Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article EPHEBOS

EPHEBOS. Nom de vase [ARYSTICHOS]. jeu, qui éveille l'idée d'une personne portée sur le dos d'une autre, suffit à en faire deviner la nature. Le texte le plus explicite à cet égard est celui de Pollux 2 : « On place une pierre debout à une certaine distance et on essaye de la renverser en la visant avec des balles ou d'autres pierres ; celui qui ne réussit pas porte sur son dos celui qui touche le but; ce dernier lui couvre les yeux de ses mains et il faut que le vaincu marche ainsi en portant le vainqueur jusqu'à ce qu'il arrive en tâtonnant à la pierre qui est appelée la pierre limite (Siopoç). » Hésychius` nous apprend que le vaincu porte le vainqueur sur ses mains ramenées derrière son dos ; il ajoute que les Attiques donnent à ce jeu le nom d'enkotylé (iv xoté)ss) et que celui qui est porté par l'autre s'appelle ephedrister'. Le nom d'enkotylé s'explique par le sens primitif du mot xo,ihss , qui signifie entr'autres le creux de la main 5. Hésychius, à l'article iv xoTUAlq, dit que le porteur ramène ses mains derrière son dos et que celui qui est porté y appuie ses genoux r. Le jeu de l'encotylé est aussi mentionné par Apollodore cité par Athénée' : « On appelle enkotylé, dit-il, un certain jeu où les vaincus reçoivent les genoux des vainqueurs sur le creux de leurs mains et les portent dans cette attitude. » Eustathe t dit en outre que le porteur place ses mains derrière son dos en entrelaçant ses doigts et qu'ensuite celui qui a été porté prend à son tour son partenaire sur son dos :' c'est en cela, dit-il, que consiste le jeu de l'encotylé. Ailleurs 9 il donne une explication analogue qu'il rapporte à Pausanias le lexicographe, puis il copie le passage d'Athénée relatif à l'encotylé sans citer la source. Dans aucun de ces textes, il n'est fait mention de la pierre limite (âopoç), que nomme Pollux, et Eustathe a certainement en vue une autre variante du jeu que Pollux lorsqu'il dit que chacun est tour à tour porté et porteurY0. On a voulu conclure de là" que l'iic l isp s et l'iv xoréXe étaient deux jeux différents et l'on s'est appuyé aussi sur le passage de Pollux qui fait suite à celui que nous avons cité, où le lexicographe s'exprime ainsi 12 : « Voici en quoi consiste l'encotylé. L'un des joueurs ramène ses mains derrière son dos et les croise ; l'autre, s'agenouillant sur les mains du premier, presse ses deux mains sur les yeux de celui qui le porte. On appelle aussi ce jeu nippas et kybésis n. » Comme, dans ce passage, Pollux ne dit pas que l'encotylé soit identique à l'éphédrismos, alors qu'il cite d'autres désignations synonymes du même jeu, on a été conduit à penser qu'Hésychius avait fait erreur en disant que l'encotylé est le nom attique de l'éphédrismos. La différence entre les deux jeux serait celle-ci : dans l'encotylé, le fait de porter son partenaire ou d'être porté par lui constituerait seul le jeu, tandis que dans l'éphédrismos cet amusement ou cette peine n'est que la sanction de l'adresse ou de la maladresse dans un jeu de boules. On a fait valoir aussi que les textes relatifs à l'encotylé mentionnent seuls le fait que les genoux de la personne portée reposent sur les mains du porteur et l'on a conclu de là que, dans l'éphédrismos, la position de la première était plutôt celle du cavalier, les jambes passées sur les épaules de la seconde. Ce sont là de véritables arguties. L'encotylé et l'éphédrismos désignent le même jeu : toute la différence, c'est que l'expression attique se rapporte à celui qui porte et l'autre à celui qui est porté. Il est évident que le motif de l'éphédrismos une fois introduit dans les divertissements de la jeunesse, il a pu en être fait mille applications différentes ; la combinaison de l'éphédrismos avec un jeu d'adresse devait tout naturellement se présenterli. L'erreur de Pollux s'explique facilement si l'on réfléchit que ce lexicographe puisait à des sources très diverses et qu'il devait souvent être tenté de juxtaposer des témoignages identiques en substance, sans soupçonner qu'il se répétait. Les historiens anciens ayant commis de pareilles erreurs, il serait singulier que les faiseurs de lexiques y eussent échappé 16. Le jeu de l'éphédrismos est très nettement figuré sur une oenochoé attique aujourd'hui au musée de Berlin (fig. 2683)". On voit à terre une pierre qui représente sans doute le but à atteindre et une autre pierre qui a été jetée par un des joueurs; à droite, un jeune homme accroupi surveille la scène; à gauche, un jeune homme croise ses mains sur les yeux de celui qui le porte et qui est au moment d'atteindre la pierre qui marquera le terme de sa corvée. Le porteur jette en avant son pied gauche, pour tâter le terrain et reconnaître la pierre Sttipos ; un pas de plus et il l'aura rencontrée. C'est là une illustration aussi exacte que spirituelle du texte de Pollux f4. Une scène analogue, mais où les personnages paraissent être un Satyre et deux Ménades, se voit sur une peinture de Pompei u. Là où le cavalier ne cache pas avec ses mains les yeux de son porteur, il n'y a pas, à proprement parler, d'encotylé ni d'éphédrismos, mais il est facile de comprendre que ce détail du jeu n'était pas essentiel et que, la conception première une fois admise, elle a pu, comme nous le disions plus haut, subir de nombreuses variantes nées de l'esprit inventif des enfants. Hésychius cite encore un jeu nommé Éyxpt.xSsta 19 dans lequel les enfants se portaient l'un l'autre et qu'il paraît identifier d'une part à l'ilu.ptaµdc 2Ô, de l'autre à l'ir.7râç 21, alors que Pollux u fait de l'î7rirâç un synonyme de l'ev xo'n ).rl. On peut choisir à volonté entre ces différents noms pour désigner les groupes dont il nous reste à nous occuper. Parmi les terres cuites de l'Italie méridionale, de la Cyrénaïque, de la Grèce propre et de Myrina, les archéologues ont signalé de nombreuses variantes d'un groupe qui représente généralement une femme en portant une autre sur son dos 23. Le costume féminin et le souci des convenances imposent nécessairement à celle-ci une attitude un peu différente de celle des éphèbes èr,oSptc:7ipaç. D'autres fois, mais, plus rarement, c'est une femme qui porte un Éros 2i, un Silène qui porte une jeune fille 25, Héraclès qui porte Omphale 20, etc. Dans deux groupes, au Louvre et à Saint-Pétersbourg27 (fig. 2684), la jeune fille portée tient une balle, qui a été prise aussi pour une grenade ; dans un autre, appartenant à un amateur anglais, mais dont on peut suspecter l'authenticité, le même personnage tient un canthare28. Aucun exemplaire ànous connu de ces groupes ne montre la femme portée croisant les mains sur les yeux de celle qui la porte. M. Heuzey a émis l'hypothèse 2q, reprise depuis par M. Froehner 3°, que ces groupes avaient pour prototype une composition en bronze de Praxitèle mentionnée par Pline dans la phrase obscure [fecit] Proserpinae raptum item catagusam 37. Il a pensé que la catagusa désignait un groupe où Déméter ramenait, ou plutôt rapportait des enfers sa fille Coré u. O. Rayet, au contraire, voit dans ce groupe souvent figuré par les coroplastes une simple scène de genre, sans prototype dans la grande sculpture", où il reconnaît après d'autres" l'encotylé. « Sur ce point, d'ailleurs, ni la nature humaine ni les usages n'ont changé; l'BroSptcp.dc s'est conservé comme punition du perdant chez les gamins de la Grèce moderne et je l'ai moi-même vu pratiquer dans les rues d Athènes'°. Quant aux courses à califourchon sut' le dos les uns des autres, quel est celui de nous qui ne se rappelle en avoir fait dans Fig. 2684. L'éphédrismos. son enfance3t? » Rayet conclut Groupe deTanagre. que « nos groupes de terre cuite représentent donc tout bonnement des scènes d'E~_.ptc Que ces groupes représentent des scènes de ce genre, des scènes familières, c'est ce qui paraît incontestable; mais on peut toujours se demander si leur prototype n'est pas une oeuvre de la grande sculpture, exactement comme le groupe de Léda avec le cygne, par exemple, est graduellement devenu, tant sur les vases que dans les terres cuites, une scène de genre sans prétentions mythologiques. La question ainsi posée, il est impossible de la résoudre ou de lui opposer une fin de non-recevoir; cependant la non-existence, dans nos musées, de répliques du même sujet traitées en marbre ou en bronze n'est pas favorable à la thèse qu'O. Rayet a combattue. Des groupes composés d'un personnage portant l'autre paraissent assez souvent sur les vases peints et d'autres E Pli 638 EPH monuments"«Mg 2683), niais on peut tout au plus y reconnaître comme un reflet du jeu familier de l'éphédrisn,os, toutes les fois que les personnages représentés appartiennent an cycle mythologique. Ces groupes viennent, dans une certaine mesure, à l'appui de l'hypothèse de \E Heuzey, en montrant qu'une attitude qui nous parait enfantine ou bouffonne, contraire à la majesté divine, a fort bien pu titre prêtée par l'art antique aux dieux et aux déesses de la Fable. S. REINAcx. niens à une forme de procédure criminelle qui paraît n'avoir été qu'une variété de 1'APAGOGÉ. Nous avons fort peu de renseignements sur cette action'. L'accusateur qui ne peut exercer lui-même l'«axyoty'e amène le magistrat au lieu du crime pour faire arrêter le coupable. Cette procédure est donc sans doute possible dans les mêmes cas que l'â°tu y a r a ; dans un discours de Démosthène', elle s'exerce pour un vol ; les grammairiens' l'appliquent contre ceux qui ont reçu des bannis revenus illégalement dans l'Attique, contre ceux qui possèdent en secret des biens de l'État. Dans un discours de Lysias il y a une procédure analogue à celle de l'E~~yrcts pour faire constater la destruction illégale d'un pied d'olivier ; mais c'est plutôt un genre particulier de méats. Sauf la différence dans le début de l'action, l' sé'piat, ressemble EPIIEME[tIS ('Czluepis). Livre dans lequel sont con signés les événements de chaque jour. Cette définition, purement étymologique, est celle de Suidas'. Aulu-Gelle ce donne une autre, plus explicative : écrire l'histoire, non par années, mais par jour, c'est faire ce que les Grecs appellent Ée7,uspis 2. Parmi les éfrvr.gpièe; des Grecs, celle qui est le plus souvent mentionnée par les auteurs est l'éc•riuepf; d'Alexandre le Grand, rédigée par son secrétaire Eumène de Cardium et par Diodote d'l rythrée'. Des extraits transmis par les auteurs qui y ont puisé on peut conclure que toutes les actions d'Alexandre, même les moins importantes, même les journées pendant lesquelles il dore niait après avoir bu, y étaient soigneusement notées'. Le mot grec ne passa pas tout de suite dans la langue des Romains. Aulu-Gelle en donne la traduction latine, diarium, d'après l'historien Sempronius Asellio G. Plus iard, le mot ephemeri,o fut employé par les auteurs romains avec des sens différents que nous allons examiner successivement : 1. Registres où étaient consignés les actes des empereurs. A la fin de la vie de Gallien, Trebellius Pollio renvoie aux éphémérides de cet empereur, rédigées par Palfurius Suva, les lecteurs curieux d'un récit plus détaillé Au début de sa Vie d'Aurélien, Flavius Vopiscus remercie le préfet de Rome, Junius Tiberanius, d'avoir mis à sa disposition les éphémérides d'Aurélien qui faisaient partie des libri lintei in quibus ipse (Aurelianus) quanti(band sua scribi praeceperat 7. Ces livres, avec la bibliothèque Ulpia, on ils étaient conservés', avaient été récemment transportés dans les Thermes de Dioclétien'. Le même auteur se servit, pour écrire la vie de l'empereur Probus, des éphémérides rédigées par Turdulus Gallicanus 10. Ces livres étaient, au moins en partie, analogues aux livres désignés, à une époque plus ancienne, sous le nom de Commentarii principales, Coin 3, t. 1, p. 1404-14031. Nous connaissons, par une inscription'', un affranchi de l'empereur Sévère Alexandre, qui a exercé les fonctions de procurator ab ephemeride. C'était un employé, probablement le chef de cette section du secrétariat impérial. Il est probable qu'on rédigeait aussi., sans s'attacher à l'histoire d'un seul personnage, des éphémérides contenant les événements de quelque importance. Vopiscus écrit 12 qu'il a lu dans une éphéméride que Cartis, né à Milan, avait obtenu, par privilège, le droit de cité à Aquilée. L'expression in ephemeride quadam, employée par l'auteur, donne à penser, en effet, qu'il ne s'agit pas ici d'une éphéméride spécialement consacrée à l'histoire de cet empereur. Journal privé, rédigé par des particuliers, soit pour leur usage personnel'', soit pour tenir leurs amis au courant des événements qui pouvaient les intéresser". Cicéron appelle ieepoAeyddv, mot synonyme d'iusue pf;, un journal qu'il avait rédigé pour Atticus'". Pendant le repas de Trimatchion, l'esclave chargé de la rédaction des éphémérides du riche parvenu en lit un fragment devant les convives 1fi. Dans ce sens, le mot ephemeris est synonyme de COMMENTARIUM, COMMENT TARIUS (t. 1, p. 1401, § 1111. Livre de compte sur lequel on marquait la recette et la dépense de chaque jour]'. Pris dans ce sens, ephemeris est synonyme des mots : codex18, codices 19, codex accepté et expensi 20, kalendarium 21, quotidianum diurnunt 22, tabulae", tabulae accepti2°, tabulae accepti et expensi23• Les brouillons de ces livres étaient appelés adversaria 2s Livre rédigé chaque jour dans un but pratique, et destiné à indiquer, pourles années suivantes, ce qui doit être fait aux époques correspondantes ; c'est ce que nous appelons un coutumier. Dans les Feolaovtr. il est recommandé aux agriculteurs de tenir avec soin ces éphémérides 27. Recueils de pronostics basés sur des observations journalières et dont le but était de permettre aux marins ou aux agriculteurs de prévoir le temps. Quand Pompée partit pour l'Espagne, Terentius Varron lui remit un livre d'éphémérides de ce genre 2fl que Nonius appelle ephemeris navales 2° et Végèce libri navales". Terentius Varron composa aussi, pour les agriculteurs, un recueil de pronostics qu'on appela ephemeris rustica"". C'est dans le même sens qu'un auteur ancien a écrit que, dans sa dernière partie, le premier livre des Géorgiques de Virgile est ephemericus 32. Enfin on donnait le nom d'ephemeris mathematica à des observations astronomiques 33. H. THÉDENAT.