Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DONARIUM

DONARIUM (AvciADp.a). Les Latins désignaient par le mot donarium et les offrandes faites aux dieux il répond alors au mot grec âvoterea et les édifices, magasins, trésors ou temple, dans lesquels ces offrandes étaient conservées' il est alors synonyme de Aa ssapdç. Ce mot sera considéré dans ces deux acceptions et l'on étudiera 1° L'offrande en général et les diverses espèces d'objets qui pouvaient être consacrés aux dieux; 2° Les dépôts d'offrande, en recherchant la nature des lieux, la forme des monuments affectés à cet usage, et la manière dont les offrandes y étaient disposées, utilisées, gardées et entretenues. On avait coutume dans l'antiquité de faire des présents aux morts, de même qu'aux dieux, à qui ils étaient assimilés; mais les remarques particulières que peut suggérer cette catégorie d'offrandes seront mieux placées à l'article FUNUS. on désigne l'offrande en grec et en latin. Le mot le plus communément employé par les Grecs est âvâOr(t.a2 (de (A,l ct, placer, poser, et de âvci, sur, en haut), qui exprime à la fois l'attribution faite aux dieux d'un objet par la volonté d'un donateur, et l'acte matériel de le placer dans un lieu approprié, de le dresser devant le dieu. De la même manière les mots la puw, ciiptaga; w, qui signifient primitivement établir, dresser, ont pris le sens de consacrer et les mots t tu µa, â?(S pup.a3, celui d'objets consacrés, d'édifices, d'autels ou de statues élevés en l'honneur des dieux, d'offrandes en général. L'acte religieux par lequel les dons faits aux dieux leur sont dévolus et attribués, la consécration, s'exprime parles verbes iepdw, âptepdw; de là est venu aux offrandes, ou choses consacrées, un autre nom, celui de tÉpwp.a, âlltspwga4. Les choses que l'on offre étant choisies parmi les plus belles, les plus capables de plaire aux dieux, les plus propres à orner leurs images, leurs sanctuaires, on les appelle aussi elysX au 5 (de ytz a?de), ce qui plaît, flatte et fait honneur, ce qui pare et embellit. Comme la plus parfaite des offrandes, l'oeuvre d'art accomplie, c'est l'image même du dieu, le mot tzya?gaa perdit DON 364 DON peu à peu, jamais complètement néanmoins, le sens d'offrande, pour prendre celui de statue et de statue divine [AGALMA]. On dit aussi souvent Sa; p v6, qui indique l'abandon gratuit d'un objet àune autre personne, la donation (Sl Soi !lu). L'offrande reçoit encore divers autres noms, empruntés aux circonstances dans lesquelles elle est faite : par exemple, e?/.r, eûxo))s 7, à l'occasion d'un voeu; 1xécta6, pour demander une faveur; xaptarsjpt0v, eiexccpteTr ptovs, pour remercier d'une grâce ; 0.0)74 , en souvenir d'un salut miraculeux. On emploie enfin des termes qui indiquent la nature de l'offrande, comme : eerce pxrj'é7capya,Saxoir 71, prémices ou dîme; âpteTeïov12, prix de la valeur; eexpotivtov", première part du butin; vtx71T•i;pta", trophée de la victoire, prix remporté dans les concours; xopeïa, offrande faite par un choeur, etc. 16. Le vocabulaire latin n'est guère moins varié : le terme propre est donumtG (donare), qui répond au grec Swpov, ou mieux encore donarium 17. Ce mot ne désigne, en effet, que les présents faits aux dieux dans leurs temples, tandis que donum s'applique à un don quelconque. Le sens de donarium est même plus restreint que celui de oivcithw.a. 'Avâlriux, c'est tout objet dédié, quelquefois même à d'autres qu'à un dieu; donarium ne doit s'entendre que des objets consacrés aux dieux et même de certains d'entre eux, ceux qui sont destinés à la décoration du sanctuaire ou qui composent le matériel du culte, et qui sont généralement d'une matière précieuse. Munus fe est quelquefois synonyme de ces deux mots, mais en poésie seulement. La transcription du terme grec, anathema 19, est rare et n'apparaît que tardivement. L'adjectif sacrum20 répond au grec âptépwp.u,votum21 à sûxti;, primitiae à oi7rapxoj, decuma à Ssxc'nii2'[VOTUM, PR1MITIAE, DEICATÈ]; supplicium, la supplication et l'offrande qui l'accompagne, peut être rapproché de ixéata 2a. § 2. Principe de l'offrande. Le culte comporte trois actes principaux : la prière, le sacrifice et l'offrande; encore pourrait-on dire que tout se ramène à l'offrande, l'hommage de la pensée et du coeur, l'oblation de la victime, la présentation des dons. On s'attachera exclusive ment à cette dernière forme de l'offrande. On ne peut guère douter que la pensée des hommes en faisant aux dieux des présents n'ait été à l'origine un calcul, et que l'offrande n'ait été conçue d'abord comme un marché. Les dieux, faits à l'image de l'homme, se décident comme lui par l'intérêt; ils donnent à qui leur donne, èt si l'on a reçu d'eux quelque chose, il faut, par un juste retour, leur en payer le prix. L'offrande peut avoir un triple caractère; elle est propitiatoire, expiatoire ou gratulatoire. C'est, suivant les cas, une avance faite en vue d'un avantage ultérieur, la compensation d'un dommage ou l'acquittement d'une dette. Ce caractère contractuel est particulièrement remarquable dans la religion romaine, qui n'est, son nom même l'indique, qu'un ensemble d'obligations ; mais le même esprit se révèle aussi dans bon nombre d'inscriptions grecques, où le sentiment populaire se traduit avec une naïve franchise". Au reste, le voeu, si fréquent dans toutes les religions, même les plus élevées, n'est pas autre chose qu'une stipulation véritable, un engagement réciproque, donnant, donnante' [voMU I]. N'est-il pas nécessaire d'ailleurs à ces dieux qui nous ressemblent, qui partagent nos besoins comme nos passions, de posséder tout ce qui peut contribuer à leur subsistance, à leur utilité ou à leur agrément; ne faut-il pas les loger et les pourvoir de tout et n'est-il pas juste que nous le fassions, puisque tout, dans le monde où nous vivons, est quelque chose de Dieu même? La croyance, plus philosophique, en un Dieu tout-puissant et juste, créateur et provident, conduisait d'ailleurs comme les conceptions les plus simples, à la pratique de l'offrande, et cela, par une voie presque semblable. Comme Dieu, auteur de l'univers, en est aussi le seul véritable propriétaire, nous ne possédons rien que par sa grâce et à titre précaire; il est donc juste et avantageux de reconnaître ses droits suprêmes par un hommage, de payer le loyer de tous les biens, quels qu'ils soient, dont il nous accorde la jouissance. Comme rien n'arrive qu'en vertu de la volonté divine, que les moindres événements y sont soumis, sans cesse nous contractons de nouvelles obligations. Comme l'organisation des sociétés humaines est l'oeuvre indirecte, sinon même personnelle, de celui en qui est l'idéal de toute justice et de tout ordre, les attentats contre les personnes ou les États atteignent Dieu même et réclament une expiation. Ainsi l'offrande est rigoureusement obligatoire, et l'obligation est constante, universelle; elle pèse sur tous; elle porte sur toutes choses ; elle s'impose à tout moment. § 3. Forme primitive de l'offrande. Cependant nous ne saurions rendre aux dieux, sans nous dépouiller de leurs dons, tout ce que nous avons reçu d'eux, et telle n'est pas leur prétention ; ils se contentent d'un hommage qui atteste notre reconnaissance et proclame leurs droits. Sur chacune des choses dont leur faveur nous comble, ils demandent seulement qu'on réserve leur part, et que cette part soit prélevée la première, au commencement. De là vient qu'elle avait reçu le nom de cira ()ri (erra cl px fi) ou de primitiae (primus). De même, en expiation des crimes, ils ne commandent pas avec toute rigueur la remise du coupable et de tout ce qu'il a souillé avec lui, seule compensation complète et suffisante, mais ils bornent leurs exigences à une satisfaction partielle. Tout acte religieux, à la vérité, dérive de cette idée qu'une part de toutes choses, et la première, revient de droit aux dieux. La prière est comme les prémices de la pensée, au commencement du jour, avant toute entreprise ; r 1 o gation universelle La decimatio, punition Fig-2529.Supportdutrépied do Platées. infligée parfois à une armée, est un reste de ce rite; l'idée de supplice a effacé celle ornmerce U, de l'offrande ; mais c'était bien à l'origine une consécra tion expiatoire. a courtisane § 4. Du taux de l'offrande. On ne s'étonnera pas, l'obligation de l'offrande étant ainsi fondée et admise, tant il est vrai que I'offrande est une obli DON 365 DON le sacrifice est un prélèvement fait en l'honneur des dieux sur les divers biens dont use l'homme, sur les produits dont il se nourrit. Telle dut être l'offrande à l'origine et, bien que le mot «-«py ne se rencontre pas très fréquemment dans les textes ou dans les inscriptions, sauf les ins criptions attiques 26, des exemples encore nombreux et d'époques très différentes montrent que l'on n'oublia jamais la relation qui exislait entre l'offrande de l'homme et les dons de la divinité. L'inscription ci-dessus, qui est gravée sur une base trouvée récemment sur l'Acropole d'Athènes, en est un spécimen (fig. 2528). Ainsi, lorsqu'on fondait une ville (c'était d'ordinaire par l'avis et sous la garde des dieux), une fois la terre divisée en lots et avant de la distribuer, on commençait par mettre à part les lots divins (É'c poty) 27. Le partage du butin se fait de la même manière et les prémices en sont consacrées (fig. 2529) 28. Une part des revenus publics est attribuée aux dieux29; l'obligation de consacrer les prémices des récoltes était souvent sanctionnée par les lois civiles 30. Voilà pour l'État. Les particuliers en agissent de même : le citoyen élevé à une fonction publique ou religieuse 31, le membre d'une association qui reçoit un honneur32, s'acquitte d'abord envers les dieux, premiers auteurs de tout bien, et son offrande est appelée âtcaexij. Quiconque obtient un avantage, fait une trouvaille, hérite 33, gagne au jeu, est heureux à la chasse 34, triomphe dans un concours gymnastique, musical ou dramatique u, réussit dans ses entreprises36, prospère dans son e se croit tenu à une semblable offrande. II n'importe que le profit soit honnête ou déshonnête, et l partage sans vergogne ses bénéfices avec V exemples les plus curieux de l'oblation des prémices n'était-il pas d'ailleurs ce rite oriental, admis un temps par les Grecs, de la prostitution sacrée, sacrifice fait aux dieux de la virginité'? Pour l'homme, le sacrifice allait, dans certains cultes asiatiques, jusqu'à la destruction même de la virilité. A défaut de ces pieuses impuretés, la coutume subsista de présenter aux dieux les prémices de la puberté, sous la forme de boucles de cheveux ou du duvet naissant de la barbe 38. Mais ce sont surtout les productions naturelles du sol qui étaient soumises au prélèvement sacré ; là, l'obligation se maintint plus longtemps et demeura plus stricte que partout ailleurs 39 : le nom même était tellement approprié à l'offrande des premiers fruits qu'il finit par y être exclusivement réservé : telle est l'acception principale du mot?nupzli, en Grèce, à l'époque classique, et primitiae M10 chez les Latins n'en prenait d'autre que par métaphore. Tout ce qui naît, tout ce qui croit, sans aucune exception, est matière à hommage, et les générations des hommes ne sont pas dispensées du tribut. Les Grecs ont connu cet usage barbare et l'i mp•'o âvSptâv a fourni d'abord des victimes aux sacrifices, plus tard des recrues à la hiérodulie et à la colonisation 41. Chez les Italiens le VER SACRVM 42 comprenait aussi bien les enfants nouveaunés que les premiers fruits de la récolte ; DON 366 DON que les prêtres aient essayé de la réglementer et qu'ils aient déterminé le taux de la redevance à payer aux dieux. Ce taux était d'ordinaire fixé au dixième des objets dont les prémices étaient dues": la proportion était établie chez les Grecs et chez les Romains comme chez les Orientaux, et le nom que l'on donnait communément à ces redevances était celui de SExclrs ou de decuma. L'offrande ainsi définie, obligatoire, à taux fixe, exigible sur certaines catégories d'objets, à une époque donnée, présente tous les caractères d'un impôt véritable. Aussi a-t-on pu dire que l'organisation financière fut, chez les anciens, comme toutes les autres parties de l'organisation sociale, une oeuvre religieuse". Lorsque les États se sécularisèrent, les chefs politiques qui présidèrent à cette révolution ne firent guère qu'attribuer à l'État, en échange de certaines compensations, tout ou partie des revenus affectés jusque-là aux temples, et appliquer à son profit les règles administratives dont les prêtres étaient les inventeurs 15. De là vient qu'un grand nombre d'impôts publicsd6 portent le nom de 3exx'ri [DEKATÈ]. Dans les villes qui, à l'origine, avaient par excellence et qui ont toujours gardé plus que d'autres un caractère religieux, la dîme est la forme presque générale de l'impôt; elle domine, par exemple, à Délos67. On peut expliquer de la même manière le taux de l'intérêt auquel prètaient les temples. Les temples furent les premiers établissements de crédit et ils auraient pu imposer des conditions beaucoup plus onéreuses, mais la dîme était la forme reçue des redevances sacrées et l'on s'y tint ". De 1à vient et la modicité de l'intérêt et cette divergence singulière entre le taux de l'intérêt et la division duodécimale de l'année ou de la monnaie. La proportion du dixième n'est pas la seule que l'on observe dans les taxes sacrées; mais les chiffres qui nous sont connus sont en général des multiples de dix; comme le vingtième49, le cinquantième 50, malgré les raisons qui ont été données ci-dessus en faveur du système duodécimal. Pour le soixantième 51, qui était prélevé par les Athéniens sur le tribut des alliés et déposé dans la caisse d'Athènes, il peut s'expliquer également dans l'un ou l'autre système. Je donne ci-dessous quelques exemples de l'offrande du dixième faite soit par des États, soit par des particuliers : dîme des terres coloniales : 300 lots sur 3 000 attribués aux dieux à Lemnos a2; dîme du butin fait à la guerre u3; dîme des amendes publiques`; dîme du gain obtenu parle travail ou grâce au hasard; dîme du travail accompli, des oeuvres exécutées 55 §5. Modification du caract ère de l'offrande. -Le caractère de l'offrande subit avec le temps un changement essentiel. Elle cessa peu à peu d'être considérée comme une obligation stricte et soumise à une taxation fixe; elle se transforma de plus en plus en un hommage volontaire et libre, en un acte de piété. L'obligation subsista seulement dans certains cas déterminés, par exemple pour le butin 56, pour les gains extraordinaires, tels que ceux qui résultent des trouvailles; elle ne fut jamais levée, bien entendu, lorsqu'elle résultait d'un engagement formel, comme un voeu, ou lorsque la périodicité et la perpétuité de l'offrande étaient gagées par une rente, garanties par une fondation pieuse. L'omission devenait alors un manque de foi ou un détournement passibles de châtiments de la part des dieux ou, à leur défaut, de celle des hommes. Les dieux eux-mêmes ne manquent pas de moyens pour rappeler au devoir les hommes ou les villes qui seraient tentés de l'oublier, pour suggérer la bonne pensée de les honorer par des présents. Les fléaux publics, les maladies, les disettes, les guerres, les prodiges effrayants et les monstres, sont des avertissements pour les oublieux ou les parjures; oracles", songes58, apparitions J9 font connaître aux hommes les réclamations des dieux ou leurs avis, leurs ordres ou leurs désirs°°. Ils spécifient, au besoin, l'objet même qui les pourra satisfaire 61 § 6. Des divers modes d'offrande. Il y a plusieurs manières de faire des donations aux dieux, tout comme aux hommes. On distingue principalement deux espèces : la donation à titre gratuit, libre de toute charge ou clause limitative, l'abandon pur et simple d'une chose entre les mains d'autrui; la donation à titre onéreux, sous réserve de certaines obligations déterminées. La donation, sous l'une ou l'autre forme, peut être faite du vivant du donateur, ou ordonnée par testament G2. L'offrande de la femme DON 367 DON est, suivant les règles du droit privé, soumise à une formalité particulière, l'autorisation maritale 63. Lorsque l'on dédiait dans un temple une couronne, un vase précieux, une statue, on se dessaisissait complètement de l'objet 61. Mais il pouvait arriver aussi que l'on n'attribuât au dieu que la nue propriété des choses qui lui étaient données; ainsi, des terres étaient consacrées sous réserve de la jouissance totale ou partielle de l'usufruit au profit du donateur ou de sa famille 66; ainsi, des sommes étaient données avec une affectation spéciale des revenus, qui devaient être administrés selon des règles prescrites d'avance et employés à un usage déterminé 66. D'autres fois le don est purement fictif, comme, par exemple, lorsque, pour affranchir un esclave, on le consacre à une divinité, en spécifiant qu'on le gardera à son service jusqu'à sa mort et qu'il sera libre aprèsG7. La consécration, qui porte encore dans ce cas le nom d'anatherna, est alors une oeuvre de précaution, au moins autant qu'un hommage, et un dépôt plutôt qu'un don véritable. C'est encore la mème chose lorsqu'on place dans un temple, sous la garde du dieu, les archives des Etats 68 ou les contrats privés 6s lorsqu'on érige dans les sanctuaires les statues élevées à des personnages humains70. Enfin, les exemples ne manquent pas de véritables dépôts, qui étaient aussi confiés aux dieux par le moyen de la consécration (ôcvxrioi ct), mais qui restaient toujours à la disposition du déposant ou, à son défaut, des personnes par lui désignées 71. Les Etats ou les particuliers plaçaient ainsi souvent en sûreté des objets précieux ou des capitaux. On trouvera dans les notes plusieurs preuves de cet usage 72 ; je me bornerai ici à rappeler que le temple d'Athéna était le trésor des Athéniens 3 et que le trésor public à Rome se nommait aerarium Saturni 74, parce qu'il se trouvait dans le temple de ce dieu. Il faut signaler, enfin, une forme singulière de l'âvali.ta, ou de la consecratio, par laquelle on offre aux dieux ce dont on n'a pas soi-même la propriété ou la libre disposition, en invitant les dieux, par une prière, à se saisir euxmémes de ce qu'on voudrait et de ce qu'on ne peut leur donner sans leur intervention. Ainsi, les individus ou les communautés qui ont gravement à se plaindre d'autres individus ou d'autres groupes, ou qui se sentent compromis à l'égard des dieux du fait d'autrui, font remise de leurs ennemis ou des ennemis des dieux à la divinité elle-même; ils les lui consacrent (âvur(Orut, «v«Os cn, consecrare) [cor18ECRATIO] et, par leurs malédictions («p«, xs' up«, irrap«, detestari, exsecrari in capot), appellent sur eux la vengeance céleste et les livrent à quiconque s'en voudra faire l'exécuteur. La consécration porte sur les biens (consecratio bonorum) ou sur les biens et la personne (consecratio capitis) en même temps ; amende, confiscation, condamnation à mort en sont les degrés divers. Le mot anathème n'a passé dans notre langue qu'avec le sens de malédiction. On peut tourner la prière contre soi-mème, s'offrir et se donner, en vue d'un avantage déterminé pour une autre personne ou pour l'État ; c'est encore une forme de l'«v«Alp.a, les Latins lui donnaient le nom particulier de DEVOTIO. Le supplice, qui est l'accomplissement de la consecratio, est à l'origine une offrande véritable. La victime est donnée et sacrifiée aux dieux qu'elle a offensés, pour détourner de sa famille, de son pays souillés par elle, la contagion du crime et le danger du châtiment. Le supplice tient de l'anatbema et du sacrifice. Rites de l'offrande. 11s ont été étudiés dans les articles CONSECRATIO et DEDICATIO, on n'y reviendra pas ici; il suffira de rappeler que l'offrande exige le concours de deux personnes, l'individu qui offre et le prêtre qui représente la divinité, qui reçoit en son nom et lui transmet les dons; qu'elle se décompose en deux actes, celui par lequel le donateur se dessaisit, et celui par lequel le prêtre saisit le dieu. J'ajouterai cette remarque que les intentions du donateur et du prètre, les formules qu'ils récitent, et elles seules, ont la vertu de communiquer aux objets le caractère sacré, et qu'elles peuvent l'imprimer à tout objet absolument, quel qu'il puisse être. Cette observation a une grande importance, on le verra plus loin, pour la connaissance des objets susceptibles d'être offerts aux dieux. Des circonstances dans lesquelles les offrandes étaient faites. Il n'est, pour ainsi dire, pas de circonstances où États et individus ne se trouvent appelés à invoquer l'aide des dieux, à les remercier de leur faveur ou à implorer leur pardon; par conséquent, on ne peut songer à dresser un catalogue complet de tous les cas dans lesquels des offrandes étaient faites; il suffira de rappeler quelques-uns de ceux qui sont mentionnés le plus souvent dans les inscriptions ou dans les textes 76 DON 368 DON C'est surtout à l'époque des fêtes que l'on avait l'habitude d'apporter aux dieux des présents; on les joignait souvent aux sacrifices. Il arrivait aussi que des offrandes, toujours les mêmes, fussent consacrées à époques fixes, en vertu de l'usage ou de prescriptions législatives, ou grâce à des fondations perpétuelles. On peut donc distinguer entre les offrandes ordinaires et régulières, dépendant de causes permanentes, et les offrandes extraordinaires, motivées par un événement particulier". Du caractère des offrandes.L'objet qui a été donné au dieu et reçu par lui, suivant les rites, devient iapév, ou sacrum, et participe à la majesté et à l'inviolabilité des dieux. Le dérober, le déplacer, le détourner de son usage ou même y porter la main sont des actes sacrilèges". Le territoire dépendant des temples n'est pas seulement protégé contre les usurpations par des bornes qui en marquent les limites 78 ; il est encore entouré d'une zone neutre qui le sépare des terres profanes79. Dans l'enceinte sacrée on ne peut ni extraire des pierres, ni prendre de la terre, ni couper du bois, ni construire, ni cultiver, ni habiter 80. L'entrée même n'en est permise qu'à certaines personnes et dans certaines conditions; elle est rigoureusement interdite à diverses espèces d'animaux et, en particulier, aux chiens81. Tout ce qui souille en doit être écarté; c'est ainsi que l'on ne pouvait dans les lieux saints ni accoucher, ni mourir. Les terres sacrées sont généralement libres d'impôts, les revenus en étant affectés à un usage religieux, dont ils ne peuvent être détournés 8z. Les temples et tout ce qu'ils contiennent jouissent de privilèges analogues; ils ne peuvent être désaffectés, ni vendus, ni donnés en gage, ni aliénés d'une façon quelconque. L'inviolabilité porte en grec le nom d «rsu)(a et elle s'étend à tous les objets placés dans les enceintes consacrées; c'est le principe d'où dérive le droit d'asile. Le sacrilège est appelé iapoau)iia. On verra plus bas que les offrandes peuvent être dépouillées de leur caractère sacré, employées à des usages profanes, détruites même ; mais le peuple seul, d'accord avec l'autorité religieuse, peut procéder valablement à cette transformation ou à cette expropriation des offrandes 88. Des diverses espèces d'offrandes. En principe, tout doit, tout peut être offert aux dieux; cela résulte et de la nature même de l'offrande, et des effets de la dédi cace. L'obligation de consacrer aux dieux les prémices des biens, dont ils sont les auteurs, est le fondement de l'offrande; or elle est universelle. L'acte religieux de la consécration est la forme nécessaire de l'offrande; or, toutes choses peuvent recevoir de lui le caractère sacré. En fait, il n'est guère d'objets qui n'aient été donnés en offrande; non seulement les plus simples 84 étaient reçus au même titre que les plus magnifiques, mais ceux qui répondent le moins à l'idée que nous nous faisons des dieux et des respects qui leur sont dus, les plus laids, les plus grossiers, les plus obscènes, transformés par la vertu de la dédicace, deviennent des dons permis et agréables. Les offrandes se firent probablement d'abord en nature; comme elles n'étaient qu'un prélèvement opéré, en l'honneur des dieux, sur toutes les choses à notre usage, elles étaient une portion de ces choses mêmes. Les prémices de la terre étaient un territoire ; celles du bétail, un boeuf, un mouton, une chèvre ; celles du blé ou de l'orge, une certaine quantité de ces grains; celles de l'espèce humaine, des enfants ou des hommes85. Mais les contributions en nature sont facilement un embarras et pour celui qui les acquitte et pour celui qui les reçoit : elles sont malaisées à transporter; elles encombrent, elles demandent à être négociées et réalisées 86, elles comportent enfin bien des non-valeurs. Dans un grand sanctuaire, comme ceux, de Comana 87, de Hiérapolis, où se pressait une armée de prêtres et de hiérodules, dans un État théocratique, les denrées pouvaient être distribuées et consommées; mais la Grèce et l'Italie ne nous offrent guère d'exemple, à l'époque historique, de tels gouvernements sacerdotaux. Un autre inconvénient encore des offrandes en nature, c'est qu'elles ne duraient qu'un temps limité et ne demeuraient point, comme un monument de la piété, comme un gage sur les bontés des dieux. On substitua donc de bonne heure à ces redevances des offrandes d'un autre genre, mais dont la forme rappelait l'origine de l'ancienne redevance, et dont la valeur était égale à celle de la redevance elle-même : ce sont les offrandes symboliques, faites à l'image de la chose dont elles représentaient les prémices. Ainsi s'expliquent cette moisson d'or que les Métapontins envoyaient à Delphes et dont l'emblème se voit sur leurs monnaies; ces épis dorés dont font mention les in ventaires du Parthénon"; ces vignes, ces arbres, ces plantes diverses 8", ces animaux de toute espèce enfin que l'on rencontrait dans tous les sanctuaires, en terre, en bronze, en argent ou en or90. Ainsi, au lieu des hommes, on ne consacra plus que des simulacres; ainsi, l'on fabriqua pour les temples comme pour les tombeaux des images d'objets, impropres à l'usage, destinés seulement à rappeler le sou venir et à présenter l'aspect des objets réels91. Ainsi à la consécration de la chevelure on substitua ou l'on ajouta un monument où l'offrande est représentée en marbre. Puis, avec le temps, on cessa de tenir compte du lien étroit qui unissait l'offrande à la cause, comme une partie au tout, sauf dans les cas où se maintint rigoureusement et sous sa forme primitive l'obligation des prémices. Les prètres avaient coutume de vendre les grains, les animaux consacrés, dont ils n'avaient point besoin pour l'usage du temple, et de les remplacer par une offrande de la valeur du prix de vente; les donateurs opérèrent euxmêmes préalablement la substitution. Dès lors, on ne doit plus chercher de rapport fixe entre l'offrande et la raison pour laquelle elle est offerte; des statues, des vases sacrés tinrent lieu en général de toutes les offrandes primitives 92. De même, bien que la profession du donateur ne soit pas sans influence sur la nature des objets qu'il donne de préférence 93, on se tromperait en divisant les offrandes en catégories, fondées sur la qualité du donateur. En réalité, tout homme, quel qu'il soit, peut offrir et offre en effet des objets de toute espèce. Il n'existe pas non plus de relation nécessaire entre les offrandes et les divinités à qui elles s'adressent; si chaque divinité a ses dévots particuliers, reçoit de préférence tels ou tels objets, toutes sont également aptes et disposées à les recevoir tous. La meilleure classification que l'on puisse adopter est celle qui se fonde sur la forme et la destination des objets eux-mêmes. Nous voyons par le testament d'Epictêta 9G comment on créait un culte et constituait un sanctuaire. Un terrain était consacré, dans lequel on élevait un temple, des autels, des chapelles, des édicules ; un domaine y était ajouté avec une dotation en argent, dont la rente était destinée à défrayer les besoins du culte. Le temple lui-même était décoré de statues et pourvu de tout le mobilier nécessaire. D'autres textes nous prouvent que l'on procédait toujours ainsi, et il en était des cultes publics comme des cultes privés. Les Romains n'en agissaient pas autrement : ils dotaient le temple de revenus, de terres, d'esclaves, de matériel, inslrumentum, et aussi d'objets destinés à le décorer, ornamenta9'. Ce fonds premier s'enrichissait ensuite incessamment par les offrandes. Chacun des éléments dont il se composait s'augmentait de ces libéralités, mais surtout le matériel et les ornarnenla. Le mot âvâOtiwa, s'il désigne d'une façon générale tout ce qui est offert et consacré, s'applique en particulier aux objets mobiliers dont se composent ces deux dernières catégories ; le mot donarium 9e leur convient exclusivement. On n'indiquera donc que pour mémoire les autres sortes d'offrandes, se réservant d'insister sur celles-là. Domaines. Ils se divisent en deux parties : l'une, affectée spécialement et exclusivement à un usage religieux, iep, v 97 ; l'autre sacrée, en tant seulement qu'elle appartient aux dieux, mais susceptible d'un usage profane. La première n'est propre qu'à recevoir des édifices, ou objets d'un caractère sacré; l'autre peut contenir des constructions quelconques, que l'on utilise ou qu'on loue; elle se compose de pâturages, de vignes, de champs en culture, que l'on donne à ferme 98. Édifices. On offre souvent aux dieux des constructions, les unes réservées au culte, les autres destinées à un usage public ou privé. Monuments religieux : murs d'enceinte du territoire sacré 99 ; propylées10' ; temples en l'honneur de la divinité même à qui le territoire est consacré, ou en l'honneur d'une autre divinité 101 ; édicules i02 ; autels 103, etc. Quand le monument est considérable, il arrive rarement, à moins qu'il ne soit élevé par un souverain ou par une ville, qu'un individu se charge seul des frais et de la dédicace; les fidèles se réunissent alors en plus ou moins grand nombre et fournissent ou des cotisations en argent10a III. !~i DON 370 -DON ou des matériaux. Ainsi, l'on offrira des pierres isolées ou des assises entières, des colonnes, des chapiteaux, des architraves, la toiture, le dallage, les portes 10', etc. Monuments civils : on dédiait souvent à des dieux, que l'on associait ou non au peuple, des édifices de toute espèce, des portiquesf0°, des monuments où s'assemblaient les citoyens, où se réunissaient les magistrats, des marchés, etc. Constructions privées : des maisons de ville 107 ou des habitations rurales faisaient partie du domaine sacré 103; les unes provenaient de dons librement consentis, les autres de confiscations. Leur caractère privé est attesté par le nom de l'ancien propriétaire, qui leur est, d'ordinaire, conservé, et par l'affectation qui continue de leur être donnée; on y trouve des maisons à loyer, des ateliers, des boutiques, des étables ou des greniers, etc. Capitaux. Outre la rente constituée, dès la fondation du sanctuaire 109, pour l'entretien du culte, on donnait aussi souvent des sommes d'argent ; dans ce cas, on spécifiait d'ordinaire à quel usage elles devaient être employées. Souscriptions pour la construction d'un temple, d'un autel, ou de tout autre monument'''. Fondations perpétuelles pour la célébration de fêtes ou de sacrifices "1 Cotisations régulières versées par les adhérents d'un culte (stipes). Sommes destinées à la confection d'une offrande 112 Cependant il arrivait aussi que la libre disposition des capitaux fût abandonnée aux prêtres 113 Dans la plupart des sanctuaires, celui qui accomplissait un sacrifice devait acquitter une redevance, qui était versée dans une sorte de tronc, appelé OAaaupo'ç114, déposé au pied de la statue, ou attaché aux saintes images. La même habitude existait dans les stations balnéaires ou dans les temples des dieux guérisseurs, auxquels était adjointe une source"'; on jetait, en partant, une pièce de monnaie dans les eaux [AQL'AE]. Il faut encore ajouter les amendes, attribuées en partie ou totalement aux dieux. Des monnaies pouvaient aussi être offertes, moins pour leur valeur même qu'à titre d'offrande en général, comme un anneau, un vase, ou toute autre chose "6. C'est ainsi que l'on trouve dans presque tous les temples des collections de monnaies très diverses, de toute valeur et de toute provenance : oboles, drachmes, statères, etc. 117, et quelquefois des pièces fourrées, x(GôriAot. Ces monnaies pouvaient être attachées à d'autres offrandes, comme cela se pratique encore aujourd'hui 18. Arbres ou plantes, êtres animés, animaux et personnel de service. Comme les dieux étaient possesseurs de terres et qu'ils tiraient profit de leurs produits ; comme, d'autre part, ils se plaisaient à résider dans les arbres, ayant chacun leur espèce favorite [ARBORES SACRAEI, on comprend aisément qu'on leur ait consacré des végétaux. Aussi voit-on des personnes pieuses qui plantent les vergers sacrés, d'autres qui dédient des arbres'. En raison de l'empire exercé par les dieux sur toute matière vivante et aussi pour assurer aux temples des revenus et les pourvoir de victimes, les dépendances des temples contiennent souvent des ménageries, des étables, des haras, des viviers, des volières, qui sont constitués, entretenus, accrus par des offrandes, et dans lesquels on élève des bêtes fauves, des boeufs, des moutons, des porcs, des chevaux, des poissons ou des oiseaux 120 Il est bien certain que les êtres humains étaient, comme les animaux, objets d'offrande, soit qu'ils se consacrassent eux-mêmes au service de la divinité 1", soit qu'ils y fussent attachés par l'État '22 ou par un maître 123. La hiérodulie DON 371 DON n'a pas subsisté en Grèce, mais elle y a laissé de nombreuses traces126, et les temples ont toujours eu un personnel de service qui ne se composait pas uniquement d'esclaves ordinaires. Objets composant le matériel du culte ou destinés à la décoration du sanctuaire. Cette catégorie d'offrandes, qui est tout spécialement désignée par le nom de donaria, est très bien connue et par diverses sources d'information. Les fouilles qui ont été opérées dans les sanctuaires antiques ont fourni des spécimens d'objets très nombreux et très variés : celles de l'Acropole d'Athènes', de l'Apis à Olympie 12f, du temple de Jupiter à Dodone 127, les découvertes de Curium en Chypre 128, ont été particulièrement fécondes et instructives; mais il n'est presque pas de lieu où l'on n'ait trouvé quelque reste des anciens trésors des temples. En certains endroits, des cachettes, ménagées autrefois pour sauver des objets précieux, ont été, par un hasard heureux, découvertes de nos jours122 comme à Bernay ou à Hildesheim. Quelquefois ce sont de simples amas de petits bronzes ou de terres cuites, formés des menues offrandes dont on débarrassait de temps en temps les sanctuaires encombrés, comme à Olympie, à Tégée, à Élatée, à Tarente, etc.10. Les tombeaux, enfin, où le mort était honoré par des offrandes et pourvu de tous les objets qui pouvaient lui être nécessaires ou agréables, donnent une ample matière aux comparaisons et complètent nos connaissances sur les «va0r'eaia "'. A défaut des objets eux-mêmes, des bas-reliefs ou des peintures de vases représentent parfois des arbres sacrés, des statues, des tables, des autels ou des temples chargés d'offrandes 132. La figure 2531, qui est empruntée àla coupe dite des Ptolémées, au Cabinet des médailles, donne l'idée de la disposition des offrandes. Enfin, aux images qui nous en sont données il faut ajouter les énumérations ou les descriptions contenues dans les écrits des anciens. Les lexicographes 133, les érudits, les périégètes, les géographes, les historiens, rendent de grands services en cette étude; le sixième livre de l'Anthologie grecque est tout rempli de textes curieux, empruntés pour la plupart à l'épigraphie. Mais ce sont surtout les inscriptions dédicatoires 130 et, mieux encore, les inventaires 131 des richesses sacrées qui nous font connaître, avec des détails aussi abondants que précis, tous les objets qui étaient offerts aux dieux. Elles suppléent pour nous à ces compilations qui formaient autrefois une branche des études érudites, la littérature anathématique "5, et qui sont complètement perdues, sauf quelques extraits. Il s'en faut de beaucoup que pour Rome les renseignements IIO aient la même valeur; nous ne possédons point d'inventaires et, pour abondantes que soient les inscriptions dédicatoires, elles ne les remplacent pas. On ne doit pas exagérer cependant la gravité de cette lacune; si l'on ne connaît pas, à beaucoup près, un aussi grand nombre d'offrandes, on voit qu'elles appartiennent aux mêmes catégories que celles des Grecs ; on constate d'ailleurs qu'elles sont fréquemment désignées par des mots dérivés du grec f37. Cette particularité n'a rien qui doive étonner, dans un pays où la religion et l'art avaient si fortement subi l'influence hellénique. On en peut tirer cette conclusion que le trésor d'un temple romain différait fort peu de celui d'un temple grec. Le matériel d'un temple se compose principalement de trois catégories d'objets : les meubles, la vaisselle, la garde-robe. Mobilier. Parmi les meubles, le plus important est la table, 7:perttZa, MENSA, qui était placée devant le dieu, et sur laquelle on disposait tout ce qui lui était offert, les fruits, les chairs des victimes, les gâteaux, les vases sacrés, etc.'38 On avait aussi des tables pour les banquets auxquels les magistrats, les citoyens ou les étrangers prenaient part, après les sacrifices 1"9 Lits 140, xoért, x) tvs, lectus, triclinium, sur lesquels on étendait les statues des dieux, et où prenaient place les citoyens ou les étrangers admis aux banquets sacrés. Le mot PULVINAR, chez les Latins, désigne, par excellence, le lit recouvert de coussins pulvinus, dont on faisait usage Siègesl''', epdvoç, fpooç, ?m t'aç, solium, sella, fauteuils à dossier et à bras, tabourets et pliants pour les dieux ou les prêtres. Tabourets de pieds, accompagnément nécessaire du trône, brto7rd3tov, scamnum, Autels µds, ara; petits autels portatifs ou réchauds laXpa, lez«pic, 7tupl. 7tupeiov; cassolettes à encens, eup.tarr;ptov, )tCavarfç, altaria, acerra, turibulum, fonts, Ustensiles f 13 servant à l'éclairage, l,a oi ç, ÀuXvoç, ),uXveiov, ),uxvoûxos, lucerna, ceriolarium, lychnuchus. Trépieds 1 , 'rp(rou;, 'rptnoSiaxoç ( fig. 2532 et 2533). Coffres "5, ),cipva, xteaccfa, meuble à ranger les étoffes; huche à mettre le pain, xclpSo7coc. Vaisselle. Les pièces dont se composait la vaisselle des temples sont innombrables; nous ne prétendons pas donner le catalogue complet de toutes les espèces de vases dont les noms nous sont connus, encore moins indiquer toutes les variétés de chaque espèce; nous nous abstiendrons aussi de décrire ou d'identifier les vases, dont la nomenclature demeure encore si confuse, renvoyant une fois pour toutes, au sujet de chacun d'eux, à l'article du Dictionnaire où il sera spécialement étudié. Nous essaierons seulement de les diviser en un certain nombre de groupes, d'après leurs at'finités. On doit faire la même remarque sur les vases que sur tous les objets qui étaient consacrés aux dieux; s'il en est, comme la ?tel, le aaovloxoihtov, vase à libation, le 7reptpavT7jptov, vase d'eau lustralef;6, qui soient spécialement des tinés au culte, la plupart ne se distinguent que par la dédicace et le lieu où ils sont placés de ceux qui servaient aux usages domestiques. Vases à contenir et conserver les liquides 1M17, dgpopt ç a , dgpopfaxoçb, atgvoç, jarres; ûVela,, pour l'eau; xecr;, t aoçg, vase à puiser; vases à parfum, dad6aatoç, &Ad°aa Vases à verser les liquides 1r°. Le nom en dérive fré 'H6gdç f , vase à trous ou passoire, etc. Vases àboire 1'i9. Un grand nombre d'entre eux tirentleurs culum (fig. 2534 et 2535). Vases en forme de corne, de tête d'homme, d'animal, x€paçf, 7epoto;xil g, utdvh. Coupes avec ou sans pied, pourvues ou non d'anses et plus ou Sivoç r , SE7taç s . La est susceptible d'un grand nombre de variétés que l'on désigne par des adjectifs dérivés ou de noms de pays ou de noms d'ouvriers toreuticiens; elle est souvent désignée sous le nom généri Bassins et plats 1", A€ grands récipients à peu près semblables; ce dernier, particulièrement destiné au mélan ge de l'eau et du vin ; ô;iç, e')eappov, plat à assaisonnement, xEpvt6Eiovh, bassins pour les ablutions des pieds et des mains; xdaxtovi, récipient de bronze en général. Dans la même classe on peut faire rentrer le ycatpdsT18Çk, sorte de casserole employée dans les sacrifices, le 6Epgxvtslptov, bouilloire' , etc. Je place ici, faute de mieux, les corbeilles xxvâ qui contenaient les apprêts des sacrifices m. 1 2lb,ET-VI r,'.3e fil iylFI E O NÉE3E ÉN~ DON 3'74 DON Ustensiles de cuisine 1". Broches, 36ei,ôs, ô6e),faxog, fourchette à pot, xpe«ypa, É aua'rrp; couteau à fromage, Instruments de sacrifice'''. Haches et couteaux, 7rélexus, i. xceepa, secespita, sacena, clunacailum, cuiter. Garde-robe. Elle se compose d'étoffes, tapis, tentures 1'3, vêtements destinés aux statues des dieux et des déesses 14, et de toutes sortes de pièces d'ajustement, coiffures, ceintures, chaussures, etc. 15 Les objets qui concourent à la décoration des temples sont plus difficiles à classer, car ils appartiennent à toutes les espèces imaginables. Au premier rang, il faut mettre les oeuvres de la plastique. Dès que le temple était construit, on y plaçait la statue de la divinité à qui il était consacré; souvent même, la statue était antérieure au temple. Tantôt c'est une simple pierre [BAETYLUS], symbole plutôt qu'image, mais d'une origine céleste, tantôt un primitif et grossier xoANON, tantôt une véritable oeuvre d'art. Outre l'image qui trône dans le sanctuaire, les représentations de la divinité abondent de toutes parts, en toutes matières, métal (fig. 2536), pierre, bois, ivoire ou terre cuite, et de toutes dimensions "6. On en élève et dans les temples et en tous lieux, sur les places, dans les monuments publics, dans les maisons privées. Un dieu n'avait pas seulement pour agréables ses propres images, il recevait aussi celles des autres dieux, soit qu'elles lui fussent dédiées à lui-même, soit qu'elles fussent consacrées à ceux-ci dans son propre sanctuaire 17. Enfin, pour honorer à la fois les hommes et les dieux, les statues que l'on élevait à des citoyens illustres, à des bienfaiteurs, à des amis, étaient d'ordinaire placées aux abords des sanctuaires, le long des voies sacrées, ou dans les rues et sur les places publiques, et dédiées à une divinité 158. Les images d'animaux 16' abondent également, en particulier de ceux qui étaient destinés aux sacrifices ou qui étaient principalement chers à une divinité; elles forment en quelques sanctuaires, comme celui des Cabires à Thèbes, de véritables troupeaux en bronze, en plomb ou en terre cuite°. Des boeufs', des porcs a, des béliers d des cerfs ou faons e, des boucs`, des chevaux g, des lièvres' (fig. 2537), des ours i , des lions j , des oiseaux k , DON 375 DON des serpents, des grenouilles «fig. 2538), des sphinx et des griffons n, bêtes sauvages ou domestiques, animaux réels ou fantastiques, rien ne manque. On représente aussi les plantes, les arbres, parfois des feuilles isolées, en métal estampé et décoré de figures (fig. 2539), des fleurs et des fruits; et on consacre les images, comme les objets eux-mêmes 160 Aucun sujet d'ailleurs n'est banni et les statuettes de bronze, les figurines de terre cuite, nous montrent que toute liberté était laissée à la fantaisie des artistes et des donateurs : scènes domestiques, gro tesques ou obscènes, ne sont pas jugées indignes de figurer dans un temple 161 Les bas-reliefs votifs 162 ne se rencontrent pas partout avec même abondance; les Athéniens surtout pratiquaient ce genre d'offrande; mais l'habitude en était à peu près générale. On y représentait les dieux trônant dans leur majesté, prenant part au banquet, recevant les hommages des mortels. La représentation était souvent empruntée à l'événement qui était la cause de la dédicace. En tète d'un traité d'alliance on sculptait les images symboliques des deux villes contractantes ou celles de leurs divinités nationales ; au-dessus d'un décret honorifique, le couronnement du personnage par les mains ou en présence de la divinité; sur un ex-voto commémoratif, la scène même où l'intervention miraculeuse des dieux s'était manifestée. Une catégorie intéressante de figures ou de bas-reliefs, et qui a un caractère religieux beaucoup plus qu'artistique, est formée par les représentations des membres miraculeusement guéris 163. Yeux a oreilles t , poitrine , seins e (fig. 2540), ventre d , parties sexuelles e, bras et mains (fig. 2541, 2542), jambes et pieds g, se sont trouvés un peu partout, en particulier dans les sanctuaires des dieux médecins. Ne pouvant offrir le membre lui-même, on en offrait l'image. L'offrande de la chevelure est quel quefois représentée dans des bas-reliefs 16` (fig. 2543). Les peintures 165 aussi étaient objets de décoration et matière à offrandes : peintures murales ou tableaux de chevalet, compositions religieuses ou historiques, images ti des dieux ou portraits des hommes, Eixo'v, 7r(va Eixovcx6ç. DON -316DON On peignait sur des panneaux de bois ou sur des tablettes de terre cuite, percées à leur partie supérieure d'un trou de suspension et que l'on accrochait dans les temples, autour des statues, des autels, dans les arbres sacrés. Les tableaux, les figurines, les masques peints ainsi suspendus, étaient appelés par les Grecs aitnpa et par les Latins osciLLUM. Enfin, on consacrait aussi des vases peints [vASA]. Parmi les oeuvres d'art peuvent être comptés les pierres gravées166,les modèles d'architecture1B7, qui, après avoir servi à la construction des édifices, étaient conservés comme offrandes. Objets destinés à la parure et à l'ajustement. Outre les vêtements, les dieux et surtout les déesses recevaient encore toutes sortes d'objets destinés à parer et à embellir leurs images, bijoux et articles de toilette en métal précieux. Tout cela ensemble constitue le xdasoç168 qui doit suffire non seulement à la divinité elle-même, mais à ses ministres, qui, dans les grandes cérémonies, paraissent, comme elle, somptueusement parés. Tcéadu, •catv(Stov e , ),7ip..v(axo; d, diadema, taenia, fascia, nlitra, lemniscus (fig. 2544). inaures. Bracelets, tFiXtov , armilla. Épingles et broches, 7;Àos, 7tdpltl), ti lersua, 7t6pdvl), fibula k . Bagues, anneaux et cachets, acoec ,tos, anulus, x(pxos, Pierres précieuses taillées ou polies et non gravées m. Ceintures, oivr, e , cingulum. Anneaux de jambes, r,Eptaxe),(sP. Eventails, piafs q ; chasse-mouches, µutoad611r. Miroir, xâTOtTpov , speculum. Ustensiles et instruments divers. Tous les objets qui ont été ci-dessus énumérés étaient, en fait, employés au service et à la parure des dieux et de leurs ministres, ou du moins ils pouvaient l'être; il en est d'autres qui ont plus de rapport avec la qualité du donateur ou l'occasion de la dédicace qu'avec les nécessités du culte; ce sont les instruments de métiers, tels que les armes ou les ustensiles. Voici quelques-uns de ceux que mentionnent les textes. Armes offensives ou défensives 170, ôa).a a. On dédiait tantôt des armes réelles, tantôt des simulacres d'armes. Casques, xuv'll , xwvoç, xpive la, xEptxttpcO,atx (fig. 2543). Cuirasse ou armure, , ewpa , lorica. Bouclier, ait(ç, 8upe6çd, 7tlXrn, clipeus. Cnémidese, xvrlp.ç, xvr~(Stov. p,t HEPA~l NSilO005 r'STAPt Fl'Il Pl; o ç" r5MP° Lances ou javelots f , Sdpu, eauvta (fig. 2546). P('`I . dan" limI.GNI INIIIIIYtlIxumi» Épée, i;stpoç, Zçtipers.dzatpa, µcéfatpa, âxivaxrK g, Arcs, flèches et carquoish, 'eé ov, qap Tpa, c tpaxoç 'rogwµâTtov. Hache, 7t:aexug . Harnachement de cheval : xexpd-pa)os, ornement de tête, x«atvog, mors, bride k . Char de guerre, âpµ e t . Machines de guerre m, xaTcerOitAg, x. 7tarpmédaoç. Navires ou agrès de marinef71. Bâtiments de guerre, Tptrpr g a . Éperon, é(,.eoaoç h. Ornements de la poupe ou de la proue, âxpcaTdatov, âxoolrriptov e Bateau de pêche d . Rame e. Ustensiles de la palestre'''. -Disque, Siaxog, axoç Strigile!). Haltères c . Balle d, culpa; cerceau, TedX.oç ia 7Wt'eaGTpaç e. Armes de gladiateurs «fig. 2547). Char de course k. Instruments de musique 173. On en faisait grand usage dans les fêtes religieuses, et quelques-uns de ceux qui sont mentionnés ci-dessous avaient servi h l'usage des dévots, avant d'être dédiés : Lyre a, )u'pa,'nûptov, xtOâpa, tpdp a,t , poivt`ç. Flûte h, aueii . Trompette e de fête ou de guerre. Cymbaie d, xûµgaaov, cymbalum. Tambour e, Ttiµ'tavov, tympanum Crotales f, xpdralov, xplµeaaov. Insignes ou instruments de di verses professions ou métiers 11`. Caducée, emblème des hérauts, x7lpéxstov a . Houlette, bâton et massue, besace de berger h. Engins de pêche ou de chasse : épieu, lagobolon, pièges et filets, lignes, trident, hameçon e Instruments de labour et de jardinage : charrue, timon, soc, aiguillon, traits et licol, brisemottes, faucille et fléau, van, ton neau d. Hache de boucher o (fig. 2548). Instruments d'orfèvre et de forgeron : tenaille, chalumeau, lime, pied de biche, marteau, enclume f . Instruments de charpentier : équerre, marteau, compas, hache, scie, terrière et cordeau g. Instruments de barbier, rasoirh . Instruments de médecine et de Fig. 2548. Hache votive. chirurgie i. 48 Instruments de cuisinier : foyer, trépied et tétrapode, soufflet, chaudron, passoire, écumoire, fourchette à pot, couteau, etc. le. Instruments de scribe : encrier, plume, tablettes, etc. '. Accessoires du travail féminin : fuseau, quenouille, navette, panier à ouvrage, film. Jouets i/5 : osselets a, dés'', toupies, balles, poupées a, crécelle, tambourin d. Il était d'usage de consacrer aux dieux de la maison les jouets dont on s'était amusé enfant, pour les garçons, quand ils arrivaient à l'âge d'homme; pour les filles, quand elles se mariaient. Poids et mesures1". Comme tous les objets que l'on voulait mettre à l'abri de la destruction ou conserver inaltérés, les poids et mesures étalons étaient déposés et consacrés dans les temples. Plaques et inscriptions votives. L'offrande est d'ordinaire accompagnée d'une dédicace, gravée soit sur l'offrande elle-même, soit sur la base qui la supporte, soit sur une tablette de métal qui y est attachée; il arrivait aussi très souvent que les dévots se contentaient de dédier une simple stèle, sur laquelle ils inscrivaient leur nom, celui du dieu à qui l'offrande était faite et le motif de la dédicace. L'inscription votive est tantôt en prose et tantôt en vers. Elle est, comme l'offrande,un monument de la grâce obtenue et de la reconnaissance témoignée en retour 177. Les plus curieux monuments de ce genre sont ces tables de Cos et d'Epidaure, sur lesquelles les malades guéris avaient consigné le récit de leur guérison, le nom de la maladie et le remède')'. M. Cavvadias a retrouvé récemment des fragments très étendus de celles d'Epidaure 179. Ouvrages littéraires et scientifiques. Quelquefois l'inscription commémorative prend une forme littéraire; à côté des simples épigrammes votives on rencontre de petits poèmes, des hymnes, des paeans, qui sont gravés sur le marbref80. Enfin, on consacre même des exemplaires d'ouvrages célèbres, soit que l'auteur lui-même en fasse l'offrande, comme la dîme ou les prémices des travaux de son esprit, soit que les admirateurs en déposent des copies, pour honorer les dieux tout ensemble et conserver les ouvrages. On trouvait ainsi à Délos les poésies d'Alcée, l'astronomie d'Eudoxe, etc.; d'autres sanctuaires contenaient des présents du même genre 181 DES DÉPÔTS D'OFFRANDES. § 4. Des lieux où étaient placées les offrandes. De même que tout objet peut être valablement transformé en offrande, par la dédicace, de même aussi un lieu quelconque peut recevoir et contenir des offrandes. Toutefois on choisissait de préférence les endroits qui avaient un caractère religieux, et ceux qui présentaient pour la conservation des offrandes les garanties les plus favorables. Les soins que réclament les objets consacrés sont en effet très différents. Un monument, un autel, une statue même peuvent être sans inconvénient placés n'importe où 1Sf ; ce sont choses qui existent par elles-mêmes et constituent un tout, qui se défendent par leur masse contre les entreprises criminelles, par leur solidité contre les intempéries. Mais il en est tout autrement de ces menus, mobiles, délicats et précieux objets que l'on consacrait de préférence et qui formaient la meilleure partie des richesses divines. Ils sont exposés par leur nature et leur dimension à des tentatives de vol, à mille causes de destruction ou de détérioration à l'abri desquelles ils doivent être mis. Destinés aux besoins du culte, ou à la parure des dieux et de leurs ministres, instruments ou ornements, ils n'ont de raison d'être que par rapport à la divinité. Partout où elle réside, où elle est adorée, les anathèmes se voient à côté d'elle, suspendus aux branches des arbres, attachés aux autels, déposés aux pieds des statues; on les plaçait dans des niches, aux parois des rochers, dans des antres et des cavernes 1B3. Mais l'endroit le plus favorable, le plus sûr, c'était le temple clos et couvert. M. itticher prétend même que les temples n'avaient pas eu d'autre raison d'être à l'origine que de recevoir et d'abriter les offrandes qui se gâtaient en plein air, et qu'on les aurait bâtis pour servir de dépôts aux objets précieux plutôt que de maisons aux dieux te'. Quoi qu'il en soit, ils jouaient à la fois l'un et l'autre rôle, et les offrandes y occupaient d'ordinaire plus de place que la divinité même. L'intérieur, l'extérieur de l'édifice, en étaient décorés et quelquefois même encombrés. Les plus précieuses se trouvent dans la cella, tout près de la statue, sur la table en avant du dieu "9; murailles, colonnes, architraves de l'ordre intérieur, en portent suspendues 188; on en enferme dans des coffres l57, on en range sur des étagères i88; les plus grosses pièces sont posées à terre, et servent elles-mêmes de supports ou de récipients pour les plus menus objets1"; on empile les unes sur les autres, pour tenir moins de place, les pièces en nombre et de même forme 19°. Le pronaos est tout garni'", l'opisthodome, si la masse des dons l'exige, est envahi également, quoiqu'il serve plutôt de trésor pour les capitaux appartenant au dieu ou confiés à sa gardef9'. Extérieurement, aux portes, aux colonnes, aux architravesf93, on accroche les offrandes les plus susceptibles de résistance et les plus propres à la décoration; le toit lui-même reçoit, en acrotères, au sommet, aux extrémités du fronton, des statues, des quadriges ou des vases''' Quelques temples semblent avoir été pourvus aussi de chambres souterraines, qui servaient à dégager la cella des objets qu'elle ne pouvait contenir, et dans lesquelles on transportait aussi ceux qui avaient été détériorés par quelque accident 196. C'est dans des hypogées de ce genre que M. Cesnola, si l'on en croit son récit, aurait trouvé réuni le trésor de Curium, et les objets dont il se composait auraient été répartis dans diverses chambres, d'après la matière dont ils étaient faits, or, argent et bronze". Les Latins, qui construisaient aussi sous les sanctuaires ou dans le voisinage de semblables caves, leur donnaient Enfin, il arrivait que l'on élevât des édifices qui étaient proprement destinés à servir de dépôts d'offrandes et où l'on ne célébrait pas de culte; les Grecs les appelaient 07Oaaueoi198, les Latins donaria199. Dans les grands sanctuaires qui avaient un caractère international, où les présents arrivaient en abondance de toutes parts, les peuples qui entretenaient avec le dieu les rapports les plus suivis dédiaient des monuments dans lesquels ils enfermaient leurs propres offrandes et où ils pouvaient aussi en admettre d'autres et qui leur servaient aussi de réserve métallique 200. Les plus célèbres de ces trésors sont ceux de Delphes201 et d'Olympie202; il y en avait aussi, selon toute vraisemblance, à Délos 203. On a supposé parfois que les plus anciens étaient souterrains et qu'ils avaient la forme d'une coupole, comme les monuments de Mycènes et d'Orchomène 204; ceux d'Olympie, qui ont été déblayés et dont plusieurs peuvent être reconstitués avec certitude, ressemblent à des temples en antes, et, en effet, on leur donnait comme aux temples les noms de va6Ç ou oixo;. Les offrandes étaient disposées dans les trésors de la même manière que dans les temples, elles y offraient la même variété los Cependant il y avait aussi des monuments qui ne rece vaient qu'une catégorie d'offrandes, par exemple : 0 4-1, à Athènes, à Délos, etc., pour les objets en bronze soc ; 6,),oO'4x7], dépôt d'armes sur l'Acropole 207; atvoexoOrixsl, collection de tableaux dans une aile des Propylées d'Athènes 20" ; tua toOs w , garde-robe sacrée à Eleusis los. Nous ne pouvons qu'imparfaitement juger de la manière dont les offrandes étaient disposées dans les temples par les rares indications contenues dans les inventaires ou par les représentations, plus ou moins fantaisistes, de quelques peintures ou bas-reliefs. Les tombeaux étrusques restés en possession de leur mobilier intact ou décorés de peintures qui le représentent nous donneront l'idée la moins imparfaite de l'aspect intérieur d'un temple't0. Il ne semble pas d'ailleurs qu'on obéît à des principes rigoureux et invariables. On tenait nécessairement compte de la date d'entrée des objets, puisque les plus récents prenaient la place disponible à la suite des anciens; on les groupait d'après la manière dont ils étaient faits; on avait égard à leur forme, leur poids, leur dimension; on se souciait aussi sans doute de l'effet décoratif qu'ils pouvaient produire 21. Toutes ces causes agissaient ensemble et aucune d'elles n'avait un empire exclusif. La seule règle qui ne comporte guère d'exception, c'est que les capitaux, quand le temple en contient, sont mis à part, enfermés dans l'opisthodome ou dans un local qui § 2. Des agents qui étaient chargés de la conservation des offrandes. La fortune mobilière et immobilière, constituée par les offrandes au profit des temples, avait besoin d'être administrée : il fallait la conserver, et, quand cela était possible, la faire fructifier. Dans les petits sanctuaires, où les soins du culte n'étaient pas absorbants, ni les biens du temple considérables, le prêtre pouvait cumuler le sacerdoce et l'administration ; mais les attributions étaient nécessairement partagées là où un seul homme n'aurait pu suffire au double rôle213. On trouvait DON 380 DON d'ailleurs avantage à désigner des agents spéciaux, dont la responsabilité mieux définie était par là même plus rigoureuse. Ces agents (quaestores sacrz) sont nommés par le peuple, tantôt tirés. au sort et tantôt élus à main levée '2m, quelquefois choisis dans des catégories spéciales et pris dans la classe la plus riche des citoyens 215 ; ils ont le caractère et ils portent le titre de magistrats, âpxovTcç 216; comme tous ceux qui manient les deniers publics, ils doivent rendre des comptes à l'expiration de leur charge, qui est généralement annuelle217. On leur donnait, suivant les temps et les lieux, des noms différents : administrateurs des finances, ils portent ceux de Tautat, Tauiat TG1v de la commission de surveillance qui avait présidé à la construction du temple, ils sont appelés souvent vaonrotot ou vEentoiat226 ; sacrificateurs, préposés primitivement au choix, à l'achat des victimes, aux distributions de viandes sacrées, à l'administration et à la police des fêtes, puis chargés ensuite de toute la gestion financière du temple, ils se nomment tEponotot 221 ; dans les associations fédérales, ils sont dits âpus txTiovEç 222. Ils sont assistés d'un greffiersecrétaire, pour la tenue des registres et la rédaction des ques esclaves, pour les soins matériels qu'impose l'entretien du sanctuaire, et de divers autres agents, tels que le s atal o'r ;, l.e XoaIAŸITtc, qui parent, oignent, lavent les statues, dressent et ornent la table du dieu. A Home, le prêtre a de même auprès de lui un gardien du temple ou sacristain, appelé AEDrrI7IJS ou aeditimus 225, et tout un personnel de greffiers, scribae, et d'agents inférieurs, recrutés parmi les esclaves publics, public/. Les intendants des temples agissent sous le contrôle et en vertu des décrets de l'assemblée populaire, à qui seule il appartient de prendre les mesures qui ne rentrent pas dans la routine journalière. Le conseil, plus compétent, plus capable de suite, et à qui incombe d'ordinaire la surveillance de l'administration financière, intervient dans tous les actes importants des trésoriers des temples226 § 3. Des mesures qui étaient prises pour la conservation des offrandes.Les attributions des trésoriers sont aussi variées que les catégories d'objets qui étaient données en offrandes, que les éléments dont se composait la fortune sacrée. Les terres, les maisons, les capitaux, qui n'étaient pas strictement réservés aux usages sacrés, qui étaient, par suite, susceptibles de rapport, devaient être exploités. On louait les unes, on affermait les autres, on plaçait l'argent à intérêt. Il fallait veiller à la conservation et à l'entretien des édifices ou maisons; tous les travaux etaient donnés à l'entreprise. En Grèce, ce sont les prêtres ou les administrateurs, représentants des dieux propriétaires, qui accomplissent tous ces actes de gestion financière 227 ; à Rome, où la subordination des temples au pouvoir civil est plus rigoureuse, les questeurs ou les censeurs ont seuls ce droit et cette charge 223. En ces matières on se conforme d'ailleurs aux lois et usages par lesquels ces divers contrats sont régis. Les offrandes proprement dites, celles qui étaient renfermées dans les temples, réclamaient des soins particuliers, sur lesquels il convient d'insister davantage. La première nécessité était d'empêcher tout détournement de ces objets, à la fois précieux et mobiles. Sans doute ils étaient défendus par leur caractère sacré et par les peines édictées contre les sacrilèges 229; ils portaient aussi pour l'ordinaire des inscriptions qui indiquaient le nom de leur propriétaire légitime230; mais l'expérience prouvait que ces précautions ne suffisaient pas toujours à retenir les voleurs ou les administrateurs peu scrupuleux. On y avait pourvu au moyen des registres d'entrée et des inventaires. Chaque objet qui entrait dans le temple était inscrit provisoirement sur un album ou un livre; il pouvait être marqué d'une inscription ou d'un emblème 231, qui était comme le cachet du dieu ; s'il rentrait dans une série déjà constituée, il recevait un numéro d'ordre 232. Chaque année, et de concert, les magistrats sortants et ceux qui entraient en fonctions dressaient un état des offrandes et du matériel, qui valait, pour ceux-ci une prise en charge, pour ceux-là une décharge. On procédait d'accord à un récolement général des offrandes, i'EzTaaui5ç ; on examinait chacune d'elles, pour en constater l'état ; on les comptait et les pesait, enfin on consignait les résultats de cette enquête en un procès-verbal; la remise, 7capct nu ç, du trésor ainsi contrôlé se faisait alors d'un collège de magistrats à l'autre collège. Les catalogues contiennent toujours les indications suivantes : le nom des objets, la matière dont ils sont faits, leur poids, s'ils sont de métal précieux et susceptibles d'être pesés, c'est-à-dire lorsqu'ils n'adhèrent pas au sol ou indissolublement à une base et que le métal n'en est pas associé à une matière étrangère ; leur nombre, quand il y a plusieurs exemplaires semblables, réunis en série; leur état, enfin, s'ils ont subi quelques détérioration. Peuvent être ajoutés : le nom du donateur, un résumé ou une transcription de la dédicace, une indication précise de l'endroit où l'objet est placé. Ce renseignement facilitait les recherches, surtout quand l'objet était très petit, qu'il avait été transporté d'un édifice dans un autre, on qu'il était momentanément déplacé pour l'usage du culte. L'ordre suivi dans la rédaction varie et n'est nulle part réglé par la simple logique ; les objets y sont classés d'après leurs affinités de matière et de forme, d'après la date de leur entrée ou leur voisinage. Il est clair que, pour les commodités du contrôle, on devait se conformer à la disposition réelle des offrandes; or, dans le rangement, on n'obéissait pas à une règle uniforme, mais on devait répondre au contraire à des nécessités très diverses2'3J. Ranger les offrandes était une de ces besognes matérielles qui incombaient aux gardiens et sacristains des temples, aux esclaves, aux aed'itui; mais ceux-ci ne devaient agir que d'après les instructions des trésoriers, surtout lorsqu'il était nécessaire de déplacer un nombre plus ou moins considérable d'objets;les trésoriers étaient même tenus d'en référer au peuple dans certaines circonstances. Les offrandes ne sont pas seulement inviolables, elles sont attachées par la dédicace au temple dans lequel elles ont été placées; or, il arrivait, avec le temps, que les édifices fussent encombrés et il devenait nécessaire de faire de la place aux offrandes nouvelles, en enlevant les anciennes. Tantôt on transportait les offrandes d'une partie de l'édifice dans une autre demeurée libre 234; tantôt on les faisait passer dans un temple 233 différent; tantôt on rempiaca'it une multitude d'offrandes par une offrande unique 236; tantôt enfin on mettait au rebut les offrandes communes ou détériorées 237. D'autres fois, c'était le temple lui-même qui exigeait des réparations ou qui était détruit et remplacé par un autre; dans tous les cas il fallait procéder à une translation temporaire ou définitive, partielle ou complète, de tout le matériel et des collections sacrées 23B. Toutes ces opérations ne pouvaient s'accomplir qu'en vertu d'un décret du conseil et de l'assemblée populaire739 ; elles s'exécutaient par les soins de commissions spéciales avec le concours des trésoriers ordinaires. Il appartenait à ceux-ci de conserver en bon état et d'entretenir toutes les offrandes. Pour empêcher les dé-• gâts, on enfermait les plus délicates dans des coffrets, on les enveloppait de linge, on enduisait de poix le métal pour rendre moins nuisible l'action de l'air, etc. 240. Malgré tout, on ne pouvait éviter toute cause de ruine : des statuettes étaient brisées, des feuilles se détachaient des couronnes, des appliques se dessoudaient 241; les fragments recueillis avec soin, comptés et pesés, renfermés dans des vases ou des coffrets, étaient gardés jusqu'au jour où on les pourrait utiliser "2. Il est une catégorie d'objets surtout qui se détérioraient assez vite, ce sont ceux qui servaient à la parure des dieux ou de leurs ministres, et qui étaient employés dans les sacrifices et dans les fêtes243. S'il leur arrivait quelque accident2Y4, on les faisait réparer 245; mais, quand ils étaient hors d'usage 246, incapables de contribuer à la décoration du temple, ils n'étaient plus qu'un encombrement, on devait donc chercher à s'en défaire. Ne pouvant que par exception les aliéner, on les transformait. S'ils étaient d'or ou d'argent, on procédait de la manière suivante : un décret du peuple rendu sur la proposition du prêtre ou du trésorier sacré, en conformité d'un avis du conseil, ordonnait que les offrandes détériorées seraient mises à la fonte, pour être réduites en lingots ou transformées en une offrande unique; on employait de même tous les débris de métal précieux2''7. Les objets de moindre valeur, si l'on en était gêné, ou s'ils étaient brisés, étaient-retirés du temple et ensevelis. La dédicace les consacrait à perpétuité, ils ne devaient point rentrer dans la circulation; pour mieux les garantir contre tout usage profane, on les brisait souvent, s'ils n'étaient pas déjà cassés. C'est ainsi que se sont formés ces amas de terres cuites ou de bronzes retrouvés au voisinage de certains sanctuaires, à Tégée, à Cnide, à Élatée, à Olympie, par exemple 24a. On procédait même quelquefois à l'aliénation d'objets sacrés et, en particulier, d'immeubles'''. On vendait non seulement des matériaux provenant d'édifices religieux, mais encore des maisons qui avaient fait partie du domaine des dieuxY50. A Rome, comme une formule et DON 382 -a DON quelques rites suffisent pour rendre un espace fanum, une cérémonie peut aussi lui restituer le caractère profane'E1 Ces actes, accomplis dans les formes, nbnt rien de repréhensible, ils ne ressemblent en rien à un attentat sacrilège; ce sont, au contraire, des actes religieux. Bien mieux, le peuple, pourvu qu'il se mette d'accord avec l'administration sacrée, peut exproprier, pour cause d'utilité publique, engager, vendre, détruire les offrandes et tout le patrimoine sacré 262. 11 n'est pas même tenu à la promesse de les reconstituer le plus tôt possible ou, du moins, il peut différer indéfiniment l'effet de cette promesse 2". La fortune sacrée et les offrandes qui en forment une partie considérable ne sont donc en fait qu'une annexe, une dépendance de la fortune publique, une réserve à laquelle on ne touche qu'en cas de nécessité extrême, mais dont on peut alors disposer sans scrupule. La différence absolue qui existe de notre temps entre le temporel et le spirituel n'existait pas dans les cités anciennes; l'antagonisme de l'Église et de l'État n'a pas été connu d'elles et ne pouvait pas se produire. 11 n'y a pas chez elles de clergé composant un ordre distinct dans la société, ayant ses traditions et ses intérêts, mais des magistrats qui administrent le culte comme une branche de l'administration publique, la fortune sacrée, comme une partie de la fortune publique. Il n'y a pas de religion dont les dogmes s'opposent ou puissent s'opposer aux exigences du droit public, pas de Dieu qui s'élève au-dessus de l'État et contre lui; le dieu a un caractère national et son existence est attachée à celle de la cité qui l'honore; il grandit avec elle, avec elle il s'abaisse, s'appauvrit et tombe : entre elle et lui, tout est commun, la puissance, la gloire ; comment la richesse aurait-elle pu ne pas l'être aussi 254 ?