Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DORSUALE

DORSUALE. Ce mot n'est connu que par un passage de Trébellius PoIlion t, dans la description des fêles décennales célébrées par l'empereur Gallien, a processerunt etiam altrinsecus centeni albi boves, cornibus aura jugatis, et dorsualibus sericis discoloribus praefulgentes ». Il est formé à la manière de quelques noms de vêtements rappelant la partie du corps qu'ils étaient destinés à couvrir, feminalia, femoralia, tibiale, ventrale, et désigne le caparaçon placé en travers sur le dos des animaux 2 menés processionnellement au sacrifice (fig. 2551). Ce caparaçon consiste en une large bande d'étoffe, plus ou moins richement ornée et à extrémités ordinairement flottantes de chaque côté de l'animal. On doit le considérer comme un signe de consécration, tout comme la bandelette ou la guirlande de feuillage qui. orne ordinairement les objets d'offrande Le mot dorsuale ne se rencontrant que comme un elta% %eyôizevov dans le cas d'animaux ornés pour,le sacrifice, il est prudent de lui réserver cette acception spéciale, car on ne sait s'il était employé comme terme générique pour toute espèce de housse pendante, posée sur le dos des animaux de parade, par exemple sur les chevaux attelés à un char dans la représentation triomphale qui décore l'arc de Constantin 4, ou sur les éléphants du quadrige portant la statue d'Auguste dans la cérémonie de son apothéose, ou bien encore sur ceux des doux quadriges surmontant mairiens grecs ne fassent aucune différence entre les mots 7tpo(Z et tpupndi et qu'ils nous les présentent comme synonymes on a essayé de nos jours de donner à chacune de ces expressions un sens spécial. L'opinion la plus répandue est que le mot ;tpo(ç désignait la dot proprement dite, les biens que la femme apporte à son mari pour supporter les charges du ménage, et que le mot ,pEpvili ne s'appliquait qu'au trousseau de la mariée. Par là se trouverait résolue l'énigme résultant d'une loi que Plutarque attribue à Solon : « Solon proscrivit les dots (râç tpEpvâ;) clans les mariages ordinaires ; il décida que les femmes ne pourraient apporter à leurs maris que trois robes et des meubles de peu de valeur, rien de plus2» ; loi inconciliable avec tous les exemples qui nous sont connus, si on ne la restreint pas au trousseau de la femme. D'autres ont proposé d'appliquer le mot gupv7l aux biens que la femme apporte elle-même à son mari, et de réserver le mot 7tpoi pour les biens que le père de la femme, ses parents, ses amis, lui donnent, à l'occasion de son mariage, afin qu'elle les remette ensuite à son mari Mais ces distinctions nous paraissent arbitraires et contredites par les textes. La loi de Solon fut inspirée, nous dit Plutarque, pal• le désir d'éliminer de la conclusion des maiages toute pensée de trafic et de lucre, et de ne laisser de place que pour des considérations plus nobles. Or ce but devait-il être atteint par des restrictions portant seulement sur le trousseau? Platon, qui veut mettre en vigueur, dans sa république idéale, une loi analogue à celle qui est attribuée à Solon, donne le nom de i po(; à ce que la femme reçoit pour ses vêtements (gae]TO4 t). Le mot 7tpoi est employé par Platon dans l'hypothèse même où Solon se serait servi du mot rpEpvrj. Imitons donc l'orateur Eschine en nous servant indifféremment de l'une ou de l'autre expression'. Les origines de la dot sont postérieures aux temps héroïques. Chez les premiers Grecs, comme chez presque tous les peuples primitifs c'est l'homme qui, pour obtenir une fille en mariage, doit en payer le prix à son père'. Des filles à marier sont donc une richesse pour leurs parents ; de là l'expression areptévos âapEatgo(a, la jeune fille dont la beauté fera offrir de riches troupeaux, si fréquente dans la poésie homérique. Si parfois un père consentait à donner sa fille gratuitement (cvâESvov) et sans rien exiger de son gendre, c'était un fait presque aussi rare qu'il le fut plus tard de voir un gendre consentant à prendre une fille sans dot, Plus exceptionnelle encore était la générosité qui poussait le père à constituer une dot à sa fille, même avec la perspective de recouvrer cette dot au cas de divorce'. Agamemnon, pour apaiser la colère d'Achille, offre au héros de lui donner comme épouse celle de ses filles qu'il lui plaira de choisir; il ne lui demandera rien en échange ; bien loin de là, il lui fera des présents tels qu'aucun père n'en fit jamais de pareils à sa fille 91 Les biens donnés par le mari aux parents de sa femme comme une sorte de prix d'achat sont appelés Hva; mais ce mot sert aussi à désigner les présents que les parents doivent faire à leur fille à l'occasion de ses noces10. Aristote traite de grossiers et de barbares ces temps où les Hellènes achetaient leurs femmes". Mais la dot des âges civilisés n'est-elle pas aussi le prix du mariage? La seule différence, c'est que le prix est payé, non plus par le mari, mais par la femme. Médée, dans la tragédie d'Euripide, se plaint de ce que les femmes sont obligées d'acheter leurs maris à grand prix, ypruâtmv èitEpêo? 2. En mettant ces plaintes dans la bouche de Médée, le poète commet un anachronisme, que lui reproche à bon droit son scholiaste; mais il nous donne un portrait fidèle des moeurs et des idées de son temps. Ainsi, au temps d'Euripide, et, en général, à l'époque historique, il n'y a plus de mariages sans dot. Comment la transition s'est-elle faite? On peut supposer d'abord que l'habitude s'établit pour les pères de faire don à leurs filles des sommes que les gendres avaient payées pour les épouser Les pères, n'y ayant plus d'intérêt, cessèrent d'exiger le prix du mariage. Puis, un sentiment de justice, que blessait l'inégalité trop flagrante entre les fils admis à l'héritage paternel et les filles qui en étaient exclues, conduisit les pères de famille à faire, sous forme de dot, une part à leurs filles". Quoi qu'il en soit, au temps des orateurs, si la dot n'est pas essentielle à la validité du mariage, elle est presque indispensable pour sa preuve, et ce n'est guère que par l'apport d'une dot que l'union légitime se distingue d'une union illicite. Nécessaire, dans une certaine mesure, pour encourager l'homme à se marier, elle n'est pas moins nécessaire, dans l'intérêt même de la femme, pour détourner le mari d'un divorce capricieux. Aussi les orateurs disent-ils que l'absence de dot rend l'association suspecte et fait présumer le concubinat". Ce n'est toutefois qu'une simple présomption, et l'on trouve dans les orateurs plusieurs exemples de mariages parfaitement réguliers, bien que les femmes fussent non dotées, «7tpotxot 7 »ep9Evot f6, bien qu'elles n'eussent rien apporté à leurs Dans cet article, nous traiterons successivement: 1° de la constitution de dot, 2° des droits du mari sur les biens dotaux, 3° de la restitution de la dot, en nous Iimitant au droit attique et au droit de quelques cités ioniennes. Cet exposé nous permettra de voir avec quelle faveur la législation athénienne avait protégé la femme, et nous montrera qu'il y a beaucoup d'exagération dans l'idée que l'on se fait quelquefois de la subordination des femmes grecques dans les temps historiques. Nous dirons ensuite quelques mots d'une dot que plusieurs historiens veulent attacher au concubinat. Nous terminerons par l'exposé du peu que nous savons sur le droit en vigueur dans les cités doriennes. une fortune personnelle, cette fortune presque tout entière devenait nécessairement dotale par le mariage. Car une femme, dans le droit attique, est à peu près incapable de disposer et de jouir elle-même de ses biens 'a. C'est son xéptos qui en a l'administration et la jouissance, et le x»pto; d'une femme pendant le mariage est le mari. Si donc la femme était i.rrbOs pos, c'est-à-dire si la succession paternelle lui était échue à défaut d'enfants mâles, DOS 389 DOS cette succession formait sa dot, et son mari en avait la jouissance, à charge de la restituer, soit au tuteur de la femme en cas de divorce, soit aux enfants mâles issus du mariage, dès que ces enfants avaient atteint leur majorité 19. Mais il n'était pas rare que la femme se trouvât sans biens personnels, soit que son père vécût encore ou fût mort sans fortune, soit que des enfants mâles l'eussent exclue de la succession paternelle, la seule qui pût lui échoir. En ce cas, si les personnes, que la loi invitait ou obligeait à doter la fille, se conformaient à l'invitation ou à l'obligation, il y avait véritablement dot constituée, et la fille était appelée ia(apotxoç, par opposition à la fille héritière, l'iaix),lpos, et aussi à la fille sans dol, Pour qu'il y eût, à proprement parler, constitution dotale, il fallait que le mari, en acceptant les biens donnés, déclarât les recevoir à titre de dot et à charge de les restituer. Cette déclaration était sans doute accompagnée d'une estimation (ivTLp.7jau O3L) 20, d'où était venu le nom de aimait: iv apottd, donné à la constitution de dot. On admet généralement que, à défaut de constitution dotale, les biens donnés devenaient la propriété incommutable du mari, qui n'était jamais tenu de les restituer 21. Il convient toutefois de faire observer que la femme athénienne pouvait avoir, à côté de ses biens dotaux, des biens paraphernaux (aapti(pspou) Y3. Ces biens paraphernaux ne peuvent être que des biens qui n'ont pas été constitués en dot, iv T apotxi T1rtg4EVs. Est-ce que ces biens, qui formaient en quelque sorte le peculiunt de la femme, devenaient irrévocablement les biens du mari? Nous serions plus porté à croire que la femme en conservait la propriété, l'administration et la jouissance. C'est sur ces biens qu'elle pouvait valablement s'obliger, dans la mesure, très restreinte il est vrai, où la loi la déclarait capable de contracter, jusqu'à concurrence de la valeur d'un médimne de blé 23. Nous donnerions la même solution pour ce que l'article 852 du Code civil appelle les présents de noces, pour toutes ces petites libéralités, que nous avons énumérées s. u. ANAKALYPTERIA, et que la femme recevait de son mari, de son père, de divers membres de sa famille. Est-il raisonnable de supposer que le mari, en donnant à la femme les ltaaapOÉVta, qui correspondent au pretium virginitatis du droit germanique, restait propriétaire des objets donnés? Tous ces biens devaient être en dehors de la dot, i tnapotxa, en ce sens non seulement que la femme en était propriétaire, mais encore qu'elle les administrait et qu'elle en jouissait. Qu'il y eût un peu d'indécision sur l'étendue des droits de la femme, à raison de l'incapacité dont elle était frappée, nous l'admettons sans peine 25. Mais Ulpien nous dit qu'il en était de même à Rome pour les aapcé-pepva, encore bien qu'il fût certain que le mari n'en devenait pas définitivement propriétaire ; il fallait seulement déterminer quelle action aurait la femme, suivant les diverses hypothèses, pour se les faire remettre par le mari. L'attribution au mari des biens non constitués en dot n'était donc pas aussi étendue qu'on le dit ordinairement. Elle doit être limitée aux donations proprement dites faites en faveur du mariage (i'vexa Toû ya'inu), à ces dona tiens qui sont assez importantes pour procurer au mari des ressources applicables à l'entretien du ménage. C'est pour ces donations que l'on peut admettre la règle ainsi formulée par Isée : « Si quelqu'un a fait une libéralité à l'occasion d'un mariage, sans que cette libéralité ait été accompagnée d'une T(pletç, et si plus tard la femme abandonne son mari ou le mari renvoie sa femme, celui qui a fait la donation n'a pas le droit de répéter ce qu'il a La constitution dotale pouvait d'ailleurs avoir pour objet toutes les choses qui étaient dans le commerce, meubles ou immeubles 26. Une maison, un fonds de terre, des meubles meublants, le trousseau de la mariée (ia0tiç), des bijoux, des esclaves, de l'argent comptant, des créances sur des tiers, voilà des biens que nous trouvons cités dans les orateurs ou dans les inscriptions parmi ceux qui peuvent être iv apotxl TETtp.71p.EVe. L'estimation qui leur est donnée n'en vaut pas vente au mari, qui doit lesrestituer en nature, au moins lorsqu'il ne s'agit pas de choses qui se consomment par le premier usage ou de choses fongibles. Toute personne capable de disposer pouvait constituer une dot à la femme 27 ; mais, le plus habituellement, la dot était fournie par les membres de la famille, suivant un ordre déterminé. En première ligne, le père; après sa mort, les frères germains ou leurs enfants ; en troisième lieu, l'aïeul ou le bisaïeul paternel ; puis les plus proches collatéraux. Quelquefois la constitution dotale est faite par le premier maxi, quand il divorce et marie sa femme à un autre. Une inscription de Ténos nous offre un exemple de dot constituée par un fils à sa mère 26. A défaut de tous parents, l'archonte était chargé de pourvoir au sort de l'orpheline, et quelquefois il la dotait des deniers publics: chacune des filles d'Aristide reçut, sur le budget du Prytanée, 3 000 drachmes 29. Le père, le premier des débiteurs que nous venons d'énumérer, était-il légalement obligé de doter sa fille ou n'était-il tenu que d'une obligation morale? Il faut d'abord avouer que, si le père pouvait être actionné en justice, son obligation n'était pas très lourde. On ne dit pas, en effet, que le législateur athénien eût établi une proportion entre la dot elt la fortune paternelle. Le père aurait donc été libre de fixer à sa guise l'importance de la dot. Or est-on véritablement obligé, dans le sens juridique du mot, quand on peut s'acquitter au moyen d'une prestation très minime, pour emprunter un exemple à notre ancien droit, par le simple don d'un chapel de roses? M. Dareste a cependant reconnu, dans une loi d'Éphèse, « l'obligation pour les pères de doter leurs filles 30 », et M. Barrilleau n'est pas éloigné de s'associer à son opinion 31. Mais nous croyons, avec M. Thalheim 32, que la loi éphésienne a parlé, non pas de pères tenus de constituer une dot à leurs filles, mais bien de pères qui, ayant précédemment constitué des dots, ne les avaient pas encore payées et étaient tenus de les payer. Le texte nous dit, en effet, que les intérêts de la dot sont dus et il réglemente leur payement. Mais l'obligation éventuelle de constituer une dot ne peut pas être productive d'intérêts. La loi n'a donc pu avoir en vue qu'une dot précédemment constituée. DOS 390 DOS Pour les frères, nous pensons qu'il y avait obligation légale de doter leurs soeurs sur les biens paternels par eux recueillis. Les tribunaux auraient pu être appelés à juger si la dot offerte était ou n'était pas suffisante. La garantie résultant de l'affection paternelle disparaît avec le père, et des mesures de protection doivent être prises en faveur des sœurs à l'encontre de leurs frères. Cette distinction que nous faisons entre les deux premiers ordres de parents n'est pas sans analogies dans le droit comparé. On la trouve notamment dans les articles 250 et 251 de la Coutume de Normandie, desquels il résulte qu'une fille ne peut rien exiger de son père, tandis qu'elle est autorisée à demander à ses frères une dot suffisante pour un mariage avenant, c'est-à-dire avec une personne de condition égale à la sienne. Il est toutefois douteux que la proportion entre la dot et la fortune que les frères avaient recueillie dans la succession paternelle fût déterminée par la loi. Les tribunaux avaient un pouvoir d'appréciation. Isée nous dit seulement qu'il n'y a pas un fils adoptif, si audacieux et impudent qu'on le suppose, qui oserait offrir à la fille légitime de l'adoptant une dot inférieure au dixième de la succession 36. Quant aux autres parents, il n'y a pas de doute possible; ils devaient épouser l'orpheline sans fortune, ou la doter 34. La difficulté n'existe que relativement à la détermination de la somme due. D'après une loi insérée dans un discours de Démosthène, le chiffre de la dot due à la parente pauvre variait avec la fortune du parent soumis à l'obligation; il était de 500 drachmes pour un pentacosiomédimne, de 300 drachmes pour un cavalier, de 150 drachmes pour un zeugite 35. Cette variation, en elle-même, n'est pas déraisonnable. Mais tous les autres textes disent que la fille pauvre, la Bilaau, avait droit à 5 mines ou 500 drachmes. C'était, nous dit Diodore, le chiffre adopté par Charondas 36, dont les lois servirent de modèle à Solon; c'est le chiffre donné par Térence dans une comédie empruntée à Apollodore 37, et il est confirmé par les témoignages que citent les grammairiens, notamment Harpocration 33 et Suidas 33. Aristophane de Byzance, qui vivait au u° siècle avant notre ère, dit même que le droit de la 9-7îaaa fut élevé de 500 à 1030 drachmes L0. Dans tous les cas, la femme, qui avait droit à une dot et qui ne l'obtenait pas ou qui n'était dotée que d'une manière insuffisante, pouvait se La constitution de dot n'avait été soumise par les Athéniens à aucune formalité solennelle; elle pouvait avoir lieu de gré à gré, verbalement et sans témoins. Le plus habituellement, les personnes, parentes ou amies, qui assistaient à l'r'yyti ;ttiq, à ce que nous appellerions aujourd'hui la célébration du mariage, bien qu'il n'y eût pas à Athènes de célébration officielle, devaient naturellement entendre toutes les promesses, tous les engagements du constituant, soit relativement au capital, soit relativement aux intérêts. C'était en leur présence que se formaient les conventions matrimoniales (btco)soyia 7rpotx6;) ~'. Mais leur concours n'était pas légalement re quis pour la validité du contrat. Leur absence exposait seulement à des difficultés de preuve, lorsque des contestations viendraient à surgir, soit sur le fait même de la promesse de dot, soit sur son étendue, soit sur la consistance des biens soumis au régime dotal. Ce qui est certain, en fait, c'est qu'un contrat de mariage sans témoins (auvz),aayu.a «N.axûpce) était chose invraisemblable 42. On eût taxé d'imprudence ceux qui auraient constitué une dot, sans se donner la garantie d'une preuve testimoniale, aussi bien que ceux qui, régulièrement obligés, se seraient libérés à huis clos, sans appeler quelques personnes qui pussent attester la libération i3. Par surcroît de précaution, on devait même assez souvent dresser des actes écrits, analogues à ceux que l'on a retrouvés gravés sur la pierre à Mykonos 44. « Kallixénos a marié sa fille Timécraté à Rodoklès; il lui a constitué une dot de 700 drachmes, y compris un trousseau d'une valeur de 300 drachmes. Rodoklès reconnaît avoir reçu le trousseau et 100 drachmes; pour les 300 autres drachmes, Kallixénos a hypothéqué à Rodoklès la maison qu'il possède dans la ville dans le voisinage de tel et tel... » Les habitants de l'Attique, dans la rédaction des contrats de mariage de leurs filles, ne devaient pas étre moins prévoyants que les Ioniens, leurs frères, de Mykonos. La constitution de dot devait être ordinairement contemporaine du mariage ; les orateurs et les inscriptions rapprochent presque toujours l'iv 7tpotxl'ri n t; del'iyyti77at;. Dans les contrats de Mykonos, la formule habituelle est : évident que la dot pouvait être aussi valablement constituée antérieurement au mariage, avec la condition, sousentendue, que, si le mariage n'avait pas lieu, le fiancé serait obligé de restituer la dot. Démosthène affirme que ce débiteur de la dot était de plein droit débiteur des intérêts à raison de 9 oboles par mine et par mois, taux qui correspond à notre 18 p. 100. Mais il faut toutefois reconnaître que, dans un cas où il était personnellement intéressé et où il ne ménageait pas son adversaire, il compta seulement un intérêt d'une drachme, soit 12 p. 100, le taux commun de l'intérêt à Athènes 4s Nous n'avons trouvé aucun texte qui nous renseigne sur la question de savoir si la constitution dotale était possible après le mariage, soit pour augmenter une dot précédemment constituée, soit pour réparer un oubli plus ou moins involontaire. M. Barrilleau a répondu affirmativement, mais uniquement parce que le droit romain autorisait la constitution post nuptias b6 et que le droit grec ne doit pas avoir été plus rigoureux que le droit romain. Ce qui paraît incontestable, c'est que des augmentations pouvaient être prévues dans le contrat de mariage, par exemple pour le cas de la naissance d'un enfant" Pour que le mari fût tenu de restituer la dot, il ne suffisait pas que le constituant l'eût promise; il fallait que le mari l'eût reçue. Le payement effectif avait lieu habituellement en présence des personnes qui avaient assisté à la constitution dotale 43 Mais le constituant ne se libérait pas toujours à l'épo PxPlr~~Rol~ y,~©~E~t0I [R -t\\y1gK_rorit 1A DOS 391 -DOS que du mariage. Il stipulait parfois pour le payement un terme fixe plus ou moins éloigné, parfois un terme incertain : « La dot ne sera payée qu'à la mort du constituant, àr«v âroO«vr 49. » 11 arrivait enfin que le donateur, quoique tenu purement et simplement, n'exécutait pas son obligation. Dans ces diverses hypothèses, les intérêts de la dot n'étaient-ils dus qu'en vertu d'une promesse spéciale ou couraient-ils de plein droit au profit du mari pour l'aider à faire face aux dépenses de la famille? Démosthène parle d'une convention de les payer, 6N.o),oyta bv T7xov otau:v 59. Mais ce texte suffit-il pour faire rejeter l'opinion très équitable de M. Gide, qui, en l'absence même de tout engagement, les faisait courir au profit du mari à dater du jour du mariage? Les intérêts dus étaient-ils les intérêts dotaux ordinaires, à 9 oboles par mine et par mois, soit 18 p. 100 par an, ou les intérêts de droit commun, à G oboles par mine et par mois, soit 12 p. 100? Nous ne saurions le dire. Un texte, dont M. Gide argumentait pour soutenir que les intérêts étaient de 5 oboles par mine, soit 10 p. 100 par an, nous parait relatif à une convention particulière et exceptionnelle'". Quand la dot était ou devenait exigible, le mari avait certainement une action pour contraindre le constituant ou ses représentants à payer la dot. 11 semblerait naturel de dire que cette action était l'action générale tendant à faire exécuter les contrats par les débiteurs récalcitrants, historiens, s'appuyant sur la rubrique du discours de Démosthène contre Spudias n, enseignent que l'action était la 7cpotxbç S(«. L'argument ne nous parait pas décisif; la rubrique dit seulement qu'il s'agit d'un discours sur une dot, ûrip rpotttiç, sans dire quelle est l'action intentée. La rpotrbq S(xrl parait avoir été restreinte aux cas où il y avait lieu à restitution de la dot, tandis qu'il s'agit ici du payement de la dot par le constituant au mari. Quelquefois le constituant, au lieu d'exécuter littéralement son engagement, offrait au mari une datio in solutum. Ainsi Dicéogène, qui avait doté sa soeur de 40 mines en la mariant à Protarchidès, au lieu de payer en écus, donna en payement à son beau-frère une maison située dans le Céramique n. M. Barrilleau assimile l'immeuble donné en payement à l'immeuble compris directement dans la constitution dotale; il dit que la femme en demeurait propriétaire et que le mari n'avait pas qualité pour l'aliéner 55. Nous croyons, au contraire, que le mari devenait propriétaire incommutable de l'immeuble donné en payement de la dot constituée en argent 75. Cette solution est conforme aux principes généraux du droit; elle est d'accord avec l'exemple que nous avons choisi, puisque Dicéogène vendit, seul et sans le concours de sa femme, au prix de 500 drachmes, la maison qu'il avait reçue en payement 57, ce qu'il n'aurait pas eu le droit de faire, s'il avait été tenu de la restituer. Malgré la dation, il restait débiteur d'une somme d'argent. Diverses garanties étaient d'un usage fréquent pour assurer le payement ou la restitution de la dot; garanties personnelles dérivant de l'intervention de codébiteurs, simples ou solidaires, et de cautions; ga ranties réelles bien connues sous le nom d'âroTt;z.«Ta. Les orateurs et les inscriptions nous fournissent des exemples de deux espèces d'hypothèque dotale. Ils nous montrent d'abord un père qui constitue à sa fille une dot, en se réservant un terme pour le paiement, et qui, comme garantie que la dot sera payée, donne à son gendre une hypothèque sur ses biens. C'est ainsi que Polyeucte de Thria, resté débiteur envers son gendre d'une somme de mille drachmes, payable seulement à l'époque de son décès, hypothèque une maison pour sûreté de sa dette 55, Le droit réel est alors établi en faveur du mari, qui, sur la foi de la constitution dotale, s'est obligé à supporter les charges du mariage et qui ne veut pas que ses espérances soient trompées 59. Mais l'hypothèque que l'on rencontre le plus souvent garantit, non pas le payement de la dot par le constituant au mari, mais bien la restitution de la dot, à la dissolution du mariage, par le mari à la femme ou à ses représentants. Onétor, par exemple, a marié sa soeur à Aphobes ; il dit avoir remis à son beau-frère une somme de quatre-vingts mines, et, pour en assurer la restitution, il a pris hypothèque sur un fonds de terre jusqu'à concurrence d'un talent et sur une maison pour le surplus, c'est-àdire pour vingt mines 5", voilà bien l'hypothèq ne dotale telle que nous sommes habitués à nous la représenter. Presquetoutes les inscriptions qui sont parvenues jus qu'à nous mentionnent une hypothèque établie pour garantir la restitution de la dot, Une seule, fion est encore douteuse ", peut être relative à une hypothèque créée en faveur du mari par le père qui a constitué la dot r'z. Dans les deux cas, les Grecs disent qu'il y a APOTIMêMA, et, conformément au système de publicité en vigueur dans l'Attique, les deux espèces d'hypothèques sont portées à la connaissance des tiers au moyen d'Spot (fig. 2552) placés sur les immeubles affectés à la dette 55. Pour donner au créancier une sécurité plus grande encore que celle qui résulte de l'hypothèque, les parties avaient quelquefois recours au contrat pignoratif. Nous connaissons une inscription relative à une rpâctç i,si aucet DOS 392 DOS qui eut lieu à propos d'une dot a' `. Mais le laconisme de l'ôpoç ne nous permet pas de dire s'il s'agit d'une sûreté réelle donnée par le constituant au mari ou d'une garantie prise par le constituant en prévision de l'insolvabilité du mari. Nous avons dit [AFOTIMÈMA] que l'hypothèque destinée à assurer la restitution de la dot était conventionnelle et spéciale, qu'elle ne pouvait être établie que sur des immeubles, qu'elle devait ètre rendue publique et qu'elle conférait à la femme un droit de préférence distinct d'un véritable privilège. Nous ne reviendrons pas sur ces divers points. Nous voulons seulement nous demander si la femme aurait pu valablement renoncer à cette hypothèque conventionnelle. Une inscription, trouvée dans l'He d'Amorgos 66, nous parle d'une femme qui donne son assentiment à une constitution d'hypothèque faite par son mari en faveur d'un ERANOS. M. Foucart explique l'intervention de la femme par ce motif que, dans l'espèce, le mari « engageait des terrains, une maison, des jardins, qui étaient la propriété de sa femme ». Mais le texte dit expressément que les biens hypothéqués appartenaient au mari. Nous sommes porté à croire, avec M. Dareste, que la femme, en consentant à l'hypothèque des biens de son mari au profit de l'ipavoç, renonçait partiellement à son droit. Elle s'engageait à ne pas se prévaloir de cette hypothèque au détriment de l'ipavoç. Nous dirions aujourd'hui, ou bien qu'elle consent une subrogation à son hypothèque, ou, mieux encore, qu'elle fait une renonciation in favorenl. Pour cette opération, la femme était assistée d'un xy tos ad hoc. La renonciation étant, en somme, autant dans l'intérêt du mari que dans l'intérêt des tiers, il n'avait pas semblé cônvenable que la femme fût alors assistée par une personne dont les intérêts étaient en opposition avec les siens. Elle avait un protecteur spécial. Lorsque les biens constitués en dot avaient été envisagés par les parties comme choses fongibles, le mari en devenait propriétaire et pouvait en disposer librement. La restitution se faisait, non pas en nature, mais par équivalent. Si, au contraire, la dot consistait en corps certains, la propriété appartenait à la femme et le mari avait seulement un droit de jouissance. M, Albert DesjardinsG° et notre regretté collaborateur Paul Gide u ont cependant accordé au mari tous les droits d'un propriétaire. « Pendant le mariage, le mari n'est pas simplement l'administrateur de la dot, il en est le maître... La dot lui appartient, elle se confond avec ses biens personnels. » La preuve résulte : 1° de ce que le fonds dotal était inscrit au cens sous le nom du mari et non sous celui de la femme ; 2° de ce que le mari aliène seul une maison que sa femme a constituée en dot. Nous ferons remarquer d'abord que le mari de l'épi clère n'avait pas un droit de libre disposition sur les biens appartenant à sa femme ; Isée nous le dit expressément °8. Or est-il possible d'admettre que le mari de la fille dotée, ce mari que l'on sacrifiait quelquefois en l'obligeant à céder la place aux parents de sa femme devenue épicière G9, ait eu des droits plus étendus ? Aussi Démosthène, parlant d'une saisie que des créanciers ont pratiquée sur les biens de leur débiteur et dans laquelle ont été compris des objets constitués en dot par sa femme, nous montre-t-il cette femme leur défendant de toucher à ce qui lui appartient : « Laissez ces meubles qui ont été constitués en dot; ne les emportez pas, car ils sont à moi 10.» Si le fonds dotal était inscrit au cens sous le nom du mari, c'est parce que le mari, en sa qualité d'usufruitier, tenu de toutes les charges qui sont une dette des fruits, était tenu de payer l'impôt 71. Si un mari a pu aliéner seul un immeuble venant de sa femme, c'est parce que cet immeuble n'avait pas été constitué en dot. Il avait été donné au mari en payement d'une dot constituée en choses fongibles 72, et, par l'effet de la dation en payement, le mari en était devenu propriétaire. Tenons donc pour certain que le mari n'était qu'usufruitier de la dot, toutes les fois que les parties avaient entendu que la restitution eût lieu en nature, toutes les fois que la dot n'avait pas été considérée comme chose fongible 73. C'était précisément pour éviter que le droit de jouissance du mari sur un bien dotal ne fit croire à un droit de propriété qu'un epoç était quelquefois placé sur les immeubles appartenant à une femme mariée : sur une inscription de Syros on lit : « Ce terrain fait partie de la dot de Hégéso, fille de Cléomortos l'obligation de restituer la dot ne prenait naissance qu'au moment de la dissolution du mariage, dissolution qui pouvait résulter soit de la mort naturelle de l'un ou de l'autre des époux, soit de leur mort civile, soit du divorce 45. Il convient toutefois d'ajouter à ces diverses hypothèses de dissolution un fait que l'on peut assimiler, dans une juste mesure, à notre séparation de biens. Lorsque les biens du mari avaient été confisqués par suite de quelque condamnation judiciaire et que le trésor public allait faire vendre ces biens aux enchères, la femme avait certainement le droit d'exiger la restitution de sa dot. Si la fortune de la femme se composait de corps certains et qu'ils eussent été par erreur compris dans la confiscation, la femme pouvait demander qu'ils en fussent distraits. Elle agissait alors au moyen d'une ,toypct prs lixrl, dont nous avons exposé les règles particulières [APOGRAPUÈ]. Si, au contraire, la dot consistait en choses fongibles, la femme ne pouvait rien revendiquer. Mais, au moyen de l'ive7ttaxrwa, elle était autorisée à prélever, sur le produit de la vente des biens confis ques, une somme équivalente à sa créance dotale i'. Laissons de côté cette hypothèse 'exceptionnelle et revenons aux divers cas de dissolution du mariage. Lorsque le mariage était dissous par la mort du mari et qu'il y avait des enfants mâles issus de ce mariage, la femme avait le choix entre deux partis. 1° Elle pouvait rester dans le domicile conjugal avec ses enfants. Mais elle renonçait par cela même à demander la restitution de sa dot. Les biens qui lui appartenaient devenaient la propriété de ses enfants ; par compensation, elle pouvait exiger d'eux, ou de leur représentant légal s'ils étaient encore mineurs, qu'ils subvinssent à tous ses besoins. 2° Elle pouvait également quitter la maison de son mari et aller se replacer sous l'autorité de son ancien xuptos, qui se chargeait du recouvrement de la dot, et, si la veuve était encore en âge d'être remariée, lui donnait un nouvel époux ". Le droit d'option que nous venons d'exposer appartenait également à la veuve, qui, au moment de la dissolution du mariage, était enceinte. On a soutenu, il est vrai, en exagérant la portée d'une loi dont le texte nous a été conservé 78, que la femme était alors obligée de rester dans la maison de son mari. Mais, d'une loi qui a été votée pour placer la femme d'une manière toute spéciale sous la protection de l'archonte, peut-on dire qu'elle a enlevé à la femme un droit qu'elle aurait eu si elle se fût trouvée en présence d'enfants déjà nés? Si le mari était mort, sans qu'il y eût du mariage des enfants nés ou au moins simplement conçus, la femme n'avait pas le droit de rester dans la maison conjugale. Elle devait retourner chez son xuptos, sauf à celui-ci à exiger des héritiers du mari la restitution de la dot. Quand le mariage prenait fin par la mort de la femme, s'il y avait des enfants mâles issus du mariage et arrivés à la majorité légale, ils avaient le droit d'exiger de leur père qu'il leur remit la dot de leur mère 79. Si ces enfants étaient encore mineurs, le mari conservait provisoirement la dot. Il en avait en quelque sorte l'usufruit légal, c'està-dire qu'il en percevait les fruits et les intérêts, avec obligation de faire face aux dépenses de la nourriture, de l'entretien et de l'éducation des enfants 8_"". La restitution n'avait lieu que lorsque les enfants avaient atteint leur majorité. A défaut d'enfants, le mari devait restituer la dot au parent de la femme qui l'avait constituée ou aux autres parents de la femme 81. En cas de divorce, si c'était le mari qui divorçait, il était tenu de restituer la dot dans tous les cas 82, lors même qu'il y aurait eu des enfants issus du mariage et bien que ces enfants restassent à sa charge. Car cette restitution de la dot avait été imposée par le législateur précisément pour servir d'entrave au divorce, pour garantir à la femme qu'elle ne serait pas renvoyée sans I[I. motifs graves". Mais ne doit-on pas apporter à cette obligation quelque tempérament pour le cas où le divorce aurait été justifié par une faute de la femme? Dans le cas d'adultère, par exemple, le mari, qui était légalement contraint de divorcer, ne pouvait-il pas garder la dot? Aux temps homériques, le mari offensé avait le droit d'exiger la juotya'(pta à titre de dommages et intérêts84; il pouvait de plus répéter l'âivov par lui payé à la famille de la femme. Par analogie, à l'époque historique, il y aurait eu possibilité pour le mari de retenir la dot en compensation du préjudice causé". Nous n'osons rien affirmer sur ce sujet". Quand le divorce avait lieu, soit par la volonté de la femme, soit par la volonté d'un tiers, soit par consentement mutuel, comme la dissolution du mariage n'était plus abandonnée à l'arbitraire et qu'elle tenait à des raisons plus ou moins plausibles, la femme, en abandonnant la maison conjugale, emportait sa dot. Le devoir de son xuptos, si elle était encore jeune, était de la marier de nouveau, et, pour faciliter ce nouveau mariage, il avait à sa disposition la dot du mariage qui venait d'étre dissous67. Enfin, lorsque la dissolution du mariage résultait d'une mort civile, tenant à ce que le citoyen avait été privé du droit de cité, et, à plus forte raison, de la liberté, la dot de la femme devait être restituée 88 Si la dot de la femme consistait en corps certains, ]a restitution de la dot devait avoir lieu sans délai, immédiatement après la dissolution. Mais, quand elle se composait de choses fongibles, d'argent par exemple, le mari devait avoir un laps de temps suffisant pour se procurer les choses dont il était débiteur. A défaut de restitution immédiate, comme c'est la dot qui doit subvenir aux dépenses de nourriture et d'entretien de la femme, le mari ou ses représentants paieront des intérêts à raison de neuf oboles par mine et par mois, c'est-à-dire de dixhuit pour cent 83. Deux actions sont données à cet effet contre le mari, l'une, la S(x7 7tpotxé pour la restitution du capital, l'autre, la l(xs a(iou, ou action alimentaire, pour le service des intérêts. C'est à l'hégémonie de l'archonte éponyme qu'appartenaient ces deux actions. Toutefois, à l'époque ou existaient les siunyoryeïç, magistrats dont nous savons seulement qu'ils étaient désignés par le sort et qu'ils instruisaient quelques-unes des ry11,p.rlvot S(xat, la 7cpotxln g 10 rentrait dans leurs attributions °0. Faut-il donner la même solution pour la Cou nul? Cette dernière était jugée dans l'Odéon 91. En était-il de même pour la 7cpotx45 Si«? Les deux actions se prescrivaient seulement par vingt ans 92. § IV. -Dans l'exposé qui précède, nous avons toujours supposé que l'apport de la dot accompagnait un mariage légitime. Mais la concubine ne pouvait-elle pas aussi avoir une dot? Voici la réponse que M. Gide faisait à cette question : « Il faut, au sujet de la dot, distinguer deux 50 DOS 394 DOS sortes de concubines. Le commerce avec une femme étrangère était non seulement méconnu, mais encore condamné par la loi, et les enfants qui en naissaient étaient privés de tous droits civils; il ne pouvait donc y avoir en ce cas de dot valable. Au contraire, on pouvait prendre une Athénienne pour concubine dans l'intention de légitimer les enfants qu'on aurait d'elle. Cette sorte d'union, expressément reconnue par les lois", paraît avoir été d'un usage assez fréquent à Athènes. En effet, sous une législation qui défendait à un père de déshériter ses enfants ou d'en adopter d'autres, c'était le seul moyen qu'eût un homme marié de priver ses enfants d'une partie de sa succession95. Or, dans une semblable union, les biens apportés par la concubine devaient être conservés pour les enfants auxquels elle donnerait le jour, et constituaient par suite une sorte de dot, qui, sous le nom particulier d'exlo6-tç95, était soumise à toutes les règles développées ci-dessus pour la dot de la femme légitime". » Nous avons tenu à reproduire ces lignes inédites de notre regretté collaborateur, lignes écrites en 4867, pour montrer que notre collègue a, longtemps avant M. Buermann, cru à l'existence à Athènes d'un concubinat légitime produisant tous les effets civils du mariage. Nous avons exposé, à l'article CoNCUBINATLS, p.143à, les raisons graves qui ne nous permettent pas d'adopter la doctrine de M. Buermann : elles s'appliquent à la doctrine de M. Gide. Nous devons toutefois ajouter que plusieurs auteurs, Forbiger entre autres 47, sans assimiler le concubinat au mariage, ont enseigné que les concubines pouvaient être dotées98. Il nous parait certain que le xéptoç d'une jeune Athénienne, au moment où il la donnait, en qualité de nx)Aaz", à un citoyen, devait rédiger une sorte de contrat99, par lequel l'amant s'obligeait à certaines prestations immédiates ou à venir. II devait y avoir des précautions prises contre les caprices qui amèneraient le renvoi non motivé de la jeune fille, des stipulations de dommages et intérêts pour la réparation du préjudice causé. Mais nous avons peine à croire que le xtiptoç ait eu l'idée de constituer une dot à la pal laque. Les StoµoÀoïfou 7tspl Twv So6YI6ou.ÉVOSV Txiç asAAaxuïç sont des conventions qui règlent, non pas les libéralités faites aux pallaques par ceux qui les donnent en concubinat (Si aa),Aax(if StSdvT8 ), mais bien les donations que ceux qui reçoivent une pallaque font à celle-ci et à sa famille 100 L'ixSostç de la fille de Nééra, Phano, qui a vécu en concubinage avec Épaénétos et qui restera à sa disposition toutes les fois qu'il séjournera dans la ville, n'est pas fournie par les représentants de Phano. C'est Epaénétos qui la paie et le contrat dit textuellement qu'elle est le prix des faveurs de la jeune fille. Quant à la dot de Plangon, dont parle le second discours contre Boeotos, si les juges admettent qu'elle existe, ce qui est l'objet du litige, ce ne sera pas une dot de concubine, ce sera une dot de femme légitime. En reconnaissant que les enfants nés de cette femme étaient ses enfants légitimes, Mantias avait implicitement reconnu à leur mère la qualité d'épouse. Mais l'existence d'une dot, dans l'espèce particulière du procès, est bien invraisemblable. § V. -Nous venons de parler d'Athènes et de quelques cités ioniennes. Nous terminerons par un court exposé des renseignements que nous avons sur la dot dans les cités doriennes. A Sparte, les constitutions de dot furent pendant longtemps interdites. Tout au plus les jeunes Spartiates recevaient-elles un trousseau. Mais, peu à peu, au trousseau s'ajoutèrent des dons en argent et même d'autres biens, meubles et immeubles. La défense tomba en désuétude. Au temps d'Aristote, les femmes recevaient des dots considérables; leur richesse était même devenue excessive, puisque les deux cinquièmes du territoire laconien étaient leur propriété 10'. Comme l'amour de l'or et de l'argent s'était introduit à Sparte et que les citoyens recherchaient l'alliance, non des filles les plus vertueuses, mais des maisons les plus riches f01, la fortune devint le partage d'un petit nombre de personnes et la pauvreté fut le lot du plus grand nombre i60, avec sa conséquence naturelle, la haine et l'envie d'un groupe contre l'autre. Nous ignorons les règles qui présidaient à la constitution, à la gestion et à la restitution de ces dots. En Crète, une loi, qu'Ephore nous a conservée, décidait que la fille, en concours avee des fils, recevrait, a titre de dot, une part de la fortune paternelle égale à la moitié de la part des fils 105. La loi de Gortyne, retrouvée en 1884, confirme le témoignage de l'historien. « Si quelqu'un meurt, ses fils prélèveront les maisons urbaines et ce qui les garnit, les maisons rurales qui ne sont pas habitées par des colons, les moutons et le gros bétail qui ne sont pas la propriété des colons.Le surplus sera équitablement partagé de telle façon que les fils, quel que soit leur nombre, prennent deux parts, et les filles, quel que soit leur nombre, prennent une part seulement. Les biens maternels, si la mère vient à mourir, seront partagés comme les biens paternels. Si, cependant, la mère n'a pour toute fortune qu'une maison, les filles y auront droit dans la proportion indiquée. Si le père veut, pendant sa vie, faire une donation à sa fille qui se marie, il peut donner dans la mesure indiquée par les dispositions qui précèdent, mais pas davantage 105... » Ainsi la jeune Crétoise peut recevoir, en avancement d'hoirie et à titre de dot, la part à laquelle elle a droit dans la succession ab intestat. Notons que la loi dont nous venons de parler est une loi nouvelle, qui n'aura pas d'effet rétroactif. Antérieurement à cette loi, qui est du vie siècle avant notre ère, la fille pouvait être dotée au gré du père. Le législateur maintient toutes les dots déjà constituées ou promises, quelle qu'en soit la valeur, en ajoutant que toutes les filles mariées au moment de la promulgation de la nouvelle loi, dotées ou non dotées, n'auront pas le droit de venir au partage de la succesàion de leur père. Celles-là seules qui se seront mariées depuis la promulgation de la loi et qui n'auront pas reçu à titre de dot leur part héréditaire seront admises au partage'''. La loi de Gortyne dit expressément que le mari ne peut ni vendre, ni engager les biens qui composent la dot de sa femme101. « Si 1luelqu'un achète ou se fait hypothéquer ou promettre les biens dotaux, ces biens resteront néanmoins la propriété de la femme. Celui qui les aura vendus, hypothéqués ou promis, devra payer le double de leur valeur à l'acheteur, au créancier hypothécaire ou au stipulant; s'il a causé quelque autre dommage, il le réparera au simple 108. » Nous sommes, on le voit, en face d'une sanction très énergique du droit de propriété conservé par la femme sur sa dot. Mais c'est encore une loi nouvelle, sans effet rétroactif. « Pour tout ce qui aura été fait antérieurement il n'y aura pas d'action en justice10°. » E. CAILLEMER. ROME. Dans le plus ancien droit romain, où le mariage paraît accompagné de la puissance maritale connue sous le nom de manus, tous les biens de la femme in manu tombaient, sous le nom de dot 10, dans le patrimoine du mari. On ne sait rien de précis sur l'organisation de cette dot primitive : il résulte seulement d'une loi attribuée par Plutarque à Romulus "' que, le mari étant réellement propriétaire de cette dot, on n'avait pas imaginé qu'on pût la lui faire restituer au cas où il répudierait la femme sans motif; on équivalait à cette restitution par la confiscation de la moitié des biens du mari au profit de la femme. Mais, sauf cet unique renseignement, la dot que nous font connaître les documents existants est celle qui est constituée en faveur de la femme, soit sui juris, soit soumise à la puissance paternelle, mais en dehors de la manus. L'usage de ne marier les filles qu'en les dotant suivant les moyens de la famille paraît remonter très haut chez les Romains. Il y allait à leurs yeux de l'intérêt de l'État 12 et de la multiplication des citoyens 113. Une femme qui se mariait sans dot était regardée plutôt comme une concubine que comme une épouse 14. Les clients, dans l'ancien temps, étaient forcés de contribuer à doter la fille du patron pauvre 110. Plus tard ce devoir incomba aux proches, ou du moins on suppose que tel était l'objet d'une disposition des lois Julia etPapia Poppaea "o. Enfin une constitution de Sévère et de Caracalla"' força les parents récalcitrants à marier et à doter leurs filles. La dot pouvait être constituée de trois manières différentes, qui sont résumées ainsi par Ulpien 1° : dos ait datur, aut dicitur, ait promittitur. Par le premier mode, la dation, les choses dont se composait la dot étaient immédiatement livrées au mari, qui en devenait aussitôt propriétaire. Les modes ordinaires de transférer la propriété étaient usités en ce Par la promesse et par la diction, au contraire, le mari ne devenait immédiatement que créancier de la dot. La promesse n'était que l'application à la dot des formes générales de la stipulation. Le mari interrogeait la personne qui voulait constituer la dot; le constituant répondait. La chose se passait en ces termes : decem millia lotis nomine mihi dari promittis ? Proinitto. Les formes de la diction (dotis dictio) sont moins bien connues. Elles étaient spéciales à la dot, et il est extrêmement probable qu'elles consistaient aussi en paroles solennelles. Mais le constituant n'était pas interrogé par le mari; il s'engageait de lui-même en disant : Decem millia tibi doti erunt 19. Le mari exprimait peut-être son acceptation en répondant: Accipio 120 La dot pouvait être constituée avant ou pendant le mariage, et toutes personnes avaient qualité pour le faire par dation ou par promesse. Mais la diction n'était à l'usage que des ascendants mâles et paternels de la femme, de son débiteur, constituant en dot ce qu'il lui devait, ou d'elle-même, pourvu qu'elle fût sui juris 429 et autorisée par ses tuteurs. Toutes ces restrictions font regarder la diction comme d'un usage plus ancien que la promesse dans la constitution des dots, par cela même qu'elle était d'une forme moins libre. La diction existait encore au temps du Code Théodosien 122 Elle disparut sous Justinien, et Tribonien en remplaça le nom par celui de promesse dans tous les textes des jurisconsultes qu'il admit au Digeste. Dans le cas de diction, comme dans celui de promesse, le mari avait la condiction, soit certi soit incerti [ACrlo], pour faire valoir sa créance sur la dot; dans les autres cas, la femme, lorsqu'elle avait droit à la restitution de la dot, recourait à l'actio rei uxoriae. La dot était nommée profectice, lorsqu'elle provenait du père ou d'un autre ascendant paternel mâle de la femme, parce qu'elle faisait retour au constituant dans certaines circonstances après la dissolution du mariage, eo reversura onde profecta est. Quand elle était constituée par toute autre personne, la femme, ses ascendants maternels, les étrangers, etc., la dot était dite adventice, et le mari la gardait quand le mariage était dissous par la mort de la femme; on l'appelait réceptice lorsque le constituant, autre qu'un ascendant paternel mâle, avait stipulé qu'à la dissolution du mariage elle lui serait restituée. Soit que la dot fût donnée, dite ou promise, elle pouvait se passer d'acte écrit. L'usage d'en dresser un (dos consignata, instrumentum dotale, cautio dotalis, tabulae ou tabellae dotis, etc.) commença à prévaloir dans les premiers temps de l'Empire t23. On y mêlait souvent la constatation du mariage lui-même, et alors le tout prenait le nom de tabulae nuptiales, instrumentum ou pactum nuptiale. Mais ce n'est qu'à partir des empereurs chrétiens que la rédaction d'un acte écrit fut déclarée nécessaire dans certains cas [MATRIMONIUM]. Le payement (numeratio) de la dot dite ou promise au mari s'exécutait suivant les conventions Celle qui avait lieu le plus souvent 124, consistait en trois termes de payement (pensiones) échelonnés en trois ans cycliques de dix mois chaque. Les meubles et provisions devaient être livrés dans le courant de la première année. Durant le mariage, la dot était dans le domaine du mari ; il en était propriétaire et l'administrait à sa volonté. La loi Julia de adulteriis et de fundo dotali mit cependant une exception à ce pouvoir absolu : elle défendit au mari 125 d'aliéner les immeubles dotaux situés en Italie sans le consentement de la femme, et de les hypothéquer, même avec son consentement 1Y6. Cette législation, qui laissait en doute l'aliénabilité des immeubles dotaux situés dans les provinces, dura jusqu'à Justinien, qui interdit au mari d'aliéner comme d'hypothéquer l'immeuble dotal, même avec le consentement de la femme, et dans quelque partie de l'empire qu'il fûtsitué 127. Dès lors, bien que le souvenir DOS 396 DRA de la législation primitive fasse maintenir en principe et en droit que le mari est propriétaire de la dot immobilière, au fond le mari n'en a plus que la jouissance pendant le mariage et au profit de la société matrimoniale, mais la propriété demeure complète sur les immeubles estimés et sur les meubles. A la dissolution du mariage, la femme rentre dans la propriété de sa dot, et la fait restituer au mari par l'action rei uxoriae ou de dote. Cette action de bonne foi, qui prit son origine lors du divorcé de Sp. Carvilius [DlvotiTluM], était donnée à la femme ou à son père, adjuncta fzliae persona 128, si elle était sous la puissance paternelle. On peut supposer qu'avant son introduction la dot n'avait pu être réclamée que par l'action ex stipulatu, en tant que la restitution en aurait été stipulée en la constituant, ou par la condiction sine causa dans le cas de ladot profectice. La formule tout équitable de l'action rei uxoriae 129, aequius melius, a en tout bien toute justice, n permit de réclamer du mari tout ce qu'il était juste qu'il restituât et de passer par dessus certaines rigueurs du droit civil, devant lesquelles les actions de droit strict seraient restées impuissantes. Ainsi, par exemple, le mari qui avait subi pendant le mariage la petite capitis diminutio était libéré de ses obligations suivant le droit strict, et dès lors les condictions n'avaient plus d'efficacité pour lui l'aire restituer la dot; mais l'action rei uxoriae surmonta ces obstacles et l'obligea à restituer ce qu'il devait équitablement. Les règles de restitution de la dot variaient suivant que le mariage était dissous par la mort du mari, par celle de la femme ou par le divorce. A la mort du mari, la femme reprenait sa dot, ou son père la reprenait avec elle si elle était encore sous la puissance paternelle. A la mort de la femme, le mari ne restituait pas la dot adventice, mais seulement la dot réceptice ou profectice; il avait un droit de rétention sur cette dernière au cas où il existait des enfants issus du mariage, savoir, 1/5 par enfant, di' façon que cinq enfants ou plus absorbaient la dot '30. Quand le mariage se dissolvait par le divorce, le mari devait rendre la dot profectice ou adventice à la femme elle-même, si elle était sui juris, ou au père de la femme agissant avec le concours de sa fille. Les héritiers de la femme n'avaient plus recours contre le mari, si elle venait à mourir avant d'avoir commencé à réclamer sa dot f31. Mais la restitution de la dot se faisait avec certaines aggravations ou certaines rétentions, suivant que le divorce avait eu lieu parla faute du mari ou par celle de la femme. Si c'était par la faute du mari, au lieu de restituer purement et simplement les corps certains dont se composait la dot, et d'avoir, pour restituer les choses fongibles, trois termes d'un an chaque (restitutio annua, bima, trima die), il était condamné à restituer les choses fongibles immédiatement ou au bout de six mois, et les corps certains avec les fruits qu'ils avaient rapportés depuis un an ou deux, suivant la gravité de sa faute. Si au contraire le divorce avait lieu par la faute de la femme, le mari exerçait sur la dot deux espèces de rétentions, à cause des enfants et à cause des moeurs. La première, des pour chaque enfant, ne pouvait en aucun cas dépasser la moitié de la dot; la seconde était des de la dot en cas d'adultère, et des seulement en cas de faute moins grave de la femme. Pour quelque cause que le mari dût restituer la dot, il avait toujours un droit de rétention pour les dépenses nécessaires qu'il y avait appliquées; quant aux dépenses utiles seulement, la rétention ne s'exerçait qu'en tant que la femme les avait approuvées; sinon le mari ne pouvait s'en faire tenir compte qu'autant que les circonstances n'en rendraient pas le remboursement trop rigoureux à la femme. Quant aux dépenses purement voluptuaires ou d'agrément, elles ne donnaient lieu à aucune rétention. Il y avait aussi des rétentions pour cause de donation [DONATIO], et pour cause de détournement (ob res amotas), qualification modérée qu'on donnait aux vols entre époux. Le mari se récupérait, par rétention sur la dot, des soustractions opérées par la femme, et la femme avait pour se récupérer des vols opérés par le mari une action dite renom amotarum. Si pendant le mariage le mari avait fait une dépense pour le compte de la femme, ou s'il s'était obligé pour elle de quelque façon, le divorce survenant, le mari se faisait garantir par la femme qu'elle l'indemniserait, au moyen d'une stipulation qu'Ulpien appelle tribunicienne t32, peut-être parce qu'elle provenait de l'ancienne juridiction des tribuns de la plèbe 133. A côté de la dot, la femme avait aussi des biens extradotaux, que les Grecs appelaient 7apétpapva (de 7tapcà, au delà, et de yiepvs , dot), d'où l'expression de paraphernalia et de paraphernaux, qui a passé dans le droit romain et dans le nôtre. Les Gaulois désignaient ces biens sous le nom de pécule (peculium), c'est-à-dire petit patrimoine séparé du grand [POTESTAS], Si l'on s'en rapporte à un texte d'Ulpien 134 peut-être fautif et en tout cas d'autorité douteuse, car peculium est employé avec le même sens dans le pur droit romain (dotem et peculium) 13s Dans l'ancien droit romain les paraphernaux s'appelaient aussi receptitia, c'est-à-dire biens réservés, parce que la femme les retenait sans les transmettre au mari, comme dans les ventes on était dit réserver (recipere) les objets exceptés et non vendusf36. L'administration des paraphernaux était souvent confiée au mari avec un inventaire (libellus) et il devait le's rendre à la fin du mariage. Cependant une constitution de Théodose et Valentinien 137 constate le droit de la femme à les administrer elle-même sans immixtion du mari. F. BAUDRY.