EMBAS. 'Et,.G ('n ou 6). Espèce de chaussure
employée chez les Grecs. Les embades sont de deux sortes, des chaussures d'usage journalier et des chaussures réservées à des acteurs de théâtre ; on conçoit, en principe, que la forme ne soit pas absolument la même dans les deux cas.
1. 'E;.tgdç est souvent un terme très général, comme le mot chaussure en français. Aristophane, par exemple, l'emploie fréquemment ainsi', et le plus souvent il est difficile de dire s'il fait allusion à des chaussures de forme spéciale ; ce sont dans tous les cas des souliers peu élégants, de qualité fort ordinaire, car ils sont portés par les pauvres 2, des souliers faits pour laisser les pieds à l'aise, car ils sont généralement attribués à des vieillards 3. Du reste, à côté de ces embades communes, on peut signaler des embades fort riches. Lucien dit que les chaussures d'un rhéteur doivent être « les embades de Sicyone, en beau feutre blanc"» ; nous connaissons aussi la description d'une « embas avec des retroussis tout brillants d'or ° », d'em
III.
bades de pourpre et d'or cl' embades brodées d'or', etc.
Quant à la forme, l'Etymologicum magnums nous fait. entendre que c'était là une chaussure dans laquelle on entrait le pied (rb Tot; i ds(voss Toû4 7.iisç) et non une simple semelle ou une sandale ; on l'attachait avec des lanières, ou des cordons, car un personnage de Alénandre disait : « En attachant mon embas droite, je cassai la courroie ° ». Nous avons vu de plus que les embades étaient ornées d'une sorte de revers, ou de retroussis, car on ne voit pas quel autre sens pourrait avoir le mot aTépu; qui marque ce détail1Ô. Il faut donc se représenter l'embas comme une botte lacée à revers; ce revers nous semble d'ailleurs tout à fait caractéristique de l'embas; c'est lui seul qui la distingue de l'ENDROMIS, chaussure qui pour tout le reste a avec elle la plus grande analogie, si bien qu'une confusion s'est faite dans les auteurs de basse époque entre les deux objets, sinon entre les deux ter
mes, et que, sur les monuments figurés, Diane par exemple porte indifféremment l'endromis ou l'embas 11.
Les renseignements qui précèdent permettent de reconnaître facilement les embades aux pieds des personnages figurés sur les monuments, et ces mo numents, à leur tour, nous apprennent plus d'un dé
tail intéressant sur la forme et l'ornementation des embades. Tantôt la chaussure, assez basse, est simplement lacée par devant comme un brodequin, avec un revers plat et tout uni (fig. 2646) 12; tantôt elle monte jusqu'au milieu du molleti3 (fig. 2647) ou plus haut encore (fig. 2649)" ; le lien est plus entrelacé, compliqué de noeuds, de tours qui encerclent la jambe (fig. 2648)"; le revers au lieu d'être uni, se découpe en pointes, en dents, en festons de nombre et de longueur variable, qui flottent tout autour, et souvent semblent faits d'une autre étoffe ou d'un autre cuir que le pied et la tige 16. Ces ornements sont parfois d'un très heureux effet et mon
trent que l'embas pouvait devenir une chaussure très élégante (fig. 2649)1''. Il est à noter (et on le voit dans cette
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E%ll 59) -EMB
f •lire; que les artistes qui sculptaient ou dessinaient des embr ,es fiéglitit,«iaient fréquemment de figurer les semelles.
Quelques monuments nous
montrent des formes de 1'em
bas que les textes ne laissent
pas soupçonner, Cette chaus
sure peut devenir une véri-.
table botte molle, sans lacet,,
CetIlme en portent par exeln
plei des cavaliers de la frise
des Panathénées (fig. 2650)",
On peut de même reconnaître
des embat-les aux pieds de deux
personnages. Tha.ltliybios et
Diomède, sur un cratère de \ Hiéron ( fig. 2P31) °; leu'" --s---_-°---chaussure est très basse,
s'arrêtant au-dessous du mol
let, le lacet y est réduit à un si de cardon, et il y a commis deux revers se recouvrant en partie l'un l'autre. La variante la plus importante, comme la plus curieuse, est celle de l'enduis qui laisse à découvert les doigts du pied, et qui est, comme on voit, un compromis entre la cuepmA et tel bas vulgaire. Cette chaussure est portée par Diane, dans une statuette de bronze trouvée à Ili •culanurn (fig 2G12) ; elle se retrouve aux
pieds du dieu Faunus d'un autre personnage que re
rance étrusque 22: on la Voit s'idr une peindm I 265.3) 23, sur des vases peints 24, etc. 't donc être d'un esa,ge assez répandu,
L'errtba5 était certainement d'origine étrangère. Hérodote, parlant d'un Babylonien, dit qu'il portai tdes souliers desonpa.ys. semblables aux embades béotienns'". Si le mot embus a ici un sens précis et n'est pas simple synonyme du mot général ûndàHja, il eût été plus juste, croyons-nous, de retourner la proposition. Pollux dit formellement que c'est une invention des Thraces Zan mais nous pensons plutôt à une provenance asiatique, d'abord parce que les chaussures lâches, enveloppant tout le pied., montantes, semblent les chaussures ordinaires, non des rois, mais des hommes du peuple et des guerriers assyriens et chaldéens 27, tandis que les Grecs avaient une préférence marquée, du moins à l'origine, pour le type des crépides, élégantes et légères, c'est-à-dire pour tes semelles tenues par un entrelacement de courroies. Mais la meilleure raison est que le dieu Dionysos, dont le caractère oriental est évident, nous est décrit deux fois comme chaussé d'embades de pourpre et d'or, et justement alors qu'il part pour l'Inde ou qu'il en revient2t. Il est alors naturel de voir des emballes dans les chaussures que porte souvent Dionysos dans les oeuvres de la sculpture ou les peintures de vases. Nous citerons par exemple une statue du musée Britannique5 , une statue du musée du Capitole '0 et le Dionysos Bassareus d'un vase de la collection de Luynes39. Par une analogie toute naturelle, ta chaussure du dieu. devait être souvent attribuée aux personnages de son cortège, le bain chant dont nous donnons ici l'image (fig. 2664) 82 nous semble porter de hauts brodequins lacés, ornés d'un revers dentelé, qui répondent assez exactement à l'idée que nous nous sommes faite des ernbades.
II. Une question délicate se pose au sujet des embades de théâtre. II est certain qu'une chaussure de ce nom servait à des acteurs, mais servait-elle aux acteurs tragiques ou aux acteurs comiques?
Fin sait que l'application du mot cothurne aux souliers tragiques est de date récente, peut-être d'invention romaine {COTHURNUS] avant de chausser des cothurnes, les acteurs portaient des chaussures appelées tantôt gâtirmi, tantôt igdéie6 ; les deux termes sont aussi souvent employés l'un que l'autre, et l'on serait tenté de les croire synonymes". Mats aux textes qui semblent établir cette synonymie on en oppose d'autres, oh il est dit formellement que les igbnaieç sont réservées aux acteurs tragiques et les i'ttédr«t aux acteurs comiques34, et d'autres encore où la distinction est faite dans le
I YWesener, 1835, p. 102 et s. 9. Pollux, IV. 18, 115: SCut -a éuo4ixvem sIlopvo, µ2v
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sens inverse"de sorte que les tl rrzt seraient les chaussures tragiques, et les ;u ôâc~, les chaussures comiques. On aura beau faire, croyons-noirs, on n'arrivera pas à effacer des contradictions qui sont dues d'abord à la similitude des deux termes (surtout à des t'as comme le génitif pluriel, igtézorv, cµnzèorv, et l'accusatif pluriel.,
4i.ôxéss), qui sont dues aussi, peut-être, à ce qu'il n'y avait pas une grande différence de forme entre l'Élrta; et l'égtté-cris, et que, lorsque l'on ne se piquait pas de langage rigoureusement précis, on employait indifféremment l'un ou l'autre mot. Quoi qu'il en soit, il nous est difficile de ne pas admettre que les emballes ont été portées par les acteurs tragiques, car ii est plus d'un texte où le mot, appliqué certainement à des acteurs tragiques, est précédé de l'article féminin ou d'une épithète au féminin36, et dans ce cas il est impossible de corriger en la forme correspondante du mot l''(tdair•q;, qui est masculin; auenne définition de lexicographe ne peut prévaloir contre cette remarque.
L'adoption de l'embus par les acteurs s'explique du reste tout naturellement par ce fait que Dionysos passait pour aimer cette chaussure; mais il y a des doutes sur la forme qu'elle pouvait avoir. Peut-être faut-il prendre au pied de la lettre ce que dit Pollux37, que les emballes ressemblent pour la forme à des cothurnes bas (xotâovotr ti27scsoiç). Les archéologues qui ont étudié les cothurnes ont noté que la hauteur des chaussures tragiques varie beaucoup dans les diverses représentations d'acteurs ou de Muses, et que sur la même scène un acteur peut avoir des semelles très épaisses, un autre des semelles moindres. C'est le cas sur une peinture; du mut, de Naples (fig. 2655)33. a On est amené à se de_
mander, dit à ce
s7. propos M. Pottier, quelle était la signification des cothurnes
moins élevés portés par certains acteurs. Il est assez naturel de croire que les acteurs d'or dre secondaire, serviteurs, messagers,paysans, se distinguaient ainsi des per
Fig. 2655, sonnages qui tenaient les rôles principaux 34.» Cela est juste, sans doute, mais nous irons phis loin_, et, avec Geppert 6°, nous admettrons que le cothurne était réservé aux personnages importants, de haute race, tandis que les igtéêst étaient portées par les messagers, les esclaves, et autres gens dm commun. Seulement, nous compléterons cette indication comme il suit : à l'origine, les chaussures portant le nom d'igtrils ou igté.eac avaient une semelle
assez, peu épaisse.; elles iessemblücut à cilles dont nous avons vu Dionysos chaussé; peu à peu on augmenta, l'épaisseur de ces semelles (on sait qr tu'e réforme de ce genre est attribuée à Eschyle), qui atteignirent a la fin des proportions exagérées et même ridicules: l'embus devint le cothurne. Mais, sous cette neuvclle forme, il ne fut donné qu'aux personnages principaux; pour les personnages secondaires, il garda ou. 3. peu près sa forme primitive. Du reste, la règle pouvait souffrir des exceptions; le cothurne à haute base de bois, tel que nous le montrent tant de représentations d'acteursne fut pas le seul en usage pour chausser les héros et les rois: voici par exemple (fig. '2656) un pied d'acteur que rien ne nous désigne
comme jouant un rôle
secondaire, qui porte une sorte de soulier lacé, à semelle basse", où il est difficile de ne pas reconnaitre une embus. La longueur des robes des acteurs empêche, par malheur,
que l'on voie les cathodes entières, et nous ne savons pas si elles montaient bien haut sous le mollet, ni si elles étaient, ausommet delatige, ornées de revers. P. Punis.