Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DRACHMA

DRACHMA (Apairµri). Ce nom, qui dérive de iparvotout et signifiait originairement une poignée, probablement de grains ou d'autres menus objets de même genre', doit avoir désigné avant l'invention de la monnaie un poids constituant la centième partie de la mine. Après DRA 397 DRA que l'usage se fut établi de tailler d'une manière régulière et de marquer d'une empreinte qui en garantit le poids et le titre les lingots de métal destinés aux échanges, l'appellation de drachme fut attribuée chez tous les peuples helléniques à l'unité monétaire de l'argent. Les multiples et les divisions de la drachme s'échelonnaient de la manière suivante, d'après un système binaire et ternaire à la fois, sauf quelques exceptions de coupes irrégulières : 12 Dodécadrachme (coupe très rare). 10 Décadrachme (moins rare). 8 Octadrachme (excessivement rare en argent). 6 Hexadrachme (très rare). 4 Tétradrachme ou statère d'argent. 3 Tridrachme (coupe d'une extrême rareté, sauf sur un petit nombre de points du monde hellénique). 2 Didrachme. 1 Drachme. 2/,, Tétrobole. Triobole. /3 Diobole. '/,, Trihémiobole. Obole. Tritémorion (3/, d'obole ou hémitrihémiobole). '/12 Hémiobole. '/18 Trihémitartémorion (3/8 d'obole, fort rare). '/3, Tétartémorion ou tartémorion ('/4 d'obole). '/48 Hémitartémorion ('/8 d'obole, excessivement rare). Le système des monnaies n'était pas uniforme dans le monde antique. Il y avait, au contraire, une grande variété de tailles de l'unité monétaire, suivant les pays, les (poques et les cités. De plus, d'après un usage dont nous chercherons plus loin à pénétrer les causes, on fabriquait souvent, à la même époque et dans une seule,ville, des pièces appartenant à plusieurs systèmes différents. Enfin, nous possédons la preuve incontestable, dans la numismatique de certaines villes où la coupe monétaire est toujours restée la même, que dans le cours des siècles une même drachme ou unité n'est pas restée constamment à son taux normal et que les circonstances politiques, la rareté ou l'abondance des métaux précieux, en ont à de certains moments déterminé l'abaissement ou l'élévation. Il résulte de ces causes concordantes, jointes à l'absence presque complète d'indications exactes sur les monnaies chez les auteurs anciens, que, malgré les travaux de nombreux érudits sur la matière, il y a peu de questions d'archéologie plus obscures encore que celle des systèmes monétaires du monde hellénique, du nombre et du poids des diverses drachmes. Il ne saurait entrer dans le plan de cet ouvrage d'analyser toutes les opinions produites à ce sujet, ainsi que les conjectures émises sur l'origine probable de différents systèmes. Le lecteur qui voudrait approfondir cette étude devra recourir directement aux principaux ouvrages où elle a été examinée et dont on trouve l'indication dans la bibliographie de cet article. Nous nous bornerons à enregistrer ici les opinions qui nous semblent les plus probables et les faits que nous croyons les mieux assis. Nous prenons pour point de départ une observation due à M. Vasquez Queipo et dont il nous paraît impossible de contester la justesse et l'importance. C'est que si les unités monétaires ont beaucoup varié dans le monde grec, l'échelle de leurs multiples et de leurs divisions est toujours demeurée invariablement la même. En conséquence, on doit forcément admettre autant de systèmes et d'unités que l'on rencontre dans les monnaies antiques de séries de poids, incommensurables dans les rapports des parties aliquotes que nous avons énumérées. En partant de ce principe, dont la découverte constitue à nos yeux un très important progrès pour la science, nous admettons chez les Grecs et les peuples qui ont subi leur influence, en laissant de côté les Romains, sept systèmes monétaires différents, ayant pour bases autant de drachmes ou d'unités bien distinctes. 1° La plus ancienne dans la Grèce proprement dite, et en même temps la plus forte de toutes les drachmes, est celle que les anciens ont appelée éginétique, et que ['bidon avait choisie pour unité des monnaies qu'il faisait frapper dans file d'Égine (fig. 2553). Pollux fournit m. donnée en disant que la drachme, éginétique correspondait à 10 oboles attiques, ce qui ferait une pièce de 7x',100. Mais les nombreuses monnaies d'Égine, qui se rencontrent dans toutes les collec tions (fig. 2554-2555), rectifient ce témoignage en prouvant d'une manière incontestable que le poids de la drachme éginétique était de 5gr,970 à 6 grammes"; et ce fait est encore confirmé par l'existence d'un poids en plomb de la ville d'E gine, qui pèse 59gr,700, c'està-dire exactement un décadrachme '. Le système éginétique, bien que ce soit celui qui ait eu le moins de diffusion, ne demeura pas cependant restreint à son lieu d'origine. Il se répandit dans les villes de la Crète, de l'île d'Eubée et dans les colonies de ce pays en Sicile. Il s'implanta surtout en Thessalie où toutes les anciennes pièces appartiennent à ce système. La drachme éginétique paraît avoir été empruntée, en tant qu'en étant la centième partie, à un très ancien talent qui était en usage à Athènes, aussi bien qu'à Égine et en Thessalie, avant le temps de Solon, et qui, même après la réforme des monnaies attiques par ce grand législateur, continua à être usité comme valeur commerciale dans la cité de Minerve. Plutarque 6 dit, en effet, que la mine de ce talent de commerce valait 138 drachmes attiques ordinaires; ce qui fait pour la mine 586x',500, dont le centième est 5x',865. En même temps Priscien e évalue le même talent à 84 mines 4 onces, c'est-à-dire à 8,333'/, drachmes attiques, qui donnent 35kg,500, dont la six millième partie ou la drachme est de 5er,916 [TALFNTLM]. 2° Aussi ancienne en date, mais frappée d'abord en Asie, est la drachme que nous appellerons phénicienne, d'après le pays où elle a eu le plus d'extension. Son origine, comme monnaie, doit être cherchés en Lydie. Les pièces d'or frappées à Sardes par Crésus et ses prédécesseurs en fournissent le type primitif. Nous reproduisons ici unexemplaire appartenant au Cabinet de France, bien conservé (fig. 2556), avant pour type un lion couché, de travail tout à fait asiatique, il pèse 14,7,100; un autre, en moins bon état, au type du taureau cornupète, ne pèse que 13x0,990. Une pièce d'or primitive de Chios, au type du sphinx, également de la collection nationale française, pèse 14,1,020. Une autre monnaie, de très ancien style, d'attribution incertaine, et dont le type est une tortue , ne filA 398 INRA pèse que 31,x,500; maïs elle est d'une fort mauvaise conservation. L'une et l'autre appartiennent, par conséquent, a ce système monétaire. II en est de même des statères toué, à fait primitifs de Lampsaque, Abydos de Troade et Chios, publiés par Sestini7 et conservés au cabinet royal de Munich s, ainsi que d'un certain nombre de monnaies analogues existant dans les différentes collections de IEurope. La drachme de 3'e,500 ou 3g°,540 fut de bonne heure abandonnée en Asie Mineure, les Perses s'étant mis dés le règne de Cambyse à frapper en Lydie des monnaies d'un tout autre système, dont nous parlerons tout à l'heure, et les villes grecques ayant adapté une drachme de 3gt ,25, sur laquelle nous reviendrons également. Mais ia drachme de 3x'',540 se trouvait correspondre exactement à un poids admis parmi les populations de ia Phénicie et de la Palestine. et qui était le deux cent quarantième de la mine dont 50 formaient le kikkar ou grand talent hébréo-phénicien [TALEN'TUM]. Ce fut probablement pour ente raison qu'Argandès, satrape d'Égypte sous le règne de Darius, fils d'Hystaspe, reprit l'ancienne drachme des rois de Lydie comme unité des belles pièces d'argent de 28 grammes, 13x°,700 et 3",500, qu'il fit frapper à l'usage des cornmer+e ints phéniciens, ioniens et salien afflua lent a Memphis et à Naucratis e, monnaies dont le suces excita la ]a. ousie du grand roi et coûta la vie à Argaredés. ?Migre cette issue funeste de la tentative du satrape d'Égypte, il trouva des imitateurs parmi les dynastes des villes de Phénicie, vassaux des Achéménides fo, Mais ce fut surtout après Alexandre que le sy nétaire phénicien se développa. Les Lagides l'adoptèrent pour l'immense majorité des espèces qu'ils émettaient. Les Séleucides, qui se servaient du poids attique clans le reste de leur empire, employèrent le poids de 3x7 540 dans les tétradrachmes qu'ils firent monnayer dans les officines des villes phéniciennes. Tyr et Sidon prirent ce poids comme unité de leurs monnaies d'argent, et Carthage en fit également usage dans ses espèces. M. Vasquez Queipo" distingue de la drachme de 3x0,540 une autre drachme, fort voisine, de 3x1,720, lue nous ne considérons ", et M. Müller avec nous 3, que comme une drachme phénicienne dont le poids aurait été élevé de 2 décigrammes environ, par suite d'un abaissement de la valeur de l'argent, résultat de l'abondance de ce métal, ou par d'autres causes locales qui nous échappent. Cette unité' de 3°x,720 se rencontre dans un certain nombre de pièces d'argent de Cyzique, les tétradrachmes d'Aradus de Phénicie, les monnaies de Carthage, quelques pièces de villes de l'Asie Mineure, l'argent de Philippe de Macédoine, père d'Alexandre, etc. Quelque considérable que soit la valeur des arguments du savant métrologue espagnol, ils n'ont pas porté la conviction dans notre esprit. Les monnaies d'Aradus et df' Carthage fournissent trop clairement tous les degrés successifs de la progression entre le taux de 3g°,540 et celui de 3x',720, pour que nous considérions ces deux unités monétaires comme essentiellement différentes et que nous nous décidions à ne pas tenir, comme nous le faisions d'abord et comme le fait M. Müller, le poids de 3x',720 pour celui d'une drachme phénicienne forte, dépassant, par suite de raisons tenant au temps et au pays où elle a éi;é frappée, le taux normal et originaire. 3° En revanche, nous admettons pleinement la distinction d'une drachme de 3°',250, qui ne saurait être confondue" avec celle de 3x',540 M. Vasquez Queipo la nomme gréco-asiatique; M. Müller, comme nous, simplement asiatique, nom plus court el, également exact en prenant Asie dans son sens grec, c'est-a-dire comme désignant spécialement l'Asie Mineure. En effet, ce système, qui fut également adopte à Dyrrachium d'lllyrie, a été évidemment inventé dans l'Asie Mineure, où il a été pendant longtemps le plus répandu, aussi bien dans les villes autonomes que dans les monnaies frappées pour le compte des rois de Perse. M. Vasques Queipo '° a fort ingénieusement supposé que l'origine de la drachme asiatique devait venir d'une division de l'ancien talent babylonien de 325x,666 L0 [TALENTUM] en 100 mines, au lieu de 60 qu'y taillaient les Babyloniens, les Assyriens et les Perses [MINA], lesquelles 100 mines auraient fourni une drachme ou la centième partie de 380,2666, exactement identique au taux normal de la drachme asiatique, car on ne remarque que la différence imperceptible de Og',0l666, laquelle est loin d'atteindre le chiffre de la tolérance admise chez tous les peuples anciens pour les monnaies Les pièces d'argent de Rhodes et les cistophores des lles d'Asie Mineure sont taillées sur l'étalon de la drachme de 3,',250 [CtsTOinon!, DRACI1MA CuonlA]. M. masquez Queipo pour ces pièces a supposé un nouveau système, dans lequel on n'aurait divisé le talent babylonien qu'en 50 mines et dans lequel la drachme se serait trouvée double de celle du système asiatique, c'est-à-dire pesant 6x0,500. Mais M. Pinder dans son beau mémoire Sur les eistophares nous semble avoir établi de la manière la plus convaincante que les grandes pièces à la ciste étaient des tétradrachmes et non des didrachmes et que l'unité en était entre 3x0,200 et 3°°,250. Festus donne pleinement raison à cette manière de voir en disant : Talentum... rhodium et cistopharura quator millium et quingenforum denariorum. Ici de77arius désigne certainement le denier le plus ordinaire de la république, égal a la drachme attique. Or 4,500 drachmes attiques, au taux normal de 4x',260, font un poids de 1eg,!70, tandis qu'un talent ordinaire, ou de DRA 399 -DRA 6,000 drachmes, ayant pour base une unité de 31,11,200, se trouve être de 19k6,20O.I1 n'y a un écart que de 30 grammes sur plus de 19 kilogrammes. Bien souvent les auteurs anciens, dans leurs comparaisons de talents les uns avec les autres, sont loin de fournir des approximations aussi exactes LDRACDMA RIMD1 . Nous rayons donc de la liste des systèmes monétaires du monde hellénique la drachme rhodienne ou cistophore de M. Vasquez Queipo, et nous faisons rentrer les pièces qu'il attribuait a cc système dans celui de la drachme asiatique de 3r',250. 10 La mieux et la plus anciennement connu de toutes les unités monétaires usitées dans les d( mines de l'hellénisme, est la drachme appelée par les ancienset par les modernes après eux'', attique (fig. 2557-2558). Ce nuits n'est pas dû à ce qu'elle aurait été inventée à Athènes, car d'autres villes, telles que celles de la Cyrénaïque, sien servaient antérieurement, mais à ce qu'Athènes, ou cette drachme à dater de Solon fut usitée à l'exclusion de toute autre, fut avec Corinthe ta plus illustre et la plus florissante ville qui s'en servit, et à ce que ce fut l'esprit d'imitation des habitudes athéniennes qui la répandit dans tout le monde ancien, liarticulièrement àla suite d'Alexandre, qui, l'eyaut adoptée, en porta l'usage jusque dans la Bactriane et dans l'Inde (fig. 2560-2567). Le taux normal et théorique de l'unité monétaire du système atti que était de 4x',250. Comme toutes le autres drach quelques variations, descendit en certains endroits un peu audessous de son taux norma , et dans d'autres s'éleva jusqu'à 4x',320. Nous trouvons même dans les statères d'or de Cyzique une drachme qui ne pose qu'environ 4 grammes et cependant, malgré cet écart de0r',250, elle ne peut se rapporter qu'au type attique, Mais cet abaissement extraordinaire tenait à des circonstances exceptionnelles du rapport de l'or à l'argent, que nous avons étudiées dans un article spécial [cvziCEVi]. Nous traitons l'abaissementde la drachme attique d'extraordinaire dans les cyzicènes à cause de la date de ces pièces, car dans la décadence hellénique les tétradrachmes d'Athènes de la seconde série et les imitations les plus récentes des monnaies d'Alexandre nous la font voir tout aussi affaiblie. Le poids de la drachme attique avait été fixé sur la sixmillième partie du talent, très anciennement en usage dans la Grèce, que l'on appelait euboique et qui tirait probable_ ment noir Clr1l'ne de l'Asie, car Hérodote" dit qu'on s'en servait concurrein nient avec le talent babylonien pour calculer les tributs payés au grand roi. L'f dentité du talent attique et du talent euboique est, en effet, prouvée d'une useoit're certaine par la comparaison du langage de Polybe ie et de TiteLive " à propos de la con guerre exigée par les Romains d'Antiochus, roi de Syrie , le premier dit qu'elle fut de 15,000 talents euboïques et le second de 15,000 talents attiques. Le même fait résulte du passage d'Hérodote 5a où il dit que l'or, qui se taillait chez les Perses au poids attique, ainsi que les monuments nous le prouvent, était compté dams cet empire au moyen du. talent eubeïque. Enfin Appien" fournit. une dernière confirmation en rapportant que le talent euboique valait environ 7,000 drachmes d'Alexandrie, ou de 3e',540, DRA -400DRA et en effet, le talent attique équivaut exactement à 7,250 drachmes du système phénicien qu'employaient les Lagides. C'est donc avec pleine raison que M. Vasquez Queipo n a soutenu, contre l'autorité de Boeckh et d autres métrologues, que les noms d'euboïque et d'attique désignaient un même talent et que la drachme attique était originairement la six-millième partie du talent euboïque [TALENTOM]. 5° Dans un certain nombre des cités où le poids monétaire attique était en usage à l'exclusion de tout autre, comme à Corinthe, on avait fini par considérer le didrachme de 8x',40 comme la véritable unité monétaire, parce que c'était cette pièce qu'on avait l'habitude de frapper. M. Brandis qualifie de monnaies taillées sur le pied euboïque, par opposition au pied attique, les monnaies où ce didrachme de 8x',40 joue le rôle d'unité. A Corinthe on le qualifiait de statère [STATER CORINTInUS]. Oubliant son origine, on le considéra plus tard, à partir du temps de la guerre du Péloponèse, comme composé de trois parties, auxquelles on donna le nom de drachme, et ses divisions furent réglées sur cette donnée 2G. De là une drachme corinthienne" de 2x',91, exclusivement propre à Corinthe et aux villes qui copiaient servilement son monnayage (fig. 2559). Elle provenait de la coupe nouvelle qui transformait un ancien didrachme attique en tridrachme, sans changer son poids. 6° On connaît avec certitude depuis un certain temps 27 la drachme de 5x',440 à 5x',500 que les Perses appliquèrent à leurs monnaies d'argent marquées du type du sagittaire et qui se répandit dans un certain nombre de contrées grecques, grâce à l'influence de la monnaie persane, particulièrement en Épire, en Asie Mineure, en Crète et dans l'île de Cypre [DAmcus]. Nous avons attribue à cette drachme ie nom de babylonienne, car elle dérive certainement de l'ancien talent babylonien de 79 es/10e mines attiques 28 ou de 32kx,666 [TALENTUM], divisé en 60 mines de 100 drachmes chacune 29. Cette dénomination nous parait, par suite de l'origine de la monnaie qu'elle désigne, préférable à celle de drachme perse adoptée par MM. Vasquez Queipo et Müller, et nous nous considérons comme en droit de la maintenir. Au reste, cette unité monétaire, dans les pays où elle était en usage, s'appelait sicle et non drachme [sinus]. 7° Une sixième espèce d'unité ou de drachme, qui avait échappé jusqu'à présent aux investigations des métrologues, a été reconnue avec pleine certitude par M. Vasquez Queipo. Elle sert de fondement aux systèmes des monnaies de Rhoda et d'Emporium d'Espagne, à celui de la numismatique royale de la Macédoine avant Philippe et du monnayage des peuplades barbares indépendantes de la région thraco-macédonienne à la mème époque. On la rencontre également dans quelques émissions de Carthage, des villes de la Pamphylie et de la Pisidie dans l'Asie Mineure et de celles de la Crète. La drachme de ce système pèse environ 4x',880, et le didrachme 9x',760. Un beau poids d'un quart de mine d'Antioche de Carie, à l'inscription ANTIOXEION TETAPTON 30, pesant 122 grammes, révèle l'usage dans le commerce de l'Asie Mineure d'une mine de 488 grammes, composée par conséquent de cent de ces drachmes au taux de 4xr,88. L'origine de cette taille est asiatique, comme celle de 29 Vasquez Queipo, t. I, p. 292-304. 30 De I.ougpérier, Ann. de Und. areh., t.XV tl, p. 333; Vasquez Queipo, t. 1, p. 260 et 422. 31 Layard, Diseoueries in the la drachme de 5x',500, mais assyrienne au lieu d'être babylonienne. En effet, la petite mine assyrienne, révélée par les poids en forme d'oies découverts à Ninive par M. Layard, et égale à la moitié de la grande mine assyrienne révélée par les poids en forme de lions découverts par le même savant 31, pèse 49661,700, et donne par conséquent une centième partie, ou drachme, de 4x',967 32 Cette petite mine assyrienne, multipliée par 60, qui était le diviseur du talent à Ninive, comme l'a prouvé M. Hincks, produit avec une exactitude rigoureuse le second talent babylonien qu'Hérodote 33 dit avoir correspondu à 70 mines me boitilles ou attiques, c'est-à-dire avoir pesé 29kx,800. Cette provenance une fois constatée d'une manière certaine, on serait en droit d'appeler assyrienne la drachme d'environ 4x',880. Mais M. Vasquez Queipo 3'` a démontré que le poids de la petite mine assyrienne était originairement la soixantième partie de celui de la quantité d'eau contenue dans un pied cube de la mesure qui, passée de très bonne heure d'Asie en Grèce, y avait reçu le nom d'olympique. Cette observation ingénieuse nous conduit à donner, avec le savant métrologue espagnol, le nom de drachme olympique à la drachme de /0',880, puisque telle était chez les Hellènes l'appellation du système auquel elle se rattachait. La question de l'origine des plus anciennes tailles de drachmes de l'Asie Mineure et des contrées helléniques, dans ses rapports avec les systèmes pondéraux des anciennes civilisations de l'Asie et avec le rapport de la valeur de l'or et de l'argent, a été reprise après M. Vasquez Queipo par M. Brandis3' avec des recherches nouvelles et très originales, qui expliquent surtout très bien la relation existant entre le poids des espèces d'or et d'argent frappées en même temps dans la même cité de manière à établir entre elles une correspondance régulière de valeurs courantes. Ainsi que nous l'avons déjà dit, les espèces de drachmes, dont on constate l'existence dans le monde hellénique, n'étaient pas cantonnées chacune dans une région où l'on frappait les monnaies exclusivement d'après tel ou tel système. La multiplicité des tailles dans la même ville, et souvent à la même époque, est un fait incontestable pour quiconque a manié et pesé un grand nombre de médailles grecques. La majorité des pièces que frappaient les rois Lagides d'Egypte appartenaient au système de la drachme phénicienne de 3xr,540. Cependant on a d'eux des monnaies d'argent ayant pour unité la drachme asiatique de 3x',250, la drachme babylonienne de 5xr,500 et la drachme olympique de 4x' 8803G. Dans l'or ils employaient simultanément les poids phénicien, attique et babylonien 37. En Sicile, le système attique se montre dominant, et même avec un taux un peu plus fort qu'à Athènes, mais on rencontre aussi des exemples des systèmes éginétique et asiatique fort, dans les monnaies d'argent, et du système phénicien, dans celles d'or38. En Béotie, c'était le système éginétique qui dominait, mais on employait aussi quelquefois les poids attique et olympique ". En Epire, les trois systèmes attique, babylonien et asiatique étaient simultanément en usage L0. Dans les émissions monétaires de Carthage se trouvent des pièces taillées sur les poids asiatique fort, phénicien, babylonien et olympique" Queipo. tab. n . 33 Vasquez Queipo, tab. xvrn et sis. 39 Ibid. tab. sus'. DRA 401 DRA On pourrait encore multiplier les exemples'', mais ceux-ci suffisent pour justifier le fait que nous avançons et lui assurer une autorité absolue. Cette multiplicité des tailles dans un même lieu et un mème temps a fort embarrassé ceux des métrologues modernes qui ont traité la question des monnaies de l'antiquité. Ils y ont vu la source d'une confusion inextricable, à tel point que quelques-uns ont été jusqu'à contester à ce sujet l'évidence des faits, qui leur paraissait invraisemblable. Il y a cependant deux manières de l'expliquer, qui, toutes deux, trouvent leur application selon les pays. Ainsi on peut penser que, dans un grand nombre de villes, il n'existait qu'un seul système monétaire pour le commerce intérieur; c'était celui d'après lequel on frappait le plus grand nombre de pièces. Mais en même temps on battait monnaie, quoique plus rarement, dans le système des autres villes pour faire le commerce avec elles.Dans ce cas, une seule espèce de monnaie avait cours dans chaque ville. On évitait ainsi non seulement l'embarras de la diversité des tailles, mais encore celui de connaître le pair du change entre deux villes, puisque chacune d'elles n'aurait reçu que des monnaies de son système propre. Ou si parfois on admettait de la monnaie étrangère, elle n'avait cours que parmi les banquiers, comme cela arrive de nos jours. En même temps il est évident que, dans certains pays, les diverses unités monétaires employées à la même époque étaient calculées de manière à produire entre leurs multiples des rapports exacts. Ainsi, la série d'or des Lagides, où ont été simultanément frappés des multiples ou des divisions de la drachme phénicienne au taux de 35r,500, celle de la drachme attique au taux de 46',300 et de la drachme babylonienne au taux de 55',360, fournit, à celui qui l'étudie, un tableau harmonique dans lequel les rapports sont de la plus grande simplicité 43. 4 demi-statères attiques valaient 5 demi-statères phéniciens. 4 demi-statères babyloniens = 5 demi-statères attiques. 2 ~ 3 demi-statères phéniciens. 4 statères phéniciens = 5 demi-statères babyloniens. 8 5 statères babyloniens. 5 = 8 demi-statères attiques = 4 statères. 4 statères attiques = 5 demi-statères phéniciens. 8 5 statères phéniciens. 5 = 8 demi-statères babyloniens = 4 statères. 4 statères babyloniens = 5 statères attiques. 2 = 5 statères phéniciens. De cette manière, en comptant les demi-statères attiques 4 par 4, on obtenait facilement des comptes en correspondance avec les demi-statères phéniciens ; on obtenait un résultat aussi exact si on comptait les demi-statères babyloniens 4 par 4 pour les rapporter aux demi-statères attiques, 2 par 2 pour les rapporter aux demi-statères phéniciens. Il en était de même des statères babyloniens comparés aux statères attiques et phéniciens. Si l'on supputait les statères phéniciens 4 par 4 ou 8 par 8, on se retrouvait exactement avec le système babylonien ; si on les additionnait 5 par 5, avec le système attique. Quant aux statères attiques, en les comptant 4 par 4 ou 8 par 8, on obtenait une somme exacte en statères babyloniens. Le rapport était le même pour les multiples ou les divisions. Si l'on veut passer à la valeur de ces diverses monnaies en argent, en prenant pour base le rapport de 1 à 12 1/2 que Letronne" et M. Vasquez Queipo h5 ont démontré de la manière la plus convaincante avoir été celui qui régnait en Egypte au temps des Ptolémées, on trouve que les comptes se faisaient aussi d'une manière régulière et sans trop de difficulté, d'autant plus que pour l'argent il n'y avait qu'une seule monnaie en circulation et frappée clans les ateliers de l'empire des Lagides, la drachme plfénicienne de 3ce,500. lll. Il est à remarquer que toutes les fractions de ce tableau peuvent se payer exactement avec des divisions normales de la drachme, telles que nous en avons établi l'échelle au commencement du présent article. On voit que là où l'on avait eu soin, comme dans l'Égypte des Lagides, d'établir le taux des diverses unités monétaires, simultanément employées de manière à produire l'échelle d'un système harmonique régulier, la multiplicité des tailles, loin de produire la confusion et de porter obstacle à la facilité des transactions, rendait cette facilité encore plus grande en augmentant le nombre des divisions de la monnaie et en permettant de payer avec une seule pièce des sommes qui, autrement, auraient de 51 'i 2 hémistatère os '/j trité (,y létalité hecté '/R hémitétarté Vit hémihecté myshémitétarton '/2ti myshémihecton nom inconnu /sa nom inconnu DRA plusieurs monnaies de différentes valeurs. L'effet 'ni qui aurait été produit si, depuis la réforme de st 'Mme métrique et n éétaire, à côté des pièces de 20 50 centimes, de 1, 2 5, 10 et 20 francs, on avait continue à frapper nomme avant la Révolution des louis aie 24 livres, des demi-louis, des écus de 6 et 3 livres, des pièces de 30, 15 et 5 sols, monnaies basées sur un autre système monétaire, mais ayant des valeurs exactes de 25 et 75 centimes, 1f,3O, 3, 6, 12 et 24 francs dans le système qui a détrôné l'ancienne coupe duodécimale. Si les s s` 1t dent passées ainsi, entre ces pièces de valeurs dl, rses frappées en même temps, auxquelles tous auraient été habitués, la confusion ne se serait pas établie, quoi qu'on en dise. H aurait été seulement possible de payer avec une seule pièce la somme pour laquelle nous sommes obligés d'en donner quatre ou même plus; un double, louis par exemple aurait servi seul dans le cas où nous devons donner une pièce de 40 francs, une de 5, une de 2 et Une de 1 franc. En outre, la multiplicité des s inférieures au franc aurait permis de faire un moins fr uent usage de la monnaie d'appoint en cuivre; et e'~ ' it là ce que cherchaient avant tout les Grecs, chez lesquels, antérieurement à l'ère de l'influence romaine, Ibabiitude de la monnaie de bronze n'était que très imparfaitement entrée dans les moeurs. Au reste, les voyageurs qui ont quelque temps habité l'Orient savent avec quelle facilité, dans ces contrées où les espèces de toutes les parties du monde circulent à la fois comme monnaie courante, les gens même les plus ignorants du peuple se retrouvent dans une confusion monétaire bien plus grande que celle qui devait, résulter de la simultanéité d'emploi des six ou sept tailles usitées chez les anciens Grecs, confusion à laquelle ils sont habitués dès leur enfance. F. LENORMANT.