Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article DRACO

DRACO (Apâxorv). -Le nom de dragon n'est pas réservé dans l'antiquité gréco-romaine à l'animal fabuleux, au corps couvert d'écailles, lançant le feu par la bouche, DRACIIMAE STEPISANEPHORI. i Corp. iriser. gr. n° 123. -2 Staatshaushalt. -der Athe,,. 2e éd. t. II, p. 361. -3 Suid. tlarpocrat. et Phot. s. v. 73,s,ss i6?o. et 'Ariv 9orrzets, ; Pollux, VI f, 103; cf. Sturz, 1"i'agm. Henan. 2, éd. p. 60. DRA --404LDRA que se sont complu à décrire les légendes chrétiennes, et qui a pris dans l'art une forme spéciale. 11 a une acception plus étendue et s'applique à toute espèce de serpents. Bien que Servius désigne en particulier sous le nom de draco les serpents qui résidaient dans les temples et qu'on honorait d'un culte, sous le nom de serpens les reptiles qui vivent sur terre, et sous celui d'anguis les bêtes venimeuses vivant dans l'eau', nous avons lieu de croire, d'après les textes des auteurs, que ces différents mots étaient pris souvent pour synonymes. De même, chez les Grecs, les mots ôp«xow et lpiç ne sont pas attribués à des espèces distinctes. On peut seulement dire qu'en général les termes tpâxe,v et draco désignent des reptiles de forte taille, tandis que o?tç et serpens s'appliquent aux espèces plus petites qu'on peut classer par races sous les noms de f ~tç, âcalç, sérpatvoç, xepâaT11ç, vipera, aspis, coluber, hydre, enltydris, eerasti, sphondyie ', etc. En traitant du draco dans l'antiquité, nous serons donc amené à étudier le rôle qu'a eu le serpent en général dans les rites religieux et dans les moeurs domestiques des Grecs et des Romains. Origines orientales du culte du serpent. Il est nécessaire d'abord, sans entrer trop avant dans un sujet qui est exclu du cadre de notre recueil, de jeter un coup d'oeil sur les religions orientales qui ont précédé les cultes grecs. La comparaison permettra de mieux comprendre le double caractère qu'on entrevoit dans les croyances de l'âge classique : caractère nuisible et dangereux, caractère bienfaisant et protecteur. Chez les Égyptiens le dragon ou grand serpent de l'hémisphère inférieur, nommé Apophis ou Hâ-ber ou Sel, représente le principe du mal vaincu par Osiris ou par Horus ; il est amené, expirant et percé de glaives, près de la barque solaire, montée par les dieux triomphants Les méchants sont condamnés à ses morsures' ; c'est le « grand seigneur de crainte et de terreur », le plus terrible après les dieux de l'Occident. Les incantations contre Set, l'aspic malfaisant, au venin dangereux, sont fréquentes 6. Mais en même temps le serpent symbolise, sous un aspect plus inoffensif, des phénomènes naturels, comme le cours des astres', ou des parties de l'espace, comme l'orient et l'occident', ou l'éternité sous l'image classique et très ancienne du reptile qui se mord la queue (6 Ipéxwv oûpobépoç)e. L'uraeus figure, comme on sait, parmi les attributs essentiels de la royauté et il est souvent l'emblème de la divinité1e à ce titre on peut croire qu'il a parfois auprès du mort un rôle de protection bienfaisante ". En Chaldée, l'épopée cosmogonique, dont on a retrouvé les débris dans les tablettes de terre cuite du Musée Britannique, présente sur l'origine du mal dans le monde un récit fort analogue à celui de la Bible. La déesse Tianat, d'où est né le chaos, devient la source de la mort et du péché; elle revêt la forme d'un dragon monstrueux, à jambes de quadrupède, au corps couvert d'écailles et ailé. Elle est vaincue et précipitée dans les enfers par Bel-Mardouk, le serviteur d'Éa, personnification de l'intelligence suprême. C'est elle qui induit l'homme en tentation et le fait désobéir aux règles établies par Éa. On trouve aussi en Chaldée une seconde version dans laquelle l'Arbre de vie et le serpent jouent un rôle encore plus conforme au récit de la Genèse " Sur d'autres tablettes d'incantation les dieux mauvais et per vers apparaissent sous la forme de panthère, de chien et de serpent". Il n'est pas rare de voir les dieux Assy riens tenant dans leurs mains des serpents qu'ils étouffent, symbole de la victoire sur les animaux malfaisants". Mais en même temps on rend aux reptiles un culte religieux, comme à des puissances terribles qu'il faut ménager, ainsi qu'on le voit (fig. 2571) sur un basrelief de Sennachérib''. Par l'Assyrie et l'Égypte le culte du serpent avait pénétré chez les Hébreux et le fameux serpent d'airain, élevé dans le désert par Moïse comme talisman préservatif contre la morsure des reptiles, était devenu une véritable image d'idolâtrie que le roi Ezéchias fut obligé de faire détruire avec les autres idoles païennes". En Phénicie, l'influence des mythes assyriens est sensible dans le récit conservé par Phérécyde de Syros sur la théogonie syrienne, où le serpent occupe une place considérable. Parmi les premières races de dieux il compte les Ophionides, nés du dieu serpent Ophion, où l'on n'a pas de peine à reconnaître la Tianat des Chaldéens. Ophion, après une lutte contre Cronos, maître du ciel, est précipité dans l'Océan, fait qui symbolise le triomphe du bien sur le mal, de la lumière sur les ténèbres ". Là est l'origine de la gigantomachie des Grecs et de la nature anguipède des adversaires de Jupiter. Remarquons, en outre, que les légendes de Cadmos et de Jason, où le dragon joue un rôle important, sont d'origine phénicienne. On constate, d'autre part, une ressemblance frappante entre l'Esculape hellénique et l'un des Cabires phéniciens, Eschmoun'8 : le serpent leur est commun comme attribut, mais il est probable que pour les Phéniciens, de même que pour les Égyptiens, les Chaldéens et tous les peuples orientaux, le serpent figurait ici à titre de principe malfaisant, détruit par le Cabire guérisseur et bienfaisant 49. Il arrivait souvent aux Grecs de copier les images orientales sans les bien comprendre ; DRA 405 DRA ils ont prêté il leur Esculape le même attribut en lui donnant un caractère inoffensif et en faisant du reptile le compagnon favori du dieu20. De la même façon s'explique la représentation des Dioscures par le serpent enroulé autour de deux vases jumeaux"; car les Cabines phéniciens passaient pour avoir inventé l'art de la navigation" et, comme le dieu Bès, comme les Patèques grotesques que les matelots syriens mettaient à l'avant de leur proue, ils devaient agiter parfois des serpents dans leurs mains". Nous verrons plus loin que le culte du Baal-Milill, adoré sous forme de serpent, a été transporté au Pirée par les matelots phéniciens et qu'il y est devenu le Zeus Milichios, assis sur un trône sous lequel se dresse un serpent 2°. Le Zeus Sabazios, introduit d'Asie Mineure en Grèce, est également caractérisé par le ser pent à grosses joues, 7cape(«ç ôptç 25. En Perse, la religion de Zoroastre, fidèle aux traditions de la Chaldée, voit dans les reptiles des êtres d'essence impure et malfaisante, tandis que le magisme médique parait emprunter aux sources égyptiennes la conception plus haute ~1u serpent comme symbole solaire et lunaire 2i. Dans l'Inde, la lutte du dieu principe du bien, Indra ou Vishnou, contre le serpent, principe du mal, rappelle le mythe grec de Zeus et de Typhon. Pareille légende existe dans la religion scandinave ; mais le dieu Odin se change lui-même en serpent, comme Zeus, quand il veut créer Zagreus, et comme Thétis ou Protée, quand ils veulent échapper à leurs ennemis". Il est intéressant aussi de constater que dans l'Inde l'idée du serpent passant pour un génie domestique et bienfaisant a persisté jusqu'à nos jours et date sans doute d'une époque fort reculée 28 ; nous retrouverons cette dualité de nature dans l'étude du serpent grec, de même que son caractère d'être omniscient, possesseur des secrets cachés au sein de la terre 2°. En somme, par ce bref résumé des croyances orientales et indo-européennes, on voit que si le serpent a passé dès la plus haute antiquité au rang des êtres divins, il le doit surtout à la puissance pernicieuse de son venin : le culte qu'on lui rend a sa source dans des sentiments de crainte. Mais on entrevoit déjà la formation d'une idée qui lui prêtera une essence plus complexe, une sorte de caractère double, lui permettant de passer aussi pour un être inoffensif et même bienfaisant. C'est ce côté que les légendes grecques vont principalement mettre en lumière et c'est en quoi elles se séparent des mythes orientaux. Si l'on veut s'expliquer cette différence, n'est-il pas suffisant de rappeler que les espèces dangereuses, au venin rapidement mortel, les races gigantesques de reptiles, étaient nombreuses en Afrique et en Asie, tandis que les espèces inoffensives ou de petite taille étaient, au contraire, plus fréquentes en Grèce? GRÈCE. Le serpent envisagé comme symbole malfaisant. Les effets pernicieux de la morsure des serpents ont amené les Grecs, comme tous les autres peuples, à faire du reptile un animal impur et dangereux. Le mot même est pris fréquemment avec une acception injurieuse 30. Dragons et serpents sont comptés au nombre des fléaux dont les héros sont appelés à purger la terre 31. D'après une légende rapportée par Hésiode, au dire du poète Nicandre de Colophon, ils sont nés du sang des Titans révoltés contre Jupiter et foudroyés par lui". Nous n'avons pas de peine à reconnaître ici l'influence des mythes originaires de l'Asie centrale que nous avons rappelés précédemment. Aussi les reptiles servent-ils à caractériser la nature malfaisante des monstres que les Grecs avaient copiés plus ou moins fidèlement d'après les types orientaux : il suffira de rappeler les serpents noués autour du cou de Méduse ou entrelacés dans ses cheveux u, ceux que ses soeurs les Gorgones brandissent dans leurs mains 31, ceux qui s'enroulent autour du corps de Cerbère dans les représen tations les plus anciennes35, et la queue en forme d'aspic sifflant qui est donnée à la Chimère". Des combinaisons analogues prêtent un aspect terrible aux monstres tels Les divinités des enfers sont naturellement pourvues de cet attribut, qui sert, comme dans la religion égyptienne, à torturer ou à épouvanter les méchants. Ixion sur sa roue est en proie à Ieurs morsures 37 ; la déesse Némésis s'en arme 33, comme les Furies qui poursuivent Oreste ou qui règnent dans le sombre séjour des morts3° (fig. 2572). Les Olympiens eux-mêmes en t'ont volontiers les instruments de leur vengeance ou les exécuteurs de leurs décrets souverains : c'est ainsi que Junon, par jalousie contre Latone, déchaîne contre elle le serpent Python, tué par le jeune Apollon, et que, par jalousie contre Alcmène, amante involontaire de Jupiter, elle envoie deux serpents pour étouffer Hercule enfant 40. Minerve terrifie les qui s'en servent pour repousser leurs ennemis : telles sont les représentations de Bacchus combattant les Géants", du même dieu punissant les pirates", de Thétis repoussant Pélée qui cherche à l'enlever", et de la figure énigmatique qu'on voit dans la frise de Pergame sous les traits d'une femme lançant un vase rempli de serpents". La même idée a donné naissance à une décoration particulière des boucliers sur lesquels apparaissent des serpents enroulés ou dressés, la gueule ouverte, faisant mine de se jeter sur l'ennemi"1. Le même symbole guerrier figure parfois sur des trophées, des monuments de victoire, comme le trépied de Platées52. Au nombre des mêmes symboles il faut placer l'image si fréquente du serpent enlevé par un aigle ou par un autre oiseau, qui a le caractère de présage". Le serpent fascinant l'oiseau à un sens analogue : on sait que Calchas prédit aux Grecs les neuf années du siège de Troie en voyant huit passe DRA -m406-DRA Troyens et punit Laocoon d'avoir voulu déjouer la ruse des Grecs en faisant périr le père avec ses fils sous les morsures de deux dragons". Elle frappe de démence les tilles de Cécrops qui ont ouvert par curiosité la ciste contenant Érichthonios et qui sont poursuivies par les serpents du jeune dieu 42. Déméter agit de même avec les filles du roi d'Éleusis, Kéléos 43. Neptune, pour venger les Néréides de l'insolence de Cassiopée, suscite sur les rivages de l'Éthiopie un dragon marin auquel un oracle dévoue Andromède, sauvée plus tard par Persée ". La déesse Chrysé, gardienne de l'lle de Lemnos, cause la maladie de Philoctète, mordu par 1 le serpent qui vit au pied de son autel". La légende du fils de Lycurgue, Archémoros ou Opheltès, offre des détails analogues : pendant que sa gardienne Hypsipylé montre aux Grecs une source où ils veulent puiser l'eau, l'enfant est assailli et étouffé par un dragon " (fig. 2573). Le serpent devient même une arme rem°x doutable entre les veaux et leur mère dévorés successivement par un reptile enroulé autour du platane auprès duquel l'armée offrait un sacrifice''`. Ainsi s'explique aussi la présence du serpent auprès des personnages que menace une mort prochaine ou qui sont l'objet de la colère céleste, comme Polyphème, Amphiaraos, Hector, Polyxène, Pro méthée, etc. '5. Le serpent envisagé comme dieu abttochthone, gardien des lieux sacrés. Les mythes grecs, que nous venons de rappeler, sont tout entiers imbus de l'idée orientale qui fait du serpent un être malfaisant entre tous. On remarquera d'ailleurs que la plupart ont pour théâtre des régions éloignées de la Grèce et voisines du sol asiatique. Mais nous allons voir dans les croyances purement helléniques s'introduire une conception différente qui, développée peu à peu par les légendes locales, modifiera sensiblement le caractère pernicieux attribué au reptile et qui, poussée à ses dernières limites, aboutira à une transformation complète du serpent en divinité protectrice et bienfaisante. J'ai déjà indiqué, au début, que ce changement a pour cause, à mon sens, un fait très simple et de nature en quelque sorte zoologique ; c'est la différence des races de serpents qui a créé la différence des croyances en Asie, en Afrique et en Europe. Les Grecs ont été plus frappés de la nature mystérieuse et fuyante du reptile que de son caractère pernicieux et militant. Son allure rampante, son goût pour la solitude, son habitude d'élire domicile dans des creux de rochers, dans des crevasses profondes, l'ont fait passer à leurs yeux pour un être symbolisant les puissances secrètes que recèle le sein de la terre. Avant d'être un attribut aux mains des Olympiens, un accessoire enroulé autour du bâton d'Esculape ou du palmier d'Apollon, il a été un dieu de la religion naturaliste, il a fait partie du Panthéon terrestre que s'était créé l'imagination de l'lléllène primitif, il aparticipé de la nature mythique qu'on prêtait aux arbres, aux sources, aux fleuves et à la mer, il a eu sa place parmi ces premières divinités qu'est venue détrôner ensuite la souveraineté puissante des Olympiens, créée par le second âge de la religion grecque, l'anthropomorphisme. Ce qui le prouve, c'est qu'on trouve le culte du serpent intimement mêlé au culte des arbres, des sources, des emplacements consacrés dont les dragons se constituent les gardiens redoutables". S'ils entrent en lutte avec les mortels ou même avec les dieux, c'est qu'on les attaque, c'est qu'ils ont à défendre leur empire. Rien n'est plus instructif, à cet égard, que l'histoire du serpent Python et du combat qu'il soutient contre Apollon. L'installation du fils de Latone dans son nouveau sancl uaire de Delphes n'est pas autre chose que la dépossession de l'ancien dieu du naturalisme par le jeune DRA 4{1 -[IRA dieu triomphant de la religion anthropomorphique [voy. AroLiO, I, p. 311, uïrio]. La version qui fait de Python un instrument de la vengeance de Junon, jalouse de Latone, est, comme on l'a montré, de date plus récente. Un autre détail de la même légende a une importance plus grande encore pour montrer le respect dont était entouré le culte du serpent à l'âge primitif où se place la formation de ces légendes : c'est que le dieu, tout vainqueur qu'il est, est obligé de se soumettre à une expiation pour effacer la souillure de ce meurtre et qu'il se réfugie dans la vallée de Tempé pour s'y purifier; d'après quelques mythographes, ce serait même la cause de sa servitude chez Admète o7. Telle est, dans son antagonisme formel, l'opposition du serpent, fils de la Terre, et d'Apollon, fils de la lumière. Il est curieux de voir que par la suite les idées se modifient à ce point que le serpent figurera dans les représentations classiques du dieu comme un compagnon banal et tranquille, enroule à ses pieds ou autour du tronc d'arbre auquel il s'appuie, parfois même buvant dans une patère qu'il lui présente amicalement '6. La réconciliation s'est opérée entre les deux principes ennemis, grâce à la diffusion des idées sur le pouvoir bienfaisant du serpent. Dans les principaux mythes de l'âge héroïque en Grèce on trouve la trace de cette croyance aux serpents gardiens des lieux sacrés. Les légendes leur donnent alors l'aspect d'êtres fabuleux et redoutables, de taille gigantesque, au corps couvert d'écailles ou hérissé de plu sieurs gueules menaçantes. Les aventures d'Hercule le mettent naturellement aux prises avec des monstres de ce genre. L'hydre de Lerne n'est pas seulement le symbole des émanations pestilentielles et malfaisantes qui s'échappent des marais ; elle est considérée aussi comme la divinité d'un lieu redouté, vaincue par le héros qui représente la marche triomphante de la civilisation 69. Tel apparaît aussi le fameux dragon des Hespérides qui garde les pommes d'or de l'arbre merveilleux (fig. 2574) ; nous ferons remarquer que ce récit a son origine dans un mythe chaldéen ". La toison d'or de Colchide, enlevée par Jason et ses compagnons, est égaiement gardée par un dragon de forte taille qu'on voit enroulé autour de l'arbre auquel est suspendue la dépouille du bélier de Phrixas61. Dans l'aventure du phénicien cADxus le rôle du serpent protecteur des sources est encore mieux caractérisé : le héros, fondant la ville de Thèbes en Béotie, envoie chercher de l'eau pour les libations à une fontaine d'Arès; mais la source est gardée par un dragon énorme qui met en fuite les serviteurs de Cadmos. Celui-ci arrive en personne, engage la lutte avec le monstre et le tue '2. Ici se placent deux détails qui mettent en relief la nature sacrée et chthonienne du serpent. Sur le conseil de Minerve, Cadmos sème dans un champ labouré les dents du dragon mort. De cette semence naît une race de guerriers armés qui s'entretuent. Nous n'avons pas de peine à reconnaître dans cet épisode l'antique croyance de la Phénicie sur la race des Ophionides, mentionnée par Phérécyde de Syros, importée en Grèce et arrangée DRA 408 DRA à la mode hellénique 63. Suivant d'autres mythographes, c'est à Jason que cette épreuve est imposée par le roi de Colchide et il en sort vainqueur de la même manière, sur les conseils de l'enchanteresse Médée "'.. Le second épisode de la légende de Cadmos rappelle le dénoûment de la lutte entre Apollon et Python. Quoique vainqueur, le héros phénicien est obligé pour se purifier de subir une longue expiation : il se vend comme esclave pendant une période d'une année ou même de huit années, et après ce temps il devient roi de Thèbes60. Une aventure plus obscure de Jason le met encore aux prises avec le dragon qui commence par le dévorer tout entier et dont il ne parvient à sortir qu'avec l'aide de Minerve 66 (fig. 25'75), mythe qui a sans doute été créé par analogie avec l'épisode d'Hercule et d'Hésioné. Toutes ces légendes rendent très manifeste la haute antiquité du culte du serpent envisagé comme genius loci". La foi grecque n'a pas renoncé à cette croyance, même après la disparition des grands monstres dont les héros avaient purgé la terre. Une fois la réconciliation opérée entre les Olympiens et le serpent qui devient, comme nous le verrons, un de leurs attributs familiers, les religions locales conservent la trace de l'ancien naturalisme en plaçant auprès des autels, des citadelles, des sources et des fleuves, des génies bienfaisants et protecteurs qui apparaissent sous la forme de serpents. On sait que l'Acropole d'Athènes était gardée par le serpent familier de Minerve, qui disparut, au moment de l'invasion des Perses, quand l'oracle conseilla aux Athéniens de se réfugier sur leurs vaisseaux G8. Les monuments figurés, à partir du vr siècle, montrent à plusieurs reprises (fig. 2576) des reptiles conservant et protégeant les objets qui sont confiés à leur garde 69, ou même les animaux et les personnes qui près d'eux 70. Ainsi s'explique aussi que plusieurs villes grecques aient placé le serpent parmi les emblèmes gravés sur leurs monnaies 71. Pline rapporte une histoire qui est évidemment fondée sur le caractère protecteur des reptiles attachés aux Iieux où ils résident et dont ils se constituent les défenseurs : il dit qu'à Tirynthe on remarque une espèce de petits serpents qui sont inoffensifs pour les habitants du pays, mais dont la morsure est mor telle pour les étrangers; il rapporte la même particularité au sujet des serpents vivant sur les rives de l'Euphrate 7a. On trouvera de plus amples détails sur ce genre de croyances locales au mot GENIUS. Le serpent funéraire. Nous devons rattacher au même ordre d'idées le culte du serpent envisagé comme divinité funéraire. Il est par excellence le gardien des sépultures, comme des autres lieux consacrés, mais ce caractère se complique ici d'un symbolisme plus profond. Fils de la Terre, sorti des entrailles de cette mère féconde 73, ou né du sang de ses fils les Titans", il a des attaches intimes avec les puissances chthoniennes et infernales. Il n'est plus seulement un instrument de punition et de supplice, comme aux mains des Furies ; il participe au caractère auguste et grave des divinités des mystères et se fait leur ministre familier. Nous parlerons plus loin des nombreuses représentations où il figure aux côtés de Déméter hleusinienne. Dans l'antre de Trophonios l'initié s'avançait les mains pleines de gâteaux de miel qu'il jetait aux reptiles dont la caverne était remplie; dans ce lieu même un dragon passait Our rendre les oracles". Le caractère d'omniscience qui est donné par la légende biblique au serpent de la Genèse a sa source dans la religion chaldéo-assyrienne et on en retrouve les traces dans les croyances helléniques, comme chez toutes les nations indo-européennes76. On sait que la même faculté est attribuée par l'antiquité aux mânes des morts : ils séjournent au sein de la terre et peuvent révéler aux vivants les secrets du destin. Il n'est donc pas étonnant que, de bonne heure, le culte du serpent ait pris une forme analogue au culte des morts et que l'un soit devenu le symbole de l'autre. Il en résulte que l'étude du serpent funéraire forme un chapitre important du sujet qui nous occupe et comme un corollaire aux précédentes explications sur le rôle du serpent gardien des lieux sacrés. On a pensé que la faculté naturelle au reptile de changer de peau à certaines phases de son existence était devenue pour les anciens un symbole de résurrection, applicable aux croyances sur la mort et sur la vie future ". Il est possible que cette idée se soit mêlée au symbolisme funéraire des Grecs, mais elle est d'ordre secondaire, et la haute antiquité du cuite du serpent comme genius loci justifie à elle seule son accointance avec le culte des mânes qui a de tout temps existé en Grèce. L'âme enfermée dans le tombeau reparaît aux yeux des vivants sous forme de fantôme, d'Étu),ov, et aussi de serpent 78. De là le grand nombre de monuments où figure cet animal à côté du mort héroïsé et assis sur un trône 79, sous la table du banquet funèbres", sur le tumulus qui recouvre la sépulture "' (fig. 2577), ou enroulé autour d'un arbre qui abrite le héros cavalier", etc. Les dieux prenant la forme de serpents. La victoire de l'anthropomorphisme ll'aboutit pas du premier coup à une suppres sion totale des élémentsprimitifs qui constituaient la religion naturaliste. Dans Ho mère les deux types de divinités coexistent encore l'un à côté de l'autre; le poète en a tiré de merveilleux effets dans la peinture du Scamandre, moitié dieu et moitié fleuve, roulant ses ondes impétueuses à la poursuite d'Achille éperdu. Le vieillard Océan, mis en scène par Eschyle, pleure avec ses filles sa puissance perdue, et dans ses plaintes on sent encore le souvenir très vivace du culte des phénomènes naturels. Les Olympiens vainqueurs ne dédaignent pas de se servir des armes du parti vaincu. Ils dépouillent parfois leur nature surhumaine pour revêtir des formes terrestres et animales. Les nombreuses transformations de Jupiter en oiseau, en quadrupède, montrent que la scission n'est pas définitive entre l'élément anthropomorphique et le panthéon naturaliste. D'autres créations attestent encore mieux ce caractère : ce sont les êtres qui participent à la fois de la nature humaine et de la nature animale. Le serpent joue un rôle important dans ces compositions fantastiques. Au premier rang il faut placer les géants anguipèdes [dlGANTES], vaincus par Jupiter; les monuments qui les représentent avec leur double forme sont très nombreux83. Mais il est plus curieux de constater cette dualité chez les personnages mythiques qui se rattachent aux divinités olympiennes elles-mêmes. Le fils de Minerve, ERICHTUONIOS, revêt dans la légende attique trois aspects: enfant gardé par des serpents, enfant au corps terminé en serpent, enfin serpent tout entier ". céceors, le premier roi d'Athènes, est souvent représenté (fig. 2â78) sous les traits d'un homme anguipèdeH. Les métamorphoses de dieux en serpents sont fréquentes : JUPITER lui-même revêt cette forme pour s'unir à Proserpine"; THÉTIS, pour échapper aux étreintes de son ravisseur Pélée, use des Ill. mêmes artifices que les divinités naturalistes, telles que PROTEUS et AcnÉLOUS ; elle prend toutes sortes d'aspects terrifiants, entre autres celui d'un dragon furieux ". Le roi héros de Salamine, Kych reus, est changé en serpent et adoré par les Athéniens sous cette forme ". Le héros de l'Élide, Sosipolis, subit la même métamorphose". On sent sous ces légendes persister de vieilles traditions orientales , comme plus tard pour le Zeus mitientos du Pirée, qui n'est autre que Baal-Milik importé de Phénicie en Grèce et adoré sous forme de reptile"d (fig. 2h79). On voit que le culte du serpent survit pendant une longue période au changement apporté dans la religion grecque par le panthéon olympien. Ii retrouve, en quel que sorte, par intermittences, son antique autorité; il force les nouveaux dieux à reconnaître sa puissance sur les âmes humaines et à lui emprunter son crédit. Il y a là une série de légendes qui forment l'âge intermédiaire entre le règne du serpent considéré comme divinité indépendante et son état subalterne à l'époque classique, où il n'aura plus qu'un rôle d'accessoire et d'attribut symbolique. Le serpent comme attribut des divinités. Il est facile de voir que dans les représentations consacrées par l'art, à partir du ve siècle, le serpent n'est plus qu'un être inférieur, soumis aux divinités olympiennes ou même aux demi-dieux dont il consent à se faire le mi nistre familier et docile. Mais il ne s'attache pas à tous indifféremment et dans le choix qu'il fait de ses nouveaux maîtres on retrouve assez facilement quelque trace de son ancienne nature. Envers les uns il a des raisons de sympathie, attendu que ces divinités personnifient comme lui les forces mystérieuses et secrètes de la terre; avec les autres il montre un esprit de conciliation, car ce sont d'anciens ennemis qui l'ont vaincu et dont il accepte la domination. Les divinités des mystères ont droit tout d'abord à accueillir comme un attribut naturel l'ancien J DRA 41i) DRA dragon, gardien des secrets de la terre. Aux mains de la t.ripte nécATè il apparaît comme un instrument de punition, à côté du fouet, des torches et des epeeso. Déméter LeÉRÈsj le garde auprès d'elle sous un aspect plus inoffensif, enroulé auprès de son trône 92 ou autour de sa torche 92, ou familièrement posé sur ses genoux n, plus souvent encore attaché à son char" (fig. 2580) dont elle fait plus tard présent . hommes les bienfaits de l'agriculture 9". Ce dragon d'Éleusis n'était autre, d'après les mythographes, que le roi Kychreus, héros de Salamine dont nous avons mentionné plus haut l'histoire 97. Une aventure semblable unit le serpent à Athéné [Sfixl.BVA; ; nous avons dit qu'il représentait Érichthonios lui-même sorti du sein de Gê et recueilli par la déesse qui lui donne asile sous son bouclier, aprèsFind au-mède curiosité des filles de Cécrops 96. Une peinture de vase attique offre ((tg, 2:581) la représentation encore unique d'une 4fiaerve traînée sur un char attelé de deux serpents, sans doute par imitation du char de Déméter 9e. Le serpent aux pieds lié tenant une phiale doit indiquer en même temps son caractère de divinité guérisseuse, comme dans les figures d',Esculape et d'Hygie "D. Si BACCHUS l'admet au nombre de ses attributs5°1 et si les compagnes ordinaires de ses orgies sacrées, les Ménades, en font leur ornement et leur jouet favori', c'est évidemment une conséquence du caractère mystique de la religion dionysiaque, aussi bien que de ses origines orientales': ce n'est pas l'ivresse vulgaire et dangereuse du vin qu'il représente, mais le délire sacré des prêtresses secouées par la puissance prophétique du dieu, le mystère de la végétation et de la sève jaillissant des entrailles du sol, l'omniscience du grand dieu d Éleusis, époux de Coré. La ciste sacrée où sont renfermes les reptiles bacitiques confirme le caractère tout religieux de ce genre de représentation". Mieux que partout ailleurs le mile pacifique et bienfaisant du serpent est marqué dans les représentations du dieu guérisseur par excellence, Esculape ,AESCULSPïus[ et de sa fille induisit. On a remarqué que le reptile lui est attribué comme symbole de la divination et de la science médicale'0S La recherche des simples, l'emploi du suc des plantes et même des poisons dans les potions données aux malades ont contribué, en effet, à, placer près du père de la médecine l'animal qui passait pour connaître tous les secrets cachés au sein de la terre, fils de la terre lui-.même. Mais il faut tenir compte, en outre, de l'assimilation faite par les Grecs avec le Cabire phénicien Eschinouu, dont nous avons parlé plus haut1°6. Le serpent jouait certainement un rôle important dans 1f s scènes de guérison miraculeuse dont les Asklépieia étaient le théâtre et dont Aristophane a retracé les différents incidents avec une verve amusante : les serpents familiers du dieu, nourris dans le temple, rampaient la nuit autour du lit des suppliants et leur attouchement, au milieu des rêves excités par une imagination surchauffée, donnait aux malades l'illusion d'une véritable guérison apportée par le dieu lui-même f07. Les Romains, comme nous le verrons bientôt, attribuaient tant de pouvoir a ces serpents guérisseurs qu'ils envoyèrent une ambassade tout exprès pour en rapporter un d'Épidaure. Nous voilà bien loin des dragons monstrueux et farouches de l'âge mythologique : la transformation du reptile en un gerius bienfaisant devient de plus en plus sensible. Elle n'est pas moins typique dans les représentations classiques d'APOLLo. Le vainqueur de Python semble avoir oublié sa lutte contre le redoutable gardien de Delphes ; il vit paisiblement avec le serpent qu'il compte au nombre de ses attributs familiers108. On le lui dédie sous forme d'ex-voto dans son temple de Délos1°9. On le voit même buvant familièrement dans une patère que lui présente le dieu assis 10 ; mais Apollon est dans ce cas assimilé à un dieu guérisseur, congénère d'Esculape", Pour terminer la revue lies divinités qui admettent auprès d'elles le serpent comme symbole, nous citerons MARS i2, avec lequel il a de très anciennes attaches, ce dieu étant père du dragon de Thèbes mis à mort par Cadmos'", Hermès [MERCURIt'S], inventeur du caducée qui le fait surnommer ôatauy 5 AGA'rHODAEMON 115 dont la nature essentielles DRA. 441 --DRA ment pacifique atteste fortement le nouveau caractère prêté au serpent, les DIOSCURI, qui doivent cet attribut à leur assimilation avec les Cabires phéniciens l'e et à leur rôle de divinités funéraires'17. Parmi les personnages héroïques il faut citer Médée, qui, en qualité de magicienne, s'enfuit dans un char attelé de dragons, semblable à celui de Déméter it8. Comme on le voit, le cycle auquel appartient ce symbole de la primitive religion est assez restreint. Les représentations classiques ne le prêtent ni à Jupiter, ni à Junon, ni à Vénus°', ni à Éros, ni à Diane, ni à Vulcain, etc. C'est surtout aux divinités chthoniennes, aux puissances souveraines des enfers et des morts qu'il se rattache, mais avec un caractère tout particulier de protection bienfaisante que n'avaient pas connu les religions orientales. En même temps on voit que la puissance du dragon, en s'adoucissant, s'affaiblit : réconcilié avec les dieux et avec les hommes, il perd en honneur et en crédit ce qu'il a gagné en sympathie. On le relègue parmi les accessoires du panthéon grec, Nous allons voir que cette décadence s'accentue encore pendant la période romaine, au point de devenir un simple signe d'avertissement sur les murailles qu'on veut l'aire respecter. ÉrxCRIE. Les représentations du serpent dans les monuments étrusques n'indiquent pas un culte particulier du reptile ni des idées bien originales sur sa nature. Les Étrusques, en cetle circonstance comme en beaucoup d'autres, ont pris de toutes mains à l'art hellénique. Ce qu'on peut dire, c'est que le caractère naturellement sombre et tourmenté de leur religion leur inspirait quelque prédilection pour les images où le serpent joue un rôle d'épouvantail. Aussi voit-on souvent dans les mains de leurs génies fune bres (fig. `35'2) s'agiter des reptiles menaçants au-dessus de la tête des victimes vouées à. la mort 130; ailleurs, tranquillement enroulés sur les flancs du sarcophage ou sur les murs de la chambre sépulcrale qui contient le cercueil, ils semblent avoir pris possession du mort et veiller sur leur conquête 121 Pour le reste nous ne trouvons que des souvenirs plus ou moins fidèles de traditions grecques ; les figures sont même souvent copiées sur des modèles helléniques. Telles sont les représentations d'Apollon et Diane tuant à coups de flèches le serpent Python', les légendes d'Archémoros et de Cadmos', les Ménades brandissant des reptiles 12t. Une grande plaque en terre cuite peinte, conservée au Louvre, montre au pied de l'autel d'une déesse un serpent qui rampe 129 et qui rappelle visiblement ses congénères de Grèce, gardiens des temples et des lieux sacrés. Le dragon menaçant des ennemis et considéré comme présage de mort a sa place également sur les miroirs étrusques'. D'autres miroirs sont ornés de génies anguipèdes qui paraissent n'avoir qu'un but décoratif et qui sont empruntés aux Typhons, Nérées et Géants de la Grèce 127. Romp. Dans les monuments de l'époque romaine il faut distinguer ceux qui ne font que continuer la tradifion hellénique avec des formes copiées sur des types connus et ceux qui procèdent de croyances plus particulièrement indigènes. Des premiers nous dirons peu de chose, attendu qu'ils n'ajoutent rien de nouveau aux précédentes observations. Dans la plastique romaine nous retrouvons les êtres fabuleux, à moitié hommes et à moitié serpents, comme les géants anguipèdes 12e le char ailé de Déméter ou de Triptolème et celui de Médée72''. le serpent à côté de Minerve, d'Apollon ou de Bacchus et de son thiase 1 ". Auprès de ce dernier le symbole qui apparaît le plus souvent est la ciste sacrée, renfermant les serpents familiers nourris par les prêtresses du dieui3L Le même attribut est donné exceptionnellement à la triple Jlecate 133. Le serpent d'Esculape et d'Hygie est l'objet, comme nous l'avons dit, d'un culte tout particulier qui se développe surtout à partir du tue siècle avant notre ère, depuis l'ambassade envoyée tout exprès à Épidaure pour rapporter un des reptiles familiers du dieu guérisseur1t3. Différentes légendes s'étaient formées sur le séjour de l'animal sacré à Borne. Les serpents dits Epi dauréé pullulèrent au point que les habitants en furent incommodés 13'°. Aussi les images qui les représentent sont nombreuses sur les monnaies comme sur les reliefs de l'empire 130. A ce culte on rattache une incarnation nouvelle du dieu-serpent, qui est d'origine purement romaine. mais qui procède des plus anciennes traditions orientales et helléniques. Sous le règne d'Antonin le Pieux, un devin nommé Alexandre d.'Abonotichos proclama qu'Esculape s'était révélé à lui sous forme d'un dragon à tête humaine (fig. '215113) : GLYiGON était le nom de cette récente incarnation du dieu 130. Un assez grand nombre d'inscriptions et de monnaies attestent la prompte diffusion de ce nouveau culte jusqu'au règne de Gordien le Pieux 337 DRA ---412 -DRA Mais le serpent représentait très anciennement en Italie les génies protecteurs des lieux, des familles et des individus [GENIUS, JUN01. Il devient plus tard, comme en Grèce, un symbole de protection bienfaisante , donné pour attribut à BONA DEAf3B, au dieu champêtre et protecteur Cependant la crainte qu'inspire l'animal persiste par la force des faits et par les résultats pernicieux de ses morsures. Pline donne des recettes variées pour la guérison des plaies venimeuses'". On trouvera aussi de curieux renseignements en ce genre dans les fragments du poète Nicandre, auteur des Or1p(ax«1i2. A l'exemple des Grecs et des Étrusques, les Romains n'oublient pas de compter le reptile au nombre des attributs qu'ils donnent à leurs créations infernales, telles que le génie à tête de lion, Aion, au corps entouré d'un ;_~ serpent''é3 (fig. 2584) ; mais on _,v ia peut aussi penser qu'il a été formé `17va8e% à l'image des divinités égyptiennes et que, dans cette personnification de l'immortalité, le serpent symbolise seulement la durée, le cours du temps, sous une forme déjà employée par les artistes de la vallée du Nil. Le caractère redoutable et dangereux est plus marqué dans les re présentations de NÉMÉSIS avec le serpent'. Sa puissance fatidique, due aux relations qu'il avait avec le monde souterrain, n'est pas moins bien connue des Latins: il a dans l'art divinatoire [DIVINATio1 une valeur toute particulière pour les présages14J. Dans le culte mithriaque qui, originaire de Perse, est importé à Rome à l'époque de Pompée et prend une grande extension sous l'Empire, il figure régulièrement comme attribut aux côtés du taureau que sacrifie le dieu oriental [M MIRAS, TAUBOBOLIUM] et représente la puissance souterraine et chthonienne en contrasté avec le génie solaire'''s Ces monuments attestent que les antiques traditions relatives au serpent reins loci et gardien de la terre ne sont pas perdues, et nous en trouvons encore la preuve dans les représentations où le reptile apparaît s'enroulant autour d'un arbre sacré. On en voit un ici (fig. 2585) d'après une peinture de Pompéi, promené dans une procession''•'. La même idée explique, comme sur les monuments grecs analogues, la présence du serpent sur des cippes et reliefs funé raires de l'époque romaine 1`8 (fig. 2586). Enfin les esprits s'accoutument à y voir un animal domestique et trait quille, le symbole des génies tutélaires de la personne et du foyer. Dans les carrefours, les chapelles et les cuisines de Pompéi, les images des dieux Lares sont souvent accompagnées d'un ou de deux grands serpents 149 (fig. 2587). De degré en degré ils descen dent plus bas encore et un vers de Perse nous fait savoir que, pour protéger les murs extérieurs d'un édifice contre les souillures des passants, on peignait deux serpents indiquant que l'endroit devait être respec Pour compléter cet aperçu il n'est pas inutile de jeter un coup d'oeil sur le culte du serpent en dehors de Rome , dans les provinces d'Italie. A Lanuviurn, le serpent est honoré comme protecteur de la virginité 1c', idée qui se rattache aux croyances grecques sur le rôle de protection étendu par le serpent sur les personnes et sur les choses 1,0, Sur les bords du lac Fucin, les darses s'étaient acquis une grande réputation de magiciens par la façon dont ils savaient apprivoiser les serpents et jouer avec eux ; leur déesse ANGITIA passait pour leur avoir enseigné l'art de les rendre inoffensifs 133. Cet art était devenu d'ailleurs de notoriété publique sous l'Empire, car on sait DRA /413 DRA que Tibère faisait ses délices d'un reptile qu'il nourrissait lui-même et que dans le lit de Néron enfant on vit un serpent qui passa pour le génie protecteur du jeune prince 165. Les femmes, au temps de Martial, mettaient des serpents en collier autour de leur cou et prétendaient se rafraîchir ainsi à leur contact 1'1'. Ces usages tien nent en Italie, comme en Grèce , à la parfaite innocuité de certaines espèces, les plus répandues dans ces contrées 1'56, et confirment les explications que nous avons données plus haut sur la transformation du serpent, être pernicieux, en animal familier et bienfaisant : elle repose uniquement, à ce qu'il nous semble, sur des faits d'histoire naturelle. Dans l'ordre industriel on peut suivre la même marche. Quand les potiers décorent les vases primitifs de Rhodes ou d'Athènes d'un corps de serpent enroulé sur l'anse ou peint sur l'argile, on peut croire qu'à cette époque ils ont la pensée de reproduire un animal symbolique qui garde le breuvage contenu dans le vase ou qui représente le principe funéraire dans un objet destiné aux sépultures167. Les Phéniciens avaient déjà imaginé pour la décoration de leurs grands vases de métal des têtes de dragons dressées tout autour du rebord t3A. De même, sur nombre d'amulettes et d'ex-voto, cet ornement est dé à l'idée qui place une puissance prophylactique dans la figure de l'animal né du sein de la terre et confident de ses secrets, ou bien une vertu d'incantation et de magie fascinatrice t00. Mais rapidement le symbole religieux dégénère en motif décoratif ; sans perdre peut-être absolument toute sa valeur, il va en s'affaiblissant et en se transformant. Quand on fait des bagues et des bracelets, des broches ou des colliers en serpents f 60 [DRACOxTARIUMj, quand on en décore les incrustations de bois de lit f61, des casques 1Ga, des chapiteaux de colonnes 1f'', il y a lieu de croire que le sens prophylactique n'est pas absolument absent, car l'habitude des anciens est de mêler l'idée religieuse aux moindres détails de la vie familière et de se soustraire par toutes sortes de moyens aux mauvaises influences ambiantes : toutefois il faudrait se garder d'y attacher un symbolisme rigoureusement observé. La part qu'il faut faire au sentiment plus simple du décor et de l'ornementation est déjà considérable. A cet ordre d'idées il faut rattacher le nom de vase ' pâxuv, qui rappelle sans doute une sorte de rhyton décoré à la base d'une tête de serpent 1G'' et le dt•aco des Latins, qui est aussi un récipient pour l'eau 163 Pour l'enseigne militaire en usage dans les armées romaines nous renvoyons à l'article SIGNA nn LIT.4l2IA. Il nous reste à dire quelques mots sur les différentes formes que l'antiquité a prêtées aux serpents. En dehors des espèces de taille gigantesque et fies petites races dont nous avons parlé, les auteurs mentionnent des particularités monstrueuses, comme les serpents ailés, originaires d'Arabie, dont l'Égypte était infestée à certaines époques, au dire d'Hérodote 166. Cicéron et Pline en parlent également 107 ; ce dernier décrit aussi des reptiles à pieds palmés1G6. Ces variétés bizarres ont sans doute inspiré aux artistes les combinaisons d'êtres ailés au corps de serpent qui sont devenues le dragon classique. Le dragon marin, draco marinas, avec sa langue fulgurescente, ses crêtes ou cornes sur la tête10', prêtait également à des représentations oh l'imagination ajoutait aux observations fournies par la nature. Nous avons cite, à propos de l'épisode d'Andromède et Persée, le monstre appelé xiitioç110. Les représefttatious des dragons marins (fig. 2b88) sont nombreuses sur les vases et les reliefs qui figurent Persée et An dromède, Phrixos et Relié, ou les Néréides portant les armes d'Achille 171 ; ils figurent aussi jusqu'à la fin des temps antiques parmi les œuvres de bijouterie 152. Conclusion. Le culte du serpent a traversé, on le voit, bien des phases diverses. Tour à tour redoutable ou familier, honoré comme un dieu ou réduit au rôle d'attribut, souverain incontesté de vastes espaces ou amulette portative, il a été mêlé à la plupart des mythes religieux de l'antiquité, il a intrigué par ses allures rampantes et sa puissance occulte l'imagination de tous les peuples. 11 serait curieux de suivre son histoire dans le monde moderne et de montrer qu'il n'a lamais abdiqué r lu de ses droda. Matis une ttz-Gien ln s'accomplit ,., i christianisme : le rôle que lui p'eu'-nt leilin.,. , dans la Genèse, 1.a prophétie qui le rnont,re sous le pic-ï de la femme et vaincu +--corne le mi;clo du ruai, en font e tout jamais un u' -'e r .. ~t vil. Le serpent familier ô F eila.pe, le des dieux Lares e disparu à llm.ais. Des ir;i pion: 'payses crue ]iii transmet l'antiquité je christianisme ne retient qu'une chose : la puissance malfaisante et perfide du reptile, Une classe d'hérétiques, les Basiiidiens ou Ophites au ut siècle d notre, ère, tentent en vain de ressusciter son culte n le prenant, pour l'immolation du_ Christ lui rnetre'".. Les Pères de l'Église foudroient i' leurs anathèmes tes gnostiques, et l'un des fils ., tom ..Lant n, Constante Il, s, t'ait représenter sur ses mont. huila.nt us les pieds te sin cheval. avec la lesisu préparant ainsi les images os ciirt ige saint Michel "ha ri. s aux artistes de lattai La figure du serrent es pour toujours éparat ic l'ennemi du genre'utrnain, +e diable, qui, suivant le forte expression de saint Augustin, leu et (irae() est ï ire /n'opter im etcm, tir t a propler ïnsid as'' CON ARIUS. Celui qui e-n e l'enseigne appelée IàltACONTARIUi -Bandeau enroulé autour aïe la tête comme un serpent« ou comme un double serpent. Certains rolliers [Tonotnte offrent te modèle d'une semblable disposition'. E. S.