Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article EPHEBI

EPIIEBI ("E,pr,eot). Le mot Émz6oç, chez les Grecs, désignait deux choses : 1° l'état de l'adolescent parvenu à l'âge de puberté; 2° la condition civile d'une certaine classe de jeunes gens. Les auteurs anciens s'accordent, en général, à placer le développement de la puberté (eyl) aux environs de la quinzième année' ; mais il faut se garder de confondre cette éphébie naturelle, essentiellement variable, avec l'éphébie légale, qui commençait plus tard et qui durait un ternps déterminé. A Athènes, les jeunes gens n'étaient légalement éphèbes qu'à dix-huit ans, et ils cessaient de l'être à vingt'. Ils formaient, durant cette période, une catégorie spéciale de citoyens qui avait ses droits et ses devoirs et qui, placée sous le contrôle immédiat des pouvoirs publics, s'exerçait surtout au métier militaire. L'éphébie, en tant qu'institution d'État, jouait donc un rôle considérable dans la vie publique des Athéniens. Ils n'étaient pas les seuls à posséder une semblable organisation. Sur tous les points du monde grec, il existait des collèges d'éphèbes. Soit que l'éphébie fût dans les moeurs des Hellènes, soit que la célébrité de l'éphébie athénienne provoquât partout l'imitation, la plupart des cités grecques avaient leurs éphèbes, auxquels elles imposaient des exercices variés. Nous jetterons un regard rapide sur ces diverses éphébies, qui ne nous sont guère connues que par les inscriptions. Commençons par nous rendre compte du fonctionnement de l'éphébie attique. L'ÉPHÉBIE A ATHÈNES. Les textes sont rares sur l'éphébie athénienne. Le plus ancien qui la nomme en propres termes est un passage de l'Axiochos, ce dialogue platonicien dont l'auteur paraît être Eschine le Socratique 3. L'ouvrage d'Aristote Sur la Constitution d'Athènes, qu'un papyrus égyptien vient de nous rendre, contient sur les éphèbes tout un chapitre ; mais certaines indications chronologiques, fournies par ce traité, ne permettent pas, semble-t-il, d'en faire rernonter la rédaction actuelle au delà de 328 avant J.-C. 4. En revanche, les inscriptions relatives à l'éphébie sont nombreuses. Elles aussi, malheureusement, commencent assez bas dans l'histoire : la première en date ne nous linos tc,. e'xoas. Cf. Xen. Cyr. I, 2, 8; Xen. Ephes. 1, 2. II est d'ailleurs très difficile de savoir au juste quel moment de l'adolescence désigne le terme tprfo;, quand il n'est pas pris dans son sens légal. Le sens de ce terme a dû varier avec les écrivains et les époques. Ii en est de même des autres mots, très nombreux, dont les Grecs se servaient pour dénommer les différents âges. V. Miller, Mél. de lift. gr. p. 428; reporte qu'à l'année 333 ; le reste va s'échelonnant sur les six siècles qui suivent, depuis l'époque des premiers Ptolérnées jusqu'au règne de Philippe l'Arabe (nie siècle ap. J.-C.). Une question se pose, par conséquent, à qui veut étudier le mécanisme de l'éphébie chez les Athéniens, celle de savoir quelle en est l'origine, si elle existait au ve siècle et même auparavant, ou si elle est une invention du Ive siècle. La dernière opinion a trouvé des partisans. On a cru pouvoir s'appuyer sur différents témoignages pour soutenir qu'il n'y avait en Grèce, à la belle époque, aucun système public d'enseignement, et comme, sur les marbres, l'éphébie s'offre à nous sous l'aspect d'un enseignement public, qui assure aux jeunes gens l'éducation à la fois physique et intellectuelle, on en a conclu qu'elle n'existait pas au Ve siècle et qu'elle a pris naissance seulement au Ive, au moment où les inscriptions et les textes la nomment pour la première fois'. C'est là une erreur qui tient à la confusion de l'éducation et de l'éphébie. Il est exact de dire que l'éducation, à Athènes, était libre [aDUcATro]; enseignait qui voulait; l'État ne se mêlait ni du choix des professeurs ni de la nature des matières enseignées'; de sept à dix-huit ans, l'enfant apprenait ce qui lui plaisait ou ce qu'il plaisait à son père qu'on lui apprît. Tel était le caractère de l'éducation athénienne. Mais l'éphébie, en principe, n'avait avec l'éducation rien de commun. C'était un simple noviciat militaire, qui ne comportait que des devoirs militaires, sans études littéraires ni musicales d'aucune sorte. Le jeune homme, à dix-huit ans, devenait un soldat, que l'État se chargeait de dresser à la guerre, sans y ajouter l'obligation de cultiver son intelligence. Savoir défendre sa patrie par les armes et faire, en cela, oeuvre de citoyen, voilà tout ce qu'il exigeait de lui. Plus tard, nous voyons des exercices intellectuels mêlés aux exercices militaires des éphèbes. Mais ce mélange n'apparaît qu'à une époque assez basse, quand l'éphébie s'est sensiblement modifiée. Elle se confond alors avec l'éducation, dont elle est le couronnement naturel. Rien ne prouve qu'au début il en fût ainsi ; tout prouve, au contraire, qu'il en était autrement, d'abord la raison, ensuite les faits. Une éphébie mêlée de travaux intellectuels, faisant suite, par conséquent, à l'éducation, rendrait inconciliable le caractère obligatoire de ce stage avec la liberté de l'éducation qui le précédait; on concevrait mal un gouvernement prenant en main, à dix-huit ans, l'éducation de jeunes gens sur la culture desquels il n'a exercé, jusque-là, aucun contrôle. Si l'on admet, au contraire, une éphébie exclusivement militaire et n'ayant avec l'éducation aucun lien, tout devient clair : l'État les érudits modernes et même les grammairiens de l'antiquité, n'a rien d'obscur, si l'on admet qu'aux yeux de la loi, l'époque moyenne de l'éphébie naturelle était l'âge de 16 ans. 'Ev,S,,et; èfèee', qui marque chez les auteurs l'entrée dans l'éphébie Aesch. In Ctes. 122 ; [Demosth.), In Stephan. II, 20 et 24, etc.), signifiait donc qu'on avait dépassé de deux années cette époque, c'est-à-dire qu'on était âgé de 18 ans. V. d'ailleurs Bekk. Anecd. p. 255, 15. Cf. Dumont, Essai sur l'éphébie attique, 1, p. 22. chine. Bergk (Griech. Literaturgeseh. IV, p.471) serait tenté de le rapporter a Telès, ce qui obligerait à le placer beaucoup plus bas. Le décret des Athéniens en l'honneur d'Hippocrate (t. IX, p.400 et s. de l'éd. Littré), ois se trouve le mot Igg6.iuv, est apocryphe ; la rédaction en est certainement très postérieure au v. siècle. 4 P. xvn de l'Introduction de M. G. Kenyon. Je renvoie, pour cet ouvrage, à la 21 éd. publiée peu de jours après la première (Londres, 1891). Le chapitre sur les éphèbes est le dehors, toutefois, de la prescription très générale qui ordonnait aux pères de famille d'instruire leurs enfants dans la musique et la gymnastique (Plat. Crit. p. 50 D). EPH deux Charites Auxo et Hégemone, divinités des cars pagnes se rattachant aux plus anciennes croyances naturalistes, et que les Athéniens avaient adorées de tout temps 20. Ce serment remonte donc à une époque très reculée et ii. atteste une fois de plus l'antiquité de l'éphébie. Enfin, si l'on regarde en dehors d'Athènes, on constate que partout les jeunes gens d'un certain âge étaient enrégimentés sous la surveillance de i Ctav. Les Crétois leur imposaient le service militaire à dix-sept ans et les retenaient dans les ttyéÀns jusqu'à vingt-sept [AGEiÀ.A, EDLCATIOj ; les Spartiates les enrôlaient, à partir de sept ans, dans des compagnies analogues et, de vingt à trente, leur faisaient faire des patrouilles dans toute la Laconie [EDUCATro, KRVPTEIA]. U. allait de soi, dans les vieilles républiques, que le citoyen (levait savoir faire la guerre ; obligations civiles et obligations militaires ne faisaient qu'un, et comme il importait à la sécurité commune que chacun fit à méme de se battre é l'occasion, on comprend que l'État ne négligeàt rien pour répandre cette éducation guerrière et qu'il y astreignit tous ceux que leur condition pouvait appeler un. jour à défendre le sol national. Il serait étrange qu'Athènes eût échappé à cette loi. Elle n'y a point échappé ; elle a eu, elle aussi, de très bonne heure, son corps d'apprentis soldats. i.e rve siècle, qui est pour elle une période de transformations profondes, encore mal connues, a touché l'éphébie, comme presque toutes ses institutions ; l'éphébie y a pris, à un moment que nous tacherons de préciser, un nouveau caractère, qu'elle a gardé aux siècles suivants, Elle n'en était pas moins une partie essentielle de Pans (ne constitution : cela ressort, corme on le ,oit, des textes, du serment et de la comparaison avec l'étranger. Recrutement des éphèbes, datte de leur inscription, serment, etc, -C'est l'inscription sur le registre de l'état civil 'è's1 sau1txly ypau.gaieioV) qui marquait l'entrée dans l'ëpltébie. A dix-huit ans, le jeune Athénien était inscrit sur ce registre et par là méme il devenait éphèbe 24. Telle n'était pas, cependant, pour tous, la conséquence de i°inscription. L'éphébie, à la belle époque, n'étant autre chose que l'apprentissage du métier de soldat, il est clair que ceux-Ià seuls en faisaient partie de qui l'État, plus tard, devait exiger le service militaire. Or, il ne l'exigeait que des trois premières classes, les filètes restant en de hors de l'armée. Tous les jeunes gens étaient donc portés sur le registre : sans cette formalité, on ne pouvait prendre rang parmi les citoyens ; mais seuls étaient éphèbes les pentacosiolnéditrnes, les cavaliers et les zeugites, qui devaient un jour former l'armée nationale". On s'assurait, avant de les recevoir dans le collège, qu'ils remplissaient les conditions requises pour y figurer. Aristote, dans sa Constitution d'Athènes, riens fournit sur cette MI 622 n'enseignant que le métier des armes, rien ne s'oppose à ce qu'il ait fait de cet apprentissage une obligation, alors que les études très différentes qu'on faisait auparavant, étaient libres. On peut donc affirmer qu'il y avait, à l'origine, entre l'éphébie et l'éducation, une différence profonde ; c'est cette différence qui permet de croire que l'éphebïe était très ancienne et qu'il faut sans doute en reporter le début au commencement du ve siècle, peutétre plus haut'. Ce raisonnement trouv e sa confirmation dans les textes. Rien que le mot H'f1àioç ne se rencontre pas chez les écrivains du ve siècle .e, il leur arrive de parler des éphèbes, de `aire allusion à ce corps de jeunes citoyens à qui i'État prenait soin denseigner leurs devoirs militaires et auxquels il confiait particulièrement la défense du territoire. Ce n'est pas, comme on l'a cru', pour le plaisir de faire une antithèse que Thucydide oppose, à deux reprises, en détaillant les forces atheniennes u, oe v:.ôita niE 'apsaËuTarot. La deuxième expression désigne une catégorie de soldats très précise : ce sont les citoyens de cinquante à soixante ans, qui ne sortaient, pas, en get eral, de l'Attique et qui gardaient, en temps de guerre, les fortifications d'Athènes et celles du Pirée", La première, elle aussi, doit donc avoir un sens technique : elle désigne, et Thucydide le laisse clairement entendre, les jeunes gens chargés de garder les postes fortifiés (eo4t«), ce qui fut toujours la principale fonction de l'éphébie. Aristophane nomme les éphèbes et se sert, pour les nommer, du même terme de Thucydide, veô>rsrot' 2. C'est à eux qu'il attribue le brillant fait d'armes de Solygia (425 av. J.-C.), où leur cavalerie e assuré la victoire aux Athéniens73, On pourrait invoquer d'autres témoignages pour prouver que l'éphébie existait au va siècle, mais ils sont sujets à contestation '-°. Ceux que nous venons de citer ne sauraient soulever raisonnablement aucune objection. Il en est encore un qu'on peut leur adjoindre et qui a une grande valeur. On connaît la formule du serment éphébique, telle que nous l'ont transmise Pollux et Stobée t°, Cette formule a un air d'antiquité incontestable ; sa simplicité méme et la morale civique qui s'en dégage indiquent qu'il faut la rapporter aux beaux temps d'Athènes. Elle se présente à nous comme un de ces débris de l'ancienne législation dont les orateurs du 1v` siècle aiment à rappeler le souvenir et sur lesquels ils brodent de patriotiques déclamations 96. Remarquez, de plus, par quoi elle se termine., par une invocation aux plus vieilles divinités de l'Attique. Aglaure, fille de Cécrops, était à Athènes l'objet d'un culte fort ancien", On en peut dire autant d'Ényalios Arès, qu'un antique usage voulait qu'on invoquât en marchant à l'ennemi'', de Thalle une des Heures", des enquête, appelée coxtuxcla23, des renseignements nouveaux, du plus haut intérêt. Voici comment on procédait. Dans chaque dème, les démotes se réunissaient et, après avoir prêté serment, examinaient les jeunes gens qui leur étaient présentés. Leur examen portait sur deux points : 1° sur l'âge des adolescents ; 2° sur leur condition civile. Le candidat convaincu de n'avoir pas l'âge légal était renvoyé dans la classe des enfants (1tzZaeç). Y avaitil doute sur sa condition civile, les démotes contestaientils qu'il fût de sanglibre (ixséoepoç) et né selon les lois, c'està-dire né de parents citoyens 'i «µ orépnv «e2wv), le litige était soumis à une cour d'héliastes, auprès de laquelle ils nommaient cinq d'entre eux pour soutenir l'accusation. Si le tribunal leur donnait raison, l'accusé pouvait être vendu comme esclave au profit de l'État; dans le cas contraire, il était inscrit d'office sur le registre du dème 2b. Cette première opération était suivie d'une autre. Les jeunes gens proposés par les démotes pour être éphèbes comparaissaient devant le Conseil, qui leur faisait subir une seconde èoxç acin. Elle portait probablement sur les mêmes points que la première, mais Aristote ne parle que de l'examen de l'âge; il nous apprend, à ce sujet, que, quand un jeune homme était reconnu n'avoir pas dix-huit ans, le conseil infligeait une amende aux gens de son dème qui l'avaient frauduleusement inscrit. Sans doute, leur décision était cassée, et le candidat ajourné à l'année suivante 2s Il y a lieu de se demander si, pendant les huit ou neuf siècles que dura l'éphébie, elle garda ce caractère obligatoire qu'on lui voit à l'origine, obligatoire, du moins, pour les trois classes qui y étaient soumises. Bien que divers savants 2° aient admis cette obligation, il ne paraît pas aujourd'hui qu'on puisse la soutenir. Au Ive et au me siècle, en effet, les catalogues éphébiques accusent, dans le nombre des éphèbes, une décroissance significative. Le plus ancien que nous connaissions permet d'évaluer à mille jeunes gens environ le contingent éphébique d'une seule année (334-3) 27. Un marbre de date postérieure (305-4) nous montre deux tribus, l'Érechthéis et l'Acamantis, dont les listes, il est vrai, sont incomplètes, ne fournissant, à elles deux, que trente-quatre éphèbes 2H. Sur un troisième, plus récent encore (282 ou 281), les douze tribus ne sont représentées que par trente-trois éphèbes n. Quelques années plus tard, en 276, ces mêmes tribus n'arrivent qu'au chiffre de vingt-neuf éphèbes3o. Plus tard encore, ce chiffre tombe à vingttrois 3'. Ce sont là des écarts trop considérables pour qu'on puisse les attribuer à de grands changements survenus dans la population de l'Attique. Il est plus simple de supposer que, si l'éphébie est désertée à ce point, c'est qu'elle a cessé d'être obligatoire, et que, désormais, elle ne le sera plus. Deux faits, semble-t-il, confirment cette hypothèse : l'admission des étrangers dans le collège; la nature des études éphébiques. Les étrangers n'apparaissent qu'assez tard sur les catalogues : le premier qui les mentionne est de la fin du IIe siècle avant notre ère32. Leur nombre est restreint; il va croissant sur les catalogues postérieurs; à l'époque des Antonins, il atteint presque le double du chiffre des éphèbes athéniens". Cette présence dans l'éphébie de jeunes étrangers, qui partagent les exercices des éphèbes et prennent part à la célébration des mêmes fêtes, est incompatible avec l'idée que nous devons nous faire d'une armée civique, exclusivement composée des citoyens du même pays. Si l'éphébie admet des étrangers, c'est qu'elle a changé de caractère, c'est qu'elle n'est plus un stage militaire destiné à, assurer le recrutement de l'armée nationale et réservé, par cela même, aux seuls Athéniens. Quant aux études qu'on faisait dans l'éphébie, elles s'offrent à nous, surtout à partir du ne siècle avant .1.-C., comme des études de luxe, inabordables au grand nombre. Elles consistent en leçons régulièrement suivies par les éphèbes et professées par des grammairiens, par des rhéteurs, par des philosophes en renoms'`. La gymnastique éphébique elle-même, les exercices variés auxquels se livrent les jeunes gens, supposent des loisirs qui ne sont pas à la portée de tous. Perte de temps, frais dispendieux 3a d'une éducation littéraire compliquée, prouvent que l'éphébie forme, dans la cité, un groupe àpart, dont l'État ne peut exiger que tout le monde soit. Il faut noter, en outre, que le stage éphébique ne dure plus qu'une année : si mutilée que soit l'inscription de 305-4, on y démêle déjà que les éphèbes ne restent plus qu'un an dans le collège 36. Les catalogues qui suivent sont tous datés par le nom d'un seul archonte et prouvent que, pour les derniers siècles du paganisme et jusqu'au Ille siècle de notre ère, c'est-à-dire jusqu'à la fin de l'institution, le stage d'une année est la règle. Entre le Ive et le 111e siècle avant J.-C., l'éphébie a donc subi une modification profonde, dont il est plus aisé de deviner les causes que de fixer la date précise. Deux causes surtout durent la produire : l'affaiblissement de l'esprit militaire et le progrès de la culture intellectuelle. L'esprit militaire avait reçu des désastres de la guerre du Péloponnèse un coup dont il ne devait pas se relever, Pauvres et riches avaient été trop maltraités par cette guerre pour ne point détester le métier de soldat. Les uns et les autres avaient â refaire leur fortune, à réparer les pertes causées par l'invasion. On comprend que, pour beaucoup, la nécessité de se tenir prêts, pendant deux ans, à répondre à l'appel des chefs de l'éphébie fût une lourde charge, que l'obligation de séjourner dans les forts et de négliger, pendant ce temps, leurs intérêts aux champs ou à la ville, les détournât de plus en plus du stage éphébique et leur en fît souhaiter l'exemption. D'autre part, le progrès de la culture intellectuelle avait naturellement amené une sorte de scission entre les jeunes gens riches et les jeunes gens de condition plus modeste. Déjà, au ve siècle, ce sont les premiers qui forment l'auditoire habituel des sophistes 37, parce que les leçons de ces maîtres coûtent cher et qu'il faut, pour les suivre, de l'argent et du temps. Au Ive siècle, c'est encore EPII 624 EPH la jeunesse aristocratique qui se groupe autour des philosophes et des rhéteurs; ce sont les éphèbes riches qui se font les disciples d'Isocrate et de ses rivaux 3s. De plus en plus, il devient de mode dans l'éphébie d'apprendre l'éloquence, et comme cette étude n'est accessible qu'a une élite, il en résulte, entre les éphèbes, une inégalité funeste à l'institution. Cette inégalité, jointe au dégoût des choses de la guerre, précipita sans aucun doute la décadence de l'éphébie. Selon toute probabilité, on imagina d'abord, pour l'alléger, d'en réduire la durée à un an ; bientôt, on décida qu'elle ne serait plus obligatoire. C'est à la fin du Ive siècle qu'il convient de placer ce double changement, entre la guerre Lamiaque, ce suprême et malheureux effort du patriotisme athénien, et l'année 305, où l'on a vu que l'éphébie ne durait déjà qu'un an et où le petit nombre des éphèbes semble attester qu'elle n'était plus imposée à tous. Elle devient alors une réunion aristocratique qui, tout en se souvenant de son origine militaire, admet toute sorte d'études. La philosophie et l'éloquence, jusque-là librement cultivées par les éphèbes, figurent officiellement dans le programme éphébique. Rien, en effet, n'empêche plus de charger ce programme autant qu'on veut. Quand l'éphébie n'était qu'un stage militaire par lequel devait passer toute une catégorie de jeunes gens, il fallait que les exercices fussent accessibles à tous ; du jour oit elle devint une association de jeunes gens riches, rien ne s'opposa à ce que les études y prissent un autre tour et fussent appropriées aux goûts et aux moyens de la clientèle choisie qui la fréquentait. De là, sur les marbres de basse époque, la mention de ces leçons de philosophie et de rhétorique auxquelles assistent les éphèbes sous l'oeil de leur cosmète 30. L'institution s'est complètement transformée et ne garde plus de sa période d'éclat qu'un lointain souvenir40. Le moment de l'année où les éphèbes entraient dans le collège a embarrassé les archéologues 41. Ils y entraient, selon toute apparence, à la fin de l'année civile, après dix-huit ans accomplis fie. Au ve et au iv-e siècle, l'inscription dans l'éphébie se confondait avec l'inscription sur le registre du dème ; par cela même qu'un jeune homme était porté sur le X-dicipytxèv 7p.) gxrsiov, il devenait de plein droit éphèbe, à la condition d'appartenir aux classes parmi lesquelles se recrutait l'éphébie. La for donne le plus ancien marbre éphébique connu 43, désigne donc à la fois l'entrée dans la vie civile et l'entrée dans l'éphébie 44. On ne dressait pas, dans les dèmes, un catalogue distinct des éphèbes ail moment de leur enrôlement, et l'expression iyypéLeaO«t elç 4-p;Ccuç, qu'emploient parfois les auteurs du Ive siècle45, est un simple abus de langage 46. Plus tard, à partir du fer siècle avant notre ère, on trouve sur les marbres la mention d'une inscription spéciale dans les rangs de l'éphébie, désignée par le terme i' ypacpui u. C'est que l'inscription sur le registre du dème n'a plus, pour les éphèbes, la même importance qu'autrefois. L'éphébie n'étant plus obligatoire, on n'est plus tenu d'y entrer à l'âge de la majorité légale ; on y entre avant ou après dix-huit ans. C'est ce qu'atteste la présence, sur les catalogues, de jeunes gens portant le même patronymique et qui sont évidemment des frères". Si ces frères, qu'on ne peut supposer toujours jumeaux, figurent ensemble sur les mêmes listes, c'est que l'inscription sur le ari,tupxtxôv'fpuup.ctrs ov ne donne plus nécessairement accès dans l'éphébie ; la qualité d'éphèbe et la qualité de citoyen ne sont plus inséparables. De là, au seuil de l'éphébie, une inscription nouvelle. L'admission des jeunes gens dans le collège était suivie du serment". Ils le prêtaient, à l'origine, dans le sanctuaire d'Aglaure, sur le versant septentrional de l'Acropole J0, en recevant les armes dont ils devaient apprendre à se servir. C'est à cette cérémonie que semble faire allusion un vase peint du musée de l'Ermitage (fig. 2677), où l'on voit un vieillard tendant la main, par-dessus un autel, à un jeune homme déjà muni du bouclier et de la lance, et près duquel se tient une Niké portant le casque destiné à compléter son armement 3'. Le vieillard figuré dans cette peinture représente probablement le Conseil des Cinq-Cents, et nous aurions ici la preuve que le serment éphébique était prêté en présence de cette assemblée 52. En voici la formule, telle que la reproduisent, à quelques variantes' près, Pollux et Stobée 53 : a Je ne déshonorerai pas ces armes sacrées : je n'abandonnerai pas mon compagnon dans la bataille; je combattrai pour mes dieux et pour mon foyer, seul ou avec d'autres ; je ne laisserai pas la patrie diminuée, mais je la laisserai plus grande et plus forte que je ne l'aurai reçue; j'obéirai aux ordres que la prudence des magistrats saura me donner; je serai soumis aux lois en vigueur et à celles que le peuple fera d'un commun accord; si quelqu'un veut renverser ces lois ou leur désobéir, je ne le souffrirai pas, mais je combattrai pour elles, ou seul ou avec tous; je respecterai les cultes de mes pères. Je prends à témoin Aglaure, Ényalios Arès, Zeus, Thallo, Auxo, Hégémoné. » Peut-être cette formule varia-t-elle suivant les époques. Le scoliaste de Démosthène dit que les éphèbes juraient « de combattre jusqu'à la mort pour la terre qui les avait nourris n ». D'après Plutarque, ils auraient fait serment de ne reconnaître de bornes à l'Attique qu'au delà des blés, des orges, des vignes et des oliviers 55. Quels que fussent les termes précis de cet engagement, on voit quel en était l'esprit : il liait les éphèbes à la défense du soi et des institutions de la patrie. Chose curieuse, les marbres n'y font pas allusion. Nous savons cependant qu'il continua d'être en usage pendant toute la durée de l'éphébie : Philostrate le signale, au commencement du lne siècle de notre ère, comme une coutume qui dure encore 56. A. partir du 1m siècle avant J.-C., nous voyons l'entrée dans l'éphébie signalée par des sacrifices et des prières. La solennité du serment a-t-elle encore lieu dans le temple d'Aglaure? Nous ne saurions le dire; toujours est-il que c'est au prytanée que les éphèbes, à l'occasion des i' ypaxal, offrent un sacrifice public sur « l'autel commun du peuple », en présence de leur cosmète, du prêtre du Peuple et des Charites, et des exégètes. Ce sacrifice, prescrit par les lois éphébiques, est désigné dans les inscriptions par le mot EiatT91Ts pta 67. Le cosmète ne se contente pas d'y assister : il s'y associe en sacrifiant, lui aussi, mais à ses frais, aux divinités nationales : il y associe de même les professeurs de l'éphébie. Tous, éphèbes et maîtres, adressent à Hestia et aux autres déesses leurs voeux pour le Conseil et pour le peuple, pour les enfants, les femmes, les amis, les alliés des Athéniens 58. La même formule se retrouve dans la prière qui accompagne le sacrifice de sortie (é tTv n pta), lequel a lieu sur l'Acropole, en l'honneur d'Athéna Polias u Une fois éphèbe, le jeune homme était citoyen, mais il ne jouissait ni de tous les droits civils, ni de tous les droits politiques des citoyens ordinaires. Il n'en avait pas non plus les charges. Aristote nous apprend qu'il possédait l'atélie générale 80, sauf, bien entendu, celle du service militaire, si l'on admet que ce service figurait au nombre des Tan [ATELEIA]. Il faut aussi faire exception pour la triérarchie, à laquelle était soumis tout Athénien III. d'un certain cens, à dater de son inscription sur le ke,çtapytxôv ypapt.taraîov 61. Mais l'éphèbe avait la libre administration de son patrimoine, ainsi que la protection légale des épicières 82. Il était le xiptoç de sa mère, à la subsistance de laquelle il devait pourvoir63. Seulement, pour l'empêcher de négliger ses devoirs éphébiques, la loi lui interdisait de comparaître en justice aussi bien comme défendeur que comme demandeur, excepté dans trois cas nettement spécifiés, quand il s'agissait d'un héritage, d'une épicière ou d'un sacerdoce patrimonial 6'. Ces dispositions expliquent comment Démosthène, dès qu'il fut éphèbe, put poursuivre ses tuteurs 85; elles expliquent également, par le pouvoir qu'elles conféraient à l'éphèbe sur les épicières, comment, à la rigueur, un jeune homme qui n'avait pas encore terminé son stage pouvait être marié. Il ne semble pas, d'ailleurs, qu'il fût nécessaire pour cela qu'une épicière fût en cause. Nous voyons, au Ive siècle, des éphèbes épouser des filles non épicières : c'est ce qu'a fait dans sa jeunesse un client de Démosthène, qui rappelle en terme précis que, pour satisfaire à un désir de son père, il s'est marié à dix-huit ans 66 Quant aux droits politiques des éphèbes, ils nous sont très mal connus. Il est clair que ces jeunes gens ne pouvaient prétendre aux magistratures ; les fonctions publiques qu'on ne remplissait qu'à partir de trente ans, comme celles de membre du Conseil, leur étaient évidemment interdites 67. Assistaient-ils aux réunions de l'assemblée du peuple? Xénophon parle d'un jeune ambitieux qui, n'ayant pas encore vingt ans, faisait déjà des discours dans l'ixxarala. Mais la manière dont il cite ce fait prouve que c'était là une exception u. Un passage de Plutarque paraît bien indiquer qu'ils avaient le droit de suivre les délibérations populaires69. Les suivant, il est probable qu'il leur était permis d'y parler et d'y voter ''; on peut toutefois conjecturer qu'ils le faisaient rarement. L'ancien règlement, tombé en désuétude au temps d'Eschine, qui appelait à la tribune, avant tous les autres, les citoyens âgés d'au moins cinquante ans", montre le prix qu'on attachait à l'expérience et rend peu vraisemblable l'intervention fréquente des éphèbes dans les débats publics. A partir d'une certaine époque, nous voyons les éphèbes servir à l'assemblée de garde d'honneur ; ils remplacent auprès d'elle la apocSpsûouoa yuar , qui, ellemême, vers 345, avait remplacé les archers scythes 72. On ne peut plus, à ce moment, douter de leur rôle : ils forment un simple corps militaire qui demeure étranger à toute discussion 13. Disons, pour en finir avec ces détails, que, de bonne heure, une place spéciale semble leur avoir été réservée au théâtre 74. Pouvoirs publics et fonctionnaires chargés de la direc '19 EPH -G-G EPH fion des éplorées. Altman texte ne nous renseigne avec précision sur la façon dont l'épilébie était conduite au ve siècle. Selon toute vraisemblance. l.` Aréopage étendait sur elle sa juridiction [ADEOPAGUSI. Le pouvoir censorial dont Solon l'avait armé, la grande influence qu'il avait exercée pendant dix-sept ans, après les guerres Médiques, sur le gouvernement d'Athènes, justifient sufltsamment une pareille hypothèse 15. Isocrate, d'ailleurs, le dit en propres termes : dans les temps reculés dont il aime à rappeler le souvenir, c'est l'Aréopage qui avait ta surveillance de la jeunesse". Il l'avait sans doute perdue, quand son pouvoir avait été diminué par Éphialte. Plus tard, après la tyrannie des Trente, nous le voyons de nouveau en rapport avec les éphèbes, sans qu'il soit possible de déterminer l'action qu'il a sur eux". Un autre pouvoir certainement mêlé de très près à la vie de l'éphébie, c'était le collège des stratèges". On ne saurait être surpris que des jeunes gens qui étaient avant tout des soldats vécussent, pendant leurs deux années de noviciat, dans la dépendance immédiate des chefs de l'armée Sur les marbres, cette dépendance apparaît clairement : les éphèbes y sont loués d'avoir obéi aux ordres des stratèges". Sous l'empire romain, le stratège des hoplites fait passer aux élèves du Diogénéion, qui est une dépendance de l'éphébie [nloGrxEIA], des examens de littérature, de géométrie, de rhétorique, de musique, et invite à dîner les professeurs les plus distingués du collègeâ0. Mais les fonctionnaires ephébiques que nous connaissons le mieux, du moins pour le Ive siècle, ce sont les sophronistes. La plus ancienne inscription qui les mentionne est l'inscription en l'honneur des éphèbes de laCécropis inscrits sous l'archontat de Ctésiclès(334-3). Les éphèbes sont félicités de leur bonne conduite à Ëleusis et, dans les quatre décrets que contient le marbre, le sophroniste Hadeistos, qui était chargé de veiller sur eux, est associé aux compliments et aux récompenses qu'on leur décerne". Une autre inscription, on se lit le nom de l'archonte Néafchmos (320-I9), nous offre de même l'éloge de deux sophronistes qui ont maintenu la discipline parmi les éphèbes durant one veillée sacrée en l'honneur d9Hébé et d'Alcméne 8e. Un décret très mutilé, de l'année 305-4, nommait probablement les douze sophronistes auxquels était confiée, à cette époque, la garde des éphèbes 83. Enfin, nous possédons un décret de la Pandionis qui loue de son zèle le sophroniste Philonidès, lequel s'est occupé avec un soin tout particulier des éphèbes de la tribu inscrits sous l'archontat de I,eostratos (303-'2)". Tels sont, à l'heure qu'il est, nos documents épigraphiques sur les sophronistes. Il faut y joindre quelques textes, dont l'intérêt se trouve annulé par l'ouvrage d'Aristote récemment découvert. Voici ce que la Constitution d'Athènes nous apprend sur ces magistrats. Après la ooxtucea(n devant le Conseil, les pères des jeunes gens se réunissaient chacun dans leur tribu, prêtaient. serment et désignaient trois membres de la tribu, âgés de plus de quarante ans, parmi ceux qui leur semblaient avoir les qualités nécessaires pour diriger les éphèbes. Le peuple faisait son choix parmi ces trois candidats et en nommait un sophroniste à mains levées. Immédiatement, le nouvel élu entrait en fonctions. II commençait par visiter, avec les jeunes gens, un certain nombre de sanctuaires ; c'est à ce moment, sans doute, qu'il faut placer le serment, dont Aristote ne dit rien. Ensuite, il descendait avec eux au Pirée et les plaçait en observation, les uns à Munychie, les autres sur la côte. Chacun des dix sophronistes recevait une drachme par jour pour sa nourriture ; chaque éphèbe touchait quatre oboles, mais il ne paraît pas qu'il en eût la libre disposition : il les remettait au sophroniste, et cet argent formai t une masse sur laquelle celui-ci achetait le nécessaire 80. Nous ignorons la date à laquelle une pareille organisation prit naissance. Peut-être les sophronistes remontaient-ils à une époque très reculée. La simplicité même des devoirs qu'ils avaient à remplir, la surveillance mo i pale qu'ils exerçaient sur les jeunes gens autorisent, semble-t-il, à les rattacher au système d'éducation le plus anciennement usité à Athènes, lequel n'avait qu'un but, la moralité de la jeunesse 86. On voit, dans tous les cas, quel était Ieur rôle : ils étaient â la fois les pourvoyeurs et les mentors des éphèbes, sur lesquels ils faisaient peser une discipline parfois sévère 87. Ils devaient compte au peuple de la manière dont ils s'étaient acquittés de leur charge". Ce n'était pas eux que regardait l'instruction militaire des éphèbes. L'assemblée élisait, pour la leur donner, des maîtres spéciaux. C'étaient d'abord deux pédotribes, évidemment chargés de l'enseignement de la gymnastique; ensuite, des professeurs (ètlnxa)`ot) qui devaient leur apprendre à combattre armés de toute pièce, à manier l'arc, le javelot, la catapulte 8fl. Vers la fin du Ive siècle, les changements que subit i'ephébie ont leur contre-coup dans la hiérarchie des fonctionnaires qui la dirigent. Nous voyons apparaître un magistrat nouveau, le cosmète. Déjà il est question de lui dans l'inscription de 303-49°. Il y figure à côté des sophronistes, avec lesquels il semble partager le pouvoir; mais ceux-ci, bientôt. disparaissent et le cosmète devient le chef suprême de l'éphébie °t. Il est nommé pour un an, parle procédé de la yetpoeov(a °z, et choisi parmi les citoyens les plus honorables85. Sa fonction est une t'IO, qu'il doit exercer conformément aux lois et aux décrets du peuple". Il est responsable et rend compte de son administration en sortant de charge n. Les professeurs de l'éphébie lui sont soumis ; il les désigne même pour la plupart 96. Il a la surveillance générale du collège, tant au point de vue matériel qu'au point de vue moral. Son devoir est EPHI de conserver les jeunes gens en bonne santé, de maintenir parmi eux la discipline et la concorde, de les accompagner chaque jour dans les gymnases, de les conduire aux leçons des philosophes, des rhéteurs et des grarnmairiens, de les mener dans les .cpotlpta oh ils doivent apprendre le métier militaire, d'offrir aux dieux les sacrifices d'usage, de suivre les processions prescrites par les lois 97. Quand, au temps de Marc-Aurèle, les Athéniens essayent de rétablir les Éleusinies dans leur ancienne splendeur, c'est le cosmète qui, d'après une antique tradition (tu è zâ 4pxsaia vôµt.ta), se rend avec les éphèbes à Éleusis pour y chercher les lité ; c'est lui qui les y ramène après la fête. Les jeunes gens escortent les images sacrées en armes et couronnés de myrte; ils prennent part., chemin faisant, aux sacrifices, aux libations, aux péans qui signalent les différentes stations [Erl uszrlA] 98. Pour tous ces services, en dehors des honneurs et des récompenses que le cosmète recevait du Conseil et du peuple, il lui arrivait souvent d'être couronné par les populations auxquelles il avait affaire dans ses excursions pieuses ou guerrières aux environs d'Athènes 99 ; souvent aussi les jeunes gens qui avaient été sous sa direction lui offraient une couronne ou dressaient son buste dans un de leurs gymnases. C'est ainsi que nous possédons plus de trente bustes de cosmètesconsacrés par les pouvoirs publics ou par les éphèbes. Celui qui est reproduit ici (fig.t?.6°78) représente Chr3 ~ ?sipp~s, Cils mète vers le milieu du II° siècle de notre ère 10° partir d'une certaine époque, nous voyons mentionné sur les marbres, à côté du cosmète, un anticosmète, dont les fonctions devaient consister à suppléer le cosmète dans certains cas10'. Une inscription qu'il faut placer aux alentours de l'an 200 après 3.-C. signale un fait curieux : il s'agit d'un { i.,rn,et mn, n'ayant ant pas été autorisé a s'adjoindre un a Iticosmete, a confié à son fils, déjà sorti depuis quelque temps des rangs de I`ephébie, ces fonctions sub'tliernes h semblerait, d'après cela, qu'une disposition spéciale fui nécessaire pour permettre aucosmete de sassurer légalement le concours d'un second. Un hypocosmète se rencontre sur un marbre du commencement du n siècle de Initi ère 104. Sur un autre, on eu trouve demie 'en Ce titre paraît avoir été postérieur au précédent. Au-dessous du cosmète étaient les maitres proprement dits (liléaxanos, salien tt -0' Le cosmète n'enseignait rien ; EPIl représentant de l'État, il n'avait qu'à faire en sorte que tout se passâtregulièrement dans le collège. Les maîtres étaient chargés de l'instruction des jeunes gens Le plus considérable d'entre eux était le pédotribe. Son origine n'a rien d'obscur. On sait que les enfants au-dessous de dix-huit ans suivaient, dans les palestres, les leçons de pédotribes ayant un caractère essentiellement privé EDUCATIO]. il était naturel que le jour ou ces enfants passaient sous la surveillance de la cité, ils trouvassent dans l'enseignement qu'elle leur offrait les secours nécessaires pour entretenir et développer leurs forces physiques, comme l'exigeait leur condition de futurs soldats. De bonne heure, donc, il faut admettre l'existence de pédotribes publies dirigeant les exercices gymnastiques des éphèbes. Mais il est impossible de fixer la date précise où ils furent créés'. Vers la fin du Ive siècle, ils sont au nombre de deux, élus par le peuple 10'. Déjà en 305-4, il n'y a plus, pour tout le collège, qu'un seul pédotribe196, et, désormais, telle sera la règle. Ce pédotribe unique commence, semble-t-il, par être annuel, comme le cosmète. Mais, dès le début du uI° siècle, les mêmes noms reviennent sur les marbres. Un certain Hermodoros est signalé comme pédotribe dans quatre inscriptions différentes, très rapprochées les unes des autresl'9. Peut-être a-t-il été nommé pour plusieurs années". Sous l'empire romain, le pédotribe est à vie (èr (itou) 111. Nous connaissons deux de ces fonce tionnaires qui ont chacun exercé leur charge pendant une très longue période de temps : l'un est Ariston, sous Trajan" : l'autre Abascantos, sous Antonin le Pieux et Marc-Aurèle. Le second, notamment, a été pédotribe durant trente-quatre ans sans interruptionit3. Le devoir de ce rrtaitre était plutôt de surveiller, d'une manière générale, les exercices physiques des éphèbes que de les leur enseigner à proprement parler : tel était déjà. ou peu s'en faut, le rôle du pédotribe privé dans les palestres du vt siècle [EDLCA.T7o, PAlnoTRICA.], Il avait le pas sur les autres professeurs et les décrets honorifiques le nomment presque toujours avant eux'14. Il est difficile d'admettre que le choix d'un fonctionnaire de cette importance ait été entièrement laisse au cosmète, ; la longue durée des pouvoirs du pédotribe, constituait, d'ailleurs, à son profit une supériorité, sinon hiérarchique, du moins réelle. On. a supposé qu'au temps de l'empire, l'Aréopage, qui avait repris une partie de son influence sur l'ephéhie, n'était pas étranger à sa nomination 41-. Peut-être était-ce le peuple qui l'élisait, sur le rapport du cosmète, de même qu'à Téos l'assemblée populaire élisait certains maîtres sur le rapport du pédonome 416 Jusqu'à l'époque romaine, les fonctionnaires attachés à l'éphébie, en dehors du cosmète et du pédotribe, qui y occupent le premier rang, sont les suivants : un hoplc EPH 628 EPH maque, des professeurs de javelot (âxovrtarr;ç), d'arc [ro_érrç), de catapulte (xar17ZE)tTa?€T'f,ç, âa€T71;ç), un greffier L'ordre dans lequel les inscriptions les placent n'est pas toujours le même1'. Les mêmes marbres, parfois, reproduisent, dans deux endroits, deux classifications différentes 1t , Quoi qu'il en soit, c'est l'hoplomaque qui paraît avoir été, parmi ces personnages, le plus considéré. L'enseignement de l'hoplomachie, c'est-à-dire des mouvements et des coups pratiqués dans les combats d'hoplites, remontait au temps de Socrate'ae [aoPLOmACa4A]. Peu estimé d'abord, il n'avait pas tardé à acquérir une grande faveur auprès de la jeunesse athénienne. Les éphèbes contemporains de Platon cultivaient l'hoplomachie avec ardeur, s'il faut en croire un passage des Lois où, sous couleur d'idéal, l'auteur peint la réalité qui l'entoure". A l'époque où fut écrite la Constitution d'Athènes, on a vu qu'un hoplomaque figurait régulièrement au nombre des professeurs éphébiquesi22 L'hoplomaque, à ce qu'il semble, était nommé pour un an ; cependant, en raison de sa compétence spéciale, il lui arrivait d'être renommé. Tel est le cas d'un certain Hérodotos, cité comme hoplomaque dans trois inscriptions qui vont s'échelonnant de la fin du Ii' siècle à 69 ou 62 avant J.-C. 13. Quant à l'acontiste, chargé d'apprendre à lancer le javelot [JAcunum], il tirait son origine d'un enseignement très ancien dans les palestres, où nous voyons de tout temps les enfants manier le javelot sous la direction du pédotribe [EDOCATIO]. Le même personnage figure quelquefois comme acontiste dans plusieurs décrets ce qui prouve qu'on maintenait volontiers ce maître dans ses fonctions. Le rorçôrrlç enseignait à tirer de l'arc. Platon conseille de faire pratiquer aux jeunes gens cet exercice dans les gymnases', d'où l'on peut conclure que les éphèbes de son temps le cultivaient déjà. Il ne remontait pas, semble-t-il, à une très haute antiquité [Ancus, SAGITTAONS] f2U. On en peut dire autant du maniement de la catapulte [TORMENTA], qui ne paraît guère avoir été en faveur dans l'éphébie avant le milieu du ive siècle 127. Le professeur qui y appliquait les jeunes gens était souvent, lui aussi, prorogé ou appelé de nouveau à remplir les fonctions qu'il'avait occupées'''. Ces au temps d'Aristote, directement nommés par l'assemblée du peuple '29 ; plus tard, c'est le cosmète qui semble les avoir choisisf30. Le greffier et le serviteur ne faisaient pas partie du corps enseignant. Le premier, sans doute, tenait les re Bistres du collège, consignait les dépenses, rédigeait les dédicaces consacrées par les éphèbes à titre privé. Le second n'était pas, comme on pourrait le croire, un esclave. Les marbres ajoutent à son nom un démotique ; ils le citent même quelquefois avant le greffier131 Nous le voyons couronné par le Conseil et par le peuple ; il administrait probablement le matériel et jouait le rôle d'une sorte d'intendant'''. Sous l'empire, apparaissent des fonctionnaires nouveaux. En dehors de l'anticosmète et de l'hypocosmète, dont il a été question, on trouve sur les marbres la mention d'un hypopédotribe 133 On voit aussi nommé un dont la fonction consistait, semble-t-il, à marcher en tête des éphèbes dans certaines cérémonies religieuses 134, un Stt .axaaoo, spécialement chargé de leur enseigner la musiquef35, un on pohAxç, qui veillait sur les cestres [CESTnul1 1, ces traits d'une forme particulière qu'on lançait avec une sorte de fronde 136, un ÀEvrluptoç, qui fabriquait les ceintures que portaient les jeunes gens pour se livrer à certains exercices 137. Plus tard, les inscriptions citent un 7rp06TxT7jç, dont le rôle était peut-être analogue à celui de l'•i,ytodvf38, un ricoi;uxopoç, revêtu d'un caractère religieux 139, un médecin 146, un sousxx4 c(ptoo préposé à la garde de l'huile dans les gymnases 142, un pornous savons qu'à l'époque romaine on rétablit les sophronistes, mais au nombre de six seulement Sot. Un basrelief attique, dont il ne reste que la moitié (fig. 2679), représente _sa trois d'entre eux dans i . z .A 45 P o 1v I E T A 1 leur tenue officielle, Iflt. ai '111; W, ble à la main (aéyoç) ; ils offrent leurs hommages à quelque divinité'''. On ne tarda pas à leur adjoindre six hyposophronistes 146. La plupart de ces dignités ne nous sont que très imparfaitement connues 547. Toutes étaient loin d'avoir la même importance. Il existait entre elles une hiérarchie que nous voyons se modifier suivant les époques. Il est, de PPII 629 EPf1 plus, certain qu'on passait de l'une à l'autre, et qu'il y avait un cursus éphébique en vertu duquel le même personnage pouvait s'élever des grades inférieurs aux supérieurs 18. De même, une étude attentive des marbres de l'empire et des innombrables noms propres qu'on y déchiffre conduirait à reconnaître que les fonctions éphébiques se perpétuaient dans les mêmes familles et que le collège tout entier était aux mains de véritables dynasties. Un dignitaire d'une nature spéciale était le directeur du DIOGÉNEION (iltl 3tO'(595 u). Bien que distinct des dignitaires éphébiques, il est nommé à côté d'eux dans les inscriptions149. Il y avait, en effet, d'étroits rapports entre l'éphébie et le Diogéneion, où l'on se préparait aux études éphébiques. Comme les éphèbes, les élèves de ce gymnase (oi 7tepi rd àtoymvstov) avaient leur xsvTpop.)Xn . Leurs noms figurent sur les stèles à la suite de ceux de leurs camarades plus âgés f5°. Il faut se garder de confondre les fonctionnaires éphébiques, dont on vient de voir les titres et les attributions, avec les fonctionnaires éphèbes. Le collège, au temps de l'empire, était une image de la cité. Les jeunes gens y prenaient volontiers le nom de citoyens (7to),ëmat)35f. Ils choisissaient parmi eux un archonte, un archonte-roi, un polémarque et des thesmothètes'". Les marbres mentionnent un, quelquefois deux stratèges éphèbes153 un héraut (x7jpui;), qui rappelle le héraut de l'Aréopage et atteste la grande influence qu'a reconquise cette assemblée sur l'éphébie 154 Il y a même des jeunes gens qui prennent le titre d'Aréopagites, nouvelle preuve de la popularité dont jouit ce conseil auprès d'eux iss On trouve, enfin, sur les marbres des AGOBANOMOI, des AsTYxoMortss des EISAGOGEIS 157. Cette puérile imitation de la constitution d'Athènes suffirait, à défaut d'autres indices, pour prouver que l'éphébie des premiers siècles de notre ère n'a plus rien de commun avec l'ancienne éphébie. Les exercices éphébiques. Il est difficile de dire quelle était, au ve siècle, l'instruction que recevaient les éphèbes ; ce qui paraît certain, c'est que leurs exercices étaient essentiellement militaires. Le serment par lequel nous les voyons se lier de bonne heure faisait d'eux des soldats 158 ; ils avaient probablement des instructeurs spéciaux qui leur apprenaient à marcher en bon ordre et à combattre. Leur principale occupation consistait à garder l'Attique. Ils la gardaient de deux manières : en faisant, dans les postes fortifiés comme Éleusis, Anaphlystos, Thoricos, Phylé, etc., des séjours plus ou moins longs 959 ; en organisant, sur toute l'étendue du territoire, des patrouilles armées. Thucydide parle du temps qu'ils passaient dans les forts1G0 ; le poète cornique Eupolis, contemporain d'Aristophane, y fait de même clairement allusion16'. En tant que corps chargé de parcourir le pays pour y maintenir l'ordre et prévenir les incursions ennemies, ils portaient le nom de 7tcpiiio),ol 165. Mais il faut faire une distinction entre ces 7tEp(7t0),Ot qui appartenaient à l'éphébie, et d'autres qui lui étaient tout à fait étrangers. On trouve le mot 7tsp(7to),ot, au ve et au Ive siècle, employé pour désigner une troupe de mercenaires commandés par des péripolarques. Cette troupe jouait dans la vie militaire, et même politique d'Athènes, un rôle important 163. Elle était chargée de la police du territoire : un décret de 352 lui confie la garde des bornes placées sur un terrain consacré aux déesses d'Éleusis 164. Elle pouvait, de plus, être appelée à faire la guerre : en 424, nous voyons les 7tept7t6),Ot se battre, sous Démosthène, aux environs de Mégare 165. Vers la fin du Ive siècle, le péripolarque Smikythion et ses hommes défendent Éleusis dans des circonstances qui nous sont inconnues160. On ne saurait dire exactement ce qu'étaient ces mercenaires. Deux vers d'Aristophane semblent autoriser à les identifier, pour le ve siècle, avec les 17t7tn' oi;ÔTRt f67, qui avaient leur place marquée à côté de la cavalerie athénienne i68, qui, aux parades, précédaient immédiatement les hipparques 1S9 et comptaient, bien qu'étrangers, un certain nombre d'Athéniens dans leurs rangs170. Quoi qu'il en soit, l'existence de 7tep(7to),ot différents des éphèbes est un fait incontestable. Les textes, d'autre part, donnent très nettement le nom de aep(7tonot aux éphèbes. Qu'en faut-il conclure? Que ce terme désignait moins un corps spécial qu'une fonction, qui pouvait être remplie et qui fut, en effet, remplie, suivant les cas, par des mercenaires ou par les jeunes gens de l'éphébie f71. C'est une question de savoir si le séjour dans les forts et le service comme 7tspt7t5A0t étaient imposés aux éphèbes dès la première année de leur stage. Un passage d'Eschine conduirait à le penser172, mais il ne semble pas que, dans ce passage, le mot 7tspt7coaot doive être pris à la lettre 173. Au temps d'Aristote, la première année éphébique était consacrée à des exercices préparatoires, après 1 lesquels les éphèbes étaient passés en revue par le peu l ple ; armés d'un bouclier et d'une lance aux frais de l'État, ils devenaient alors 76ep(7to),ot et tenaient garnison dans les forts714. Une chlamyde de couleur sombre et un EPH --030 E PH pétase rompt-.tatent leur accoutrement 173, Cest dans cette tenue d'ordonnance qu'ils sont souvent représentés sur les vases peints, comme on peut en juger par la figure `2690, empruntée à un lécythe d'Érétrie 11" L'usage de la chlamyde sombre se continua jusqu'au temps de Marc-Aurèle; Hérode Atticus la, remplaça par une chlamyde blanche 117 . Nous ignorons si le con tingent éphébique corn ffi des cavaliers et ' des fantassins, mais tout '=J porte à croire que les f éphèbes riches, ceux qui / faisaient partie de cette aristocratie passionnée pour l'équitation et les courses de chevaux, for maient dans l'éphébie un corps de cavaliers qui partageaitle service avec lesfantassins ephèbes178 Les éphèbes, en principe, ne sortaient pas de l'Attique'''. If arrivait pourtant qu'on leur fit passer la frontière. En 458, ils combattent en Mégaride sous le commandement du stratège Myronidès'80. En 425, ils contribuent, près de Corinthe, à la victoire de Solygia'81, En 394, ils guerroient de nouveau dans les mêmes paragesf42. On les traitait comme les citoyens de cinquante à soixante ans, qui ne devaient pas quitter les remparts, relais qu'on versait, en cas de neces.:té urgente, dans l'armée active 783 Tous les renseignements que nous possédons sur i'éphebe pour le ivk siècle s'accordent, de même, à nous la montrer comme une institution exclusivement militaire 1"i. Même au siècle suivant, alois que la durée en est réduite à une année et qu'elle n'est plus obligatoire, elle conserve ce caractère Les decrets immédiatement antérieursà I ère chrétienne rappellent que les éphèbes se sont rendus, sous la conduite de leur cosmète, dans les poôpia, qu'ils ont parcouru la contrée sans causer de dommage à personne en armeà la frontière 186, Ces expéditions ne sont plus, il est vrai, que de simples promenades, destinées à accoutumer les jeunes gens à la marche et à leur rendre familière la topographie de l'Attique ; ils .r offrent des sacrifices dans les principaux sanctuaires ; ils cherchent moins à y briller par leur vigueur et leur courage que par leur bonne conduite et leur exacte discipline. Cet usage n'en est pas moins une preuve curieuse de le persistance de l'esprit militaire dans l'éphébie et de la force qu'y gardaient encore, en pleine décadence, les anciennes traditions. A ces devoirs militaires -'; éphèbes se rattachaient intimement certains devoirs r ;.eux. C'était, chez les mens, une ancienne coule rde rr I', entée aux cérémonies du culte, On sait le rôle qu'ils faisaient jouer à leur cavalerie dans les processions 1S'P. Ces déploiements de troupes rehaussaient l'éclat des fêtes publiques et le peuple y prenait un vif plaisir. Ii était naturel que les éphèbes y figurassent. De bonne heure, ils semblent avoir servi d'ornement aux solennités de la cité. Nous n'avons pas, cependant, d'indication à ce sujet avant 334-3. Une inscription d'Éleusis, relative aux éphèbes de l'Hippothontis inscrits cette année-là, laisse deviner leur participation à une cérémonie religieuse que l'état fruste du marbre ne permet pas de déterminer 186. Plus tard, l'épigraphie nous montre les éphèbes félicités publiquement d'avoir suivi toutes les processions que les lois leur commandaient de suivre ; ils escortent la 7cognsj en l'honneur d'Artémis A.grotéra; ils vont chercher les iepé à Éleusis et y accompagnent l'image d'Iacchos ; ils conduisent les victimes destinées aux Dionysies, aux Éleusinies; ils prennent surtout part à la célébration de cette dernière fête, qui comportait un plus magnifique appareil que les autres, et dans laquelle le trajet d'Athènes à Éleusis et le retaur à Athènes se prêtaient à de brillantes exhibitions d'armes et de costumes 189. En dehors de ces figurations, ils accomplissaient eux-mêmes, collectivement, de nombreux actes religieux. Ils immolaient des boeufs aux déesses éleusiniennes, sacrifiaient des taureaux lors des Diogéneia, offraient des sacrifices à Ajax, à Zeus Tropaios, consacraient à Déméter et à, Coré, ainsi qu'à la Mère des dieux, des phiales d'une grande valeur, etc.'". Il faut distinguer, parmi ces cérémonies, celles qui figuraient sur le -alcndrier liturgique de la cité et celles qui étaient plus spéciales au collège. Ainsi, les fêtes éleusiniennes et les fêtes dionysiaques étaient essentiellement des fêtes d'Athènes tout entière : i1 semble que la fête d'Artémis Agrotéra, celle des Dioscures et les Diogéneia aient été particulièrement des solennités éphébiques131, A ces fêtes toutes grecques, il faut ajouter les fêtes romaines, comme les ~va?~eia, les 'Avrwvtâja, puis, sous l'empire, les Je me borne â, citer les principales de ces cérémonies, qu'un dépouillement minutieux du Corpus peut seul aire connaître". On voit la place considérable que tenait la religion dans la vie des éphèbes, Il est permis d'en conclure deux choses : d'abord, les offrandes que consacrait le collège, les sacrifices qu'il offrait tout le long de l'année et que relatent complaisamment les décrets honorifiques, attestent sa richesse ou la richesse de ceux qui le composaient'93. D'autres dépenses pesaient sur lui, mais celles-ci sont particulièrement instructives : elles prouvent que l'éphébie est une aristocratie ; elles montrent la condition d'éphèbe devenue trop dispendieuse pour que tous puissent y aspirer, et cela confirme la théorie exposée plus haut. Ensuite, il faut remarquer que cette piété que l'État exigeait des jeunes gens avait un but : elle était, entre ses mains, EPl-I 631 --EPH un moyen d'éducation. SI les éphèbes prenaient part aux grandes fêtes de la cité, sans doute, c'était en vertu de l'ancienne tradition qui associait l'armée au culte public; sans doute aussi, c'était par une imitation de ce qui se passait dans l'État : l'éphébie était pieuse comme le peuple athénien lui-même, dont elle représentait la fleur; la piété était un devoir pour les éphèbes comme elle en était un pour les autres citoyens '. Mais il y avait autre chose dans la piété éphébique : elle avait pour objet d'élever les âmes en mêlant l'un à l'autre, d'une façon touchante, le culte des dieux et le culte de la patrie. Cette intention est bien marquée par certaines fêtes d'un caractère très précis, comme celle oit le collège honorait les soldats morts à Marathon. Le Trophée qu'il visitait chaque année et devant lequel il offrait des sacrifices, se trouvait à Salamine; c'était un souvenir de la victoire de Thémistocle. C'est à Salamine également qu'était célébrée la fête d'Ajax, qui se rattachait au même événement. A Munychie avaient lieu des joûtes nautiques qui le rappelaient. Les éphèbes se rendaient encore aux ÉLEUTIIÉRIA de Platée, fête commémorative de la défaite de Mardonius. Enfin, c'est en mémoire de toute les gloires du passé qu'étaient célébrés les ÉPITAPHIA, dans lesquels ils jouaient un rôle important'. Ces anniversaires, ces pèlerinages patriotiques s'accordaient bien avec l'éducation civique qu'on s'efforçait de leur donner; ils entretenaient chez eux ce sentiment athénien par excellence, l'admiration des ancêtres. Beaucoup de ces fêtes étaient accompagnées de concours ; cela nous amène à dire un mot des exercices gymnastiques pratiqués dans l'éphébie. De tout temps, la gymnastique avait été en faveur auprès de la jeunesse athénienne [EDUCATIOj. Le jeune homme, devenu éphèbe, ne la négligeait pas. L'Axiochos nomme les gymnases où il se rendait, au Ive siècle, pour se livrer à l'entraînement, souvent laborieux, que lui imposaient les règlements : c'étaient le Lycée et l'Académie"'. Plus tard, les inscriptions parlent simplement de yw.tvfrtn, sans spécifier. Un des gymnases favoris de l'éphébie était le Ptolémaion'97. Sous l'empire, ce gymnase est remplacé sur Ies marbres par le Diogéneion, dont la fondation remontait aux temps macédoniens (fin du me siècle av.. J.-C.), et qui, bien que réservé aux futurs éphèbes, paraît, de bonne heure, avoir été fréquenté par leurs aînés". Les éphèbes s'exerçaient aussi dans les stades, comme celui que construisit Hérode Atticus et avec lequel aucun théâtre ne pouvait rivaliserf99. La gymnastique était donc une de leurs principales occupations ; les décrets honorifiques les louent du zèle dont ils y ont fait preuve 20. Les exercices auxquels on les soumettait étaient sans doute les mêmes que ceux auxquels étaient soumis les enfants dans les palestres. Il y en avait cependant qui leur étaient spéciaux et que les marbres mentionnent expressément, comme l'équitation 201, les courses aux flambeaux (?,au7te8sç) 202, les joûtes nautiques 207. Les courses avaient lieu de préférence aux THÉSEIA et aux ÉPITAPIIIA; les mar bres éphébiques les reproduisent quelquefois, en tête des catalogues (fig. 2681)204. Les joutes faisaient partie des MuvvemA et de la fête d'Ajax; les marbres en conservent également le souvenir, sous la forme de reliefs -~r plus ou moins finement exécutés (fig. 2682) "°'. Il est probable qu'à côté des concours publics, communs à toute la cité, il en existait d'autres auxquels les éphèbes seuls prenaient part. Une inscription paraît indiquer que, tous les mois, on leur proposait des prix'''. Une autre nous les fait voir consacrant à Artémis Agrotéra les récompenses (âpte'rsia) qui leur ont été décernées dans certains concours spécialement institués pour eux 207. Un curieux fragment de poterie peinte, sur lequel on déchiffre ces mots : [... xoep31J1tEÛOV'06 Eèpux)oi ou, semble avoir appartenu à un vase donné en prix dans des jeux présidés par le cosmète et où seul, par conséquent, le collège avait le droit de figurer 208. Les exercices du corps étaient si populaires dans l'éphébie, ils avaient une telle importance, que les dépenses qu'ils entraînaient étaient prévues et réglées avec le plus grand soin. Les dignitaires éphébiques, des étrangers, souvent les éphèbes eux-mêmes, se chargeaient tour à tour, pendant un mois, ou pendant une période d'une plus longue durée, des fonctions de gymnasiarque [GYMNASIARCHIA1, c'est-à-dire du soin d'entretenir les gymnases d'huile et de toutes les choses nécessaires aux différentes luttes qu'on y pratiquait 209. Les fonctions d'agonothète, remplies, elles aussi, assez fréquemment, par des éphèbes, étaient des fonctions analogues, qui concernaient les préparatifs des jeux, les frais qu'ils occasionnaient, etc. 2". Tout cela prouve, encore une fois, la vogue de la gymnastique dans les rangs de l'éphébie ; on la voit, sous l'empire romain, reléguer au second rang les exercices purement militaires et absorber presque toute l'activité du collège 41. Pour compléter ce rapide tableau des travaux éphébiques, il reste à parler des exercices intellectuels. L'éphébie, telle qu'elle apparaît sur les marbres de basse époque, avait la prétention de former l'âme aussi bien que le corps. Il n'en avait pas toujours été ainsi. On a vu de quelle façon les études littéraires y pénétrèrent. Elles y furent introduites par les éphèbes eux-mêmes qui, dès la fin du v° siècle et surtout au siècle suivant, s'étaient faits spontanément les disciples des philosophes et des rhéteurs. Le jour où le collège devint un groupe aristocratique, les libres études qui y étaient cultivées depuis longtemps entrèrent naturellement dans le programme éphébique et furent exigées par l'État. Ce changement n'est sensible pour nous que dans les dernières années du ne siècle avant notre ère, époque où les éphèbes, pour la première fois, enrichissent de cent volumes nouveaux leur bibliothèque du Ptolémaion 212. Mais l'existence même, à ce moment, d'une bibliothèque éphébique autorise à faire remonter plus haut, pour les jeunes gens, l'habitude de se livrer à la culture des lettres. On se tromperait peu, croyons-nous, en reportant au m' siècle et, pour plus de précision, au milieu de ce siècle, l'introduction régulière de la littérature dans le programme de l'éphébie. Les maîtres qui l'enseignaient étaient des philosophes, des rhéteurs, des grammairiens 2f3. La présence des éphèbes à leurs leçons est désignée sur les marbres par le mot eixpoéusi . On aimerait à connaître les noms de quelques-uns au moins de ces professeurs dont l'éloquence charmait la jeunesse athénienne. Les inscriptions, par malheur, n'en nomment aucun; elles citent pourtant, par exception, un certain Zénodote, qu'il ne faut pas confondre avec le stoïcien de ce nom, le successeur de Diogène le Babylonien ; il enseignait, soixantedix ans environ avant notre ère, au Ptolémaion et au Lycée 214. D'autres philosophes, également suivis par les éphèbes, donnaient leur enseignement dans l'Académie 215. Outre la philosophie et la rhétorique, les éphèbes étudiaient la littérature proprement dite sous la direction des ypa zl.aTtXo(. Les ouvrages qu'on leur faisait lire étaient variés. On trouve sur un marbre la mention d'Eu ripide et celle de l'Iliade 2'6. Un fragment du catalogue de la bibliothèque éphébique, qui appartient au ter siècle avant J.-C., contient l'indication d'un certain nombre de tragédies d'Euripide et de comédies de Diphile, des titres de pièces difficiles à identifier, une allusion au cycle épique, les noms d'Eschyle, de Sophocle, d'Achaios d'Érétrie, de Cratès, d'Hellanicos de Milet, de Démosthène, d'Eschine 21. Toutes ces oeuvres étaient commentées aux jeunes gens ; on leur en expliquait la langue ; peut-être en apprenaient-ils des passages par coeur. Quelques-uns des exercices littéraires auxquels on les astreignait nous sont d'ailleurs connus; nous savons qu'ils composaient des pièces de vers (71otrua:a), des éloges en prose (iyxsé siz). Ces épreuves donnaient lieu à des concours 218. Dans quelques occasions, ils prononçaient des ),dyot 7tpotpe7rTtxo( 219. Aux fêtes de Platée, destinées à célébrer la victoire sur les Perses, deux éphèbes engageaient un colloque dans lequel ils exaltaient, semblet-il, la gloire des ancêtres22o Cette culture littéraire était complétée par l'étude de la musique. Parmi les professeurs attachés à l'éphébie, on a vu qu'il y avait un SSdaxoe),os, chargé de faire apprendre aux éphèbes certains chants. Sous Hadrien, il leur enseignait principalement les hymnes composés en l'honneur de l'empereur221. Les élèves du Diogéneion, qu'ils fussent éphèbes ou melléphèbes, étudiaient aussi la musique, en même temps que la littérature, la rhétorique et la géométrie222. L'enseignement musical étant, chez les Grecs, la plus ancienne forme de l'éducation, on ne saurait s'étonner de le rencontrer dans l'éphébie, qui conservait pieusement tant d'usages appartenant au plus lointain passé. Il faut remarquer que, si l'on excepte le S1Sclaxa),os maîtres dont les leçons s'adressaient à l'esprit n'avaient pas rang dans la hiérarchie éphébique. Les éphèbes assistaient à leurs cours, qui étaient pour eux obligatoires, mais aucun vote du peuple n'intervenait pour conférer à ces professeurs une autorité quelconque sur le collège; ils parlaient aussi bien pour les auditeurs bénévoles que pour les jeunes gens de l'éphébie; on ne saurait les assimiler au pédotribe et à ses collègues. C'est là une preuve remarquable de la persistance des traditions. Même sous l'empire romain, l'éphébie dégénérée reste foncièrement militaire ; elle vise avant tout à fortifier le corps, à l'assouplir, à l'aguerrir aux fatigues de la vie de soldat. Les études littéraires, qui ont tout envahi, demeurent, malgré leur importance, à l'arrière-plan. Capitales en fait, elles passent, en apparence, après les exercices qui rappellent la primitive destination du collège et, bien que ce soit l'affaiblissement de l'esprit militaire qui ait jadis causé, en grande partie, la décadence de l'institution, c'est ce même esprit qui semble la dominerencore, tantles anciens souvenirs sont longs à s'effacer. Des différentes catégories d'éphèbes. On ne connaîtrait qu'imparfaitement l'éphébie athénienne, si l'on ne se rendait compte des divers groupes qui la composaient. On ne peut considérer comme deux groupes distincts, au ve et au ive siècle, les éphèbes de première année et ceux de seconde ; les uns et les autres étaient astreints, comme on l'a vu, aux mêmes exercices, ou à peu près; ils formaient un tout homogène. Mais, au 11e siècle avant notre ère, apparaissent les étrangers (çésot, plus tard daérecil ot)'". Leur origine n'est pas douteuse ; ce ne sont pas, comme on pourrait le croire, des fils de métèques : ce sont des jeunes gens venus du dehors pour jouir des bienfaits de l'éducation athénienne. Ce mouvement, qui amène à Athènes les jeunes étrangers, commence de bonne heure. Nous voyons déjà la grande réputation d'Isocrate attirer des contrées les plus diverses de nombreux jeunes gens qui se mettent à son école et se font les condisciples de ses élèves athéniens Bien que les renseignements sur ce point nous fassent défaut, nous pouvons affirmer qu'il n'était point une exception, et que les plus célèbres d'entre les rhéteurs et les philosophes ses contemporains avaient de même pour auditeurs un nombre considérable d'étrangers. Avec le temps, ces jeunes gens finirent par être traités comme leurs camarades indigènes et l'éphébie leur ouvrit ses rangs. Ils y partageaient tous les travaux des Athéniens et recevaient, l'année accomplie, les mêmes récompenses. Mais leurs noms ne sont jamais mêlés, dans les inscriptions, à ceux des éphèbes d'Athènes. A l'époque romaine, les Milésiens. très nombreux dans l'éphébie, forment, sur quelques marbres, un groupe à part, avec la rubrique Met)uienot226. Les différentes provenances de ces étrangers sont intéressantes à étudier : elles permettent de constater l'immense prestige dont jouissait encore Athènes et font connaître les relations qu'elle entretenait avec les autres pays". Une question assez obscure est celle des subdivisions éphébiques indiquées sur les marbres par le mot T«maç. Ce terme répondait-il à une classification fondée sur la vigueur physique ou le degré d'instruction des jeunes gens? Toujours est-il que c'est dans les catalogues agonistiques qu'il est employé. Par exemple, une inscription nous montre les éphèbes formant trois T«çetç pour prendre part aux Antinoeia de la ville et d'Éleusis, aux Hadrianeia, aux Philadelphia, aux Théseia, aux Commodeia, aux Épinikia et à une autre fête dont le nom manque 2''. Peut-être aussi faut-il voir là quelque dénomination militaire analogue aux noms modernes de bataillon et de compagnie. Il y avaitégalementdes Tdçetç auDiogéneion 228 Les auaTpéµ ouTa nous sont un peu mieux connus 429. C'étaient des groupes composés d'un petit nombre d'éphèbes ayant à leur tète un auaTpe,uµaTp7Y1ç"0. Ce chef était lui-même éphèbe ; il conduisait ses camarades aux jeux publics et consacrait, à ses frais, des monuments commémoratifs de leurs victoires. Le chiffre des ci uezpéN.0.1Te variait tous les ans. Nous ignorons si ce groupement était imposé par l'État, comme cela semble avoir été le cas pour les Tâetç, ou s'il était dû à la seule initiative des adolescents. Ce qui est certain, c'est qu'il y avait, Ill. dans l'éphébie, de nombreuses associations amicales. Il était naturel que la vie en commun rapprochât les jeunes gens les uns des autres. On voit déjà, au temps d'Eschine, ces rapprochements se traduire par l'emploi du terme auvéyreot, pour désigner les éphèbes d'une même année 231. Ce mot continue à être d'un fréquent usage dans la langue éphébique, mais, à l'époque romaine, il est comme noyé au milieu d'une foule d'autres qui font aux relations qui unissent les éphèbes les allusions les plus variées. Les inscriptions nous révèlent l'existence de p(aot, de p(aot yopyo(, de cuvip7 ot rait nooTpx%,tvot rat :Géant, d'âSeatpol xai auatiTat, etc. 22 Elles contiennent parfois des appellations plus ambitieuses comme celles de Chlaeiacu et d"Hpaxasiôat qui marquent bien l'esprit aristocratique du collège 233. Tous ces groupes élèvent des monuments particuliers, font graver des dédicaces et forment dans l'éphébie autant de petites républiques, qui ont leurs caisses à elles et leurs Taµ(at chargés de les administrer 23.. Il faut enfin signaler une catégorie de jeunes gens dont la condition est peu claire pour nous, celle des anciens éphèbes. Dans quelques catalogues antérieurs à notre ère et relatifs aux jeux Théséens, on trouve la mention de concurrents appelés ot iç idiiGwv ou ol fvct 2r~ôoc "5. Ce sont, semble-t-il, des jeunes gens sortis de l'éphébie, qui se sont réunis en association privée pour continuer ensemble la vie éphébique. Des prix spéciaux leur sont réservés dans les concours, et la nature même de l'épreuve à laquelle ils se présentent trahit leur qualité d'éphèbes émérites : ils courent la lampadodromie, la plus estimée des épreuves du collège. Je verrais également d'anciens éphèbes dans les veuvinxot que nomment les mêmes catalogues'°. Eux aussi disputent le prix de la course aux flambeaux. ils se subdivisaient en plusieurs groupes, ayant chacun son gymnase favori. Deux catalogues citent les veav(axot iy Aure(ou 2a7. Ils avaient, sous l'empire, leurs chefs particuliers, qui portaient le titre de veavlaxclpzat "s Peut-être les âvlpe, iy Auxe(ou 230 et, plus tard, les âastpd ntvot 224e formaient-ils encore d'autres corporations se rattachant plus ou moins directement à l'éphébie. Ces exemples d'associations où se perpétuaient les habitudes du collège, étaient naturellement suivis par les tout jeunes gens, par ceux qui aspiraient à devenir éphèbes. C'est ainsi qu'en dehors des élèves du Diogéneion, qui constituent pendant longtemps un groupe séparé, nous rencontrons, au 1" siècle avant notre ère, des µe),),éTr,ein qui se préparent, au Pirée, à entrer dans l'éphébie. Ils sont originaires de différents dèmes et comptent dans leurs rangs des étrangers. Ils consacrent aux Muses la statue ou le buste d'un de leurs maîtres, ce qui indique nettement qu'ils forment une association ayant ses professeurs et ses enseignements propres'''. Telle était, dans ses grandes lignes, l'éphébie athénienne. Institution civique et militaire à l'origine, elle arrive rapidement à n'être plus qu'un jeu, mais ce jeu 80 1 EPli 634 EPF1 est pris très au sérieux par ceux qui s'y livrent et par l'État qui l'encourage et le favorise de tout son pouvoir. H reste, à travers les vicissitudes de la cité, le souci national par excellence ; il tient une place considérable dans les préoccupations du Conseil des Cinq-Cents, de l'Aréopage et de l'assemblée du peuple ; il est régi par de très anciennes lois (uéxoi) dont on s'efforce d'assurer la scrupuleuse observation ; il est l'objet de décrets (lil.?Cey.xrx) qui montrent l'importance qu'y attachent les orateurs 2"; il groupe autour de lui tout un monde de fonctionnaires appartenant aux premières familles et pour qui c'est un honneur d'y être mêlés. Cet intérêt, cette estime qu'on lui témoigne ne sont d'ailleurs nullement l'indice de regrets patriotiques; il faut se garder d'y voir une sorte de retour mélancolique vers le passé. Les Athéniens du temps de l'empire ont pour leur éphéhie autant d'admiration qu'en pouvaient avoir pour la leur les Athéniens du temps de Périclès: c'est ce qu'attestent les pompeux considérants des décrets243. Sous sa forme bâtarde,l'éphébie de l'époque romaine est donc une preuve touchante de l'optimisme athénien, des illusions qu'il garde, des chimères dont il vit : voilà surtout ce qui la rend intéressante; elle l'est encore par le sentiment tout attique qui la domine, par l'enthousiasme qu'on y démèle pour cette jeunesse qui, de tout temps, a fait l'orgueil d'Athènes et sa parure, et que l'orateur Démade appelait poétiquement le (( printemps dupeuple» 211. L' t ILÉBIE HORS D'ATHÈNES. Il y aurait beaucoup à dire sur les collèges d'éphèbes qui existaient en dehors de l'Attique. Nous nous bornerons aux indications essentielles246. Voici les cités grecques dans lesquelles les textes ou les inscriptions nous font connaître des collèges de ce genre. Mégaride : Aegosthène2''6, Mégare'-'''. Péloponnèse ; Argos u , Coroné 2'"9, Pellène 250, Sicyone Sparte 202, Thérapné(?)253, Thouria2J«. Béotie : Acraiphia 255 Copées256, Hyettos 257, Khorseia258, Lébadée 289, Orchomène 250, Platées'61, Thèbes262 Thespies 263 Locride Opontienne : Narvce Eubée : Érétrie2u5p Thessalie : Phères3e( Macédoine et Thrace : Berrhée 267, Byzantion 268, Callipolis269, Celétron 2'0, Derriopos27i, Édessa2'2, Odessos 273 Périnthe"1, Philippopolis 211`, Sestos lie, Theesslonique277. lies : Chios278, Chypre170, Corcyre092, Cos2ti, Délos28z, [caria 283 Naxos", Paros 285 Rhodes 285 Samos 78 Ténos 288 Théra 289. Asie Mineure : Acmonia Aphrodisias 20i, Assos 2`", Bérytos 293, Byblos'°'", Cibyra29", ColosséesL35, Cymé'07, Cyzique 298'?), Daia 299, Éphèse 300 Halicarnasse 3°1, Ilium novum 302, Lampsaque 302, Métropolis 301, Pergame", Afrique : Cyrène". Sicile : Céphaloidion 313 , Haluntium 31 « , Noituln Phintias 2f0, Soltiutum J17, Tauroménion 318 Gaule : Marseille 3f°. Ce catalogue, qui n'a pas la prétention dêtre complet, montre combien l'ephébie était générale 32°. Les plus petites villes, comme les plus grandes, avaient leur collège, dans lequel les jeunes gens étaient enrégimentés pendant un certain temps, sous la surveillance immédiate de l'État. Par malheur, les documents qui nous renseignent sur ces différentes éphébies ne remontent pas, semble-t-il, au delà de la seconde moitié du ne siècle avant notre ère; les plus récents descendent jusqu'à la fin du me siècle après J.-C. 321. On serait tenté d'en conclure que le grand éclat de l'éphéhie athénienne n'a point été étranger à l'éclosion de toutes ces éphébies locales. Il est hors de doute que, sur plusieurs, son influence s'est fait sentir; il ne faudrait pas, cependant, l'exagérer. La diversité même des pays où l'on constate l'existence de pareils collèges, leur éloignement d'Athènes, la physionomie souvent très particulière qu'y prennent les règlements éphébiques, sont autant de preuves que nous avons affaire à une institution qui est dans le sang de la race grecque et qui n'a EPH --635 --EPH besoin, pour naître et se développer. d'aucun modèle, L'âge fixé, dans les divers États, pour devenir éphèbe, tuait variable. `sous atons là-dessus peu de lumières. Mais ce que nous savons, cest que partout les éphèbes passaient par la èoxiuaa(p. Cela résulte des formules que donnent certains marbres. (Y vxp'Os;r;,ç Eiç eoù; io, ou;,'•iton en tête de plusieurs listes 312. Les formalités de cette foxiua,(æ nous échappent. Nous ignorons de même si, dans toutes les cités, le stage éphébique durait le m'ente temps. tin a cru pouvoir établir que sa durée ordinaire était de deux années 323.I1 y avait des exceptions : à Chios, les éphèbes étaient répartis dans trois classes, vioiraoot, la.€sot et rtcz àd ipt 4v,6ot32h; l'éphébie, selon toute apparence, comprenait donc trois ans de stage. Elle n'avait pas partout le même caractère. Bien que partout destinée à former des soldats, ii y avait des villes où elle faisait la place beaucoup plus grande à la gymnastique qu'aux exercices proprement militaires. Dans d'autres, en revanche, elle semble avoir gardé une conscience plus nette du veritable but auquel elle devait tendre. En Béotie, par exemple, elle était purement guerrière, comme l'indiq'ient les catalogues trouvés cà et là, notamment sur l'emplacement de la petite cité d'Hvettos. Ces catalogues contiennent les noms des jeunes gens qui ont achevé leur stage en qualité d'éphèbes et qui entrent dans le corps des peitophores 323. Leur âge est spécifié : ils ont vingt ans (pixartpExteç) u Pour être ainsi admis dans les rangs de l'armée, il faut qu'ils y aient été préparés par leur éducation antérieure, C'est pendant la période éphébique qu'a dé. se faire cette préparation. D'autres, ailleurs, sont versés dans les hoplites, ou, selon l'expression plus vague de quelques marbres. dans les a327. Les fonctionnaires attachés aux différentes éphébies grecques portent souvent le même norn que les fonctionnaires athéniens. Le pédotribe, le SiSâaxaaoç (?), le greffier, l'Ÿiyst,tu'JV, figurent sur des marbres de diverses provenances 3aa, D'autres ont des noms spéciaux; tels sont les ((8uoi ou 3(fmi de Sparte, qui semblent avoir joué un rôle analogue à celui des sophronistes d'Athènes, mais qui possédaient, en outre, certaines attributions religieuses riméor?3'-9; le 7r:A%ittrroaéàa, dont les fonctions paraissent avoir été assez humbles 339 ; le gymnasiarque, grand personnage, qui avait, dans beaucoup de villes, une autorité considérable sur la jeunesse; le pédonome, qui partageait quelquefois avec lui ta direction des éphèbes'. Quelques titres, comme ccpyf ,gon, étrgapoç, Lit' t'igsp7o„ se rapportent plutôt, selon toute vraisemblance, aux éphèbes eux-mêmes qu'aux magistrats chargés de veiller sur eux ou de les instruire 3aaComme à Athènes, les éphèbes formaient, dans un grand nombre de cités, des associations amicales désignées par ies mots ?C).ot, auarrac, etc. Ils aimaient à se décorer ou à décorer leurs camarades d'appellations pompeuses. Un éphèbe spartiate est surnommé par ses condisciples « nouvel Hermès e (vL; `Epp.e(aç)333; le même 322 Collignen, gpend. n. 3. 323 1d. Ibid. p 31. 321 Corp. ins^r•. gr. 327 Corp. insor. gr. 4574; Le Sas et i'oucart, 34 a, 34 b. 32' Coilignon, Op. c. 334 Ibid. 14 p. 110 et s. 332 Coilignon, Op. c. p. 49 et s. 333 Le Bas et ittenberger, 349r. Cf. Scheider. Be robas L'eioe,m. Leipeig 1882, p, 66 et e. marbre qualifie les jeunes gens de -;«`UE.7 n,i acs' c)EV,po(, xoaTEpol aov€ssiPooi. Ce dernier ternie, si fréquent dans les inscriptions attiques, ne se rencontre d'ailleurs nulle part à l'étranger en dehors de Sparte. L'éducation éphébique, dans les États autres qu'Albe-= i1„ avait de grandes ressemblances avec celle que recevaient les éphèbes athéniens. Elle était, comme cellei, religieuse par certains côtés, c'est-à-dire qu'elle faisait aux jeunes gens leur place dans les cultes de la cité ; elle comprenait, de plus, des exercices gymnastiques et 'unitaires, et des exercices littéraires et musicaux. Les premiers ne différaient guère de ceux qu'on pratiquait à Athènes : on y remarque la Oopeoyu'»u, ou le combat avec le bouclier long, Cette épreuve était particulièrement en usage à Samos". Les épreuves littéraires et musicale, étaient très variées, notamment à Chios et à Téos336. Dans cette dernière ville, les éphèbes formaient trois classes, comme à Chios. Les exercices de la première classe sont désignés par les mots ûtrogoàvç âvza7 ômatç, vl°fvtrfaiç ; Ceux de la seconde, par f' c' sài âvâvvtoat;, i oauuaQ(a, a ypapiz ; ceux de la classe inférieure, par broeo)u . âvzyvmatç, xrcMq'pa'(e, '4u)u.é,, vitoptrssnbç, xitaçyoilu, (35 ouypaa(a, xnuwô(a, 'rpa'(i (a, ueXoypsy(x ais. Malgré les travaux dont a été l'objet cette éducation gymnastique et littéraire en dehors d'Athènes, une étude reste à faire sur la façon dont elle était comprise et, les différentes formes qu'elle revêtait suivant les lieux. I1 convient d'ajouter que, dans un grand nombre de cités, on trouve, à côté des éphèbes, des associations de jeunes gens appelés aeoi, qui ne se confondent pas avec euxa37. Il y a interne des États qui semblent n'avoir connu que les vioc, mais on ne saurait douter qu'ils n'aient aussi possédé un collège éphébique, les véot étant, selon toute probabilité, d'anciens éphèbes, analogues aux 'bu â.?yfsi d'Athènes, et leur existence, partout où on la note, supposant celle de 1 éphébie 238 Ces vési formaient des corporations ayant leurs statuts, leur organisation intérieure, Il existait à Pergame une ('ou),-ii et un ôx,lcoç des véot 339. Ils correspondaient avec l'empereur et lui envoyaient des délégations3''9. Un sénatus-consulte du temps d'Antonin le Pieux confirme, en tant; qu'association, l'existence des véot de Cyzique 341 Les v:'at avaient leurs fonctionnaires à eux, un greffier, un épimélète, un épyeatatâ°i; ou surveillant des travaux, quand le collège avait voté, en l'honneur d'un bienfaiteur, l'érection d'une statue ou d'un monument'. Ils avaient évidemment leur caisse spéciale. On voit, par ces détails, quelle était leur importance : si le problème de l`éphébie est intéressant, parce qu'il n'est autre chose, au fond, qu'un côté du problème de l'éducation chez les anciens, celui des ofot ne l'est pas moins par les rapports qu'il a avec la grave question du droit d'association dans l'antiquité. Les relations des vfot avec les éphèbes étaient fréquentes. Dans certaines ailles, les deux collèges paraissent avoir été soumis à l'autorité du gymnasiarquei'33. Les 334 Sur le sens de ces termes, v. Boeckh, laser, gr. ad tit. 3088. Il n'est pas certain que tous les exercices qu'ils désignent aient été pratiqués par les Il faudrait, d'après cela. ajouter aux villes qui possédaient réphéhie, Érvthrées, Magnésie d'Ionie, Mastauro, Nysa, 5eeès, Thvatire, Tralles. Les collèges de vOs, semblent avoir particulièrement fleuri en Orient. 330 Hernies, 18'3, p. 44, n. 14. -. 3033 Ibid. 1873, n. 14 (fisttenherger, Sylloe', 283». Cf. Beurlier, Essai sur le culte rendu aux empereiar'7 romains, p. 259. -3'iI Epherr. epigr, 1877, p. 438 et s. .42 Cetiigru, Op. c. p. 141. 343 14, Ibid. p. 143. EPH -636 EPH véat prenaient part, comme les éphèbes, aux concours organisés par les cités. On trouve rarement, dans les inscriptions qui les concernent, la mention d'exercices militaires. Leurs travaux littéraires et musicaux nous sont de même très mal connus. Nous savons, cependant, qu'ils cultivaient la poésie et les lettres'". Il est difficile de dire si les titres variés que nous voyons prendre à des associations du même genre sont l'indice de différences sensibles avec les collèges de vioc. Certains groupes, par exemple, portaient le nom de veavkxot'". D'autres sont désignés par les mots ol zx Toü ietAoyuµvacrai qui décernaient des récompenses aux personnes qui avaient bien mérité d'eux''''. Nous avons constaté, dès le me siècle, à Athènes, l'existence de groupes analogues. Il n'est pas aisé d'en déterminer le caractère, mais ce qui résulte de tout cela, c'est le goût universel de la jeunesse grecque pour la vie en commun. Que l'association soit obligatoire ou libre, que l'État y intervienne ou qu'il la laisse se gouverner à sa guise, elle naît comme d'elle-même dans toutes les cités; partout les jeunes gens se rapprochent pour célébrer ensemble certaines fêtes, pour se livrer aux plaisirs de la gymnastique, de la musique, de la littérature. Peu de faits font mieux comprendre l'esprit de sociabilité qui animait la race hellénique et le beau sens qui se cache sous ce mot de « philanthropie », que ses écrivains aiment à employer. P. GIRARD.