muni de temples, annonce déjà le château du moyen âge [PALATIUM]. En résumé, l'habitation hellénique et l'habitation romaine ont également pour point de départ les chaumières de paysans, différentes dans les deux contrées. En Grèce toutes les parties du logis se groupent autour d'une cour, puis de deux cours intérieures. En Italie on ne connaît longtemps que l'atrium, la grande salle éclairée par une ouverture du toit et entourée de cases; depuis l'époque des guerres puniques, on agrandit le logis national en disposant par derrière un péristyle à la façon de l'Orient; l'action de la Grèce devient de plus en plus prépondérante dans l'aménagement et la décoration des demeures, si bien que plusieurs empereurs construisent entièrement leurs palais à la mode hellénique. L'habitation se développe normalement en Grèce; à Rome, c'est par une série d'emprunts faits aux usages d'Orient. D'une façon générale on peut dire que l'habitation des deux peuples classiques, tournée vers l'intérieur, présente d'étonnants rapports avec les logis actuels du Levant ou de l'Afrique. Déjà le palais homérique fait songer au konack des pachas d'Asie Mineure : la pierre et le bois s'y mêlent également dans la construction des murs, le selamlik correspond au mégaron, le harem au thalamos; dans les grandes cours malpropres, bordées de magasins et de cases pour les esclaves, on observe les rnèlnes contrastes de luxe et de négligence. Les rues anciennes, comme celles des villes musulmanes, s'allongeaient entre deux haies d'échoppes minuscules, fermées de planches la nuit, et le jour ouvertes dans toute leur largeur; ou bien l'on chemine entre deux hauts murs blancs où les maisons se trahissent seulement par la porte du rez-de-chaussée et les fenêtres des étages en saillie. Si l'on pénètre dans l'habitation, on y trouve la même conception de la vie, la prédominance du rez-de-chaussée, la grande salle éclairée d'en haut ou la cour intérieure autour de laquelle se rangent toutes les parties du logis. Au milieu jaillit une fontaine. Les lignes générales de l'habitation ne varient pas, mais le détail se modifie au gré de chacun. On distingue toujours dans la maison deux parties, l'une facile ment accessible au visiteur, l'autre réservée strictement à la vie de famille. De part et d'autre, le mobilier est très simple, portatif, indépendant des pièces mêmes : le lit, la table, le foyer même, se déplacent à volonté, les murs richement décorés mettent l'ceil en gaieté : seulement, de nos jours, la faïence remplace la mosaïque des anciens. Bien des détails des habitations grecques et romaines, même le plan et l'aménagement, s'expliquent à Constantinople ou à Tunis. P. MONCEAUX.